Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 20 janvier 2021 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • algérie
  • extradition

La réunion

Source

La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de Mme Isabelle Rauch, vice-présidente.

Hommage à Marielle de Sarnez

L'enregistrement de l'hommage à Marielle de Sarnez est accessible sur le portail vidéo de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :

http://assnat.fr/j3qJIs

Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n° 2487) (M. Jacques Maire, rapporteur)

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Notre ordre du jour appelle l'examen, ouvert à la presse, et le vote du projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre la France et l'Algérie. Le projet de loi que nous allons examiner a été déposé sur le bureau de notre assemblée il y a un an, le 18 décembre 2019. Le confinement du premier semestre 2020 a conduit à reporter son examen, qui est à présent indispensable. Cette convention remplace la convention du 27 août 1964 afin de prendre en compte l'évolution non seulement de nos systèmes judiciaires respectifs en matière pénale mais aussi de notre coopération bilatérale qui a été relancée par la déclaration sur l'amitié et la coopération signée à Alger le 19 décembre 2012 par les présidents Hollande et Bouteflika.

Notre commission avait, en juillet 2017, à l'occasion du rapport de Mme Sira Sylla, approuvé une nouvelle convention d'entraide pénale avec l'Algérie. Il s'agit, à présent, de discuter d'une convention rénovant et clarifiant la procédure d'extradition. La profondeur et l'importance des échanges et des liens humains existant entre la France et l'Algérie justifient les termes de cette nouvelle convention qui participe directement de la relance de la coopération bilatérale souhaitée unanimement des deux côtés de la Méditerranée. Et il est notable que la dimension des droits de l'Homme soit très présente dans le nouveau cadre juridique des extraditions qui a été convenu entre nos deux pays.

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Nous sommes saisis d'un accord d'extradition avec l'Algérie. C'est un accord qui engage les deux pays à se remettre mutuellement les personnes poursuivies ou condamnées qui seraient en fuite sur le territoire de l'autre partie.

Les traités d'extradition sont des accords classiques, standardisés dans leur contenu. La France est partie à une cinquantaine d'accords bilatéraux de ce type. Les derniers accords d'extradition que nous avons autorisés sont ceux qui nous lient avec le Pérou et Sainte-Lucie.

En l'occurrence, l'accord qui nous est présenté nous engage vis-à-vis d'un pays avec lequel les liens, notamment les liens humains, sont beaucoup plus denses. Je ne reviendrai pas sur tout le champ de la relation bilatérale avec l'Algérie mais je dirai un mot du contexte politique et des liens humains entre nos deux pays.

S'agissant de la situation politique, elle est extrêmement confuse. Nous avons tous vécu l'atmosphère de fin de règne d'un président absent, M. Bouteflika, sorti de façon rapide par le général Gaïd Salah. Une période d'intérim par le président du Sénat s'en est suivi dans un contexte où le mouvement du Hirak prenait toute son importance. Il y a eu, je vous le rappelle, une élection présidentielle, à laquelle M. Tebboune, qui n'était pas forcément le favori, a été élu. Il s'agit d'une personnalité du sérail âgée, qui n'est pas très présent puisqu'il est souvent en Allemagne pour se faire soigner. Pendant ce temps-là, la réforme constitutionnelle peine à prendre son envol et sa crédibilité. Toutefois, la mobilisation a faibli avec le contexte sanitaire mais aussi la lassitude et les espoirs déçus d'un renouveau politique en Algérie.

Dans ce contexte, nos liens humains sont toujours aussi importants. En janvier 2020, près de 620 000 Algériens étaient titulaires d'un titre de séjour français en cours de validité. A la même période, près de 40 000 Français résidaient eux-mêmes en Algérie.

Du fait de l'importance de la communauté algérienne en France et de la communauté française en Algérie, le nombre d'Algériens incarcérés en France est élevé. Et inversement. Environ 2 450 Algériens sont détenus en France et, dans l'autre sens, 50 Français seraient emprisonnés en Algérie. Je précise que, pour la plupart de ces détenus, la convention d'extradition que nous examinons n'est pas applicable. Ces personnes sont souvent emprisonnées pour des infractions sur le territoire où ils sont détenus, alors que la convention vise les personnes en fuite.

