Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Je souhaite moi aussi féliciter notre rapporteur pour l'excellent travail qu'il conduit sur la problématique de l'eau à l'échelle mondiale. Tous ceux qui ont fait de la coopération décentralisée connaissent l'importance de ce vecteur de développement, notamment dans les pays africains.

Conduire une politique environnementale ambitieuse et exemplaire en France pour porter ce message à l'international : tel est le vœu que vous formulez, monsieur le rapporteur pour avis, dans l'introduction de votre rapport. Vous estimez que le projet de loi de finances dont nous débattons lui en donne les moyens. Je dois vous dire d'emblée que je ne partage pas votre enthousiasme, tant les changements de modèles que nous devons opérer dans de nombreux domaines sont importants.

Tout d'abord, dans le domaine des transports, ce ne sont pas les mobilités douces ou durables – peu importe l'appellation – qui nous feront progresser rapidement dans la réduction des gaz à effet de serre, mais bien la réduction des véhicules thermiques au profit des hybrides et des électriques, sans pour autant pénaliser ceux qui n'auront pas les moyens de les acquérir ou de les utiliser. Sans moyens appropriés, les fractures sociale et territoriale risquent encore de se creuser ; je ne sais pas comment le projet de budget pour l'écologie va répondre à cela.

Dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation, nous n'arrivons toujours pas à nous défaire des modèles agricoles qui ont structuré l'agriculture jusqu'à maintenant et auxquels s'accroche encore la pensée agricole dominante. Le retour des néonicotinoïdes et le maintien du glyphosate, toujours autorisé, ne participent pas à l'exemplarité souhaitée.

S'agissant de la problématique de l'eau, en quoi sommes-nous exemplaires ? Selon la loi, l'eau appartient au patrimoine commun de la nation ; pourtant, ce bien commun est encore trop souvent privatisé par des groupes financiers concessionnaires de collectivités locales, lesquelles ont parfois beaucoup de difficultés à se défaire de ces concessions de longue durée.

L'eau est également privatisée par des usagers au nom d'une prétendue participation positive à la balance commerciale. Je suis originaire d'une région rurale et agricole et, chez nous, le maïs est en train d'envahir les plaines parce qu'il y a un port à La Rochelle pour exporter le maïs. Un kilo de maïs contient 48 % d'eau : cela veut dire qu'on exporte 48 % d'eau lorsque l'on exporte un kilo de maïs. Quelle est cette hérésie ? À l'échelle mondiale, 79 % de l'eau est utilisée pour l'agriculture. Nous pourrions peut-être commencer par réduire notre participation dans cette production.

Par ailleurs, certains affirment que, pour lutter contre la sécheresse, il faudrait stocker l'eau qui tombe en hiver pour l'utiliser en été. Or cette eau est souvent complétée par des prélèvements en subsurface, une eau de qualité, davantage destinée à la consommation qu'à un usage agricole. Le débat sur les bassines, qui agite le Poitou-Charentes chaque week-end, mériterait autre chose que cette vision de l'économie agricole.

À l'échelle mondiale, l'accès à l'eau deviendra, à n'en pas douter, un enjeu géopolitique majeur. Si la France se veut être un modèle, il lui reste beaucoup à faire. Les opérations de coopération décentralisée, certes très utiles, sont malheureusement insuffisantes compte tenu des moyens dévolus aux collectivités locales. La transition écologique devrait être une feuille de route obligatoire. Une mission « Écologie, développement et mobilité durables » dans le budget ne suffit pas : cette dimension devrait être prise en compte de manière transversale dans chaque budget. Alors seulement nous pourrions faire figure de modèle pour les autres pays.

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