Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 14h35
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Le prince a parlé à Ouagadougou et a dit qu'il fallait restituer les œuvres d'art aux pays africains. Je parle du prince alors que j'aurais dû dire Sa Majesté. Voilà, cela ne peut pas être l'avenir, nous ne pouvons pas faire la politique de la France seulement à partir des déclarations d'un président de la République. Et même si telle devait être l'impulsion, admettons, nous n'avons eu que trois semaines pour effectuer des auditions, avoir des discussions, ceci dans le but de passer très rapidement au vote, comme si ce débat, soit n'avait pas d'importance parce que le prince avait parlé, soit pouvait poser une multitude de questions que l'on ne veut pas aborder, et dans ce cas-là on va très vite, de manière à éviter le débat dans l'opinion publique. En tout cas, la forme soulève des questions importantes et j'espère que cela ne sera pas toujours comme ça à l'avenir. Tout à l'heure, nous parlions de la liberté guidant le peuple, il faut s'en rappeler, et rappeler que ceux qui agissent au nom du peuple sont les parlementaires et non pas le président de la République, qui fait partie de l'exécutif et doit mettre en œuvre ce que nous décidons ici, et non pas l'inverse. Je referme la parenthèse mais, députés nous sommes et députés nous devons toujours nous souvenir.

Quant au fond, la question de la restitution est évidemment très importante, dans le cadre de la reconnaissance par les anciens pays colonisateurs des pillages qu'ils ont menés sur les sites historiques. Il faut appeler un chat un chat : il y a eu des pillages. La France a accumulé un très grand nombre d'objets de ce type lors de ses expéditions coloniales entre le XIXème et le XXème siècle, en Afrique comme en Asie du Sud-Est. Les musées qui exposent ces objets en France ont des réserves pleines de ces objets, qui ne sont donc jamais exposés. La restitution d'objets culturels est également une question de partage entre des pays qui en sont privés et d'autres qui en ont trop. Vu l'importance des collections muséales en réserve, il est faux de dire que la restitution va vider les musées.

Toutefois, la question de la restitution porte sur la notion de propriété, qui vient en complément de tous les autres sujets qui ont été abordés par mes collègues. Une fois que la France transfèrera ces objets, elle n'aura plus la main sur eux. Or, plusieurs inquiétudes existent et ont fait l'objet de débats à la commission des affaires culturelles et ailleurs. La question notamment de la conservation de ces œuvres dans des conditions optimales – qu'elles soient matérielles ou autres – se pose. Je dis ça pour les pays africains, mais nous ne sommes pas à l'abri. Rappelez-vous l'Arc de Triomphe : même des œuvres chez nous devraient être mieux protégées, il peut se passer n'importe quoi dans n'importe quel pays du monde qui fasse que les œuvres d'art soient des objets à protéger.

Je vais le dire avec mes mots, cela va peut-être vous choquer. Il y a eu une période où dans notre pays on considérait qu'il fallait faire de l'ingérence humanitaire. On s'autorisait même à envoyer l'armée pour effectuer cette ingérence humanitaire, rappelez-vous la Lybie et ses résultats. Je ne voudrais pas que, prétextant l'universalité des œuvres d'art et la propriété du patrimoine mondial, quelqu'un ose user de l'ingérence culturelle pour protéger ces œuvres d'art. Chaque pays est souverain, et lorsque l'on rend une œuvre d'art à un pays, nous devons lui faire confiance. Je ne souhaite pas que l'on insère des clauses directes. Par contre, que la France porte à l'échelle internationale l'idée véhiculée par les différentes conventions internationales sur le trafic d'œuvres d'art, alors qu'elle n'a pas été très bonne en 2002, et accompagne tous les pays en faisant en sorte que les conventions internationales, qu'elle-même n'a pas ratifiées, puissent être ratifiées dans la continuité de notre commission et que l'on franchisse ainsi un pas, alors que les marchands d'art n'ont pas forcément intérêt à ce que la France ratifie ce type de textes.

Les députés communistes vont donc voter ce projet de loi avec toutes ces réserves et cette volonté que notre commission puisse peser à l'avenir sur la ratification de toutes ces conventions sur le trafic d'art.

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