Intervention de Buon Tan

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBuon Tan :

Monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur l'axe indopacifique, une semaine après la signature du partenariat régional économique global (RCEP). Ce partenariat constitue à ce jour le plus important accord commercial au monde ; il a été signé par la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les dix États membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN). Ces quinze pays représentent à eux seuls 2 milliards de consommateurs, environ 30 % de la population mondiale, 30 % du PIB mondial et pas loin de 30 % des échanges internationaux. L'accord porte essentiellement sur une baisse des droits de douane sur plus de 80 % des produits échangés, hors biens agricoles, et sur une simplification des démarches administratives liées aux transactions commerciales.

Au-delà de son importance économique, ce partenariat a une forte valeur symbolique, d'abord, parce que les États-Unis en sont absents, ce qui ne fait que renforcer le poids de la Chine, ensuite, parce que c'est le premier accord commercial signé entre la Corée du Sud, le Japon et la Chine.

Cette dernière apparaît incontestablement comme la grande gagnante de l'accord. En s'imposant comme la garante du multilatéralisme, elle renforce son influence dans la région. Elle pourrait en outre bénéficier d'un surplus de revenus de près de 85 milliards de dollars à l'horizon 2030, selon les premières estimations.

Face à l'hégémonie chinoise, Emmanuel Macron a appelé dès 2018 à un nouvel ordre géostratégique. En refusant d'être directement associée au dialogue quadrilatéral pour la sécurité (QUAD) noué entre le Japon, l'Inde, les États-Unis et l'Australie, la France promeut une position d'équilibre entre les États-Unis et la Chine, ainsi qu'une certaine conception du multilatéralisme. Le Président de la République l'a souligné : l'axe indopacifique constitue l'un des grands enjeux de demain. La France intervient dans la région non seulement en tant que puissance étrangère, mais aussi en tant que puissance voisine, puisque plus de 1,6 million de nos concitoyens vivent dans la zone économique exclusive française, dont plus de 90 % des 9 millions de kilomètres carrés se situent dans le Pacifique et l'océan Indien. La présence militaire de la France dans la région est importante : le dispositif actuel, qui s'étend de Djibouti à la Polynésie, comprend cinq commandements régionaux, trois bases et quelque 7 000 militaires. Si la France entend s'imposer comme une puissance militaire dans la région, le Président de la République a indiqué qu'elle comptait aussi y renforcer ses partenariats économiques, technologiques et stratégiques.

La signature du RCEP remet-elle en cause la stratégie de la France dans l'axe indopacifique ? Quelle politique la France doit-elle mener pour parvenir à s'imposer face aux puissances asiatiques, tout en conservant son indépendance à l'égard de la Chine et des États-Unis ? Actuellement isolée au sein de l'Europe sur cette question, la France a-t-elle pour ambition de rallier à sa cause certains de ses voisins européens, en vue de renforcer la position de l'Europe dans la région ?

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