Intervention de Amélia Lakrafi

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAmélia Lakrafi, rapporteure pour avis :

Je voudrais dire, à mon tour, que j'ai une pensée pour Marielle de Sarnez. J'ai hâte qu'elle revienne parmi nous.

L'année 2019 s'est traduite par une certaine embellie pour notre commerce extérieur, dont le solde a progressé de 3,9 milliards d'euros grâce à l'augmentation des exportations. Au premier trimestre 2020, le nombre des entreprises exportatrices était, par ailleurs, à son plus haut niveau depuis presque vingt ans – il était alors supérieur à 129 000.

L'épidémie liée au coronavirus est venue heurter de plein fouet cet élan. Le déficit commercial des biens est passé à 34 milliards d'euros au premier semestre 2020, alors qu'il était de 29 milliards au premier semestre de l'année dernière. Sur l'année entière, le déficit de notre balance commerciale pour les biens devrait plonger à 79 milliards, contre 58,9 milliards l'année dernière.

Il faut bien sûr apporter des nuances selon les secteurs. Ceux qui sont les plus ouverts à l'international et dont le poids est particulièrement important dans nos exportations, comme l'aéronautique et l'automobile, sont les plus touchés. Les industries agroalimentaire et pharmaceutique ont relativement mieux résisté à la crise. Dans le domaine des services, le tourisme est particulièrement affecté.

La contraction de notre commerce extérieur s'inscrit dans un contexte général de repli des échanges mondiaux. Que peut-on augurer pour 2021 et les années suivantes ?

Les économistes font preuve d'un timide optimisme. Le Fonds monétaire international (FMI) table sur une croissance du PIB mondial de 5,2 % en 2021, et l'Organisation mondiale du commerce (OMC) anticipe une croissance des échanges mondiaux de 7,2 %. S'agissant de la France, le rapport économique, social et financier prévoit un rebond des exportations de 12,6 %, et le Gouvernement envisage un déficit commercial pour les biens de 68 milliards d'euros.

Ces anticipations sont évidemment très aléatoires. La reprise de la croissance et des échanges extérieurs dépendra, en premier lieu, de l'évolution de la crise sanitaire et des mesures prises par les autorités publiques dans les différentes régions du monde. Bien d'autres facteurs d'incertitude s'ajoutent à cela, comme la conclusion d'un accord ou non avec le Royaume-Uni, l'évolution de la politique commerciale américaine dans les prochains mois ou encore les tensions protectionnistes.

Même si le contexte est très mouvant, il me semble qu'on peut identifier quelques tendances de fond.

Il existe ainsi une tendance à la régionalisation des échanges. L'aspiration des États européens à retrouver une certaine souveraineté, au moins pour les produits les plus stratégiques, et à réduire leur dépendance vis-à-vis de pays tels que la Chine les pousse à chercher des partenariats économiques avec des pays plus proches, en Europe orientale ou, comme je l'encourage, en Afrique. Le raccourcissement des chaînes de valeur répond, par ailleurs, à un souci écologique.

Parmi les tendances de fond figurent aussi des faiblesses structurelles qui handicapent le commerce extérieur de la France depuis des années : l'absence de véritable culture de l'export, la maîtrise encore très insuffisante des langues étrangères, le nombre trop faible des cadres internationaux dans nos entreprises et, ce qui est plus grave encore, la désindustrialisation excessive de notre pays. La France, en effet, ne saurait vendre que des services : nous devons impérativement poursuivre l'effort de réindustrialisation qui est entrepris depuis le début du quinquennat.

Par ailleurs, je tiens, sinon à exprimer des réserves, du moins à émettre un avis nuancé sur l'indicateur du nombre d'exportateurs, qui est souvent mis en avant. Le Premier ministre Édouard Philippe avait fixé un objectif de 200 000 entreprises exportatrices en 2022. Or ce critère est insuffisant – particulièrement dans le contexte actuel – s'il n'est pas assorti d'un objectif en matière de volume d'exportations, de chiffre d'affaires et, surtout, d'inscription dans la durée de la démarche export de nos entrepreneurs. En effet, les entreprises qui feront le commerce extérieur de demain ne sont pas les exportateurs occasionnels qui profitent d'une opportunité, mais celles qui s'implantent durablement sur les marchés étrangers. C'est pourquoi j'appelle de mes vœux une réflexion sur les moyens de renforcer – comme c'est déjà le cas pour les entreprises dites du « French Tech 120 » – le soutien apporté aux TPE-PME qui se révèlent les plus prometteuses à l'export.

J'en viens à présent aux acteurs du soutien à l'export, que je crois avoir presque tous auditionnés. En tout premier lieu, je citerai bien entendu le ministre délégué chargé du commerce extérieur. Le fait que, depuis le dernier remaniement, un ministre soit spécifiquement chargé de ce domaine est une excellente chose – un tel ministère était réclamé depuis longtemps. Je regrette néanmoins que sa désignation ne se soit pas accompagnée pas d'un regroupement des moyens budgétaires consacrés au commerce extérieur et à la diplomatie économique, qui demeurent dispersés entre plusieurs missions et programmes budgétaires relevant de différentes administrations.