De par les échanges humains incessants entre nos deux pays, la France et l'Algérie ont développé une coopération dans le domaine de la justice pénale. Vous vous en souvenez peut-être : au début de la législature, au rapport de notre collègue Sira Sylla, nous avions autorisé la ratification d'une nouvelle convention d'entraide pénale avec l'Algérie. L'Algérie est un des pays du continent africain vers lequel nous adressons le plus de demandes d'entraide judiciaire. Nous avons donc renforcé notre coopération en matière d'enquête et de poursuites.

Le deuxième volet de notre coopération en matière pénale avec l'Algérie concerne l'extradition. Actuellement, cette coopération repose sur une convention en date de 1964. Comme on peut s'y attendre, la France et l'Algérie s'adressent régulièrement des demandes d'extradition. Sur les dix dernières années, nos deux pays se sont échangés une soixantaine de demandes, dont seulement trois pour des faits de terrorisme.

Le cadre de notre coopération en matière d'extradition bute cependant sur deux difficultés. D'abord, la convention de 1964 n'est pas aux normes des garanties qui conditionnent l'extradition. C'est notamment le cas – nous allons le voir – de la garantie sur la non application de la peine de mort. L'autre problème tient aux difficultés de la coopération avec les autorités algériennes. Certaines de nos demandes d'extradition ne sont pas traitées par ces dernières. Inversement, les dossiers que nous présente l'Algérie sont souvent incomplets et la recherche des informations complémentaires nécessaires à l'examen de la demande s'avère souvent extrêmement laborieuse.

C'est pour ces raisons que les autorités françaises ont souhaité renforcer le cadre de notre coopération avec l'Algérie. Ces efforts ont abouti à la signature, le 27 janvier 2019 à Alger, d'une nouvelle convention d'extradition.

Cette nouvelle convention a deux caractéristiques principales. S'agissant de ses objectifs, celle-ci vise à « rendre plus efficace la coopération en matière de lutte contre la criminalité sous toutes ses formes », comme l'indiquent les deux gouvernements en préambule. S'agissant de son contenu, elle s'inspire largement de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, qui fait figure de modèle dans ce domaine.

Alors, qu'apporte de nouveau cette convention par rapport au régime en vigueur ? D'évidence, ses principales dispositions – l'engagement des parties à se remettre les personnes poursuivies ou condamnées, les infractions pouvant donner lieu à remise, les principaux motifs de refus et les principales règles de procédure – sont peu ou prou inchangées. Mais certaines avancées, qui rehaussent la coopération avec l'Algérie sur les standards les plus récents, doivent être soulignées.

D'abord, la nouvelle convention actualise et clarifie les motifs qui justifient le refus d'extrader. C'est important dans le contexte algérien parce que, malgré les revendications qui sont portées par les manifestants du Hirak, des inquiétudes demeurent sur le plan du respect des droits de l'Homme et de l'État de droit. Les polémiques sont constantes. La justice en Algérie ne peut être jugée indépendante. Les libertés publiques, comme la liberté d'expression et la liberté de réunion, restent aujourd'hui mal assurées. Et la peine de mort est encore, au moins théoriquement, en vigueur.

Malgré un moratoire de fait depuis 1993, le principal nœud de la négociation a porté sur la formulation de la garantie sur la non application de la peine de mort. La formulation trouvée pose le principe du refus d'extrader lorsque la personne risque la peine de mort. Mais cette règle souffre d'une exception : lorsque la partie requérante donne des assurances jugées suffisantes que cette peine ne sera pas requise et que, si elle est requise et prononcée, elle ne sera pas exécutée. Cette formulation est finalement identique à celle des accords bilatéraux que nous avons signés avec d'autres pays. Elle satisfait nos valeurs et respecte l'indépendance algérienne.

