Intervention de Frédérique Dumas

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas :

Alassane Ouattara en Côte d'Ivoire, Alpha Condé en Guinée : tous deux ont suivi un processus strictement identique, avec un troisième mandat anticonstitutionnel, des résultats non crédibles, l'arrestation d'opposants, des violences s'accompagnant de morts et de blessés. Le Président de la République a pourtant félicité Alassane Ouattara pour son élection. Il réduit ainsi le débat à une histoire de personnes, voire de personnalités, l'une, Alpha Condé, ayant violé la Constitution, l'autre, Alassane Ouattara, ne l'ayant pas fait.

De votre côté, monsieur le ministre, au terme d'un séjour de vingt-quatre heures au Niger, vous avez rendu un vibrant hommage au président Issoufou, qui, arrivant en fin de mandat, respecte son engagement de ne pas se représenter pour un troisième mandat. Vous avez déclaré : « Je suis venu parce que je voulais rencontrer le président Issoufou avant la fin de son mandat, […] parce que nous avons eu depuis 2012 de nombreux échanges de qualité et je tenais à lui rendre hommage ». Il s'agit donc d'un soutien affiché que vous lui apportez en pleine campagne électorale. Vous avez d'ailleurs ajouté, à propos des élections de décembre : « Elles vont avoir lieu au moment où elles doivent avoir lieu, dans le respect de la Constitution. La qualité de l'élection au Niger sera une référence pour toute l'Afrique. » Il n'aura échappé à personne que vous avez tenu ces propos sur l'exemplarité des élections avant même que celles-ci aient lieu et alors que la candidature du principal opposant au président Issoufou venait d'être invalidée par la Cour constitutionnelle sur des bases plus que discutables, au moment même où il terminait une tournée dans tout le pays, remplissant les stades.

Trouvez-vous normal que le Président de la République française félicite le président d'un autre pays pour sa réélection alors que cette dernière s'est faite au mépris de la Constitution et qu'il distribue des bons points en fonction de son intérêt du moment ? Trouvez-vous normal, pour ce qui vous concerne, que vous félicitiez un président pour l'exemplarité d'élections qui ne se sont pas encore tenues ? Pensez-vous que le seul fait que ces élections aient lieu dans le prétendu respect de la Constitution suffise à les rendre exemplaires ? Ne pensez-vous pas que de tels propos risquent d'embraser une partie de l'Afrique, notamment le Sahel ? Vous n'aurez qu'à déplorer les conséquences de vos actes !

Pour ce qui concerne la Turquie, je pense que, s'il existe des divergences entre nos deux pays, les propos que vous tenez ne reflètent pas vraiment la réalité – pour le dire poliment. La France et la Turquie méritent mieux que cela. À ceux qui parlent de chantage migratoire, je veux rappeler qu'il y a 3,5 millions de réfugiés en Turquie, dont 600 000 Kurdes, et 600 000 naissances depuis la conclusion de l'accord avec l'Union européenne. Avons-nous respecté les contreparties de cet accord ? Celui-ci prévoyait une enveloppe financière ; or nous avons versé en quatre ans l'équivalent de ce que nous aurions dû verser en un an. Il prévoyait aussi une relance du processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, des visas pour les Turcs et une aide au retour des réfugiés en Syrie. Rien de tout cela n'a été appliqué. Nous faisons la même chose avec l'Iran ; nous demandons à tous ces pays de respecter leurs engagements, mais nous ne respectons pas un seul des nôtres.

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