Intervention de Marc Le Fur

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur, rapporteur pour avis :

La France est un pays qui aime beaucoup l'histoire et à force d'aimer l'histoire, on en oublie le présent. L'histoire est faite de cette longue relation avec la France ; le présent, c'est une France qui n'a pas le même poids désormais face à celui, gigantesque, de la Chine, et ce sont les banques qui montent, au premier rang desquelles les banques marocaines et turques. Voyant ces nouveaux acteurs arriver, certains pays aspirent à ce que la France continue malgré tout à jouer son rôle. Tous ces éléments sont à prendre en considération. Les dirigeants mais aussi les opinions publiques sont visiblement attachés à cet élément de stabilité contre l'inflation et la monnaie unique pour l'essentiel de l'Afrique de l'Ouest. C'est aussi le cas des structures gestionnaires. Les responsables de la banque centrale que nous avons rencontrés à Dakar nous ont dit leur souci face au recul relatif des banques françaises, en particulier de celles qui, traditionnellement, étaient très présentes en Afrique, comme la Société Générale. Ils appellent notre attention sur le fait que d'autres sont en train de prendre notre place, et qu'ils souhaitent notre présence. Que la situation soit donc bien identifiée par les uns et par les autres !

Certains ont parlé de contraintes. Je vous rappelle que les pays qui ont souhaité sortir du franc CFA en sont sortis. Pour ce qui est de la Guinée, l'histoire est très ancienne et a été un peu compliquée. Mais la Mauritanie en est sortie sans problème dans les années soixante-dix. Le Mali en est sorti pour mieux y revenir. La Guinée-Bissau, qui ne s'inscrivait pas dans la même histoire que les autres pays a, très volontairement, voulu intégrer le franc CFA, et compte se maintenir dans l'ECO. Les pays présents dans le dispositif sont donc des pays volontaires, et ceux qui veulent le quitter sont libres de le faire.

Le problème de fond – qui est l'affaire des pays africains, mais qui nous concernera en retour – est de savoir s'ils tendront vers une monnaie associant de grands pays comme le Nigeria. Le schéma serait alors tout autre, puisque le Nigeria se fonde sur un système non stable de taux de change flottants et non de taux de change fixes, qui répond mieux à ses préoccupations pétrolières. Si l'ensemble de ces pays abandonne le principe de la convertibilité systématique pour une monnaie flottante, la France n'aura plus à jouer son rôle de garantie financière. Donc, le choix d'intégrer le Nigeria et le Ghana dans le même système monétaire aura des conséquences à moyen ou long terme. À ce stade, la France répond aux demandes des pays africains. Elle n'a pas choisi le nom de la future monnaie. Notre préoccupation était tout autre, elle visait à garantir la stabilité et la convertibilité – ce qui est fait, et ce à quoi les populations étaient très attachées.

M. Jean-Paul Lecoq évoque les intérêts divergents entre pays exportateurs et importateurs. C'est une logique constante dans toutes les monnaies. S'il est vrai que les pays qui exportent des matières premières, comme la Côte d'Ivoire, sont soucieux, les pays qui importent massivement du riz qui vient de loin sont bien contents de s'appuyer sur une monnaie relativement forte, qui leur permet de l'acheter à des prix convenables. Cela compte pour les populations qui habitent les grandes métropoles et qu'il faut nourrir. C'est aussi l'intérêt d'une monnaie stable. Entre le schéma africain de la monnaie stable et le schéma libanais de la monnaie qui s'effondre, le premier choix est autrement plus raisonnable.

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