Intervention de Sébastien Nadot

Réunion du mardi 13 octobre 2020 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Nadot :

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit que le budget global du ministère de l'Europe et des affaires étrangères augmentera de 8 %, soit une hausse de 411 millions d'euros, pour s'établir à 5,4 milliards d'euros. Avec 344 millions d'euros supplémentaires, l'aide publique au développement est la principale bénéficiaire des hausses de crédits annoncées. L'effort est appréciable, mais il semble plutôt relever d'un début de rattrapage après plusieurs années d'affaissement de l'outil diplomatique de la France. En matière d'aide publique au développement, la France restera encore en 2021 très en deçà des objectifs des Nations unies et loin derrière l'Allemagne ou le Royaume-Uni.

Plus préoccupant, le groupe Écologie démocratie solidarité ne voit pas d'inflexion stratégique ambitieuse pour la diplomatie française dans ce projet de loi de finances. Où est notre ambition en matière de diplomatie culturelle et d'audiovisuel ? Quelle est notre stratégie en matière de rayonnement de la recherche à l'international, notamment en sciences sociales ? Comment combler notre retard en matière d'aide publique au développement ? À quand la nouvelle loi d'orientation et de programmation relative à la politique française de développement et de solidarité internationale qui nous est promise depuis si longtemps ? En attendant, cette politique budgétaire d'esprit gestionnaire fait écho au sentiment d'un égarement de la politique étrangère de la France depuis plusieurs années.

Au Moyen-Orient, beaucoup de communication – mais pour quelle réussite ? Le récent empiétement français au Liban est dans toutes les têtes – mais pour quel résultat ? Dans le Caucase ou en Biélorussie, des jolis mots – mais quelle crédibilité, quand, d'un côté, on plaint les Arméniens et que, dans le même temps, on autorise les exportations d'armes à hauteur de près de 200 millions d'euros vers l'Azerbaïdjan, leur adversaire ? En Afrique, la France prend le contre-pied du discours d'Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017 ; il faudra bien un jour abandonner la nostalgie de la Françafrique quand il s'agit d'accompagner les élections et les transitions politiques en Guinée, en Côte d'Ivoire, au Mali ou ailleurs. Je pense au Cameroun, dont vous semblez ignorer le drame anglophone et où vous ne condamnez pas le fait que le principal opposant politique, Maurice Kamto, soit actuellement en résidence surveillée. Je pense à la République démocratique du Congo : bien que le rapport du projet Mapping des Nations unies dresse un constat alarmant en matière de droits de l'homme, dans une déclaration au Quai d'Orsay, vous abandonnez les populations à leur sort. Et que dire des pays du Sahel et du rôle qu'y joue la France, si mal perçu qu'il nourrit un puissant sentiment anti-français en Afrique de l'Ouest ?

Les errements de notre diplomatie sur le continent africain s'accompagnent des mauvais comportements d'entreprises françaises à l'étranger, que ce soit le groupe Bolloré au Cameroun ou Total au Yémen ou au Mozambique. Soyons clairs : nous ne rivaliserons pas avec les Chinois ou les Russes sur le terrain de la corruption des élites africaines. La France doit jouer la carte de la responsabilité sociale et environnementale pour ses grandes entreprises, comme elle doit jouer la carte du droit international et de l'accompagnement des sociétés pour son action diplomatique.

Je terminerai néanmoins par une note positive. Cela m'avait échappé à la lecture du PLF, mais je veux saluer le dispositif de mise en œuvre rapide de projets, à la main des ambassadeurs, que vous avez évoqué tout à l'heure, Il y a matière à faire dans le cadre de la diplomatie culturelle, environnementale, éducative ou sanitaire !

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