Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 13 octobre 2020 à 17h30

La réunion

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Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2021.

La séance est ouverte à 17 heures 30.

Présidence de Mme Isabelle Rauch, vice-présidente.

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Nous remercions Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, de revenir devant nous moins d'une semaine après une audition qui nous a permis de faire un large tour d'horizon de la situation internationale, pour nous présenter cette fois les crédits du projet de loi de finances pour 2021 alloués à son ministère.

Je tiens à excuser notre présidente, Marielle de Sarnez, qui ne peut être présente pour des raisons de santé et je lui souhaite, en notre nom à tous, un très bon rétablissement.

Comme chaque année depuis le début de la législature, notre commission a désigné neuf rapporteurs budgétaires pour donner un avis sur les crédits finançant l'action diplomatique de la France et notre présence à l'étranger. Trois d'entre eux ont pour mission d'examiner les programmes pilotés directement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères : il s'agit de Christophe Di Pompeo, pour les programmes 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », et 151, « Français à l'étranger et affaires consulaires », de Frédéric Petit, pour les crédits du programme 185, « Diplomatie culturelle et d'influence », et de Valérie Thomas, pour le programme 209, « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

Pour la première fois depuis vingt ans, les effectifs du ministère seront stabilisés et augmenteront même légèrement en équivalents temps plein. La mission « Action extérieure de l'État » verra ses moyens augmenter, notamment pour renforcer le réseau à l'étranger dans les domaines de la sécurité et de l'immobilier. La direction du numérique disposera de moyens renforcés et les crédits de fonctionnement des ambassades seront augmentés. Conformément à l'engagement du Président de la République, l'aide publique au développement poursuivra sa progression en crédits de paiement – plus 17 % pour le programme 209 –, aussi bien pour la coopération bilatérale que pour la coopération multilatérale. À ce propos, nous souhaiterions connaître le calendrier d'examen du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Notre commission, qui a engagé une réflexion très en amont sur le sujet, vous a transmis ses priorités.

Autre grand sujet d'actualité que nous n'avons pu aborder la semaine dernière : le Brexit et nos futures relations avec le Royaume-Uni. Ces questions ne sont d'ailleurs pas sans lien avec la loi de finances, eu égard au prélèvement européen et à l'évolution des ressources propres pour le financement du plan de relance.

Concernant le Brexit, je dois exprimer les inquiétudes de mes collègues quant aux décisions qui pourraient être prises demain et après-demain par le Conseil européen concernant la pêche, certains États étant prêts à accepter que le Royaume-Uni accorde des droits de pêche dans ses eaux territoriales sur une base annuelle. Pour assurer le suivi de ces négociations, notre commission a créé une mission d'information confiée à Pierre-Henri Dumont et Alexandre Holroyd et constitué un groupe de travail auquel participent l'ensemble des groupes politiques. Dans ce cadre, monsieur le ministre, la présidente Marielle de Sarnez vous avait adressé, en février dernier, les recommandations de notre commission.

Nous aimerions donc vous entendre sur l'ensemble de ces questions.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Mesdames, messieurs les députés, j'ai toujours plaisir à revenir devant vous. À ce propos, je souhaite que nous nous revoyions au début du mois novembre, peu après l'examen du budget de mon ministère en séance publique, d'abord parce que les crises, nombreuses, continuent d'évoluer, ensuite parce que nous serons à un moment crucial du Brexit.

J'adresse tous mes vœux de rétablissement à Mme de Sarnez, votre présidente en titre.

Je dois dire, madame la présidente, que je suis un peu perplexe, car vous avez déjà presque tout dit du budget de mon ministère. En hausse de 3 % en 2020, il augmentera encore de 8 % en 2021, pour atteindre 5,411 milliards d'euros en crédits de paiement, soit 411 millions de plus que l'an dernier.

Il est composé de deux missions : d'une part, la mission « Action extérieure de l'État », dont les crédits, qui s'établissent à 2,93 milliards, bénéficient d'une augmentation non négligeable de 66 millions d'euros ; d'autre part, le programme 209 de la mission « Aide publique au développement », dont l'augmentation est très significative puisqu'elle est de 16 %, soit 344 millions supplémentaires en crédits de paiement.

Je suis donc satisfait de ce budget, qui présente une véritable amélioration, tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif. J'y insiste car, l'an dernier, vous avez été nombreux à exprimer des inquiétudes – fondées, selon moi – sur les moyens dont dispose notre diplomatie pour agir. Grâce au PLF pour 2021, nous nous inscrivons dans une dynamique de renforcement de nos moyens pour rétablir dans la durée, je l'espère, le poids et la force budgétaires indispensables au Quai d'Orsay pour mener à bien les missions qui lui sont confiées.

Ce budget est au service des cinq orientations majeures que j'ai définies pour notre diplomatie : des moyens nouveaux pour donner plus d'efficacité à l'action de la France à l'étranger ; une diplomatie à même de faire face à la brutalisation du monde et des relations internationales en défendant la paix, en pesant sur les règlements des crises et en soutenant le système multilatéral ; des services consulaires renforcés aux côtés de nos compatriotes dans cette période difficile ; un nouvel élan donné à notre diplomatie culturelle afin de mieux défendre nos intérêts, nos valeurs et notre modèle français et de gagner les batailles nouvelles de l'influence ; enfin, un effort soutenu en faveur de l'aide publique au développement.

Première orientation, donc : des moyens nouveaux pour une meilleure efficacité de l'action extérieure de l'État. Moyens humains, tout d'abord : pour la première fois depuis vingt ans, j'y insiste, les effectifs du ministère seront stabilisés. En la matière, l'élément déclencheur a été, me semble-t-il, la mobilisation exemplaire dont nos agents ont fait preuve au moment de la crise sanitaire pour permettre le retour en France des quelque 370 000 Français de passage et apporter un soutien sanitaire, social et éducatif aux communautés françaises à l'étranger. Le dévouement et les compétences irremplaçables dont ils ont fait la démonstration ont contribué à la décision de revenir sur l'orientation initialement prévue et de stabiliser les effectifs du Quai d'Orsay en 2021. Il était en effet urgent d'enrayer l'hémorragie – certains d'entre vous avaient employé le mot « saignée ». J'avais annoncé que je me battrais pour y mettre fin ; si le combat n'est pas gagné définitivement, il l'est en tout cas pour 2021, puisque notre plafond d'emplois sera maintenu à 13 563 équivalents temps plein et notre masse salariale maîtrisée, s'établissant à 990 millions d'euros hors cotisations et hors transfert. C'est une décision salutaire au service de nos priorités.

Je précise que cette masse salariale sera augmentée de quelque 15 millions, en raison notamment de l'intégration dans le projet de budget d'une enveloppe spéciale de 11 millions destinée à couvrir le risque de change et de prix pesant sur les rémunérations des agents du ministère et à garantir ainsi leur pouvoir d'achat face aux fluctuations qui peuvent intervenir en la matière à l'étranger, fluctuations qui sont souvent, pour ce qui est de l'inflation, très supérieures à ce que l'on observe en France. Jusqu'à présent, la prise en compte de ces éléments n'intervenait qu'en fin d'exercice, et nous rencontrions des difficultés parfois assez vives pour bénéficier de la réelle affectation des crédits correspondants. Le dispositif de provisions, qui existait déjà en partie l'année dernière, est désormais conforté, car il a fait la preuve de son efficacité : il permet une plus grande transparence et garantit le pouvoir d'achat de nos agents à l'étranger.

Outre ces 11 millions, les crédits de personnel bénéficient d'une enveloppe supplémentaire de 4,3 millions destinée à financer des mesures essentielles en matière de gestion des ressources humaines. Il s'agit, d'une part, de revaloriser la rémunération des agents de droit local dans certains pays et, d'autre part, d'assurer une plus grande égalité entre agents titulaires et contractuels. Je tenais à souligner cette avancée, car elle est sans précédent.

Cette stabilisation de nos moyens humains s'accompagne d'un renforcement de nos moyens de fonctionnement, en particulier dans trois domaines cruciaux pour l'efficacité de l'action diplomatique : l'immobilier, la sécurité et le numérique. Les crédits des services centraux enregistrent ainsi une forte hausse, de 46 millions d'euros.

S'agissant de l'immobilier, nous allons poursuivre, comme je m'y étais engagé, le réinvestissement dans notre patrimoine, notamment à l'étranger. Vous accordez, je le sais, une grande importance au financement de notre politique immobilière ; j'ai veillé à ce que soient prises en compte les préoccupations, parfaitement fondées me semble-t-il, que vous avez exprimées quant à l'entretien de ce patrimoine exceptionnel. Les moyens alloués à l'entretien des quelque 1 800 biens que compte notre parc immobilier seront donc substantiellement augmentés.

Quant aux modalités de financement de notre politique immobilière, elles seront revues en profondeur afin de sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvions. Le budget immobilier augmentera ainsi de 33 %, pour atteindre 107 millions sur le programme 105. Ces crédits nous permettront de lancer de nouvelles opérations en complément de celles déjà engagées ou reportées. Ces opérations, au nombre de vingt-cinq, porteront notamment sur la rénovation des emprises à Lagos, la rénovation de l'immeuble le Grenoble à Naples, la relocalisation de notre ambassade à Kiev, la rénovation des façades du palais Farnèse, la relocalisation de l'ambassade à Manille, la restructuration de l'institut français à Mexico – nous pourrons en communiquer la liste complète à vos rapporteurs pour avis, s'ils le souhaitent.

Par ailleurs, nous avons durement négocié avec le ministère de l'action et des comptes publics et la direction de l'immobilier de l'État pour bénéficier d'un droit de retour à 100 % du produit des cessions des biens du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sur le compte d'affectation spéciale (CAS) 723. Nos investissements immobiliers bénéficient ainsi de deux sources de financement : le programme 105 et le CAS 723, soit un total de 121,3 millions cette année. C'est une bonne nouvelle : rappelez-vous le débat que nous avions eu il y a deux ans sur la vente des « bijoux de famille ».

