. Mes chers collègues, je vous remercie de ces questions, observations, remarques et interrogations. Je m'efforcerai d'y répondre le plus précisément possible. Je remercie M. Christophe Jerretie, auteur d'un rapport d'information au nom de la commission des affaires européennes. Je partage la plupart de ses conclusions et certains de ses doutes, notamment au sujet des rabais. Nous devrons mener ce combat dans les années à venir, comme je l'ai clairement indiqué dans mon rapport, ainsi que dans mon propos liminaire. La France devra mener ce combat politique, par l'intermédiaire de celles et ceux qui exercent les responsabilités au sein du Gouvernement, lors des futures négociations futures à l'échelon européen.
Monsieur Herbillon, je vous remercie de soutenir le texte au nom du groupe Les Républicains. À situation exceptionnelle, décision exceptionnelle, avez-vous dit à raison. Les Européens ont été capables de prendre ensemble des mesures sans précédent. Il n'y a aucune euphorie dans nos propos, mais la conscience d'un moment politique important, où les États membres ont su, pour la première fois de leur histoire, s'entendre pour emprunter en commun sur les marchés et répondre à une crise sans précédent. J'aimerais prendre pour point de comparaison la crise économique de 2008. Chacun a constaté la rapidité avec laquelle les États-Unis d'Amérique ont su y répondre. En quelques semaines, quelques mois tout au plus, l'administration d'alors a su nettoyer son système bancaire et injecter des milliards de dollars dans l'économie pour la relancer. Nous avons vu l'Amérique repartir très rapidement. Aux Européens, il a fallu plusieurs années. De 2008 à 2012, nous avons traîné le poids de la crise, dont nous avons subi les conséquences tout au long de la précédente décennie. Nous n'éprouvons donc aucune euphorie, mais la satisfaction de constater que les Européens sont capables de s'entendre et de prendre des décisions qui devraient leur permettre, si elles sont menées à terme, de résister à la crise, de la surmonter et de préparer l'avenir.
Alain David a évoqué la coordination entre les États membres. Pour ma part, je suis très satisfait de constater que le plan de relance permet d'inciter les États européens à harmoniser leur réponse à la crise. Il aurait été absolument incohérent que les Européens empruntent en commun et que chaque État membre développe et déploie son plan de relance sans concertation avec les autres. Une telle réponse n'aurait pas été appropriée, s'agissant d'une situation dans laquelle les pays européens sont placés à l'identique. Cette crise, me semble-t-il, est le bon moment pour préparer l'avenir. Le plan de relance consacre 37 % de son montant à la transition écologique ; en la matière, agir de façon harmonisée, à l'échelle de l'Europe à vingt-sept, est bien plus efficace qu'agir à l'échelle de la France seule, dont les pays voisins auraient investi un peu moins ou un peu plus. Nous avançons à vingt-sept de façon concertée. Il en est de même s'agissant de la numérisation de notre économie, qui comporte des défis que nul n'ignore. Cette coordination et ces progrès en commun, pour répondre à la crise et préparer l'Europe à l'horizon 2030, sont absolument indispensables.
Monsieur Bourlanges, je vous remercie de votre soutien et de vos bons mots sur le rapport d'information de M. Jerretie ainsi que sur le mien. La DRP comporte plusieurs nouveautés, en sus du plan de relance, financé par l'emprunt, ce qui constitue une avancée considérable. Il faut prendre la mesure de ce que les Européens ont décidé. En faisant le choix d'emprunter ensemble, ils placent la solidarité au cœur du projet européen, après de nombreuses années au cours desquelles on a parfois reproché à l'Europe d'être trop égoïste, et aux États européens de tirer chacun dans son sens. Pour la première fois, ils ont choisi d'emprunter en commun, dans le cadre d'une réponse solidaire à la crise. Il s'agit d'une avancée absolument fondamentale.
Il est exact que le diable se cache dans les détails, ou plutôt dans les délais, comme vous l'avez dit. L'enjeu majeur, au cours des mois et des années à venir, sera de travailler à faire en sorte que le déploiement des ressources propres soit effectué de la façon la plus efficace et la plus effective possible. Je rappelle que l'accord conclu entre les institutions de l'Union européenne comporte une dimension contraignante. La Commission européenne et le Conseil européen devront donc délibérer à des dates précises, de 2021 à 2026, sur l'introduction des nouvelles ressources propres. En outre, j'ai la conviction que, même si les discussions seront difficiles, les États membres, y compris ceux qualifiés de « frugaux », avanceront sur ce chemin, pour une simple et bonne raison ; en l'absence d'accord sur les ressources propres, les contributions nationales des États membres augmenteront. Or ces pays, pas plus que les autres, ne souhaitent voir leur contribution nationale augmenter. La discussion sera âpre et dure, mais nous parviendrons à avancer progressivement sur ce chemin, au profit d'une évolution qui me semble absolument nécessaire.
