J'organiserai ma réponse autour de trois séries de questions.
Premièrement, comment jouerait le mécanisme de la garantie ? Il jouerait comme il a toujours joué. Un compte est ouvert – qui, pour le moment, n'est pas approvisionné, mais il pourra l'être en permanence – et le Trésor suit cela. Nous confirmons cette garantie depuis soixante ans. Il n'y a pas de changements fondamentaux. Les seuls changements sont que nous n'avons plus une partie des réserves de change et que nous ne sommes plus présents dans les instances – donc, quid de l'information ? La convention de garantie doit être négociée afin de pouvoir mettre en place – pardonnez‑moi ce néologisme anglosaxon – un reporting le plus précis possible, de sorte que les éléments d'alerte puissent être pris en compte par le Trésor français. C'est normal et ce n'est contesté par personne. L'autre élément de la garantie, le plus fondamental, est l'extrême sagesse en termes de gestion budgétaire des pays des pays africains. Ces derniers, pour nombre d'entre eux sont très sages, plus sages que nous en termes de dette, par exemple. Nous sommes donc face à des interlocuteurs extrêmement crédibles.
Deuxièmement, la question de fond qui revient : quid du Nigeria ?
La métaphore de Jean‑François Mbaye me semble la bonne : l'arrivée du Nigeria dans la même union monétaire – il fait déjà partie de la même union commerciale – changerait fondamentalement la donne. Le Nigeria viendrait avec sa logique monétaire de change flottant. Dès lors, il n'y a plus de garantie, donc plus de sollicitation ni de présence de la France, on changerait complètement de système. Mais les pays et les opinions sont très interrogatifs sur des changes flottants. Celui qui a quelques sous dans sa poche, qui habite Bamako ou Dakar, sait qu'il pourra acheter la même chose demain, après-demain. Ses sous auront grosso modo la même valeur : si vous voulez, c'est son bol de riz ; dans un système flottant, le prix du riz fluctuera. Les choses s'en trouveraient fondamentalement modifiées. Cela explique la prudence, voire l'inquiétude qui s'exprime parfois. Mais certains pays vivent essentiellement du commerce avec le Nigeria ou avec le Ghana, comme le Bénin ou le Togo. Pour eux, être proches du Nigeria est majeur.
Troisièmement, j'en viens à la question de la parité, qui a été posée par Nicolas Dupont-Aignan et Jacques Maire.
On entend souvent dire qu'une parité élevée nuit à l'exportation. Elle établit un clivage interne entre ces pays, dont certains sont plus soucieux d'exporter. La Côte d'Ivoire a pour concurrent le Ghana qui vend, comme elle, du café et du cacao. Il ne faut évidemment pas que le Ghana soit avantagé par une monnaie stable, et donc plus forte, que celle de la Côte d'Ivoire. On peut comprendre leurs préoccupations. Mais le souci des autres pays, en particulier ceux de la bande sahélienne, est que le peu d'argent qu'ils ont ne se déprécie pas à l'excès.
Nous avons eu ce débat dans les mêmes termes en 1994. Mon grand âge me permet encore de m'en souvenir. En 1994, cela a été très compliqué. Comme toujours, la France a été accusée de tous les maux, puisque la monnaie a été dépréciée de 50 % mais, à l'époque, cela avait été jugé nécessaire pour faciliter le développement et les exportations africaines. Sur le moyen terme, cela s'est d'ailleurs révélé une bonne chose, même si la situation a été compliquée pour certains pays, en particulier pour le Sénégal.