Intervention de Bruno Fuchs

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Fuchs :

Je commencerai en adressant une pensée amicale et affectueuse à notre présidente Marielle de Sarnez, qui est très attachée à ce sujet et, plus globalement, à la question de la souveraineté des États.

Avec la réforme du franc CFA, nous sommes au cœur de la démarche de refondation des relations qui lient la France et ses partenaires africains. Tourner la page du franc CFA est la seule façon d'écrire une nouvelle histoire entre la France, l'Europe et l'Afrique, à l'instar du projet de loi pour la restitution des biens culturels au Sénégal et au Bénin que nous examinerons ces prochains jours. Il est ici question, pour la France, de poser les bases d'un nouveau partenariat équitable avec l'Afrique.

Pour les pays d'Afrique de l'Ouest, il s'agit, après la période coloniale, puis post-coloniale de la France Afrique, d'être en mesure de reconquérir leur souveraineté qui passe par l'abandon du franc CFA, lequel porte, dès son origine, les germes malsains d'une relation contrainte, puisque la première dénomination, le 1er décembre 1945, de cette monnaie est le franc des colonies françaises d'Afrique, puis le franc de la communauté française d'Afrique, avant de devenir le franc de la communauté financière d'Afrique.

Je voudrais souligner le riche travail de M. Jean-François Mbaye, qui a fait une démonstration plutôt innovante et originale pour un rapport parlementaire ! Il a ainsi déconstruit certains préjugés contre le franc CFA qui nourrissent parfois des discours démagogues. S'il peut être perçu comme un instrument de subordination et de domination économique, ce mécanisme permet aussi de couvrir les risques d'hyperinflation et de se prémunir contre les crises liées à l'effondrement de la monnaie, telle celle que connaît le Liban depuis plus d'un an. Pour ses détracteurs, si le franc CFA protège de l'inflation, il n'augure pas non plus d'une croissance forte. C'est la problématique de ce franc CFA rapporté à la vitalité de l'économie. Pour le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, le nouvel accord monétaire s'inscrit non seulement sur la bonne voie mais sur la seule voie possible si l'on veut refonder les relations d'État souverain à État souverain.

Néanmoins, comme a pu le souligner, à juste titre, le rapporteur, je m'interroge sur la méthode, et tout d'abord sur la dimension apparemment bilatérale de l'accord annoncé à Abidjan en décembre 2019 pour entériner la fin du franc CFA. Pareille réforme aurait été mieux comprise et acceptée si toutes les parties prenantes avaient été associées dès son annonce. C'est une décision qui, par essence, relève du multilatéralisme. D'ailleurs, elle a suscité une forte controverse, bloquant le processus engagé. La réaction du président du Nigeria voisin a été immédiate, qui a demandé le report de cette réforme du franc CFA.

Ce projet de loi est donc un premier pas, imparfait certes, mais indispensable. De nombreuses questions n'ont pas été abordées ou tranchées, dont une grande partie relève à présent de la responsabilité des pays africains eux-mêmes. Quelle articulation imaginer avec une autre monnaie également baptisée ECO, dont l'initiative a été prise par les pays de la CEDEAO ? La question monétaire renvoie également à celle de l'organisation politique, car quel type d'organisation politique et de gouvernance sera refondé entre les pays de la sous-région ?

On le voit, avec ce projet de loi, tout commence, mais rien n'est encore réglé. C'est dans l'espoir de la refondation profonde des relations de la France, et plus globalement de l'Europe, avec le continent africain, que le groupe MoDem et Démocrates apparentés soutiendra ce texte.

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