Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mardi 13 octobre 2020 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre :

Si, monsieur le député, c'est le terme – extrême – que vous avez employé. Merci du compliment !

En la matière, il faut tout de même se souvenir d'où nous venons ; je remercie par conséquent ceux qui ont bien voulu reconnaître l'effort extrêmement important que nous avons fourni et que nous continuons à fournir. J'entends dire que 344 millions d'euros, ce n'est pas grand-chose, mais si l'on ajoute cette somme-là aux autres, nous sommes au rendez-vous de nos exigences. Je suis très vigilant là-dessus, et je souhaiterais qu'on reconnaisse de temps en temps cet effort totalement inédit que nous fournissons, et cela avant même que la loi de programmation n'ait été adoptée.

Je partage votre avis, monsieur Lecoq : il faut être vigilant concernant les pourcentages ; mais c'est l'OCDE qui fixe les règles, pas nous. J'indique d'abord qu'en 2019, nous étions à 0,44 % – sachant que nous venions de 0,37 %. J'ai toujours dit qu'il fallait atteindre 0,55 % en 2022, et que ce ne serait qu'une marche vers 0,7 %. Le risque, comme M. Lecoq l'a souligné, c'est que du fait de la crise liée à la pandémie, la baisse du revenu national brut ne fasse grimper le pourcentage – c'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer. Mon objectif est d'atteindre 0,55 % en 2022 toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire sur la base du PIB français tel qu'il était prévisible en 2019 et tel qu'il est envisagé pour 2022 dans le cadre de la reprise. Il faut que les engagements soient clairs, et que l'on évite les ambiguïtés. Nous pourrons en débattre soit au moment de la discussion budgétaire, soit durant l'examen du projet de loi de programmation, qui, pour répondre à la question posée par plusieurs d'entre vous, sera présenté en Conseil des ministres vers la mi-novembre – je n'ai pas la date exacte, parce que ce n'est pas moi qui fixe l'ordre du jour ; il faudra ensuite inscrire son examen à l'ordre du jour du Parlement, probablement au premier semestre 2021, étant entendu que les engagements financiers prévus dans le PLF anticipent sur ce que pourra dire la loi.

S'agissant des recettes de la TSBA et de la TTF, vous savez que 210 millions d'euros de recettes de la TSBA et 528 millions d'euros de recettes de la TTF alimentent le FSD, qui lui-même alimente les grands fonds verticaux, en particulier ceux destinés à la santé, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ceux pour l'environnement ou l'éducation, ou encore l'Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI). Votre observation, madame Thomas, est juste : avec la crise, les recettes de la TSBA ont considérablement diminué ; toutefois, la perte a été compensée en 2020 et je souhaite que nous obtenions la même compensation en 2021, que ce soit par un transfert du produit de la TTF ou par un financement spécifique. Si cela n'était pas fait, nous ne disposerions plus des moyens financiers nécessaires pour abonder les grands fonds verticaux en faveur desquels nous nous mobilisons. Nous partageons donc votre vigilance sur ce point.

Monsieur Herbillon, je sais que vous êtes très vigilant à la question du patrimoine immobilier de nos postes et à leur sécurisation – je le suis également.

La sécurisation des ambassades, lycées, instituts français et centres culturels dans les pays à risque sera achevée à la fin de l'année 2021. Chaque équipement fait l'objet d'un diagnostic par une personne chargée de la sécurité diplomatique. Celle-ci formule des préconisations que nous appliquons. Nous avions lancé un plan quadriennal ; si tout va bien, il sera achevé à la fin de l'année 2021. Nous avons bien fait de prendre de telles mesures – et je crois y être pour quelque chose –, car elles nous ont évité quelques drames. Je pense notamment à l'attaque qui a eu lieu il y a un an et demi à Ouagadougou.

Quant à la dimension plus classique du programme immobilier, je pourrais vous donner la liste des programmes que nous envisageons de mettre en œuvre en 2021. Nous sommes à peu près au rendez-vous. Je craignais le pire et m'étais ému devant vous, l'année dernière et celle d'avant, des difficultés que nous rencontrions et des risques qu'elles nous faisaient courir. Je pense que tout cela est derrière nous.

Les chiffres du CAS 723 pour l'année 2021 que je vous ai donnés n'incluent pas les sommes prévues pour les travaux du Quai d'Orsay lui-même, dans le cadre de l'opération Quai d'Orsay 21. Celles-ci sont déjà réservées, indépendamment du budget pour 2021, et ne seront mobilisées qu'en 2022.