La nouvelle convention consacre également de nouveaux motifs facultatifs de refus. Par exemple lorsque la remise de la personne aurait des conséquences gravissimes compte tenu de son âge ou de son état de santé.

L'article 22 garantit enfin le plein respect des droits fondamentaux. Il spécifie que la convention ne porte pas atteinte aux obligations des parties résultant des accords multilatéraux. Autrement dit, dès lors qu'une demande d'extradition pourrait conduire la France à violer un traité comme la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, un refus sera opposé.

Le deuxième grand apport de la convention est de fluidifier les échanges entre États. Le mode de communication des demandes, ainsi que leur contenu, sont identiques au régime actuel. C'est un échange par voie diplomatique. En revanche, un cadre est établi pour qu'une partie puisse solliciter, si besoin, des éléments complémentaires. Passé un certain délai sans réponse, la demande d'extradition tombe, ce qui devrait inciter la partie algérienne à améliorer la qualité des dossiers présentés.

Dans un souci d'efficacité, des procédures spéciales de remise sont également établies. Par exemple, en cas d'urgence, une des parties peut demander l'arrestation provisoire d'une personne avant de transmettre une demande d'extradition en bonne et due forme. Le délai fixé pour faire parvenir cette demande passe à 40 jours contre 30 jours auparavant, ce qui était plus contraignant. Autre nouveauté : lorsque la personne consent à sa remise, la partie saisie d'une demande d'extradition est invitée à la traiter aussi rapidement que possible.

Un dernier mot pour dire que la procédure est allégée pour les infractions fiscales. Auparavant, la procédure pour ce type d'infractions reposait sur un mécanisme assez contraignant d'échanges de lettres. Ce mécanisme obsolète est ainsi supprimé, ce qui rajoute de la fluidité.

En conclusion, cette nouvelle convention assurera, d'une part, une plus grande lisibilité des garanties qui permettent d'extrader, et d'autre part, des échanges plus fluides et une réduction des délais de procédure. Pour ces raisons, j'appelle notre commission à autoriser la ratification de cette convention.

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Ce projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et la qualité du rapport qui nous est présenté montrent bien que la dernière convention entre les deux pays datant de 1964 ne suffisait plus.

La France et l'Algérie, si intimement liés par leur histoire unique, partagent des liens humains, mais aussi des liens économiques et culturels depuis plusieurs décennies. Le président de la République a affirmé à de nombreuses reprises, et encore récemment, son ambition de resserrer davantage ces liens importants, notamment sur le plan mémoriel. Je me réjouis donc à cet égard de la remise aujourd'hui au président de la République du rapport de l'historien Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie.

La spécificité des liens entre la France et l'Algérie, la présence de millions de citoyens binationaux en France donnent encore plus de sens à la nécessité d'une modernisation et du renforcement de notre coopération en matière judiciaire pénale afin de fluidifier et rendre plus efficace la lutte conjointe contre la criminalité.

Dans votre rapport sur ce projet de loi, vous soulignez deux difficultés majeures quant aux relations extraditionnelles entre la France et l'Algérie : d'une part, l'absence de traitement des demandes par les autorités algériennes, qui se sont nettement améliorées et, d'autre part, la question des droits humains, particulièrement la question de la peine de mort, encore inscrite dans le droit pénal algérien même si, dans les faits, elle n'est plus en application depuis 1993.

Vous rappelez à juste titre que la question des droits humains demeure inquiétante depuis le déclenchement du mouvement populaire du Hirak en février 2019. Le comité national de libération des détenus estime à près d'une centaine le nombre de citoyens algériens qui sont aujourd'hui en prison pour avoir exprimé leur opinion, critiqué le régime ou pour avoir exercé le métier de journaliste. Le cas le plus célèbre est celui de Khaled Drareni incarcéré depuis mars 2020 et condamné à deux ans de prison ferme pour « incitation à attroupement non armé » alors qu'il couvrait des manifestations contre le régime. Il est donc salutaire que l'article 4 de la présente convention d'extradition entre nos deux pays prévoit le refus de l'extradition des personnes poursuivies pour leurs opinions politiques.

