Intervention de Pierre-Henri Dumont

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont, rapporteur pour avis :

En ce qui concerne les étudiants, monsieur Mbaye, une forte augmentation s'est produite. Les mesures adoptées pour attirer une immigration étudiante plus importante ont porté leurs fruits, de même que les mesures prises par les établissements d'enseignement supérieur et de recherche, qui sont de mieux en mieux classés au plan international et qui attirent des étudiants étrangers. L'immigration étudiante correspondait à la délivrance de 46 663 titres de séjour en 2007, de 58 857 titres en 2012 – l'augmentation était déjà importante – et de 80 339 titres en 2017. S'agissant de 2019, l'estimation est de 91 495 titres – je ne connais pas encore les chiffres définitifs. Il y a une corrélation avec l'augmentation globale de la délivrance des titres de séjour, qui a explosé – 276 576 titres ont été délivrés en 2019, contre 171 907 en 2007. L'immigration étudiante est un aspect important de l'augmentation de la délivrance des titres de séjour, mais ce n'est pas le seul.

Pour ce qui est de l'incidence de la crise du covid, je n'ai pas de chiffres exacts à vous communiquer aujourd'hui. Ce que je peux vous dire est qu'on a observé une légère hausse des inscriptions cette année, malgré la crise, s'agissant des étudiants en provenance d'Afrique subsaharienne et du Maghreb, et une très forte diminution, d'environ 40 %, pour ce qui est des étudiants venant d'Asie et des Amériques. Je vous ferai parvenir des chiffres précis dès que nous aurons des réponses plus concrètes.

Je ne vais pas entrer dans le débat ouvert par François de Rugy, mais je peux vous faire part d'une expérience locale, que j'évoque dans le rapport en des termes un peu feutrés. J'ai vu à Calais des ONG – pas toutes –, françaises comme étrangères, demander aux migrants de ne pas aller dans les centres d'accueil et d'examen des situations administratives (CAES) du département et de ne pas déposer de demande d'asile. Quelques associations, notamment britanniques, réalisent un travail de sape qui fait que des migrants préfèrent parfois rester dans le Calaisis plutôt que de s'inscrire dans une démarche de demande d'asile. Je rappelle, à cet égard, que 95 % des migrants présents à Calais peuvent être protégés par notre pays : ce sont, en effet, des Afghans, des Irakiens, des Iraniens, des Érythréens et des Soudanais – les taux de protection pour ces nationalités sont très forts.

Des brigades de l'OFII vont voir ces personnes, en lien avec la préfecture, pour leur demander de déposer leur demande d'asile mais elles préfèrent rester là, alors que des bus ont été préparés pour les conduire vers des CAES et les sortir des griffes des réseaux de passeurs qui veulent les emmener sur des small boats, au péril de leur vie – quatre personnes, dont deux enfants, sont mortes il y a deux jours au large de Dunkerque. Je ne sais pas ce qu'il en est ailleurs sur le territoire, mais voilà mon expérience d'élu local.

Je vais dire du bien du Gouvernement : l'interdiction, pour les associations, de distribuer des repas dans certaines artères de la ville de Calais est une bonne mesure. Certaines associations menaient, en effet, un travail de sape à cette occasion. Cela ne signifie pas que les repas ne sont pas distribués : ils le sont par l'État. Il n'y a pas de migrant n'ayant pas à manger à Calais. On s'assure, simplement, que ce que dit l'État n'est pas contredit par-derrière, et on essaie, autant que possible, de sortir les gens des griffes des passeurs, pour sauver des vies. Voilà l'enjeu. Il ne faut pas tomber dans les caricatures : nous n'en avons vraiment pas besoin dans ce territoire.

S'agissant de la procédure pour les mineurs non accompagnés, tout le monde sait qu'il y a une problématique. La vraie question, au-delà de la prise en charge du coût, très élevé, par les départements, et de la compensation, ou non, par l'État – c'est un débat politique –, est de savoir comment on fait pour s'assurer que les mineurs non accompagnés sont réellement des mineurs et pour avoir un fichier commun permettant d'éviter des déplacements d'un département à un autre lorsque des tests osseux sont préconisés par les services et validés par la justice. Certains exécutifs départementaux refusent de participer à un fichier globalisé, ce qui pose un réel problème, d'autant qu'une fois qu'une personne est reconnue comme étant un mineur non accompagné, elle peut faire venir des membres de sa famille – ce droit a été élargi par la loi « asile et immigration ». Je pense qu'il existe, en effet, un détournement de la procédure.

Je rappelle que le délai de jugement devant la CNDA, lorsque le demandeur d'asile a fait appel d'une décision négative de l'OFPRA, est aux alentours de sept mois. Le délai d'instruction par l'OFPRA étant de neuf mois, en partie à cause de la crise sanitaire – sinon on est plutôt autour de cinq ou six mois –, on aboutit au total à un an et demi de procédure. Une personne à qui on répond qu'elle ne sera pas protégée au titre du droit d'asile à l'issue d'une procédure accélérée et d'un recours très rapide n'aura pas eu le temps de tisser des liens et pourra donc être renvoyée dans son pays. Il est beaucoup plus compliqué, en revanche, de renvoyer une personne qui est restée en France pendant un an et demi, ou deux ans – il s'agit d'une moyenne –, car elle a tissé des liens, et ses enfants peuvent être scolarisés. La question de l'effectivité des décisions prises par l'OFPRA et par la CNDA se pose donc.

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