Intervention de Isabelle Rauch

Réunion du mercredi 16 décembre 2020 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Rauch, rapporteure :

Nous avons adopté en février 2019, vous l'avez dit, le projet de loi autorisant l'approbation de la convention fiscale signée en 2018 par la France et le Luxembourg. Ce texte a fait l'objet d'un examen attentif par notre commission, au cours duquel nous avons eu l'occasion de souligner les progrès apportés par la convention, qui est conforme aux dernières normes de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière d'échange d'informations et de prévention de l'érosion de la base d'imposition et de transfert de bénéfices.

Cependant, cette convention comporte, à son article 22, des ambiguïtés sur les modalités d'élimination des doubles impositions des revenus d'activité des travailleurs frontaliers et de certains revenus immobiliers. En effet, dans sa rédaction actuelle, cet article laisse craindre que ces revenus soient imposés deux fois : concrètement, la France pourrait prélever un reliquat correspondant à la différence entre l'impôt acquitté au Luxembourg et celui dû en France. L'alerte est venue de ma circonscription frontalière avec le Luxembourg où de nombreuses personnes m'ont saisie, ce qui a favorisé un travail conjoint avec Bercy.

Cette disposition aurait des conséquences fiscales très concrètes pour les 107 000 résidents français qui travaillent au Luxembourg et représentent près de 25 % de la masse salariale du Grand-Duché. Les inquiétudes étaient d'autant plus grandes que le Luxembourg a adopté, en 2017, une réforme de l'impôt sur le revenu, favorable aux travailleurs les plus modestes, qui a accru le différentiel de fiscalité entre les deux pays. Les principales personnes concernées seraient les contribuables ne bénéficiant pas du quotient familial ou de réductions ou déductions d'impôts, en particulier les célibataires et les couples sans enfant ayant une rémunération nette annuelle par personne comprise entre 18 000 et 36 000 euros, qui sont les principaux bénéficiaires de la réforme fiscale luxembourgeoise.

Les conséquences importantes qui pourraient en résulter pour un grand nombre de nos compatriotes sont une nouvelle illustration de l'importance de l'examen attentif, par le Parlement, des conventions fiscales signées par le Gouvernement.

Les dispositions relatives aux modalités d'élimination des doubles impositions des revenus d'emploi ont été fortement contestées dès l'adoption de la convention, ce qui a conduit à la signature du présent avenant, un peu plus d'un an après celle de la convention.

Le texte qui nous est soumis a pour objet de revenir, pour les modalités d'élimination des doubles impositions des revenus d'emploi et de certains revenus immobiliers, à un système équivalent à celui qui prévalait avant l'entrée en vigueur de la convention de 2018. Conformément au principe de l'imposition des revenus d'emploi dans le pays d'activité, les travailleurs frontaliers ne paieront pas d'impôts en France sur leurs revenus d'emplois s'ils s'en sont acquittés au Luxembourg.

Par cohérence avec le réseau conventionnel de la France, cette modification de la méthode d'élimination des doubles impositions s'appliquera également aux revenus immobiliers : les détenteurs de revenus issus de biens immobiliers situés au Luxembourg ne devront pas payer en France d'impôt sur ces biens s'ils se sont acquittés de leur impôt au Grand-Duché.

Conformément au principe de l'imposition partagée, ces revenus seront néanmoins pris en compte pour la détermination du taux applicable aux autres revenus du contribuable, ce qui préserve la progressivité du système fiscal français.

Concrètement, l'administration fiscale octroiera aux travailleurs frontaliers et aux détenteurs de revenus issus de biens situés au Luxembourg un crédit d'impôt égal au montant qu'ils auraient dû acquitter en France pour les revenus concernés, dans la limite de l'impôt effectivement payé au Luxembourg.

Ces dispositions, conformes au modèle de l'OCDE, sont couramment utilisées par la France dans les conventions signées depuis la fin des années 1980 : on retrouve les mêmes clauses pour les revenus d'activité relevant d'une imposition partagée dans les conventions fiscales signées avec l'Allemagne, l'Italie, la Chine, la Suisse ou encore le Royaume-Uni. La disposition qui figure dans l'avenant est, à cet égard, plus « standard » que celle qu'elle remplace.

L'avenant prévoit que les nouvelles dispositions s'appliqueront aux périodes d'imposition commençant à compter du 1er janvier 2020. Ainsi, les travailleurs frontaliers pourront en bénéficier dès la première année de l'entrée en vigueur de la convention, avant même que les modalités initiales aient à s'appliquer. L'impact sur les finances publiques du présent avenant est donc nul.

Enfin, je tiens à préciser, pour la clarté des débats, que l'avenant ne vise qu'à préciser les modalités d'élimination des doubles impositions : les questions relatives à l'harmonisation fiscale, qui relèvent davantage de la législation européenne, à la participation du Luxembourg au développement des territoires frontaliers – dans le cadre du codéveloppement – ou au statut du télétravail frontalier n'entrent pas dans le champ de la convention de 2018, ni dans celui de son avenant. Ce sont, néanmoins, des sujets importants dont nous aurons à nous saisir.

Compte tenu de ces différentes remarques, je vous propose d'adopter le présent projet de loi.

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