La sécurité des postes à l'étranger est l'une de mes principales préoccupations depuis que j'occupe mes fonctions. Je vous confirme que le plan quadriennal de sécurisation de nos ambassades et des lycées français sera finalement achevé en 2021, en raison de l'impact de la crise du covid sur notre plan de charge en 2020. À ce jour, 100 % des emprises dans les pays en crise ont été renforcées, 93 % d'entre elles l'ont été dans les pays soumis à une menace terroriste prégnante et 82 % dans les pays en proie à des instabilités politiques, sociales ou criminelles. Les crédits que nous venons de recevoir de la direction de l'immobilier de l'État et le rebasage de la subvention que nous verserons à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) en 2021 nous permettront de finaliser l'ensemble de ces travaux. Les crédits consacrés à la sécurité augmenteront de 7,4 millions en 2021.

Enfin, face aux défis mis en lumière par la crise sanitaire, le ministère investira l'an prochain 9 millions supplémentaires dans la numérisation de ses activités pour porter le budget total à près de 50 millions d'euros, soit une augmentation de 22 %. Ce renforcement répond à un triple besoin. Un besoin de sécurité, d'abord, car notre ministère est l'un des sites ministériels les plus exposés aux attaques en raison de la nature même de son réseau informatique. Un besoin technique, ensuite : il est urgent de renforcer nos outils de mobilité et de communication dont j'ai constaté l'insuffisance durant la crise – nous allons ainsi doter nos agents d'ordinateurs portables dits Itineo, qui permettent le télétravail. Un besoin de modernisation du service que nous rendons à nos usagers, enfin : il s'agit notamment de simplifier les démarches administratives des Français ; j'y reviendrai.

Nous avons ainsi conçu un plan pluriannuel doté de 13 millions en autorisations d'engagement pour acquérir des outils de mobilité supplémentaires, sécuriser davantage le flux de données, moderniser notre réseau informatique et développer de nouvelles applications.

Deuxième orientation : la poursuite de notre engagement en faveur de la préservation de la paix, du règlement des crises et de la défense du multilatéralisme.

Nous consacrerons les deux tiers des crédits du programme 105, soit 718 millions, aux contributions européennes et internationales obligatoires de la France. Les secondes s'élèveront ainsi, l'an prochain, à près de 673 millions, dont plus des trois quarts sont versés à l'Organisation des Nations unies (ONU), opérations de maintien de la paix, qui représentent 294 millions, incluses. Cependant, le renforcement de l'euro face au dollar nous permet de dégager une marge de 16 millions, que nous utiliserons pour marquer notre soutien aux organisations internationales œuvrant pour la paix et la sécurité internationale, en l'espèce l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) et le Fonds pour la consolidation de la paix, qui intervient au nom de l'ONU lors des phases transitoires qui suivent la fin d'une situation conflictuelle. Il s'agit là de nos fondamentaux. Nous occupons une place importante aux Nations unies, dont le département des opérations de paix est dirigé par l'un de nos compatriotes, et la non-prolifération nucléaire et chimique a besoin d'un soutien significatif.

Troisième priorité : le renforcement de notre action consulaire.

Certes, le budget de l'action consulaire au service des Français résidant à l'étranger, qui relève du programme 151, reste stable, à 136 millions. Mais cette stabilité masque l'important effort financier engagé en 2020 pour répondre aux conséquences économiques et sociales de la crise pour les Français de l'étranger. En effet, 200 millions additionnels ont été débloqués, grâce au Parlement, fin juillet pour apporter à nos compatriotes de l'étranger un appui social et éducatif. Cet appui a pris la forme, sur le programme 151, d'un secours de solidarité doté de 50 millions et d'un renforcement des bourses scolaires pour un montant identique, sur le programme 185, d'une aide exceptionnelle de 50 millions de subventions supplémentaires pour aider les familles qui ont fait le choix de l'enseignement français à l'étranger et, sur le programme 823, de 50 millions additionnels sous la forme d'avances de France Trésor destinées à aider nos établissements. Ces crédits sont en cours de consommation, sachant qu'une partie d'entre eux ont vocation à être reportés sur 2021 dans la mesure ils ont été surtout mobilisés au moment de la rentrée.

Les moyens de l'aide sociale seront, quant à eux, renforcés de 17 % en 2021, pour atteindre 20 millions, afin de continuer à apporter tout le soutien nécessaire aux communautés françaises à l'étranger et de répondre aux incertitudes économiques exacerbées par la crise sanitaire qui pèsent sur leur quotidien. Nous allons nous battre pour que soit garanti le report en 2021 d'une partie des crédits obtenus en 2020 pour l'année scolaire 2020-2021, en veillant à ce qu'ils ne fassent pas l'objet de prélèvements qui ne seraient pas conformes à leur destination – mais nous pouvons compter sur la vigilance de vos rapporteurs pour avis.

Le budget pour 2021 permettra également de poursuivre la modernisation de notre action consulaire. Plus de 4 millions seront ainsi dédiés à des projets emblématiques tels que le vote par internet, qui se concrétisera avec les élections consulaires de mai 2021 ; la mise en place du service France consul@ire, centre de réponse téléphonique et courriel unique dont l'expérimentation, initialement prévue en 2020, a dû être reportée d'un an ; le registre des actes de l'état civil électronique (RECE), dont la première phase débutera début 2021 – cet outil sera très utile pour tous nos compatriotes, qu'ils vivent à l'étranger ou sur le territoire national, et l'antenne du ministère située à Nantes va devenir en quelque sorte la première mairie de France pour tout ce qui regarde l'état civil. Quant au développement du projet France-Visas, qui relève du budget du ministère de l'intérieur, il sera poursuivi avec un objectif d'achèvement en 2022.

Quatrième orientation : la diplomatie d'influence.

Dans le contexte d'intensification et d'extension de la compétition internationale à tous les domaines, il est en effet essentiel de consolider nos outils de diplomatie culturelle et d'influence. Ce budget nous permettra de faire un pas supplémentaire en ce sens. Vous le savez, je considère la diplomatie culturelle et d'influence comme un élément essentiel de notre diplomatie globale – j'allais dire : de notre arsenal diplomatique. Cette métaphore est, à l'heure où nous parlons, parfaitement justifiée car l'influence est désormais l'un des marqueurs de la puissance. Négliger la première, c'est affaiblir la seconde. C'est pourquoi je me bats, depuis le début du quinquennat, pour que ces crédits ne jouent plus, comme c'était le cas chaque année auparavant, le rôle de variable d'ajustement. Je me suis donc efforcé de maintenir ce budget en l'état. Ce sera à nouveau le cas en 2021 : les crédits que nous allons lui consacrer progressent même légèrement, de 3 millions, hors dépenses de personnels.

Pour 2021, nous avons défini trois priorités : la promotion et la diffusion de la langue française et l'impulsion d'une nouvelle dynamique de développement de l'enseignement français à l'étranger ; le rayonnement culturel et artistique, qui passe notamment par la diffusion et l'exportation de nos industries culturelles et créatives, les ICC ; la mise en place de partenariats universitaires et scientifiques, auxquels je suis particulièrement attaché – je pense singulièrement à l'université franco-sénégalaise et à l'université de Tunis –, et l'attractivité de notre pays dans la formation des talents étrangers.

Là encore, il nous a paru indispensable de consentir un effort supplémentaire de modernisation numérique pour développer des offres innovantes de cours et produits culturels à distance, en complément des ressources offertes sur place au public par nos établissements, les activités dites en présentiel étant directement affectées par la crise. Cet effort de transition numérique se poursuit en lien avec l'Institut français de Paris et la Fondation des Alliances françaises.

S'agissant de nos opérateurs, nous augmentons légèrement notre appui. Les moyens de l'AEFE sont en hausse de 9 millions, en particulier pour la sécurisation des écoles. Je fais observer que, conformément à ce que j'avais indiqué l'an dernier, la dotation de l'agence consolide en base la dotation exceptionnelle de 26,4 millions en faveur du développement de l'enseignement français à l'étranger, que vous avez votée en 2019 et dont certains doutaient de la prolongation. Par ailleurs, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, le développement maîtrisé du réseau d'établissements d'enseignement français à l'étranger n'a pas été perturbé par la crise sanitaire, puisque près de quinze homologations supplémentaires sont d'ores et déjà intervenues cette année. Le mouvement se poursuit donc, même s'il est plus lent que prévu.

Je vous confirme également que, sur le programme 151, l'enveloppe des bourses scolaires sera maintenue à hauteur de 105 millions d'euros, comme les années précédentes. Bien entendu, l'enveloppe exceptionnelle de 50 millions que j'ai évoquée tout à l'heure peut être mobilisée, le cas échéant. Et si d'aventure se présentait une difficulté, nous recourrions à la soulte accumulée par l'AEFE et liée à la sous-consommation de cette ligne les années passées. Les subventions à Campus France et à l'Institut français de Paris sont, pour leur part, maintenues. Par ailleurs, pour tenir compte de la baisse conjoncturelle du nombre d'étudiants liée à la crise, le programme des bourses pour étudiants étrangers est réduit temporairement de 6 millions et s'élèvera à 58 millions. Je prendrai les mesures correctives qui s'imposent dès l'an prochain pour augmenter cette ligne budgétaire clé pour l'attractivité de notre pays.

J'ajoute que notre opérateur Atout France bénéficiera d'une subvention de 28,7 millions en 2021, en complément des fonds exceptionnels ouverts en juillet pour développer l'opération « Cet été, je visite la France ».

Enfin, le budget pour 2021 traduit un effort soutenu en faveur de l'aide publique au développement (APD).

Hors dépenses de personnel, les crédits budgétaires du ministère consacrés à ce secteur progressent de 344 millions, soit une hausse de 17 %. Cette progression nous permettra de maintenir une trajectoire ascendante dans la perspective de consacrer à l'aide publique au développement 0,55 % de notre richesse nationale d'ici à 2022. Quant au projet de loi de programmation relatif à la politique de développement et de lutte contre les inégalités mondiales, initialement prévu pour mars dernier, il sera présenté en Conseil des ministres à la mi-novembre, au moment où se tiendra le Forum de la paix, du 11 au 13 novembre – à savoir soit le mercredi précédent, soit le mercredi suivant –, de manière à l'inscrire dans cette dynamique générale d'action en faveur de la paix. Nos engagements seront donc tenus, et cela malgré la pandémie.

