Je vous remercie de m'accueillir parmi vous. La commission des finances a donné ce matin un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi, et j'aimerais me faire l'écho de certaines remarques qui ont été formulées par mes collègues.
Bien que le Parlement ne puisse qu'approuver ou refuser les accords internationaux négociés par le Gouvernement, il est nécessaire de réaliser un examen approfondi de tous ceux qui portent sur les questions fiscales.
La convention du 20 mars 2018, dont nous avons autorisé l'approbation en février 2019, a modernisé les relations fiscales entre la France et le Luxembourg, jusque-là régies par une convention datant de plus de soixante ans – elle avait été signée en 1958.
Cette nouvelle convention s'inscrit dans le contexte plus large de l'instrument multilatéral relatif à la prévention de l'érosion de la base d'imposition et du transfert de bénéfices. Je rappelle que le Projet BEPS (base erosion and profit shifting) détaille de nouvelles règles fiscales internationales destinées à favoriser une plus grande transparence et à lutter contre l'évasion fiscale.
Rapporteur pour avis du projet de loi autorisant l'approbation de la convention de 2018, j'ai eu l'occasion de souligner les avancées qu'elle apporte, notamment la souplesse prévue par le protocole qui lui est annexé quant à l'imposition des revenus des frontaliers exerçant une partie de leur activité en télétravail. La crise sanitaire de la covid-19 a conduit de nombreux frontaliers français, restés à leur domicile, à découvrir l'usage du télétravail et a montré la nécessité d'adapter en conséquence les règles d'imposition. Si le nombre de jours de télétravail n'est pas supérieur à vingt-neuf, alors le salarié reste imposé dans l'État où il exerce son activité.
J'en viens à l'avenant, qui réécrit le premier paragraphe de l'article 22 de la convention de 2018, lequel avait suscité, sur plusieurs points, des commentaires de la part des commissaires aux finances. Il s'agit de lever toute ambiguïté sur la version initiale du texte, qui laisse planer la possibilité que certains contribuables soient imposés à la fois en France et au Luxembourg sur le même revenu, du fait des réformes fiscales qui ont eu lieu successivement dans ces deux pays. La manière dont cet article est rédigé a provoqué des inquiétudes au sein des frontaliers du Pays-Haut et des Mosellans : ils craignaient que cela entraîne pour eux un surplus d'imposition.
Deux méthodes existent pour éviter une double imposition des contribuables. La méthode dite d'exemption voit l'État de résidence renoncer à assujettir à l'impôt les revenus imposables dans l'État où ils trouvent leur source. C'est la méthode retenue par la convention de 1958. La méthode dite d'imputation consiste, pour l'État de résidence, à neutraliser l'imposition déjà acquittée dans l'État source des revenus, grâce à un crédit d'impôt.
L'avenant ne change pas la méthode suivie : il modifie simplement le mode de calcul du crédit d'impôt. La version initiale prévoit qu'il peut être égal au montant de l'impôt acquitté au Luxembourg. Dans le cas où l'impôt dû en France serait supérieur à celui acquitté au Luxembourg, le travailleur pourrait donc être imposé une seconde fois dans notre pays.
Les négociations portant sur la convention ont débuté en 2016. L'année suivante, le Luxembourg a adopté une réforme visant à réduire la fiscalité sur les bas revenus. La méthode de calcul initialement prévue conduirait à neutraliser cette réforme pour les travailleurs frontaliers : leur impôt global ne diminuerait pas. En France, la loi de finances pour 2020 a prévu un ajustement des tranches du barème de l'impôt sur le revenu se traduisant par une baisse de 5 milliards d'euros de cette imposition pour près de 17 millions de foyers. Ajoutons à cela que le Luxembourg planche sur une prochaine réforme structurelle qui pourrait intervenir en 2021 ou en 2022, car celle de 2017 a été jugée insuffisante – elle exigerait des ajustements. Vous comprendrez aisément pourquoi il faut un cadre, une méthode pérenne et imperméable aux aléas des réformes fiscales menées dans les deux pays.
Le choix qui a été fait consiste à accorder aux personnes résidant en France et travaillant au Luxembourg un crédit d'impôt égal au montant qu'elles auraient à acquitter dans notre pays.
Cet avenant, dont je me réjouis, est essentiel pour sécuriser la situation fiscale de plus de 100 000 Français qui franchissent chaque jour la frontière pour travailler au Luxembourg.
Bien que je ne sois pas autorisé à voter dans cette commission, je vous invite vivement à adopter le projet de loi, qui sera examiné en séance publique le 21 janvier prochain.