Intervention de Jean François Mbaye

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean François Mbaye, rapporteur pour avis :

Je souhaite vous remercier pour les mots chaleureux que vous avez eus à mon égard. Je remercie également les interlocuteurs que nous avons rencontrés, notamment en Égypte, particulièrement notre ambassadeur en Égypte ainsi que la consule d'Alexandrie. Celle-ci fait d'ailleurs un travail remarquable en se déplaçant chaque année en France pour tenter de monter des projets de coopération décentralisée sur le thème de l'eau, par exemple avec la ville de Marseille et la métropole Aix-Marseille. Ce travail considérable témoigne de l'implication de notre réseau diplomatique sur ces questions.

Notre objectif est non seulement d'assurer une amélioration de l'accès à l'eau, mais également de lutter contre la dégradation de sa qualité. Il est très important de noter que les activités humaines, en favorisant le développement de l'eutrophisation anthropique, avec le rejet de quantité d'éléments nutritifs – phosphore, azote –, stimulent la croissance d'algues qui menacent directement l'équilibre et le maintien des écosystèmes et de la biodiversité.

On rencontre cette situation dans la région du lac Victoria, en Afrique de l'Est. L'Agence française de développement (AFD) y est mobilisée depuis 2008 à la suite d'une baisse significative de la biodiversité et de l'accélération de l'urbanisation de ses abords. L'AFD a soutenu de nombreux projets dans des villes riveraines – Kampala en Ouganda, Kisumu au Kenya, ou encore Musoma et Mwanza en Tanzanie –, ce qui a permis une amélioration de la qualité de l'eau et l'endiguement du phénomène d'eutrophisation. Au total, ces projets représentent plus de 550 millions d'euros d'investissement et concernent plus de 5 millions de personnes. Grâce à cette stratégie d'investissement, l'AFD peut ainsi mobiliser le savoir-faire technique français, préserver la qualité des eaux et optimiser la gestion de la ressource hydraulique.

Concernant le lac Léman, les discussions sont en cours depuis 2011. À ce stade, il n'existe aucun accord qui garantisse à la France les quantités d'eau disponibles dans le Rhône en sortie du lac Léman. Or l'alimentation en eau du quart Sud-Est de la France dépend notamment de l'alimentation en eau potable de la métropole de Lyon – plus d'un million d'habitants –, de la production d'électricité et des nombreux usages agricoles de l'eau tout au long du fleuve, jusqu'à son delta. Lors de son déplacement en Suisse, le 18 septembre 2020, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a eu l'occasion de rappeler à son homologue toute l'importance que revêtait la conclusion d'un tel accord.

Le Pacte vert pour l'Europe vise à encourager les États à définir une politique climatique, environnementale et énergétique ambitieuse. La question de l'eau et des bassins-versants sera certainement au cœur de cette ambition. Je vous propose de pousser un petit peu plus loin la réflexion sur le sujet et de revenir vers vous avec des éléments plus précis sur cette question, liée au Pacte vert pour l'Europe.

Je dois dire, en toute transparence, que je n'ai pas d'éléments techniques à fournir sur le conditionnement des aides européennes à l'existence de zones vertes et à leur évolution en cas de sécheresse – cette question importante ne peut d'ailleurs être discutée en commission des affaires étrangères. Je reviendrai vers vous dès que j'aurai des informations complémentaires des ministères de l'agriculture et de la transition écologique.

Si j'ai indiqué que les guerres de l'eau ne semblaient pas à l'ordre du jour, j'ai également précisé que la question de l'accès à l'eau pouvait venir se greffer sur d'autres conflits préexistants et ainsi aggraver la crise ; j'ai moi-même pu le constater lors de mon déplacement en Égypte sur la question du bassin du Nil. On retrouve également cette situation dans le bassin du Jourdain ou dans celui du Mékong.

La France doit conserver la position d'équilibre et de neutralité qui est la sienne dans le dossier de l'eau. Elle doit impérativement œuvrer en faveur du dialogue et de l'établissement d'une gestion concertée des eaux, comme cela a été fait avec succès avec l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, créée en 1972.

Dans le rapport, je dresse une liste des bassins transfrontaliers de la France. J'aimerais que notre commission se saisisse de deux d'entre eux et interroge le Quai à ce sujet : le fleuve Oyapock, avec le Brésil, et le fleuve Maroni, avec le Suriname. Ces deux fleuves ne font l'objet d'aucun accord de coopération entre la France et ces pays riverains, alors même que des discussions peuvent être engagées. C'est un peu plus complexe que cela, mais il serait bienvenu que notre commission s'y intéresse pour appuyer la conclusion d'un accord de coopération concernant ces deux fleuves.

Nous ne sommes pas encore exemplaires et le chemin sera très long avant d'atteindre un seuil optimal de préservation de la nature et du vivant. Toutefois nous œuvrons dans cette direction : l'augmentation des crédits de la mission le prouve. D'année en année, nous devrons intensifier nos efforts, adapter nos modes de consommation. S'agissant de l'eau, nous pouvons dire que, sur plusieurs points, nous sommes un exemple puisque nous disposons d'un savoir technique exceptionnel en la matière. Ces efforts sont encore méconnus ; nous devons, pour cette raison, les valoriser auprès de nos concitoyens et de nos partenaires internationaux.

Il nous faut alerter nos concitoyens : la crise de l'eau est silencieuse – je pense notamment aux effets désastreux de la surexploitation des ressources souterraines, du gaspillage induit par la vétusté de certaines infrastructures hydrauliques, mais aussi de nos modes de consommation, que nous pouvons et devons améliorer.

Concernant la coopération internationale sur le traitement de l'eau, j'ai eu l'opportunité de rencontrer les partenaires de l'AFD en Égypte et de mener un état des lieux des projets en cours. J'ai d'ailleurs pu participer à l'inauguration d'une station d'épuration d'eau à proximité de la ville de Tanta, dans le delta du Nil, fruit d'une coopération entre l'Agence française de développement, la Banque européenne d'investissement, l'agence allemande de développement et le gouvernement égyptien, pour un montant total de 295 millions d'euros. J'ai aussi constaté l'avancée des travaux d'un projet d'implantation d'un réservoir au sol d'une capacité de 6 000 mètres cubes à proximité du Caire. Ces investissements sont d'une importance capitale dans une région où les pressions démographique, économique, environnementale et énergétique ne vont cesser de s'accroître.

Il faut être conscient que la diplomatie environnementale est très mobilisée sur ces questions. Je le dis en toute honnêteté, le chemin sera encore très long, mais je suis persuadé que la France agit sur le climat, sur la biodiversité, et qu'elle continuera à le faire. J'en veux pour preuve notre agenda international, qui abordera très prochainement ces questions, avec le prochain congrès mondial de la nature, qui se tiendra à Marseille. Nous attendons du Gouvernement qu'il contribue à en faire un exemple. Ce ne sera pas le seul : les rendez-vous internationaux sont nombreux, tels que la prochaine conférence des parties (COP) sur la biodiversité ou les cinq ans de l'accord de Paris.

Je partage votre inquiétude, je la relaie aussi, mais je ne peux pas vous laisser penser que ce projet de loi n'est pas sur la bonne voie sur les questions environnementales : l'ambition de la France dans ce domaine est très grande.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.