. Merci, messieurs les rapporteurs, de votre présentation.
Le groupe de la Gauche démocratique et républicaine n'a pas la même analyse que vous tous ici, excepté peut-être celle de M. Jean-Michel Clément. Le texte que nous examinons semble cynique et trompeur. Il maquille d'un nouveau nom les vieilles pratiques pour mieux donner l'illusion de la nouveauté. Peut-on appeler réforme un texte qui ne modifie qu'un seul des quatre critères qui président au fonctionnement du franc CFA ? La parité fixe avec l'euro sera maintenue ; la liberté de transaction entre la zone euro et l'UMOA ne changera pas, non plus que la convertibilité illimitée entre l'ECO et l'euro. Seule la centralisation des réserves de change auprès du Trésor français prendra fin.
La portée de ce texte est donc dérisoire. Ainsi, le maintien de la parité fixe avec l'euro pose au moins deux problèmes majeurs. Premièrement, maintenir une parité fixe avec une monnaie forte valorise les importations au détriment des exportations et induit deux conséquences : d'un côté, les pays qui utilisent le franc CFA ne disposent pas des leviers pour créer une économie indépendante et résiliente puisqu'il est plus simple d'importer des biens que de les produire ; de l'autre, la limitation des exportations induite par cette monnaie les contraint dans leur rôle d'exportateurs de matières premières, ce qui sert essentiellement les multinationales et leurs actionnaires.
Deuxièmement, la parité avec l'euro oblige à mener une lutte obsessionnelle contre l'inflation. Or, pour limiter l'inflation, il faut limiter l'accès au crédit, ce qui suppose des emprunts à des taux élevés dont pâtissent les plus pauvres. Par ailleurs, les entreprises locales ne peuvent pas être compétitives face aux entreprises étrangères qui bénéficient de crédits abordables. Celles-ci sont d'autant plus favorisées que l'on maintient la convertibilité illimitée entre l'ECO et l'euro, le maintien de la parité fixe sécurisant en amont les investissements en euro et le rapatriement des bénéfices dans cette même monnaie en aval – « déversoir de produits manufacturés et réservoir de matières premières », dit l'économiste sénégalais Séraphin Prao.
Le projet politique est évident. Emmanuel Macron a déclaré que le franc CFA était un non-sujet, indiquant ainsi que rien ne s'opposait à le réformer. Force est de constater que vous avez fait une non-réforme pour être assurés de ne pas perdre l'avantage monétaire de la France dans cette zone, voire pour l'étendre. Il va falloir faire vite car cet avantage est menacé.
Le projet de monnaie unique de la CEDEAO, la zone économique qui englobe la zone du franc CFA, et d'autres pays anglophones, dont le poids lourd nigérian, commence à prendre forme. Il fallait donc le prendre de court. La France a même poussé le cynisme jusqu'à utiliser le nom proposé par la CEDEAO pour sa monnaie, l'ECO, quelle que soit l'opinion que l'on peut avoir de son contenu. Le geste est lourd, trop visible pour que nous acceptions une manœuvre aussi grossière qui prouve bien que nous n'en avons pas terminé avec cette si injuste et insupportable Françafrique, que l'on va rebaptiser – tel est peut-être d'ailleurs l'objet de ce rapport –, dans sa version multinationale, Afrique.
Les députés communistes voteront évidemment contre cette non-réforme.