Conformément aux orientations du Président de la République, la composante bilatérale de l'APD – dont le renforcement est une de nos préoccupations majeures – augmentera fortement en 2021. Ainsi, la hausse des moyens alloués à l'Agence française de développement (AFD) au titre de l'aide-projet, c'est-à-dire le don-projet et les dons ONG, qui reste notre ligne centrale de l'aide bilatérale, se poursuit. Ces moyens sont portés, en crédits de paiement, à 733 millions, soit une augmentation de 154 millions. Il s'agit, pour la première fois, du poste budgétaire le plus important, devant les crédits dédiés au Fonds européen de développement (FED). Les nouveaux engagements sur le don-projet AFD resteront, quant à eux, supérieurs à 1 milliard d'euros en 2021, pour assurer le maintien de cette dynamique et mettre en œuvre des projets dans les secteurs prioritaires de notre action : santé, crises, égalité femmes-hommes, éducation, climat et environnement. J'avais pris l'engagement que la subvention en dons-ONG mise en œuvre par l'AFD doublerait d'ici à la fin du quinquennat : l'augmentation de 20 millions en autorisations d'engagement de cette subvention, qui atteindra 130 millions, s'inscrit dans cette dynamique.

Le renforcement de la composante bilatérale de notre APD passe aussi par les projets du Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain, le FSPI, qui permettent de financer des projets immédiats lorsqu'un conflit ou une crise se termine, par exemple. Ces fonds sont mis à la disposition des ambassadeurs pour qu'ils contribuent, souvent par anticipation, au financement de projets très concrets, en conformité avec les engagements de Ouagadougou et en complément de l'action de l'AFD, dont les projets s'inscrivent plutôt dans un moyen terme. J'apprécie la réactivité de nos ambassadeurs dans ce domaine.

Quant à l'aide humanitaire, elle bénéficiera d'un nouvel effort budgétaire de 82,4 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, pour s'établir à 329 millions l'an prochain. Je m'étais engagé à atteindre 500 millions en 2022 ; je crois que nous y parviendrons – et nous sommes partis de loin ! Cette aide prend trois formes : le Fonds d'urgence humanitaire, géré par le Centre de crise et de soutien, le CDCS ; l'aide alimentaire programmée, gérée par la direction générale de la mondialisation ; des contributions volontaires aux organisations internationales qui participent à l'aide humanitaire, notamment le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR).

Par ailleurs, les crédits relatifs à l'appui à la coopération décentralisée seront stabilisés à hauteur de 11,5 millions, en raison d'une sous-consommation liée aux élections municipales et à la crise sanitaire. Ils augmenteront à nouveau lorsque les projets pourront être mis en œuvre. Nous avons besoin de l'expertise des collectivités locales et j'espère que nous pourrons rétablir rapidement une collaboration étroite ; je pense notamment à l'Alliance pour le Sahel, qui doit prendre une place significative.

Notre action en matière de développement s'inscrit également bien entendu dans une logique multilatérale.

Pour confirmer notre appui au multilatéralisme, nos contributions volontaires augmenteront de 36 % l'an prochain, pour s'établir à 317 millions d'euros en crédits de paiement, et seront centrées sur trois priorités.

Premièrement, les questions humanitaires, via notamment le bureau de coordination des affaires humanitaires (BCAH) des Nations unies.

Deuxièmement, les biens publics mondiaux, et singulièrement la santé, qui bénéficiera en 2021 de crédits du programme 209, de financements du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), dont les ressources sont issues de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et de la taxe sur les transactions financières, et de 50 millions de la mission « Plan de relance ». Concrètement, ces crédits nous permettront de financer le maintien de notre contribution au fonds français Muskoka, qui améliore l'accès des femmes et des enfants aux soins de santé primaire, notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme – à hauteur de 50 millions sur le programme 209 et de 263 millions sur le FSD – et une contribution additionnelle exceptionnelle à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 25 millions, dans le contexte de la crise sanitaire. Cette contribution fait suite à une première contribution exceptionnelle d'un même montant versée cette année dans le cadre de notre soutien à ACT-A (Access to covid-19 tools) qui, sur l'initiative du Président de la République, de la Commission européenne et de l'OMS, réunit des États, des organisations internationales et des acteurs philanthropiques pour lutter contre la pandémie – la France y a contribué à hauteur de 510 millions.

Nous financerons également, l'an prochain, des actions au service des autres biens publics mondiaux que sont, d'une part, l'éducation, en contribuant au Partenariat mondial pour l'éducation, et, d'autre part, le climat, avec notamment une contribution à l'initiative CAFI (Central african forest initiative), qui protège les forêts d'Afrique centrale, et au Fonds mondial pour les récifs coralliens.

Troisièmement, les droits de l'homme. Nous mettrons l'accent sur l'égalité entre les femmes et les hommes, qui sera au cœur du Forum Génération Égalité que la France coorganisera avec le Mexique et accueillera en 2021. De même, nous contribuerons au programme Affirmative finance action for women in Africa (AFAWA), initiative prise à l'occasion du G7 de Biarritz et qui vise à réduire le coût de l'accès au crédit pour les femmes en Afrique, en mettant à disposition des prêts à des taux plus abordables, et, à hauteur de 2,6 millions, au fonds Mukwege, qui soutient les victimes de violences sexuelles dans les conflits.

Je n'oublie pas, en cette année du cinquantenaire de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), la contribution statutaire et volontaire que nous versons aux opérateurs de la francophonie, en particulier à l'OIF, dont le montant progresse légèrement afin de permettre à celle-ci d'organiser le sommet qui se tiendra en Tunisie en 2021 – il devait avoir lieu en décembre mais a été reporté en raison des circonstances – et qui marquera la force de la francophonie.

Enfin, notre politique de développement se déploie dans une logique européenne. Plus du tiers du programme est destiné à financer le Fonds européen de développement (FED), qui est appelé à changer de statut. Jusqu'à présent, le FED était destiné aux pays signataires de la Convention de Lomé et de l'accord de Cotonou, dits pays ACP – pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique –, avec pour objectifs de combattre la pauvreté, de promouvoir le développement durable et d'intégrer progressivement les pays signataires dans l'économie mondiale. Nous sommes le deuxième contributeur à ce fonds. Nous veillerons à ce que nos priorités soient bien prises en considération dans le futur cadre financier pluriannuel européen et le futur instrument unique européen, qui réunira le Fonds européen de développement et des fonds jusqu'à présent affectés aux politiques de voisinage, en particulier au Partenariat oriental et aux partenaires du Sud – mais je crois que ce sera à peu près le cas.

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Merci, monsieur le ministre, de nous avoir exposé vos priorités. Vous avez montré que les exigences que nous avions pu avoir les années précédentes avaient bien été prises en considération. Je ne doute pas que mes collègues vont se faire à présent les hérauts de nouvelles, car ces questions tiennent à cœur à beaucoup d'entre nous.

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Avant toute chose, je veux exprimer, au nom du groupe La République en marche, toute notre amitié à notre présidente Marielle de Sarnez et lui dire combien elle nous manque.

Monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de la satisfaction du groupe LaREM concernant ce PLF pour ce qui regarde les crédits alloués au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en hausse de 8 % pour l'année 2021. Cette dynamique se concrétise tout particulièrement dans les crédits de la mission « Aide publique au développement », le programme 209 bénéficiant d'une hausse de 17 %. La régularité de cette hausse traduit un engagement fort de la France et du Président de la République, celui d'affecter en 2022 0,55 % de la richesse nationale brute à l'aide publique au développement ; jamais encore ce budget n'avait connu une telle trajectoire. Elle reflète également les engagements pris lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de 2018. Nous attendons désormais ardemment l'examen par le Parlement du projet de loi d'orientation et de programmation qui viendra réaffirmer l'engagement de la France en faveur de la solidarité internationale.

Au-delà, je souhaiterais vous interroger sur le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), alimenté par la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) et par la taxe sur les transactions financières (TTF). Eu égard à la crise que nous traversons et à la diminution importante des échanges internationaux par voie aérienne, une baisse du produit de la TSBA est à craindre. Quelles sont les projections dont vous disposez concernant cette taxe et en quoi cela peut-il fragiliser le financement du FSD ? Concernant la TTF, selon les chiffres fournis par la direction du budget, elle devrait rapporter 1,745 milliard d'euros en 2020, au lieu de 1,130 milliard, comme prévu dans le PLF pour 2020, et rapporter 1,572 milliard d'euros en 2021, soit nettement plus que les années précédentes. Néanmoins, comme les années précédentes, seuls 528 millions d'euros seront affectés au FSD. Serait-il envisageable d'augmenter le montant du produit de cette taxe alloué au FSD, étant donné que les crises sanitaire, économique et sociale vont creuser les inégalités et développer la pauvreté ?

Enfin, de plus en plus de voix s'élèvent chez nos homologues européens ainsi qu'au sein de la Commission européenne pour réclamer l'instauration d'une TTF commune qui pourrait contribuer au plan de relance européen. Cette TTF européenne pourrait-elle également participer à la solidarité internationale ?

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Il y a dans la présentation du budget que vous avez faite, monsieur le ministre, quelques bonnes nouvelles dont nous ne pouvons que nous réjouir : la stabilisation des effectifs, le renforcement des moyens de fonctionnement et une augmentation générale du budget. Nous ne pouvons aussi que soutenir les cinq orientations majeures que vous avez définies. Il faut maintenant regarder dans le détail, car, c'est bien connu, c'est parfois là que se niche le diable ; nous allons donc essayer de le débusquer en vous posant quelques questions complémentaires.

S'agissant des crédits immobiliers, les moyens dégagés sont-ils suffisants pour assurer à la fois l'entretien de notre patrimoine à l'étranger, qui en a bien besoin, et la sécurisation de nos ambassades et de nos lycées ? Quel est le calendrier retenu pour la réalisation de ce programme ?

Par ailleurs, je constate une diminution des crédits de modernisation de nos consulats, alors même qu'il serait nécessaire d'améliorer le service public qui y est délivré – notre commission est, vous le savez, particulièrement sensible à cette question. Plusieurs projets sont en cours, notamment la mise en place d'un registre des actes de l'état civil électronique, le déploiement de France-Visas en vue d'aboutir à un traitement entièrement dématérialisé des demandes de visa ou encore l'installation, initialement prévue pour 2020, de la plateforme d'accueil consulaire. Où en sont ces différents projets ?

J'en viens à la diplomatie culturelle et d'influence. Nous étions plusieurs commissaires à vous avoir proposé la création d'une ligne budgétaire nouvelle unique au sein du programme 185 concernant la sauvegarde des réseaux d'influence, pour qu'au-delà des mesures d'urgence, nous anticipions sur le moyen terme les difficultés à venir du fait de la pandémie. Vous deviez lancer une évaluation précise des besoins du réseau de coopération et d'action culturelle, avec un appui budgétaire complémentaire dès 2020. Où en est-on ?