Certes, on pourrait demander encore plus pour l'immobilier, mais nous sommes d'ores et déjà en mesure de rompre avec la logique de paupérisation que nous avions constatée et à laquelle nous avions commencé à remédier dès l'année dernière, même si cela va nettement mieux cette année. Il faudra faire en sorte que les travaux soient réalisés dans les meilleurs délais, tout en sachant que cela dépend des situations locales, y compris sur le plan sanitaire, avec le coronavirus.

En ce qui concerne les consulats, je crois vous avoir dit, mais peut-être n'ai-je pas été suffisamment clair, que la première phase du RECE commencerait au début de l'année 2021. Le service central de réponse téléphonique dénommé « France consul@ire » a dû être reporté d'un an en raison du coronavirus. Le vote par internet devrait être ouvert en mai 2021, au moment des élections consulaires.

La stagnation des crédits de la coopération décentralisée s'explique à la fois par les élections municipales et le coronavirus. L'objectif est bien de doubler ces crédits, comme je l'ai dit lors du rassemblement de Cités unies France (CUF). Nous avons besoin de l'expertise des collectivités dans ce domaine.

Nous avons été très vigilants au fonctionnement du réseau culturel pendant la crise. Certains instituts ont été fermés parce que toute activité y était devenue impossible. Nous avons néanmoins essayé d'éviter les fermetures et d'adapter les conditions d'accès à notre offre culturelle, en particulier par la numérisation du réseau. Nous avons mobilisé 3 millions d'euros à cette fin : la numérisation nous a permis de compenser les difficultés d'accès aux lieux culturels – car la situation que nous connaissons en France existe aussi ailleurs ; c'est la dure réalité de la pandémie.

La baisse des crédits dévolus à Atout France était déjà engagée l'année dernière. Elle porte sur des crédits de fonctionnement interne : c'est une économie de gestion, qui se déroule d'ailleurs assez bien. Cela n'empêche pas que, parallèlement, une aide de 5 millions d'euros a été octroyée à l'opérateur pour mener la campagne « Cet été je voyage en France », par la mise en œuvre des fonds spécifiques de lutte contre le coronavirus, en application des dispositions prises au mois de juillet. Atout France, malgré tout, se porte bien, et a su accompagner la saison touristique en France, qui, en définitive, n'a pas été aussi mauvaise qu'on le craignait – c'est maintenant que les difficultés arrivent.

En ce qui concerne l'idée d'une ligne budgétaire dédiée à l'influence, je ne suis pas convaincu, mais je suis prêt à l'étudier. Je sais que vous avez rédigé un rapport sur la question : nous allons examiner vos propositions avec beaucoup d'intérêt.

Monsieur Joncour, vous avez insisté sur l'engagement à travers la loi d'orientation et de programmation relative à l'aide publique au développement. Ce n'est pas uniquement une question de trajectoire : c'est une nouvelle approche du développement, avec plus de partenariat, de cohérence, de pilotage, de « redevabilité » et d'évaluation. M. Nadot me demandait comment on peut faire en sorte de vérifier le bon usage des fonds investis dans tel ou tel pays : dans la loi à venir, il y a des éléments relatifs à la redevabilité et à l'évaluation, sur laquelle nous devons être plus exigeants. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Monsieur David, France Médias Monde est en cotutelle et n'est donc pas financé exclusivement par mon ministère. Cela dit, je rejoins votre préoccupation quant au fait que le plan de relance n'a pas été à la hauteur des exigences. Je suis tout à fait convaincu de l'enjeu que représente l'audiovisuel extérieur : France 24, notamment, qui propose dans l'ensemble des programmes de qualité, est un outil d'influence dans le monde. C'est le sentiment que j'ai eu en lançant à Bogotá sa version en espagnol. Il peut paraître surprenant de diffuser France 24 en espagnol, mais l'influence française ne passe pas uniquement par notre langue : l'audiovisuel en tant que tel y participe également. Le nombre d'heures de diffusion de France 24 en espagnol va tripler en raison du dynamisme que cela peut entretenir. Je partage donc votre vigilance sur ce point, monsieur David, et suis prêt à agir si vous en sentez la nécessité.

Madame Kuric, je crois avoir déjà répondu en ce qui concerne l'efficacité de l'argent dépensé au titre de l'APD. Cela fait partie des dispositifs d'accompagnement qui figureront dans la loi. Les priorités restent les mêmes, ainsi que la géographie des pays prioritaires. Ce sera une étape importante dans la vie du ministère que je dirige que de constater une véritable montée en puissance de la politique de développement, laquelle devient une réalité perçue par les uns et par les autres.

