Au nom du groupe MoDem, je veux vous remercier pour vos mots de sympathie et d'accompagnement prononcés à l'égard de Marielle de Sarnez, auxquels bien évidement je me joins. Je pense qu'il ne faut pas se voiler la face, ce projet de loi revêt avant tout une dimension symbolique. Mais ce texte est aussi et surtout de nature à ouvrir une refondation profonde de notre histoire et de nos rapports avec les pays auxquels nous lie un passé colonial. Félicitons-nous aussi du chemin parcouru en quelques années sous l'impulsion du président de la République. Nous nous souvenons que Jean-Marc Ayrault, alors ministre des affaires étrangères, avait balayé les demandes de restitution formulées par le Bénin en 2016, en se réfugiant derrière la complexité des règles du code civil et du code du patrimoine. Vous avez cité à plusieurs reprises le discours de Ouagadougou de 2017 du président de la République lors duquel il avait déclaré que le patrimoine africain devait être mis en valeur à Paris, mais aussi à Dakar, à Lagos, à Cotonou, et que d'ici cinq ans, les conditions devaient être réunies afin de permettre des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain. Il faut donc reconnaitre, je veux ici le souligner, un courage politique inédit du président de la République qui transparaît dans virage radical opéré lors de son discours.
De fait, ce texte n'apporte qu'une réponse immédiate, ponctuelle et très partielle à l'ambition du président et ce texte ne répond pas à ce stade à l'ambition exprimée, et que je partage. C'est la raison pour laquelle nous appelons non seulement à son adoption mais surtout à amplifier ce mouvement et à le rendre beaucoup plus ambitieux. Devra-t-on répéter à chaque fois ce mécanisme en écrivant et en votant un nouveau texte de loi ? Ce texte nous invite en effet à réfléchir à une loi cadre qui initierait une réforme du régime juridique de la restitution afin de le rendre plus lisible, plus fluide, et moins dépendant des aléas et des volontés politiques. Ce serait là la première pierre de la coopération nouvelle que nous appelons de nos vœux. C'est ainsi que nous pourrons répondre aux questions que pose ce texte au sujet du renforcement des musées africains, de la formation des conservateurs et des restaurateurs, de la facilitation des prêts, de la circulation et du dialogue de musée à musée, etc. Nous devons dépasser la notion de restitution pour fonder une politique partenariale sincère et équitable construite sur une confiance réciproque avec des États et des musées africains.
J'attire enfin votre attention sur l'indispensable suivi des œuvres restituées. Nous voyons les risques qui peuvent exister de perdre la trace de ces œuvres dans des pays soumis parfois à une instabilité politique importante et croissante. Des institutions comme l'UNESCO nous semblent particulièrement adaptées pour ce suivi.
Pour le groupe MoDem il semble urgent et nécessaire que nous nous saisissions de cette question. Nous pouvons le faire au moyen d'une mission dédiée ou d'un groupe de travail transpartisan qui, sur la rédaction d'un texte cadre, établirait une procédure claire et simplifiée pour de futures restitutions. Ce projet de loi aurait dû être l'occasion de poser les jalons d'une nouvelle doctrine de la politique française pour l'Afrique à travers la culture. Une doctrine à l'origine d'une nouvelle ère pour le chapitre, souvent critiquable, de la Françafrique.
Je tiens enfin à rappeler la portée universelle de ces œuvres. Quiconque s'est rendu au musée Jacques Chirac du Quai Branly a pu ressentir la profondeur humaine des objets dont nous parlons. C'est le sens même de la philosophie humaniste qui nous anime depuis des siècles : rendre accessible au plus grand nombre le legs artistique, culturel et spirituel de notre histoire, devenue nos histoires. L'initiative que nous nous apprêtons à voter aujourd'hui est décisive à bien des égards mais elle ne peut rester au stade de l'ébauche. C'est pourquoi nous appelons ici à lui donner sa pleine dimension.