D'autre part, l'agence de développement touristique de la France, Atout France, qui est le seul opérateur de l'État dans le secteur du tourisme, connaît à nouveau une diminution de ses crédits. Pourquoi cela, alors même que l'on peut estimer que l'année 2021 sera une année capitale pour la relance du tourisme dans notre pays ?

Quant à l'aide publique au développement, je vous donne acte de l'augmentation de ses crédits ; on ne peut que s'en féliciter. Toutefois, vous aviez évoqué le doublement des crédits de la coopération décentralisée d'ici à 2022 ; or nous constatons que son budget restera stable en 2021. Cela signifie-t-il que cet objectif est différé ? Vous avez dit que le projet de loi de programmation relatif à l'aide au développement, sans cesse reporté, serait sans doute présenté en Conseil des ministres à la mi-novembre, mais avez-vous une idée plus précise du calendrier parlementaire ? À quel moment notre assemblée pourra-t-elle l'examiner ?

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Le budget qui vient de nous être présenté tire un certain nombre d'enseignements de la crise, ou plutôt des crises que nous traversons. Nous constatons ainsi avec satisfaction la fin de la dégradation des effectifs du ministère, que nous demandions depuis de nombreuses années. Cela faisait trop longtemps que le nombre de ses agents diminuait, alors même que les besoins étaient de plus en plus pressants. Nous savons votre engagement en la matière, monsieur le ministre, et saluons l'inversion de la courbe que vous avez réussi à enclencher. Nous appelons désormais de nos vœux un réarmement des moyens humains du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui apparaît inévitable tant les crises successives démontrent clairement que l'action de notre diplomatie devra être à l'avenir encore plus active. Ces moyens humains, nous les avons vus à l'œuvre durant la crise sanitaire ; je tiens à saluer l'action extraordinaire de tous ceux qui se sont mobilisés pour soutenir nos concitoyens partout, jusque très loin dans le monde.

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a probablement été l'un des ministères qui s'est le plus réformé ces dernières décennies. Il est plus que nécessaire de lui procurer désormais les moyens de renforcer son potentiel d'action ; c'est vrai en ce qui concerne tant les moyens humains que l'immobilier ou la sécurité des points essentiels, qui constituent des enjeux majeurs.

Crise sanitaire, crise politique, enjeux militaires, multiplication des zones de conflit, politique de développement : tout cela doit nous amener à réfléchir à une nouvelle ambition pour notre diplomatie – ce à quoi vous vous employez activement et avec constance. Cela passera d'abord par la diplomatie culturelle et d'influence. Là encore, beaucoup a été fait pour réformer un secteur essentiel pour notre pays. Ainsi les crédits votés dans le PLF pour 2020 seront-ils non seulement maintenus, mais renforcés en 2021. Si nous connaissons les difficultés de l'AEFE, qui ont été accrues par la crise sanitaire, beaucoup a été entrepris pour soutenir notre réseau.

Enfin, jamais l'utilité de l'aide publique au développement n'aura été aussi évidente : on voit bien qu'aujourd'hui, les pays ont un destin commun. C'est pourquoi nous saluons le respect de l'engagement du Président de la République de renforcer notre politique de développement. Après une hausse inédite des autorisations d'engagement l'année dernière, les crédits de paiement atteignent cette année un niveau qui l'est tout autant. Nous devons désormais avancer rapidement sur la loi d'orientation et de programmation de l'aide publique au développement ; si nous voulons que les efforts budgétaires soient réellement suivis d'effets, nous devons tenir cet engagement, car les attentes sont fortes – nous avons déjà largement échangé sur le sujet, monsieur le ministre. Le groupe du MODEM et démocrates apparentés compte aborder cette question dès le début de l'examen du texte en séance ; il est désormais urgent que les choses se concrétisent.

Monsieur le ministre, il est aisé de penser que votre ministère est largement sous-doté, tant les crises dans le monde se multiplient et semblent de plus en plus violentes, nécessitant une action toujours plus résolue de la France, mais pour y faire face, il faut, outre le budget, des outils efficaces et durables. Votre action démontre que vous vous saisissez pleinement de la question. Nous devons poursuivre cette dynamique ; le groupe MODEM et démocrates apparentés vous soutiendra dans cette voie.

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Je souhaiterais revenir sur le plan de relance associé au projet de loi de finances et ses déclinaisons dans le domaine de l'audiovisuel extérieur, qui, vous le savez, me tient beaucoup à cœur.

Le plan de relance prévoit 70 millions d'euros pour l'audiovisuel public ; sur cette somme, 500 000 euros seulement iront à France Médias Monde. Il ne s'agit pas pour moi de contester la participation de l'audiovisuel extérieur aux mesures d'économies imposées à l'ensemble de l'audiovisuel public. Néanmoins, j'appelle à un sursaut du Gouvernement s'agissant des moyens alloués à ce formidable outil d'information et d'influence, car, dans le contexte d'une concurrence internationale toujours plus intense, qui prend parfois la forme d'une guerre de l'information, le recours à la désinformation fait rage.

De fait, nos sociétés de l'audiovisuel extérieur ont été fortement touchées par les effets de la crise sanitaire et sont malheureusement les grandes oubliées du plan de relance. Le Gouvernement serait-il prêt à soutenir des amendements visant à abonder les crédits prévus par le plan de relance en leur faveur ?

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L'an prochain, pour la première fois depuis vingt ans, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ne verra pas ses effectifs diminuer ; c'est à saluer.

S'agissant de la mission « Aide publique au développement », le niveau des autorisations d'engagement hors dépenses de personnel se stabilise à 2,6 milliards d'euros, tandis que les crédits de paiement continuent à croître à un rythme soutenu pour la troisième année consécutive : ils augmenteront de 344 millions d'euros, soit une hausse de 17 % par rapport à 2020, qui bénéficiera notamment aux domaines de la santé et de l'aide humanitaire.

La rénovation de la politique d'aide publique au développement devrait être consacrée par le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui, avez-vous dit, devrait être présenté en Conseil des ministres à la mi-novembre. Ma question rejoint celle de mon collègue Herbillon : pourriez-vous apporter des précisions sur le calendrier de la discussion parlementaire ?

Les priorités thématiques et géographiques fixées en 2018 continueront de bénéficier de crédits supplémentaires en 2021. Les dix-huit pays prioritaires d'Afrique subsaharienne et Haïti seront les premiers bénéficiaires des moyens accordés pour la prévention des crises, la lutte contre les effets du changement climatique, la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, le renforcement du système de santé ou la promotion de l'éducation.

Malgré un effort historique en faveur de la solidarité internationale, la France n'a toujours pas honoré l'engagement, vieux de cinquante ans, d'allouer au moins 0,7 % de sa richesse nationale brute (RNB) à l'aide publique au développement, cette part stagnant autour de 0,4 % depuis 2011, le niveau le plus bas ayant été atteint en 2014 et 2015 avec seulement 0,37 % du RNB alloué à la solidarité internationale. En volume, elle se classe à la cinquième position mondiale, avec une aide d'un peu plus de 10 milliards d'euros en 2019, loin derrière le Royaume-Uni, l'Allemagne et les États-Unis. Les moyens alloués sur le plan mondial, d'un total de 153 milliards de dollars en 2019, se trouvent bien en deçà du montant nécessaire pour répondre aux défis humanitaires et à la crise économique et sociale consécutive à l'épidémie de covid-19. Pour faire face à la pandémie, les Nations unies avaient appelé dès avril 2020 à la constitution d'un fonds d'aide d'urgence de 500 milliards de dollars en faveur des services de santé et des programmes d'aide sociale. Selon les calculs de l'ONG Oxfam, la France devrait abonder ce fonds de près de 15 milliards d'euros pour contribuer à la hauteur de son rang au sein de l'économie mondiale. Comment pourrait-on atteindre cet ambitieux objectif ? Quand on voit les sommes impressionnantes qui sont déjà distribuées, il est tout à fait légitime de s'interroger sur l'efficacité de ces dépenses. Quel regard portez-vous sur cette question ?

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Monsieur le ministre, notre réseau consulaire a subi de très fortes contraintes ces derniers mois dans le contexte de la pandémie. Je tiens à rendre un hommage vibrant et sincère à tous les fonctionnaires de votre ministère, qui ont accompli un travail remarquable au service non seulement de nos compatriotes établis hors de France, mais aussi de ceux qui étaient bloqués à l'étranger. Le réseau commence à montrer des signes de fatigue après des mois d'une mobilisation maximale ; les agents, soumis à un fort stress, n'ont souvent pas pu prendre de congés – sans parler de ceux qui ont été touchés par le virus. Le réseau a en outre adapté son organisation et son fonctionnement dans le cadre de plusieurs chantiers de modernisation, notamment en matière de dématérialisation et de simplification des procédures. Il est vrai que le programme 151 de la mission « Action extérieure de l'État » prévoit une stabilisation, voire une légère hausse des effectifs. Toutefois, certains agents sont à bout. Cette stabilisation des effectifs marque-t-elle avec certitude la fin de la politique de rabot menée depuis tant d'années, qui a épuisé notre réseau consulaire ?

Le plafond d'emplois de l'AEFE est cette année encore en forte baisse, avec la suppression de soixante et onze équivalents temps plein. On continue à transformer les postes de résidents en contrats de droit local. Résultat, on crée des inégalités entre, d'un côté, le personnel expatrié ou détaché et, de l'autre, des titulaires non-résidents. Si tous accomplissent la même mission de service public, les personnes recrutées sous contrat local perdent leurs droits à l'avancement, des points d'ancienneté, la sécurité sociale, parfois les cotisations de retraite et l'indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale. Sur le terrain, on ressent un certain ras-le-bol. J'ai été saisi du problème par de nombreux professeurs, agrégés pour certains – je vous ai d'ailleurs adressé une question écrite sur le sujet au mois de juin dernier.

La qualité et l'attractivité de notre réseau d'enseignement à l'étranger tiennent à l'excellence de ses personnels. C'est un sujet essentiel pour les Français de l'étranger et un instrument majeur de notre diplomatie d'influence. Comment attirer, retenir et motiver les fonctionnaires titulaires non-résidents, qui ont le sentiment que leur travail n'est pas assez reconnu, pas assez valorisé ? Le Quai d'Orsay va-t-il enfin créer, en liaison avec le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, un statut unifié pour valoriser les carrières de tous les enseignants du réseau de l'AEFE ?