Monsieur Lecoq, je serai un peu long dans ma réponse concernant le dispositif ACT-A car c'est pour moi un enjeu très important. La forme même est très originale : c'est une coalition d'États, d'organisations internationales et de fonds philanthropiques ayant pour objectif d'accélérer les réponses mondiales apportées à la covid-19. L'initiative en revient au président Macron, à la Commission européenne de Mme von der Leyen et au directeur général de l'OMS, M. Tedros Adhanom Ghebreyesus. L'ACT-A est soutenu par de nombreux pays. Son pilotage politique, coordonné par l'OMS, réunit l'ensemble des acteurs. Il y a dix coprésidents, dont la France, l'Allemagne et la Norvège. C'est un dispositif de grande ampleur qui est en train d'être mis en œuvre. Il était très important que l'OMS y trouve sa place, qui doit être majeure – il en va de même pour l'Union européenne.

Il y a quatre piliers dans l'initiative ACT-A. Le premier concerne les vaccins, avec un dispositif de financement de la recherche et d'achat au prix coûtant, mais aussi le système de distribution, qui s'appuie sur le GAVI. Le deuxième consiste dans la recherche de traitements. Le troisième œuvre pour la fourniture de diagnostics. Enfin, le quatrième vise au renforcement des systèmes de santé. Chacun de ces pôles se développe de son côté, mais les quatre se complètent et, sans le quatrième, qui est transversal, la recherche de vaccins, la fourniture de diagnostics et la recherche de traitements n'auraient pas beaucoup de sens : il faut disposer des réseaux et des leviers pour faire en sorte que les vaccins soient distribués et les traitements dispensés.

La France participe directement au financement du paquet ACT-A, à hauteur de 510 millions. À cela s'ajoutent 50 millions pour l'OMS et 500 millions pour le GAVI – plus une tranche de 100 millions qui sera débloquée lorsque le vaccin aura été trouvé. Il y a là une mobilisation très importante pour permettre que le vaccin soit considéré comme un bien commun, ce qui suppose l'achat au prix coûtant et des outils de redistribution évitant ce que j'ai appelé récemment le « nationalisme vaccinal » – l'expression fait florès.

Monsieur Habib, j'espère que la stabilisation des effectifs marque la fin de la politique de rabot. En tout cas, je compte sur vous pour que la dynamique initiée dès l'an passé et renforcée cette année se poursuive. Le rôle du Parlement en la matière sera tout à fait essentiel.

S'agissant du personnel enseignant de l'AEFE, je suis bien d'accord avec vous : il faut retenir les titulaires. Il ne peut pas y avoir que des agents de droit local, même si je reconnais leur rôle. Mon collègue Jean-Michel Blanquer a pris des engagements importants pour augmenter le nombre de professeurs titulaires : nous les avions annoncés lors du lancement du programme d'activation de l'enseignement du français à l'étranger. Certes, c'était avant la crise, mais la préoccupation reste la même. Le rôle des enseignants titulaires sera aussi de contribuer à la formation des recrutés locaux. Ces derniers ont un rôle important, mais encore faut-il qu'ils soient formés.

Monsieur Clément, le nombre de visas délivrés a effectivement chuté, ce qui a eu pour conséquence d'amenuiser les financements qui en découlaient. La demande de visas a chuté de 71 %. C'est beaucoup. Manifestement, d'après ce que je comprends, la question des délais pour obtenir un rendez-vous ne se pose plus réellement en raison de la faible demande. Nous avons essayé d'être vigilants pour permettre aux étudiants, en particulier, d'obtenir des visas aussi rapidement que possible au cours de l'été, pour poursuivre notre action en faveur de l'attractivité de notre pays. Par ailleurs, le retour des étudiants étrangers en France ne tenait pas seulement à la délivrance d'un visa : il y avait aussi des questions d'autorisation et de contrôle sanitaire. Nous y avons été extrêmement vigilants.

Merci du soutien que vous avez manifesté à l'égard des agents du ministère, qui se sont beaucoup dévoués pour faire en sorte que les Français de passage à l'étranger puissent rentrer. Si un jour j'écris mes mémoires, je raconterai des histoires extrêmement folkloriques sur le retour de Cuzco, ou encore d'îles perdues de l'Indonésie. Quoi qu'il en soit, nous avons réussi à ramener tous nos compatriotes.

Monsieur Nadot, je ne polémiquerai pas avec vous. En ce qui concerne la politique d'« égarement » que je conduis, je vous donnerai simplement un conseil…

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