Intervention de Frédérique Dumas

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 14h35
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas :

Au nom du groupe Libertés et Territoires, je souhaite ajouter un message de soutien à madame la présidente Marielle de Sarnez et saluer le travail de celles et ceux qui ont participé à ce rapport. Notre pays possède des collections publiques d'une infinie richesse d'un point de vue historique, artistique et culturel. Elles sont le témoin de notre histoire et de nos échanges avec le monde, nous pouvons être fiers de la protection que notre législation garantit à ces collections publiques, qui démontre la conscience que nous avons de leur caractère précieux comme de leur fragilité. Le Conseil d'État le rappelle à juste titre, les biens culturels des collections publiques des musées de France font l'objet d'une triple protection garantie par la loi : à la fois, au titre de leur qualité d'éléments des collections des musées de France, de leur appartenance au domaine publique mobilier et de leur qualité de trésors nationaux. Dès lors ces biens sont inaliénables, imprescriptibles, insaisissables et leur exportation définitive du territoire est interdite. Depuis 1970 et l'appel du directeur général de L'UNESCO, Amadou-Mahtar M'Bow, pour le retour d'un patrimoine culturel irremplaçable à ses créateurs, un mouvement d'ouverture s'est créé en France et en Europe. La question des restitutions s'est alors posée, cependant les demandes se sont toutes soldées par des refus au nom de cette inaliénabilité. La dernière en date remonte à 2016, à destination du Bénin. Un an plus tard, en 2017, le président de la République a rompu avec cette tradition et a souhaité que toutes les formes possibles de circulation des œuvres soient considérées : des restitutions, des expositions mais aussi des échanges et coopérations. Aujourd'hui, la quasi-totalité du patrimoine matériel de l'Afrique subsaharienne est conservé hors du continent africain. Restituer ces œuvres, ce n'est ni renier le passé, ni se déposséder, c'est au contraire regarder le passé en face et accepter que les annexions patrimoniales aient participé au système colonial. Il faut voir dans la restitution de ces biens culturels une occasion de construire une nouvelle relation entre nos pays, l'opportunité de participer au récit de l'histoire humaine et à sa transmission au-delà de nos frontières afin de rendre à la jeunesse africaine son droit au patrimoine. Enfin, restituer ces biens ne signifie pas ouvrir la voie à une jurisprudence qui nous contraindrait à replacer chaque objet dans son environnement géoculturel d'origine. Cet argument revient à nier la longue histoire des circulations entre l'Europe et l'Afrique, y compris au travers des coopérations muséales. Il est essentiel que des objets du patrimoine africain demeurent dans nos musées comme il est important également que d'autres cultures soient représentées dans les collections africaines. Ainsi, le mouvement de restitution des collections africaines et extra-européennes doit être progressif et s'accompagner d'un immense et rigoureux travail sur leur provenance, leurs conditions d'acquisition et le projet attaché derrière leur restitution. Pour toutes ces raisons, notre groupe salue l'objectif de ce projet de loi, qui intervient pour mettre en œuvre des engagements pris par la France dans le cadre de la politique de coopération culturelle qu'elle conduit avec les Etats africains. Pour ceux qui s'en inquièteraient, nous insistons sur le fait que la République du Bénin et la République du Sénégal disposent des moyens appropriés – ou les préparent– pour assurer la conservation future des biens culturels. C'est le cas notamment du projet de musée au Bénin, pour lequel la France apporte son assistance. Par ailleurs, le délai d'un an pour la remise des biens culturels, nous semble tout à fait de nature à assurer la mise en œuvre de coopérations bilatérales permettant de garantir leur conservation à l'issue du transfert. Le groupe Libertés et territoires, souhaite insister néanmoins sur la nécessité d'accompagner chaque transfert d'un accord de coopération culturelle avec le pays demandeur. Cet accord doit prévoir un programme de coopération scientifique et d'accompagnement passant par la conservation des biens culturels, la formation des équipes et le financement. Dans cette perspective, le groupe Libertés et Territoires soutient par ailleurs le recours à un traité international bilatéral ou à une loi-cadre, permettant de répondre à l'ambition annoncée que nous partageons.

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