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En vous écoutant, monsieur le ministre, je me disais qu'il y aurait deux sortes de députés : ceux qui boiraient vos paroles et s'exclameraient : « C'est génial ! Parfait ! Exceptionnel ! », et les autres, qui diraient : « Peut mieux faire ». Pour ma part, je me rangerai dans cette deuxième catégorie.

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Jean-Yves le Drian, ministre

« A déjà fait beaucoup, mais peut faire encore mieux », voulez-vous dire, monsieur Lecoq ?

(Sourires.)

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Pour une fois, vous avez résisté aux attaques de Bercy : rien que pour cela, on peut vous féliciter ! Votre budget ne diminue pas et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle. Il est néanmoins dommage qu'il ait fallu attendre une pandémie sans précédent pour que votre gouvernement – mais on pourrait en dire autant des précédents – comprenne toute l'importance du ministère des affaires étrangères.

En outre, le fait que le ministère disposant d'un budget stable n'en fera pas automatiquement un outil d'amitié entre les peuples, si vous persistez dans la politique que vous menez. Votre quasi-absence en Palestine, votre silence coupable au Sahara occidental, votre ambiguïté au Kurdistan et vos amitiés avec les autocrates locaux en Côte d'Ivoire, aux Comores ou au Cameroun ne grandissent pas la France. Heureusement qu'il y a, pour compenser, l'abondement du Fonds pour la consolidation de la paix – mais j'ai cru comprendre qu'un militant Français était à sa tête, ce qui va d'ailleurs peut-être contribuer à faire bouger les choses – et des crédits versés à l'AIEA ; il ne faudrait pas toutefois que le fait de verser des fonds supplémentaires à l'AIEA exonère la France de son travail en faveur du désarmement. De même, les investissements dans l'immobilier, la sécurité et le numérique améliorent les conditions de travail et de sécurité des agents du ministère, mais ne font pas une politique. J'espère qu'on verra bouger les choses.

Beaucoup de collègues sont intervenus sur la question de l'aide publique au développement. Comme tous les ans, les députés communistes pensent que l'augmentation du budget est trop timide : il est stable, à hauteur de 2,6 milliards d'euros, en autorisations d'engagement et n'augmente que de 344 millions d'euros en crédits de paiement. L'objectif de consacrer 0,55 % du PIB à l'APD ne doit pas être atteint grâce à une récession sans précédent, parce que l'économie française se serait écroulée. Il ne faudrait pas s'en satisfaire, car si notre économie s'écroule et la misère augmente chez nous, imaginons ce que ça doit être dans le reste du monde ! J'ose espérer, monsieur le ministre, que dans votre logique comptable et financière, vous ne restez pas arc-bouté sur le pourcentage, mais que vous êtes partisan d'une augmentation de cette aide et d'une meilleure répartition des richesses – mais je ferme la parenthèse.

Il faut donc maintenir un véritable effort pour que la crise internationale se résorbe le plus rapidement possible. À ce titre, les députés communistes regrettent eux aussi que la taxe sur les transactions financières n'ait pas été augmentée cette année, ni que son élargissement aux échanges intrajournaliers n'ait été proposé. Si faire contribuer davantage les entreprises cotées en bourse pour lutter contre la faim et pour la santé mondiale ne semble pas dénué de sens pour les députés communistes, il semblerait que cela ne paraisse pas logique à tous – en tout cas, pas à vous, ce qui est très regrettable.

Enfin, je voudrais dire un mot de l'initiative ACT-A, le dispositif pour accélérer le développement, la production et l'accès équitable aux nouveaux diagnostics, thérapies et vaccins contre le covid-19. Au-delà du fait que la France n'y a contribué, en piochant dans d'autres budgets, qu'à hauteur de 510 millions d'euros, le Président de la République a fait beaucoup de communication autour de cette initiative ; il souhaite que le vaccin devienne un bien public mondial, permettant aux pays les plus fragiles de disposer de vaccins et de la recherche en cours. Pour l'instant, on a eu beaucoup de mots, mais peu d'actes, puisqu'il n'y a pas encore de vaccin. Pourriez-vous nous indiquer quels dispositifs seront utilisés pour garantir la mise en commun des résultats de la recherche, le partage de la propriété intellectuelle et un prix juste ?

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Je ne sais si l'on a bu les paroles du ministre, mais ce qui est certain, c'est que quand on examine un budget, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Il faut donc entrer dans les détails ; or la lecture d'un budget m'a toujours paru singulière en ce sens que j'ai chaque fois l'impression de lire un rébus dont la réponse ne sera trouvée que dans le budget de l'année suivante, puisqu'il faut mettre à leur place respective les crédits de paiement et les autorisations d'engagement, étant entendu que, d'une année sur l'autre, cela peut changer. Cela témoigne d'un art consommé de la part de ceux qui élaborent les budgets.

Ce qu'on peut noter en première approximation, c'est que, globalement, le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères se trouve conforté, ce qui peut être de nature à satisfaire tout un chacun, vu le contexte économique et sanitaire.

Je veux saluer moi aussi l'action du réseau consulaire, qui a été très mobilisé durant la crise sanitaire. Pour nos compatriotes qui ont été touchés et ont dû être rapatriés ou qui se sont retrouvés bloqués à l'étranger, le retour en France a parfois été long, mais il a toujours été réussi, avec un soutien psychologique important, quel que soit le pays concerné.

Vous avez annoncé le 29 avril 2020 la mise en place d'un dispositif de soutien aux Français de l'étranger, afin de répondre aux besoins des plus démunis de nos compatriotes, fragilisés financièrement par les crises sanitaires. Ce plan comporte un volet d'aide à la scolarité et un volet d'aide social, inscrits dans le programme 151. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

La France a perdu 50 % de ses recettes touristiques au cours du premier semestre 2020, ce qui s'est accompagné d'une baisse de 27 % du nombre de visas délivrés. Comme nous avions soulevé, il y a quelque temps, au sein de cette commission, le problème des délais de délivrance des visas, nous pourrions nous en réjouir : s'il y a 27 % de visas en moins du fait de la crise sanitaire, on peut imaginer que le délai de délivrance des autres en a été amélioré. Qu'en est-il ? La réponse pourrait intéresser nos collègues M'jid El Guerrab et Sira Sylla, corapporteurs de la mission d'information sur la politique des visas.

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Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit que le budget global du ministère de l'Europe et des affaires étrangères augmentera de 8 %, soit une hausse de 411 millions d'euros, pour s'établir à 5,4 milliards d'euros. Avec 344 millions d'euros supplémentaires, l'aide publique au développement est la principale bénéficiaire des hausses de crédits annoncées. L'effort est appréciable, mais il semble plutôt relever d'un début de rattrapage après plusieurs années d'affaissement de l'outil diplomatique de la France. En matière d'aide publique au développement, la France restera encore en 2021 très en deçà des objectifs des Nations unies et loin derrière l'Allemagne ou le Royaume-Uni.

Plus préoccupant, le groupe Écologie démocratie solidarité ne voit pas d'inflexion stratégique ambitieuse pour la diplomatie française dans ce projet de loi de finances. Où est notre ambition en matière de diplomatie culturelle et d'audiovisuel ? Quelle est notre stratégie en matière de rayonnement de la recherche à l'international, notamment en sciences sociales ? Comment combler notre retard en matière d'aide publique au développement ? À quand la nouvelle loi d'orientation et de programmation relative à la politique française de développement et de solidarité internationale qui nous est promise depuis si longtemps ? En attendant, cette politique budgétaire d'esprit gestionnaire fait écho au sentiment d'un égarement de la politique étrangère de la France depuis plusieurs années.

Au Moyen-Orient, beaucoup de communication – mais pour quelle réussite ? Le récent empiétement français au Liban est dans toutes les têtes – mais pour quel résultat ? Dans le Caucase ou en Biélorussie, des jolis mots – mais quelle crédibilité, quand, d'un côté, on plaint les Arméniens et que, dans le même temps, on autorise les exportations d'armes à hauteur de près de 200 millions d'euros vers l'Azerbaïdjan, leur adversaire ? En Afrique, la France prend le contre-pied du discours d'Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017 ; il faudra bien un jour abandonner la nostalgie de la Françafrique quand il s'agit d'accompagner les élections et les transitions politiques en Guinée, en Côte d'Ivoire, au Mali ou ailleurs. Je pense au Cameroun, dont vous semblez ignorer le drame anglophone et où vous ne condamnez pas le fait que le principal opposant politique, Maurice Kamto, soit actuellement en résidence surveillée. Je pense à la République démocratique du Congo : bien que le rapport du projet Mapping des Nations unies dresse un constat alarmant en matière de droits de l'homme, dans une déclaration au Quai d'Orsay, vous abandonnez les populations à leur sort. Et que dire des pays du Sahel et du rôle qu'y joue la France, si mal perçu qu'il nourrit un puissant sentiment anti-français en Afrique de l'Ouest ?

Les errements de notre diplomatie sur le continent africain s'accompagnent des mauvais comportements d'entreprises françaises à l'étranger, que ce soit le groupe Bolloré au Cameroun ou Total au Yémen ou au Mozambique. Soyons clairs : nous ne rivaliserons pas avec les Chinois ou les Russes sur le terrain de la corruption des élites africaines. La France doit jouer la carte de la responsabilité sociale et environnementale pour ses grandes entreprises, comme elle doit jouer la carte du droit international et de l'accompagnement des sociétés pour son action diplomatique.

Je terminerai néanmoins par une note positive. Cela m'avait échappé à la lecture du PLF, mais je veux saluer le dispositif de mise en œuvre rapide de projets, à la main des ambassadeurs, que vous avez évoqué tout à l'heure, Il y a matière à faire dans le cadre de la diplomatie culturelle, environnementale, éducative ou sanitaire !

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Jean-Yves le Drian, ministre

La progression de la part de la richesse nationale consacrée à l'aide au développement n'est pas une parenthèse, monsieur Lecoq, c'est pour moi une préoccupation majeure, comme l'a remarqué Mme Thomas. Certes, Mme Kuric et M. Nadot ont raison : en la matière, nous ne sommes pas les premiers – je reviendrai ultérieurement sur la somme de louanges que m'a décernée M. Nadot, car il est un peu lourd pour moi d'être porteur d'une politique d'« égarement ».

