Intervention de Bérengère Poletti

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti :

La commission a toujours été unanime et a toujours soutenu la proposition du président de la République d'augmenter significativement l'aide publique au développement. Pourtant, elle n'étudie que le tiers de ce que fait la France en matière de solidarité internationale. Plusieurs questions se posent donc à nous députés au moment de voter les crédits.

Tout d'abord, celle de la transparence. En effet, les députés devraient disposer de l'ensemble des éléments qui constituent l'APD. Ils sont colossaux et vont bien au-delà de la stricte analyse des programmes 110, 209 et désormais 365, qui porte sur les fonds propres de l'AFD. L'objectif a été rappelé lors de l'audition du ministre de l'Europe et des affaires étrangères : il faut atteindre les 15 milliards d'euros en crédit de paiement et en valeur absolue pour l'année prochaine. Ce sont des montants importants, qui nous placent pourtant encore loin de l'objectif fixé par l'OCDE d'atteindre 0,7 % du RNB.

Ces 15 milliards d'euros doivent servir, dans les pays les plus pauvres, à l'accès à la nourriture, aux soins, à l'éducation, à la protection contre les effets du changement climatique, à l'accès au développement économique et à la création d'emplois, avec la garantie de ne pas nourrir des réseaux de corruption qui empêcheraient ces moyens d'arriver aux populations. Or, selon l'index de transparence de 2020 établi pas une ONG, le verdict est sans appel : la France ne respecte pas ses engagements en matière de transparence de l'aide. Si l'AFD progresse de cinq places pour se situer vers la trentième place du classement, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, lui, recule à la trente-septième place sur quarante-sept.

C'est la raison pour laquelle le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales est si important. Au-delà de la programmation des crédits, il doit permettre à la France d'améliorer la transparence et de garantir en permanence la disponibilité des informations pour les parlementaires et pour nos concitoyens.

Deuxièmement, 98,6 % de l'augmentation des crédits ont servi à financer notamment l'accueil des réfugiés dans notre territoire, les bourses, les instruments du secteur privé et les remises de dettes. Cette augmentation n'a donc été consacrée que de manière trop faible à ce qui fait le cœur de l'APD. Le Président de la République avait, à juste titre, annoncé que deux tiers de l'augmentation de l'aide devaient être consacrés à l'aide bilatérale, et le dernier tiers à l'aide multilatérale. Il semblerait que cet engagement n'ait pas été suivi.

En ce qui concerne les remises de dettes, elles ne doivent se faire que sur la base d'un accord des pays et des bailleurs qui aident. Cet accord a été obtenu pour le moratoire, mais rien n'est encore décidé pour la suite. 224 millions d'euros ont été consacrés à la Somalie l'année dernière, et l'on parle d'une remise de dette de 4,426 milliards d'euros pour le Soudan l'année prochaine, ce qui porterait l'effort français à 0,69 % du PNB en 2021 ! Ce sera la conséquence de la remise de dette, non de notre action dans les territoires.

En revanche, j'adhère à l'initiative de mon groupe politique, qui a déposé, pour la troisième année consécutive, une demande de rapport sur les aides budgétaires directes liées aux laissez-passer des pays consulaires aidés.

Enfin, si nous saluons l'augmentation significative cette année des crédits de l'APD, cette évolution n'est pas historique : ils s'établissaient à 0,5 % du RNB à 2010 ; c'est entre 2012 et 2017 que les crédits se sont effondrés. Notre groupe s'abstiendra de voter les crédits de la mission « Aide publique au développement » cette année, pour les motifs suivants :

– La transformation de l'APD aurait dû être enclenchée beaucoup plus tôt durant ce mandat ;

– Une évolution est nécessaire sur la problématique de la transparence des politiques ;

– L'absence du texte de loi de programmation attendu depuis des années commence à peser sur nos décisions ;

– L'augmentation des budgets qui ne profitent pas suffisamment aux populations dans les pays prioritaires ;

– Le Gouvernement a renoncé à l'équilibre entre le bilatéral et le multilatéral. Il est toujours beaucoup plus facile d'augmenter des crédits en multilatéral qu'en bilatéral, mais on y perd de l'influence dans notre pays ;

– Il est difficile pour la France de suivre des petits projets, car nous sommes toujours concentrés sur de grands projets ;

– Enfin, pour ce qui est de votre proposition sur la commission d'évaluation, je ne suis pas sûre qu'il faille faire siéger des parlementaires dans cette commission, qui doit être complètement indépendante. Les parlementaires doivent constituer une commission à l'intérieur du parlement. C'est notamment le cas en Grande-Bretagne, où existent deux commissions d'évaluation qui se rencontrent chaque année. La commission d'évaluation doit être totalement indépendante du pouvoir exécutif.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.