Dans le prolongement de cette convention d'extradition, et dans le cadre de l'approfondissement de cette coopération pour lutter conjointement et plus efficacement contre la criminalité, j'aimerais savoir s'il est prévu de développer d'autres volets de coopération judiciaire en matière pénale, particulièrement en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, qui touche malheureusement les deux rives de la Méditerranée. C'est un thème sur lequel l'Algérie a su développer une expertise du fait de la tragique expérience de la décennie noire des années 1990.

Aussi, ce texte pourrait-il être mis en œuvre pour résoudre la problématique des mineurs non accompagnés ? Ce sujet pourrait-il être intégré dans le cadre des extraditions ?

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Le rapporteur a présenté de la façon la plus explicite qui soit les difficultés qui existent dans la coopération judiciaire entre nos deux pays. Ces difficultés ne datent pas, bien sûr, d'aujourd'hui. Elles ne sont pas consécutives aux bouleversements politiques de ces dernières années mais elles remontent à bien avant.

Pour autant, nos liens avec l'Algérie, culturels, historiques, politiques et même, vous le détaillez, judiciaires, sont forts et profonds, et nous obligent à coopérer davantage et plus étroitement. C'est précisément le but de cette convention qui doit faciliter les modalités de ces échanges entre États.

Nous connaissons tous les difficultés en Algérie. Ces dernières années ont vu les libertés publiques misent à mal, à commencer par le droit à l'information. Il existe toujours, par ailleurs, de profonds différends avec l'Algérie, notamment sur la question centrale de la peine de mort, qui est toujours en vigueur, même si un moratoire sur la question est appliqué depuis 1993. C'est justement pour toutes ces raisons que nous avons besoin d'un cadre de coopération plus clair auquel répond ce projet de loi.

Nous y avons également intérêt car nous partageons des combats communs à commencer par la lutte contre la criminalité et le terrorisme. Dans ce contexte, il est important que nous puissions disposer d'outils qui garantissent le respect de nos valeurs, qui sont d'abord ceux des citoyens de nos pays qui doivent pouvoir disposer de leurs droits pleins et entiers. C'est la raison pour laquelle le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés soutiendra ce projet de loi.

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Cette convention d'extradition signée le 27 janvier 2019 à Alger s'appuie largement sur le modèle de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 à l'instar des instruments bilatéraux conclus par la France dans ce domaine depuis plusieurs années.

La raison d'être d'un nouvel instrument juridique résulte, par rapport à la précédente convention de 1964, de la nécessité d'harmoniser le cadre juridique extraditionnel appliqué par la France et d'actualiser les outils juridiques existants en matière de coopération pénale entre la France et l'Algérie. Mais il vient surtout répondre à l'impératif de traiter la problématique liée à l'existence, dans l'arsenal répressif algérien, de la peine de mort, abolie depuis en France, et de nature à empêcher les remises de personnes recherchées en l'absence d'assurances diplomatiques jugées suffisantes. Cela a été le point central des négociations, et ce n'est qu'une ultime négociation le 22 mai 2017 qui a permis de lever les derniers points de blocage, s'agissant notamment de la formulation de la garantie de non-application de la peine capitale.

Si cette rédaction semble respecter le modèle de la convention européenne d'extradition, on aurait pu, néanmoins, souhaiter que la présente disposition soit plus restrictive et interdise purement et simplement l'extradition dans les cas où la personne extradée risque la peine de mort. Malgré cette réserve, le groupe des députés Socialistes et apparentés votera ce texte.

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Le projet de loi qui nous est soumis vise effectivement à autoriser l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement français et celui de la République algérienne. Il ne se distingue pas a priori des autres conventions d'extradition que notre commission a adoptées et sur lesquelles j'ai eu, moi aussi, l'occasion de me pencher.