Figurent ensuite parmi les acteurs de l'export les membres de ce que l'on appelle la « Team France Export », la TFE, qui regroupe l'agence Business France, Bpifrance et les chambres de commerce et d'industrie, auxquelles sont associées les régions, dont, vous le savez, la compétence en matière de développement économique a été considérablement renforcée par la loi NOTRe. Le rapprochement de ces acteurs a permis la création, dans chaque région, d'un guichet unique de l'export, lequel était très attendu par les entreprises. En pratique, celles-ci n'ont plus à contacter trois ou quatre organismes différents : elles s'adressent désormais à un seul interlocuteur, le « conseiller international ». J'appelle votre attention sur la nécessité pour la TFE de suivre les entreprises dans la durée. L'objectif, encore une fois, est d'encourager, non pas des exportations ponctuelles, mais une internationalisation durable.

Parmi les acteurs publics, je range également les conseillers du commerce extérieur de la France, qui sont utiles mais dont le rôle doit, à mon sens, être recentré sur l'aide aux TPE-PME.

Quant aux acteurs privés, dont le rôle est tout aussi essentiel, ils doivent être, me semble-t-il, mieux associés à la politique de soutien à l'export. Je pense non seulement aux opérateurs spécialistes du commerce international, les OSCI, mais aussi aux chambres de commerce et d'industrie françaises à l'international, les CCIFI, qui sont une vitrine essentielle de notre présence économique à l'étranger. Nous devons impérativement encourager les acteurs publics et privés à maintenir la cohésion dont ils ont fait montre durant la période de confinement et qui leur a permis de conseiller efficacement le Gouvernement dans la préparation de son plan de relance export.

Je pense également aux grandes entreprises elles-mêmes, qui ont un rôle à jouer dans le soutien apporté aux petites et moyennes entreprises françaises. À la différence de leurs homologues françaises, les entreprises allemandes ou italiennes sont réputées pour « chasser en meute », selon l'expression consacrée, et s'appuyer les unes sur les autres. Dans mon rapport, j'avance plusieurs propositions pour renforcer cet esprit collaboratif.

Je pense enfin aux entrepreneurs français à l'étranger, les EFE, qui sont bien souvent les ambassadeurs de nos produits et dont de nombreux emplois en France dépendent. J'avance, là encore, des propositions pour les soutenir dans un contexte qui les éprouve fortement.

Après de premières mesures prises dès le début de la crise sanitaire, le Gouvernement a annoncé, en septembre dernier, un plan de relance global qui comporte un volet relatif à l'export d'un montant de 247 millions d'euros pour la période 2020-2022. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit, en sus des 52 millions d'euros destinés à financer des dépenses d'appel en garantie de l'État, plus de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement afin de renforcer les moyens de Business France, de Bpifrance et du FASEP, le Fonds d'étude et d'aide au secteur privé, qui permet de financer des études de faisabilité en amont de projets d'investissement dans les pays en développement.

Ces crédits, inscrits dans la mission budgétaire « Plan de relance », permettront notamment de financer un certain nombre d'outils de soutien. Je citerai, à titre d'exemple, le « chèque export », qui permet de prendre en charge jusqu'à 50 % d'une prestation d'accompagnement à l'export, le chèque VIE, destiné à subventionner des missions de VIE à hauteur de 5 000 euros, ou le renforcement de l'assurance prospection. Ces mesures sont positives, compte tenu notamment de leur impact sur la sécurisation de la trésorerie des entreprises concernées. Leur portée à moyen et long terme devra néanmoins être évaluée, compte tenu des incertitudes qui pèsent, par exemple, sur la possibilité de réaliser des missions à l'étranger ou d'y envoyer des VIE.

Les crédits inscrits dans la mission budgétaire « Plan de relance » complètent ceux inscrits dans la mission « Économie », laquelle comporte, outre la rémunération de Bpifrance, d'un montant de 51,65 millions d'euros, la subvention pour charges de service public de Business France, qui s'élève à 87,62 millions d'euros, contre 90,12 millions d'euros en 2020. Cette évolution est conforme aux engagements inscrits dans le contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour la période 2018-2022 de Business France, qui perçoit, je le rappelle, deux autres subventions, plus résiduelles, en provenance de deux autres missions budgétaires.

Avant de conclure, je veux dire un mot du secteur auquel j'ai choisi de prêter cette année une attention spécifique, celui du numérique. Ce secteur dynamique et résolument tourné vers l'international a montré une certaine résilience dans la crise. Il mérite d'être soutenu, pour au moins deux raisons. Tout d'abord, il représente un potentiel de croissance à l'export, nos entreprises pouvant se saisir de nombreux marchés, dans le domaine de la cybersécurité, par exemple. Ensuite, nos entreprises en général et nos exportateurs en particulier devront de plus en plus, compte tenu du contexte actuel, recourir aux outils digitaux : vente en ligne, salons virtuels, e-vitrines... Ces outils ont été cruciaux durant la période de confinement. Du reste, des outils numériques très innovants sont actuellement mis en place par les acteurs publics en charge de l'appui à nos exportateurs. Je salue ces innovations, qui démontrent toute l'utilité de tels outils dans notre société et notre économie. Ne ratons pas le tournant de la digitalisation des entreprises, singulièrement des exportateurs.

En conclusion, je vous invite à adopter les crédits relatifs au commerce extérieur et à la diplomatie économique de la mission « Économie » du PLF pour 2021.

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