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Jean-Yves le Drian, ministre

Si, monsieur le député, c'est le terme – extrême – que vous avez employé. Merci du compliment !

En la matière, il faut tout de même se souvenir d'où nous venons ; je remercie par conséquent ceux qui ont bien voulu reconnaître l'effort extrêmement important que nous avons fourni et que nous continuons à fournir. J'entends dire que 344 millions d'euros, ce n'est pas grand-chose, mais si l'on ajoute cette somme-là aux autres, nous sommes au rendez-vous de nos exigences. Je suis très vigilant là-dessus, et je souhaiterais qu'on reconnaisse de temps en temps cet effort totalement inédit que nous fournissons, et cela avant même que la loi de programmation n'ait été adoptée.

Je partage votre avis, monsieur Lecoq : il faut être vigilant concernant les pourcentages ; mais c'est l'OCDE qui fixe les règles, pas nous. J'indique d'abord qu'en 2019, nous étions à 0,44 % – sachant que nous venions de 0,37 %. J'ai toujours dit qu'il fallait atteindre 0,55 % en 2022, et que ce ne serait qu'une marche vers 0,7 %. Le risque, comme M. Lecoq l'a souligné, c'est que du fait de la crise liée à la pandémie, la baisse du revenu national brut ne fasse grimper le pourcentage – c'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer. Mon objectif est d'atteindre 0,55 % en 2022 toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire sur la base du PIB français tel qu'il était prévisible en 2019 et tel qu'il est envisagé pour 2022 dans le cadre de la reprise. Il faut que les engagements soient clairs, et que l'on évite les ambiguïtés. Nous pourrons en débattre soit au moment de la discussion budgétaire, soit durant l'examen du projet de loi de programmation, qui, pour répondre à la question posée par plusieurs d'entre vous, sera présenté en Conseil des ministres vers la mi-novembre – je n'ai pas la date exacte, parce que ce n'est pas moi qui fixe l'ordre du jour ; il faudra ensuite inscrire son examen à l'ordre du jour du Parlement, probablement au premier semestre 2021, étant entendu que les engagements financiers prévus dans le PLF anticipent sur ce que pourra dire la loi.

S'agissant des recettes de la TSBA et de la TTF, vous savez que 210 millions d'euros de recettes de la TSBA et 528 millions d'euros de recettes de la TTF alimentent le FSD, qui lui-même alimente les grands fonds verticaux, en particulier ceux destinés à la santé, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ceux pour l'environnement ou l'éducation, ou encore l'Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI). Votre observation, madame Thomas, est juste : avec la crise, les recettes de la TSBA ont considérablement diminué ; toutefois, la perte a été compensée en 2020 et je souhaite que nous obtenions la même compensation en 2021, que ce soit par un transfert du produit de la TTF ou par un financement spécifique. Si cela n'était pas fait, nous ne disposerions plus des moyens financiers nécessaires pour abonder les grands fonds verticaux en faveur desquels nous nous mobilisons. Nous partageons donc votre vigilance sur ce point.

Monsieur Herbillon, je sais que vous êtes très vigilant à la question du patrimoine immobilier de nos postes et à leur sécurisation – je le suis également.

La sécurisation des ambassades, lycées, instituts français et centres culturels dans les pays à risque sera achevée à la fin de l'année 2021. Chaque équipement fait l'objet d'un diagnostic par une personne chargée de la sécurité diplomatique. Celle-ci formule des préconisations que nous appliquons. Nous avions lancé un plan quadriennal ; si tout va bien, il sera achevé à la fin de l'année 2021. Nous avons bien fait de prendre de telles mesures – et je crois y être pour quelque chose –, car elles nous ont évité quelques drames. Je pense notamment à l'attaque qui a eu lieu il y a un an et demi à Ouagadougou.

Quant à la dimension plus classique du programme immobilier, je pourrais vous donner la liste des programmes que nous envisageons de mettre en œuvre en 2021. Nous sommes à peu près au rendez-vous. Je craignais le pire et m'étais ému devant vous, l'année dernière et celle d'avant, des difficultés que nous rencontrions et des risques qu'elles nous faisaient courir. Je pense que tout cela est derrière nous.

Les chiffres du CAS 723 pour l'année 2021 que je vous ai donnés n'incluent pas les sommes prévues pour les travaux du Quai d'Orsay lui-même, dans le cadre de l'opération Quai d'Orsay 21. Celles-ci sont déjà réservées, indépendamment du budget pour 2021, et ne seront mobilisées qu'en 2022.

Certes, on pourrait demander encore plus pour l'immobilier, mais nous sommes d'ores et déjà en mesure de rompre avec la logique de paupérisation que nous avions constatée et à laquelle nous avions commencé à remédier dès l'année dernière, même si cela va nettement mieux cette année. Il faudra faire en sorte que les travaux soient réalisés dans les meilleurs délais, tout en sachant que cela dépend des situations locales, y compris sur le plan sanitaire, avec le coronavirus.

En ce qui concerne les consulats, je crois vous avoir dit, mais peut-être n'ai-je pas été suffisamment clair, que la première phase du RECE commencerait au début de l'année 2021. Le service central de réponse téléphonique dénommé « France consul@ire » a dû être reporté d'un an en raison du coronavirus. Le vote par internet devrait être ouvert en mai 2021, au moment des élections consulaires.

La stagnation des crédits de la coopération décentralisée s'explique à la fois par les élections municipales et le coronavirus. L'objectif est bien de doubler ces crédits, comme je l'ai dit lors du rassemblement de Cités unies France (CUF). Nous avons besoin de l'expertise des collectivités dans ce domaine.

Nous avons été très vigilants au fonctionnement du réseau culturel pendant la crise. Certains instituts ont été fermés parce que toute activité y était devenue impossible. Nous avons néanmoins essayé d'éviter les fermetures et d'adapter les conditions d'accès à notre offre culturelle, en particulier par la numérisation du réseau. Nous avons mobilisé 3 millions d'euros à cette fin : la numérisation nous a permis de compenser les difficultés d'accès aux lieux culturels – car la situation que nous connaissons en France existe aussi ailleurs ; c'est la dure réalité de la pandémie.

La baisse des crédits dévolus à Atout France était déjà engagée l'année dernière. Elle porte sur des crédits de fonctionnement interne : c'est une économie de gestion, qui se déroule d'ailleurs assez bien. Cela n'empêche pas que, parallèlement, une aide de 5 millions d'euros a été octroyée à l'opérateur pour mener la campagne « Cet été je voyage en France », par la mise en œuvre des fonds spécifiques de lutte contre le coronavirus, en application des dispositions prises au mois de juillet. Atout France, malgré tout, se porte bien, et a su accompagner la saison touristique en France, qui, en définitive, n'a pas été aussi mauvaise qu'on le craignait – c'est maintenant que les difficultés arrivent.

En ce qui concerne l'idée d'une ligne budgétaire dédiée à l'influence, je ne suis pas convaincu, mais je suis prêt à l'étudier. Je sais que vous avez rédigé un rapport sur la question : nous allons examiner vos propositions avec beaucoup d'intérêt.

Monsieur Joncour, vous avez insisté sur l'engagement à travers la loi d'orientation et de programmation relative à l'aide publique au développement. Ce n'est pas uniquement une question de trajectoire : c'est une nouvelle approche du développement, avec plus de partenariat, de cohérence, de pilotage, de « redevabilité » et d'évaluation. M. Nadot me demandait comment on peut faire en sorte de vérifier le bon usage des fonds investis dans tel ou tel pays : dans la loi à venir, il y a des éléments relatifs à la redevabilité et à l'évaluation, sur laquelle nous devons être plus exigeants. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Monsieur David, France Médias Monde est en cotutelle et n'est donc pas financé exclusivement par mon ministère. Cela dit, je rejoins votre préoccupation quant au fait que le plan de relance n'a pas été à la hauteur des exigences. Je suis tout à fait convaincu de l'enjeu que représente l'audiovisuel extérieur : France 24, notamment, qui propose dans l'ensemble des programmes de qualité, est un outil d'influence dans le monde. C'est le sentiment que j'ai eu en lançant à Bogotá sa version en espagnol. Il peut paraître surprenant de diffuser France 24 en espagnol, mais l'influence française ne passe pas uniquement par notre langue : l'audiovisuel en tant que tel y participe également. Le nombre d'heures de diffusion de France 24 en espagnol va tripler en raison du dynamisme que cela peut entretenir. Je partage donc votre vigilance sur ce point, monsieur David, et suis prêt à agir si vous en sentez la nécessité.

Madame Kuric, je crois avoir déjà répondu en ce qui concerne l'efficacité de l'argent dépensé au titre de l'APD. Cela fait partie des dispositifs d'accompagnement qui figureront dans la loi. Les priorités restent les mêmes, ainsi que la géographie des pays prioritaires. Ce sera une étape importante dans la vie du ministère que je dirige que de constater une véritable montée en puissance de la politique de développement, laquelle devient une réalité perçue par les uns et par les autres.

Monsieur Lecoq, je serai un peu long dans ma réponse concernant le dispositif ACT-A car c'est pour moi un enjeu très important. La forme même est très originale : c'est une coalition d'États, d'organisations internationales et de fonds philanthropiques ayant pour objectif d'accélérer les réponses mondiales apportées à la covid-19. L'initiative en revient au président Macron, à la Commission européenne de Mme von der Leyen et au directeur général de l'OMS, M. Tedros Adhanom Ghebreyesus. L'ACT-A est soutenu par de nombreux pays. Son pilotage politique, coordonné par l'OMS, réunit l'ensemble des acteurs. Il y a dix coprésidents, dont la France, l'Allemagne et la Norvège. C'est un dispositif de grande ampleur qui est en train d'être mis en œuvre. Il était très important que l'OMS y trouve sa place, qui doit être majeure – il en va de même pour l'Union européenne.

Il y a quatre piliers dans l'initiative ACT-A. Le premier concerne les vaccins, avec un dispositif de financement de la recherche et d'achat au prix coûtant, mais aussi le système de distribution, qui s'appuie sur le GAVI. Le deuxième consiste dans la recherche de traitements. Le troisième œuvre pour la fourniture de diagnostics. Enfin, le quatrième vise au renforcement des systèmes de santé. Chacun de ces pôles se développe de son côté, mais les quatre se complètent et, sans le quatrième, qui est transversal, la recherche de vaccins, la fourniture de diagnostics et la recherche de traitements n'auraient pas beaucoup de sens : il faut disposer des réseaux et des leviers pour faire en sorte que les vaccins soient distribués et les traitements dispensés.