En effet, comme bien d'autres, ce texte se base sur la convention européenne d'extradition de 1957. Cette convention crée un cadre commun en matière de remise de personnes dans le cadre de procédures judiciaires pénales. À côté d'une obligation générale d'extradition, cette convention prévoit les motifs habituels pouvant entrainer un refus d'extrader, qu'ils soient procéduraux, comme la prescription, ou motivés par des considérations plus politiques comme l'application de la peine de mort.

Vous l'avez aussi rappelé : il s'agit de « rafraîchir » la convention relative à l'exequatur et l'extradition entre la France et l'Algérie signée en 1964, après avoir adopté une nouvelle convention sur l'entraide judiciaire en matière pénale en 2016. Plus de cinquante ans après la convention de 1964, on peut comprendre qu'il y avait une nécessité d'harmoniser le cadre juridique en matière d'extradition appliqué par la France et d'actualiser les outils juridiques existants en matière de coopération pénale.

Notons, au passage, que tout cela n'a pas été simple, puisque six ans auront été nécessaire pour parvenir à un accord tant le sujet est complexe et sensible. Parce que si le droit algérien est en partie calqué sur le droit français, s'y ajoute aussi des aspects du droit musulman.

Ajoutons à cela que la binationalité, qui concerne plus de quatre millions de personnes, ouvre, contrairement à bien d'autres conventions, le champ d'application de cette convention dans des conditions inégalées, même si les binationaux sont traités par chaque partie comme des nationaux.

Il est aussi vrai que le nombre de ressortissants algériens incarcérés en France est excessivement supérieur au nombre de ressortissants français incarcérés en Algérie. Ce qui n'empêche pas nos autorités consulaires de se plaindre du traitement réservé à nos demandes d'extradition.

Demeure aussi le sujet sensible de la peine de mort : l'Algérie continue de prononcer des condamnations à mort. Même si le Conseil d'État juge désormais suffisant l'apport d'une garantie de non-exécution, le doute demeure pour moi. Le langage diplomatique ne recouvre pas forcément le langage juridique, et inversement.

Ce texte est aussi sensible en raison de la nature des personnes pouvant être extradées entre les deux pays, compte tenu des faits de terrorisme, le sud algérien constituant notamment une base arrière pour le Sahel.

Cette convention permettra-t-elle une meilleure coordination entre les autorités algériennes et françaises ? Je ne sais le dire. La situation politique en Algérie constitue-t-elle une garantie ? Je ne le pense pas. Dans ces conditions, je dois dire que mon groupe hésite à voter cette convention et qu'une « abstention positive » sera finalement peut-être ma position.

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Je crois que l'objectif était de renforcer avant tout la coopération en matière de lutte contre la criminalité entre la France et l'Algérie, et surtout de moderniser le cadre juridique bilatéral concernant les extraditions. La dernière convention datait de 1964.

Vous avez su souligner un point important : le souci de la France d'inscrire comme motif de refus d'extradition le risque pour la personne faisant l'objet de la demande d'encourir la peine capitale, abolie en France mais qui est toujours présente dans le droit interne algérien.

Un aspect mériterait d'être approfondi au-delà de cette convention : la coopération économique et culturelle entre la France et l'Algérie. Nous savons tous que les liens qui unissent nos deux pays sont très forts, notamment dans le domaine économique et culturel.

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Monsieur Laabid, je crois qu'il est juste de faire référence aujourd'hui au rapport de Benjamin Stora. Nous avons, avec l'Algérie, une relation humaine extrêmement dense, mais une relation politique qui s'apparente plus à des « montagnes russes », qui est dictée par l'émotion et par l'absence d'un regard partagé sur notre passé.

Ceci rend effectivement très difficile la négociation de tout texte, dès l'instant qu'il touche à la souveraineté de part et d'autre. Dans le cadre de négociations concernant les vestiges du passé colonial en matière de financement d'assurances et de secteurs financiers, j'ai moi-même pu être acteur de cette diplomatie parfois complexe.

Nous partageons en ce moment même cette interrogation sur le pari que fait l'Algérie sur sa rénovation démocratique. La proposition de nouvelle Constitution soumise à référendum donne probablement beaucoup de garanties sur les intentions, mais tout reste néanmoins une affaire d'interprétation et d'exécution.