Concernant les rabais, mes propos sont clairs : j'encourage celles et ceux qui sont en responsabilité à poursuivre ce combat. Notre message, porté collectivement, sera entendu par le ministre.
Cher Jean-Paul Lecoq, nous avons, et c'est bien normal, quelques points de divergence. Il ne faut pas mélanger le débat sur les accords de libre-échange avec celui qui nous occupe aujourd'hui. Je ne partage pas votre analyse selon laquelle l'Union européenne aurait oublié les peuples. En parvenant à s'entendre sur un plan aussi ambitieux, les Européens ont d'abord pensé aux peuples européens. Ce plan permettra de sauver le marché intérieur, dont l'ensemble des économies de notre continent bénéficient ; c'est la meilleure garantie pour que les entreprises européennes ne s'effondrent pas.
Je garde en mémoire la crise de 2008 : les Européens s'étant montrés incapables de trouver une réponse harmonisée et suffisamment conséquente, de grands groupes extra-européens s'étaient emparés de certaines entreprises européennes, au détriment parfois de leurs travailleurs, et de grands actifs chinois avaient racheté des entreprises du sud de l'Europe, comme le port du Pirée. Le bouclier du plan de relance nous en prémunit : en empruntant en commun, les États européens envoient un message politique très puissant au reste du monde, notamment aux États-Unis et à la Chine. C'est une grande réussite qui contribuera à protéger les citoyens et les travailleurs européens.
Vous avez également dénoncé l'absence de solidarité d'une Union qui ne penserait pas suffisamment à l'avenir. Or les décisions sur les ressources propres qui devraient être adoptées dans les années à venir placent justement la solidarité au cœur du projet européen. Lorsque l'on propose de rembourser le plan de relance en faisant contribuer les géants du numérique et les grandes entreprises non européennes, qu'elles soient américaines ou asiatiques, lorsque l'on propose de taxer les entreprises qui produisent sans respecter nos normes environnementales et sanitaires, on fait œuvre de justice. Il en va de même pour la taxe sur les transactions financières, même si, je vous le concède, ce débat devrait durer encore de longues années. L'Europe progresse, une dizaine d'États membres ayant développé une coopération structurelle sur ce sujet, et j'ai bon espoir que, d'ici à 2026, les Européens parviennent à s'entendre.
Madame Mireille Clapot, l'égalité entre les femmes et les hommes est une aspiration qui traverse l'ensemble des pays européens, et nombre d'entre eux en font une priorité : c'est une bonne chose. Toutefois, il ne s'agit pas d'une ressource fiscale : même si je comprends votre intention, je ne vois pas comment l'on pourrait en faire une ressource propre dans les années à venir.
Madame Liliana Tanguy, concernant la stratégie de la France sur le développement des ressources propres, il faudrait interroger le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, qui sera mieux à même de vous répondre. Je pense toutefois que cela sera une priorité politique compte tenu du poids mis par le Président de la République dans la négociation pour faire adopter le plan de relance européen et de l'énergie déployée par le secrétaire d'État chargé des affaires européennes pour faire advenir une Europe plus unie, plus solidaire et plus souveraine. J'ai bon espoir que la stratégie de la France sera vigoureuse et que la présidence française, dans un an, permettra de progresser sur les ressources propres.
Cher Sébastien Nadot, votre question est un peu éloignée de ce qui nous occupe, et je ne répondrai pas différemment du secrétaire d'État : l'Espagne n'a pas, à ma connaissance, violé de principes démocratiques. Elle dispose d'un ordre constitutionnel et juridique garantissant l'application des décisions nationales et européennes. Des procédures sont en cours et les voies de recours restent ouvertes aux personnes mises en cause. Je ne m'étendrai pas plus sur cette question.
Enfin, concernant l'État de droit, il faut mesurer la portée du mécanisme acté par les Européens il y a quelques semaines. Pour la première fois, le budget européen est lié au respect de l'État de droit en Europe : c'est une avancée considérable quand on sait les violations répétées de la démocratie et des libertés dans un certain nombre de pays européens. Pour la première fois, les Européens ont su s'entendre sur un tel mécanisme, malgré la résistance farouche de la Hongrie et de la Pologne. Ce n'est pas parfait mais cela marque une rupture, j'en suis absolument convaincu.
Ce progrès fondamental ne signifie pas pour autant que le combat pour l'État de droit et le respect de la démocratie ne doit pas continuer. On a parfois tendance, en Europe, à dénoncer le comportement de dirigeants extra-européens – le récent épisode américain a ainsi soulevé une vague d'indignation – mais à se montrer timide s'agissant des atteintes au respect de l'État de droit en Europe, par exemple en Hongrie, en Pologne ou encore en Russie, où l'arrestation d'Alexeï Navalny constitue une nouvelle outrance.