La France participe directement au financement du paquet ACT-A, à hauteur de 510 millions. À cela s'ajoutent 50 millions pour l'OMS et 500 millions pour le GAVI – plus une tranche de 100 millions qui sera débloquée lorsque le vaccin aura été trouvé. Il y a là une mobilisation très importante pour permettre que le vaccin soit considéré comme un bien commun, ce qui suppose l'achat au prix coûtant et des outils de redistribution évitant ce que j'ai appelé récemment le « nationalisme vaccinal » – l'expression fait florès.

Monsieur Habib, j'espère que la stabilisation des effectifs marque la fin de la politique de rabot. En tout cas, je compte sur vous pour que la dynamique initiée dès l'an passé et renforcée cette année se poursuive. Le rôle du Parlement en la matière sera tout à fait essentiel.

S'agissant du personnel enseignant de l'AEFE, je suis bien d'accord avec vous : il faut retenir les titulaires. Il ne peut pas y avoir que des agents de droit local, même si je reconnais leur rôle. Mon collègue Jean-Michel Blanquer a pris des engagements importants pour augmenter le nombre de professeurs titulaires : nous les avions annoncés lors du lancement du programme d'activation de l'enseignement du français à l'étranger. Certes, c'était avant la crise, mais la préoccupation reste la même. Le rôle des enseignants titulaires sera aussi de contribuer à la formation des recrutés locaux. Ces derniers ont un rôle important, mais encore faut-il qu'ils soient formés.

Monsieur Clément, le nombre de visas délivrés a effectivement chuté, ce qui a eu pour conséquence d'amenuiser les financements qui en découlaient. La demande de visas a chuté de 71 %. C'est beaucoup. Manifestement, d'après ce que je comprends, la question des délais pour obtenir un rendez-vous ne se pose plus réellement en raison de la faible demande. Nous avons essayé d'être vigilants pour permettre aux étudiants, en particulier, d'obtenir des visas aussi rapidement que possible au cours de l'été, pour poursuivre notre action en faveur de l'attractivité de notre pays. Par ailleurs, le retour des étudiants étrangers en France ne tenait pas seulement à la délivrance d'un visa : il y avait aussi des questions d'autorisation et de contrôle sanitaire. Nous y avons été extrêmement vigilants.

Merci du soutien que vous avez manifesté à l'égard des agents du ministère, qui se sont beaucoup dévoués pour faire en sorte que les Français de passage à l'étranger puissent rentrer. Si un jour j'écris mes mémoires, je raconterai des histoires extrêmement folkloriques sur le retour de Cuzco, ou encore d'îles perdues de l'Indonésie. Quoi qu'il en soit, nous avons réussi à ramener tous nos compatriotes.

Monsieur Nadot, je ne polémiquerai pas avec vous. En ce qui concerne la politique d'« égarement » que je conduis, je vous donnerai simplement un conseil…

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Je regrette de devoir vous contredire, monsieur le ministre, mais ce ne sont pas les propos que j'ai tenus.

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Jean-Yves le Drian, ministre

Ah si !

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Non ! Je ne peux vraiment pas vous laisser dire cela.

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Jean-Yves le Drian, ministre

Nous verrons au compte rendu. En tout cas, ce n'étaient pas des propos d'une très grande aménité.

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J'ai dit que la politique budgétaire faisait « écho au sentiment d'un égarement de la politique étrangère ». Si vous n'acceptez pas qu'il puisse y avoir des nuances dans la langue française, j'en suis vraiment désolé.

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Jean-Yves le Drian, ministre

Quand on utilise des mots, il faut les assumer, monsieur Nadot. Moi, j'assume ceux que j'emploie.

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Cette politique « fait écho au sentiment d'un égarement » : voilà les mots que j'ai utilisés.

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Jean-Yves le Drian, ministre

Oui, c'est cela : donc je mène une politique d'égarement. Nous ne sommes pas dans la même logique.

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Disons que nous n'interprétons pas la langue française de la même manière…

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Jean-Yves le Drian, ministre

Eh bien, nous prendrons ensemble des cours de grammaire.

(Sourires.)

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Jean-Yves le Drian, ministre

Quoi qu'il en soit, je n'ai aucune envie de polémiquer avec vous. Ce que je vous propose, c'est d'aller voir un jour l'action de l'Alliance pour le Sahel, dont nous sommes à l'origine.

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Jean-Yves le Drian, ministre

Vous pourrez alors constater qu'il se trouve parfois, en Afrique, des gens qui apprécient l'action de la France.

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Cette année, compte tenu de la crise sanitaire, les demandes de visa étudiant n'ont été traitées prioritairement qu'à partir du 15 août. Par ailleurs, le budget du programme de bourses pour les étudiants étrangers, doté de 58 millions d'euros, a été temporairement réduit de 6 millions. Au-delà de l'impact de la pandémie de covid-19 sur la mobilité étudiante, qu'il s'agisse du budget du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » ou du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », force est de constater qu'un écart se creuse entre ce que nous votons au Parlement, ce qui est réellement dépensé et la manière dont les crédits sont utilisés. Est-il donc possible de contrôler et d'assurer un suivi efficace de ces dépenses, en toute transparence, notamment grâce au numérique ?

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Le dispositif ACT-A, dont vous venez de parler, a été lancé fin avril 2020, notamment à l'initiative de la France. Il vise à accélérer la recherche d'un vaccin et de traitements pour combattre la pandémie de covid-19, puis à assurer leur distribution équitable. Vous n'avez pas encore parlé, en revanche, des montants qui doivent être mobilisés. Pour qu'il puisse remplir sa mission, le dispositif doit être doté de 38 milliards de dollars, dont 15 milliards dès 2020. Lors de la conférence des donateurs du 4 mai dernier, la France a annoncé que sa contribution serait de 510 millions d'euros, dont 10 millions via UNITAID, et 50 millions pour l'OMS. Nous pouvons tous, me semble-t-il, saluer cet engagement. Toutefois, on est encore loin d'atteindre l'objectif fixé : au total, seuls 3 milliards de dollars ont été mobilisés. Comment la France compte-t-elle contribuer à remédier à ce problème de financement ?

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Comme je n'ai qu'une minute pour m'exprimer, je ferai l'impasse sur les compliments que je voulais vous adresser, monsieur le ministre.

(Sourires.)

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Je me concentrerai sur l'APD, plus particulièrement envisagée sous l'angle de la transparence. Celle-ci n'est assurée ni pour nos concitoyens ni pour les parlementaires : comme vous le savez, seule une partie de l'APD est visible quand on vote le budget. Qu'il s'agisse de l'AFD ou même de votre ministère, il reste quelques progrès à faire en matière de transparence. Certes, l'AFD a fait des efforts, passant de la 35e à la 30e place, mais le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, quant à lui, a reculé de la 37e à la 42e place, selon un classement établi chaque année. Le projet de loi de programmation sur lequel nous travaillerons bientôt doit absolument nous permettre de progresser dans ce domaine.

En ce qui concerne l'augmentation de l'aide publique au développement, qu'il faut évidemment saluer, vous dites qu'elle est historique. Or l'APD était déjà à 0,5 % du PNB en 2010, même s'il est vrai qu'elle a baissé par la suite, notamment entre 2012 et 2017. Par ailleurs, les chiffres de l'OCDE montrent que si l'on exclut les coûts d'accueil des réfugiés sur notre territoire – dont les modalités de calcul ont d'ailleurs été modifiées –, les bourses et frais d'écolage, mais aussi les instruments du secteur privé, l'augmentation réelle de ce que l'on peut considérer comme le cœur de l'aide publique au développement n'a été, entre 2017 et 2019, que de 1,4 %, soit 112 millions d'euros, sur une augmentation totale de 1,153 milliard au cours de la même période. Cela signifie que les 98,6 % restants sont allés financer les premiers éléments que je mentionnais.

Enfin, j'essaie d'obtenir, en vain, un certain nombre de renseignements auprès du Trésor concernant les remises de dettes accordées. Celles qui émanent de l'AFD sont parfaitement encadrées, tout est transparent quand on demande des explications, et le mécanisme est assorti d'une conditionnalité. En revanche, pour celles qui sont pratiquées par le Trésor, il est impossible d'avoir les détails.

Je voulais vous interpeller sur ces problèmes de transparence : il me semble important d'y remédier pour que nous soyons parfaitement informés de la réalité des augmentations que vous annoncez.

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La semaine dernière, nos échanges ont porté sur les dossiers internationaux, mais, compte tenu de la densité de l'actualité, vous n'avez pas eu le temps d'évoquer la situation européenne, notamment la question du Brexit. Comme vous nous avez dit que nous pourrions l'aborder aujourd'hui, je me permets de vous interroger sur l'avancée des négociations relatives au Brexit, à l'approche du prochain Conseil européen : celui-ci se réunira après-demain et portera sur l'accord sur la relation future avec le Royaume-Uni.

L'espoir d'un accord commercial est-il encore permis, en particulier concernant le secteur de la pêche, sur lequel subsiste un désaccord très important avec les Britanniques ? Je sais que vous prêtez une attention particulière à l'impact désastreux qu'aurait un « no deal » pour l'activité des pêcheries françaises, en particulier bretonnes. Moi-même, je puis d'ailleurs témoigner de l'inquiétude des pêcheurs de ma circonscription, dans le Finistère, qui craignent de ne plus avoir accès aux eaux britanniques. Les armements du port de Lorient sont eux aussi inquiets. Dans un tel contexte, et sachant que la France et le Royaume-Uni sont des alliés historiques, quelle est votre vision de l'avenir de la continuité de la coopération franco-britannique, notamment en matière militaire, mais aussi dans le domaine maritime ?

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Je souhaite revenir sur les moyens accordés à la direction du numérique. Ils augmentent de 22 %, ce qui est important. C'est le signe de la transformation de notre administration, mais également de l'ampleur des défis qui l'attendent. Pourriez-vous nous détailler les nouvelles actions qui seront déployées grâce à ces crédits supplémentaires, pour quel type d'investissements dans nos infrastructures, pour quelles ressources humaines dont les compétences feraient défaut au sein du ministère ?