Dans le cadre du Conseil de l'Europe, je suis rapporteur d'une mission sur le fait de savoir si l'Algérie souhaite être partie prenante des « Partenaires pour la démocratie » du Conseil de l'Europe. Cela aurait comme conséquence très importante la ratification par l'Algérie d'un très grand nombre de conventions du Conseil de l'Europe, notamment dans le domaine des libertés et de la justice. Nous sentons un appétit de principe fort, puisque cela donnerait une visibilité multilatérale forte à l'Algérie, qui a par ailleurs adhéré à la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) il y a quelques mois. Donc il y a bel et bien cette volonté d'aller vers l'extérieur, mais l'Algérie est-elle prête à accepter le regard d'une autorité internationale sur son propre mode de fonctionnement dans un pays aussi soucieux de sa souveraineté, ce que nous pouvons comprendre ? C'est un sujet qui pose problème.

La rationalisation du regard sur notre histoire commune est un élément fondamental qui me permet effectivement d'aborder à cette occasion la question de la peine de mort. Aujourd'hui, vous l'avez tous souligné, c'est un point limitant pour la coopération, non pas dans la pratique mais par le fait que la peine de mort puisse se rappeler au souvenir de cet État dont on connait les difficultés sécuritaires. La formulation qui est proposée dans la convention est à la fois conforme aux conventions signées avec beaucoup de nos partenaires et conforme à la jurisprudence du Conseil d'État. À ce titre, je pense que nous avons, sur un plan pragmatique et pratique, le maximum de garanties possibles, à droit constant en Algérie.

Concernant le terrorisme, évidemment cette convention sur l'extradition, de même que la convention sur l'entraide pénale, traitent du terrorisme. Pour autant, le sujet du terrorisme n'est pas extrêmement présent. Dans le passé, nous ne comptons que quelques demandes d'extraditions exprimées par la France concernant des actes de terrorisme. Le nombre n'est pas nul et est non négligeable, mais il faut tout de même relever qu'il est faible.

Sur la période 2014 à 2019, la France a reçu trente demandes d'extradition de la part des autorités algériennes. Elle a remis cinq personnes, avec la possibilité d'une sixième. Quatorze dossiers restent ouverts car les individus ne sont pas localisés ou que les demandes sont toujours en cours. En sens inverse, huit demandes françaises en direction de l'Algérie ont permis la remise de trois personnes à nos autorités judiciaires. Les flux ne sont donc pas négligeables mais les demandes mettent un temps important à se concrétiser.

Je veux aussi évoquer en quelques mots la question des mineurs non accompagnés. D'abord, les mineurs non accompagnés provenant d'Algérie représentent environ 3 % des mineurs non accompagnés aujourd'hui en France. Donc quantitativement, même si le sujet prend de l'importance, la proportion algérienne n'est pas déterminante. De plus, nous ne sommes généralement pas dans le domaine de la coopération pénale ou même de l'extradition. Un mineur non accompagné n'est pas condamné ou susceptible d'être poursuivi pour un an de prison et l'extradition d'un mineur non accompagné parce qu'il serait en situation illégale en France n'est pas requise par l'Algérie. En revanche, il y a un sujet social extrêmement important sur lequel la coopération des autorités algériennes sur un plan administratif serait positive.

S'agissant du dernier point relatif aux coopérations culturelles et économiques, nous sommes le premier investisseur (hors hydrocarbures) et le premier employeur étranger en Algérie. L'Algérie est également le troisième débouché pour les exportations françaises hors OCDE, donc un marché considérable pour la France et qui s'est fortement accru au cours des dernières années. Mais c'est un marché qui reste vulnérable et dépendant des cours des produits hydrocarbures.

