Intervention de M'jid El Guerrab

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaM'jid El Guerrab :

Le cessez-le-feu conclu entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan le 9 novembre dernier sous l'égide de la Russie, à la suite d'un conflit de plusieurs jours, n'est que le nouvel épisode d'une rivalité ancienne qui oppose Arméniens et Azerbaïdjanais. Alors que tous les regards se portaient à juste titre sur l'influence turque dans le conflit, une nouvelle fois, c'est la Russie qui a tiré son épingle du jeu, en arbitrant les conditions du cessez-le-feu.

Il nous faut garder à l'esprit que la France et l'Azerbaïdjan entretiennent des relations très anciennes. La coopération universitaire est un axe important de la coopération culturelle franco-azerbaïdjanaise ; l'université franco-azerbaïdjanaise de Bakou, inaugurée en septembre 2016, est un bel exemple de cette relation d'amitié et de confiance. La coopération scientifique et de recherche entre la France et l'Azerbaïdjan s'est également développée par l'intermédiaire de l'antenne de l'Institut français d'études anatoliennes implantée à Bakou depuis 2002. Comme le reste du Caucase, les Azerbaïdjanais sont francophones ou francophiles.

La France est le septième investisseur étranger dans le pays, ce qui fait de l'Azerbaïdjan notre premier partenaire économique du Caucase du Sud, devant l'Arménie et la Géorgie. Un institut français est implanté depuis 2004 à Bakou et un lycée français, financé et géré par la Mission laïque française, y a ouvert en 2013. Près d'une trentaine d'accords interuniversitaires lient des établissements publics d'enseignement azerbaïdjanais à des universités françaises.

Le peuple azerbaïdjanais est un peuple ancien, qui a une culture du vivre ensemble. De nombreuses ethnies non azéries – Lezguis, Talychs, Avars, Russes, Tatars, Juifs, etc. – vivent en Azerbaïdjan en parfaite harmonie, dans un respect mutuel. Chacun peut pratiquer sa foi sans être inquiété. L'Azerbaïdjan est un pays profondément laïque – c'est d'ailleurs le premier pays laïque du monde musulman ; c'est peut-être le seul pays au monde où cohabitent pacifiquement autant de religions. Cela a été popularisé par Alexandre Dumas et par George Sand, qui, en 1843, a été la première à traduire en français l'épopée azerbaïdjanaise de Köroglu.

Au-delà de ces considérations, la reconnaissance unilatérale du Haut-Karabakh, comme le souhaite le Sénat, pourrait être dangereuse pour la position de la France dans le monde, d'autres territoires du Caucase, comme l'Ossétie du Sud ou l'Abkhazie, pouvant en demander autant. Je rappelle que la France a voté à quatre reprises pour les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU en avril, juillet, octobre et novembre 1993 : elles prévoient le respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'inviolabilité des frontières internationalement reconnues de la République d'Azerbaïdjan, sans ingérence aucune. Il est important pour notre pays d'avoir une vision équilibrée et pondérée de ce conflit.

Les résolutions, motions et autres initiatives prises par l'Assemblée nationale, le Sénat ou la mairie de Paris ne contreviennent-elles pas au statut de médiateur de la France ? Quelle est la position officielle de notre pays sur ces résolutions et initiatives locales ? Le Gouvernement se montrera-t-il favorable au texte adopté par le Sénat ? N'est-il pas indispensable que la France conserve sa neutralité, gage de sa présence au sein du groupe de Minsk ?

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