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À la suite d'autres collègues, je salue l'augmentation des crédits consacrés à l'aide publique au développement, mais je voudrais aussi revenir sur ce qui a été dit concernant les conséquences de la contraction du PIB : comme vous en avez convenu, l'augmentation de l'aide doit être mesurée en valeur absolue. Peut-on se mettre d'accord sur une enveloppe de l'ordre de 14 à 15 milliards ? C'est ce qui était prévu lorsque, au début de la législature, vous aviez annoncé l'objectif de 0,55 % du PNB – je parle bien de l'ensemble de ce qui est comptabilisé par l'OCDE, et non pas seulement des crédits budgétaires.

J'ai une question précise à propos du Fonds de solidarité pour le développement et la taxe sur les transactions financières. Nous sommes dans une situation paradoxale : alors que la taxe a été créée pour financer le développement, la part de ses recettes affectée à cet objectif est plafonnée à 528 millions d'euros. En 2016, la moitié des recettes étaient ainsi consacrées à l'aide au développement ; désormais, c'est plutôt un tiers, voire un quart. Cela veut dire que l'augmentation de la recette profite au budget général, et non pas à ce pour quoi elle a été créée. Qui plus est, contrairement à ce qui se passe pour la TSBA, les recettes de la TTF vont connaître une augmentation importante en 2020 – on en était déjà à 1,7 milliard au mois d'août. M. le rapporteur général du budget n'avait visiblement pas les bons chiffres quand je l'ai interrogé en commission des finances : je proposais, par voie d'amendement, d'augmenter légèrement la part consacrée au développement, et il m'a répondu que le montant que je voulais lui affecter était supérieur aux recettes elles-mêmes – mais peu importe. Je sais que votre ministère défend, à côté de l'augmentation des crédits budgétaires, l'outil de la taxe sur les transactions financières. Je présenterai donc à nouveau, comme chaque année, un amendement visant à augmenter la part de la TTF consacrée au développement, car la taxe a été créée à cet effet.

Enfin, il serait bien de faire un jour un bilan d'étape de ce qui a été décidé sur le terrain au titre du programme « Covid-19 – santé en commun » .

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Ma question porte sur l'évaluation de l'efficacité de l'aide au développement, notamment dans le cadre extrêmement complexe et difficile du Sahel. C'est précisément l'objet des travaux de la Chaire Sahel : il s'agit d'effectuer une évaluation indépendante pour les parties prenantes – les bénéficiaires aussi bien que les financeurs. Or les résultats sont assez alarmistes pour ce qui nous concerne, comme le montrent les quatre exemples suivants. Concernant la traçabilité de l'aide française dans certains pays, seuls 20 % se retrouvent dans les comptes du pays bénéficiaire. Concernant le délai de démarrage, on est en général à près d'un an entre la signature et le premier décaissement. Le délai moyen de décaissement pour les projets est de cinq ans. Quant à la proportion de fonds décaissés à la fin du projet, elle est en général de 60 %. Autrement dit, les analyses montrent la quasi-impossibilité de mener à bien des évaluations de façon satisfaisante. Nous sommes en première ligne et voulons embarquer les autres bailleurs. Au vu des moyens limités que vous avez donnés à la Chaire Sahel, comment peut-on faire de l'évaluation un enjeu partagé pour l'Alliance Sahel ? Comment peut-on faire de la Chaire Sahel un outil réellement efficace, offrant la possibilité de progresser ? Car sans évaluation, l'aide au Sahel ne progressera pas.

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Jean-Yves le Drian, ministre

Madame Lenne, vous avez raison : il faut vraiment améliorer la consommation des bourses pour les étudiants. Je vais m'y employer, et les services y travaillent eux aussi. Merci d'avoir identifié le problème.

Madame Poletti, je veux bien tout ce qu'on veut, mais si on enlève les critères de l'OCDE pour définir l'aide publique au développement, il faut le faire pour tout le monde, pas seulement pour la France. Si vous changez les normes, il faut créer un autre outil pour identifier ce qu'est l'aide au développement. Pour l'instant, je m'en tiens aux normes de l'OCDE, qui sont reconnues par tous et qui établissent la mobilisation financière pour les différents aspects que vous avez évoqués, lesquels font bel et bien partie du développement.

En ce qui concerne la transparence et le classement que vous évoquez, donnez-moi les références : je ferai en sorte d'y remédier. Je suis pour la transparence totale concernant l'aide au développement. C'est tout à fait essentiel. Sinon, il n'y a plus de développement : on perd totalement sa crédibilité. Cela m'amène à ce que disait Jacques Maire : la transparence et la traçabilité de l'aide sont tout à fait essentielles. Les décaissements ne sont pas assez rapides, j'en suis d'accord, et la conséquence en est qu'on ne peut plus tracer l'aide. Je voudrais qu'à cet égard l'Alliance Sahel soit exemplaire, et je suis prêt à prendre les mesures nécessaires. Cela doit être une référence : une aide publique au développement bien comprise, ne fonctionnant pas en silos, efficace. Pour vous être rendu sur place, monsieur Maire, vous savez l'importance que cela revêt. Le financement potentiel est de 11,6 milliards : il est indispensable qu'on y voie clair. Je vais m'y employer.

J'ai bien pris note de votre remarque concernant les remises de dettes, madame Poletti. Elles devraient être retracées dans le programme 110, mis en œuvre par le ministère de l'économie, des finances et de la relance. Si elles n'y figurent pas, cela pose question.

Monsieur Renson, je confirme vos chiffres. Effectivement, il faut mobiliser les financements. C'est un enjeu considérable, et qui ne concerne pas seulement la France ou les autres pays : un certain nombre d'associations philanthropiques et d'entreprises sont contributrices. C'est un mouvement mondial. Voilà pourquoi le Président de la République a décidé d'organiser, à l'occasion des cérémonies du 11-Novembre, dans le cadre du Forum de Paris, une grande manifestation consacrée à l'ACT-A et destinée à mobiliser des financements, en particulier pour le vaccin. C'est la condition pour que celui-ci soit reconnu comme un bien commun de l'humanité, qu'il soit partagé et que nous anticipions, de manière à sortir de la crise renforcés. Je sais que la Banque mondiale est prête à donner beaucoup, de même que la Fondation Bill et Melinda Gates.

Madame Tanguy, même s'il est un peu tard pour commencer à parler du Brexit, je voudrais faire plusieurs remarques. Ce n'est pas obligatoirement le 15 octobre que les choses vont se nouer. C'est le Premier ministre Boris Johnson qui l'a annoncé, mais ce n'est pas la position du Conseil européen, lequel se réunit effectivement jeudi et vendredi. Pour l'instant, les négociations n'ont presque pas avancé sur les trois points qui continuent à poser problème.

Premièrement, il y a la question de l'égalité de la concurrence au sein du marché intérieur européen, autrement dit le fait que les normes de concurrence, les règles en matière d'aides d'État ou encore les normes environnementales soient prises en compte par le Royaume-Uni. No tariffs, no quotas, no dumping : cela suppose que les règles de concurrence soient mises à plat et soient loyales. Deuxièmement, il y a la pêche – je vais y revenir ; troisièmement, les conditions de gouvernance. Nous en sommes à la neuvième semaine de négociations et les lignes bougent très peu sur ces trois points. En l'état actuel des choses, malheureusement, l'hypothèse d'un « no deal » est très crédible – mais on sait que les Britanniques sont de redoutables tacticiens.

Je voudrais, à la fin de cette audition, faire passer deux messages concernant le Brexit.

D'une part, l'heure n'est plus à la tactique. On a fini de jouer. L'échéance arrive – elle a été fixée à la fin de l'année. Cela veut dire que tout doit se jouer entre le 15 octobre et la mi-novembre. Le « no deal » n'est pas l'hypothèse qui nous paraît être la plus favorable pour les Britanniques, mais nous nous sommes préparés à toutes les éventualités. J'étais hier matin à Luxembourg pour une réunion des ministres des affaires étrangères, lors de laquelle nous avons parlé d'un certain nombre de questions, dont celle-là. Or je constate que les Européens restent unis, y compris par rapport à l'initiative prise par Boris Johnson de faire adopter une loi relative au marché intérieur contraire à l'accord de retrait signé avec l'Union européenne il y a un an : ce texte est inacceptable, et tout le monde le dit.

D'autre part, la pêche ne doit pas être la variable d'ajustement de l'accord. Je suis pour ma part extrêmement vigilant à cette question : l'accès privilégié au marché unique que souhaite le Royaume-Uni est indissociable des garanties obtenues pour nos pêcheurs. Je le dis avec beaucoup de fermeté. Il faut maintenant faire en sorte que les Britanniques comprennent que la pêche n'est pas un dossier à part : il n'y a pas d'accord séparé sur le sujet. Telle est la position du Président de la République, qu'il défendra si la question est abordée après-demain au Conseil européen. S'agissant des conditions d'accès aux eaux et aux ressources, nous devrons également avoir une discussion vigoureuse avec les Britanniques pour obtenir une prévisibilité pluriannuelle et des normes techniques communes, éviter les distorsions de concurrence et tenir compte des droits historiques et des quotas. C'est un sujet lourd, sur lequel nous nous battons. Pour avoir eu, dans une vie antérieure, la responsabilité de la mer, j'y suis particulièrement vigilant : c'est un enjeu auquel je suis attaché.

Monsieur Julien-Laferrière, entre 14 et 15 milliards, je tope. Quant au FSD, je partage votre constat, comme je l'ai déjà dit en réponse à Mme Thomas. On observe effectivement une baisse des recettes de la taxe sur les billets d'avion et une hausse du produit de la taxe sur les transactions financières. La solution pourrait être simple ; j'attends avec intérêt vos observations lorsque le moment sera venu.

Madame Le Peih, j'ai déjà évoqué dans mon propos introductif le plan de 13 millions d'euros que nous allons mettre en œuvre pour renforcer le numérique : modernisation du réseau de communication, développement des visioconférences avec l'extérieur, renforcement de la sécurité opérationnelle des systèmes d'information du ministère, acquisition d'outils de mobilité. J'ai également parlé du RECE, en réponse à M. Herbillon. Le numérique est un enjeu important : nous l'avons constaté avec la crise de la covid-19. Nous allons donc investir massivement.

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Merci beaucoup pour vos réponses, monsieur le ministre, et surtout pour votre disponibilité. Vous pouvez compter sur nous pour rester vigilants et mobilisés.

Chers collègues, nous reprendrons nos travaux demain à neuf heures trente.

La séance est levée à 19 heures 40.