Sur le plan de la coopération culturelle, après les dix années noires, nous avons redéployé nos instruments avec cinq Instituts culturels et une remontée en puissance du lycée français et de l'école française. Nous avons connu une sorte de retour culturel. Ceci étant, la question de la francophonie est un combat difficile dans ce pays, compte tenu notamment d'un projet d'arabisation de l'enseignement, qui constitue un projet politique fort, mais qui a dégradé le niveau scolaire en général, ce que je dis sans aucune volonté impérialiste ou néo-colonialiste vis-à-vis de l'Algérie.

La coopération sur le terrorisme et sur la sécurité est traditionnellement l'un des points forts de la relation bilatérale entre nos deux pays car nous connaissons des enjeux partagés qui nous unissent. L'Algérie a vécu, en avance par rapport au « Printemps arabes », un terrorisme très important. Nos relations bilatérales sur ce sujet bénéficient également d'un ministre de l'Intérieur français qui se rend fréquemment en Algérie, et il existe de nombreux contacts entre nos ministres et avec les préfets. Tout ceci se couple à une coopération des services de renseignement.

Nous pouvons dire que cette coopération fonctionne malgré le bémol que constitue la question du Sahel. Les pays du Sahel sont l'arrière-cour des pays du Maghreb, et notamment de l'Algérie, qui a su utiliser les différences ethniques ou régionales pour assurer son contrôle sur la région en permanence. L'Algérie n'est pas suffisamment impliquée pour assurer la sécurité en Lybie, au Mali et plus généralement dans la région. Elle reste cependant garante des accords d'Alger qui ont vocation à réunir le Mali autour d'une gouvernance partagée et pluraliste. Ces accords ont été mis en œuvre à hauteur de 20 %, ce qui est très insuffisant et il faudrait compter sur une implication plus forte de l'Algérie pour en permettre une plus forte réalisation.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 2487.

Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom (n° 3734) (M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur)

La commission examine, sur le rapport de M. Pieyre-Alexandre Anglade, le projet de loi autorisant l'approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom (n° 3734).

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Mes chers collègues, nous examinons à présent, sur le rapport de M. Pieyre-Alexandre Anglade, le projet de loi autorisant l'approbation de la décision 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE (n° 3734). Puisque, mercredi dernier, le 13 janvier, nous avons déjà eu l'occasion de débattre, lors de l'audition de M. Clément Beaune, qui dura deux heures et quart, du contenu de cette décision, je vais sans plus attendre donner la parole à notre rapporteur.

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En préambule, je veux rendre hommage à Marielle de Sarnez, qui était une militante inlassable du projet européen. J'ai eu le plaisir et l'honneur de la rencontrer, il y a plus de dix ans, au Parlement européen, où j'effectuais un stage au sein de la délégation qu'elle présidait ; j'ai bien entendu beaucoup appris à ses côtés. Elle aurait aimé, je crois, participer à notre discussion sur le changement profond que marque la décision relative au système des ressources propres de l'Union européenne. Marielle de Sarnez a effectué, au cours des derniers mois, malgré la maladie, un travail remarquable dont nous profitons encore des fruits ce matin. Je pense bien entendu à son dernier rapport, qui portait sur les dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de covid-19 et dont je souhaiterais lire une partie des conclusions sur l'action européenne :

« La réponse européenne s'est progressivement mise en place, mais la mobilisation de l'Union face à cette crise doit rester entière, tant les défis qui restent à relever sont nombreux. Parmi ces défis, la relance économique et le renforcement de l'autonomie stratégique européenne seront cruciaux. De ce point de vue, le plan de relance adopté par l'Union européenne apparaît comme une innovation qui peut ouvrir un cycle nouveau. »

Marielle de Sarnez avait vu juste : le plan de relance européen est une innovation politique majeure, qui repose sur une véritable transformation budgétaire.

Le projet de loi autorisant l'approbation de la décision relative au système des ressources propres de l'Union européenne (DRP) que nous examinons ce matin est le mécanisme qui permet la mise en œuvre de ce plan de relance. En autorisant la Commission européenne à emprunter 750 milliards d'euros, soit l'équivalent de cinq budgets européens annuels, cette décision constitue l'acte fondateur du plan de relance européen ; elle est la traduction juridique de l'accord du Conseil européen de juillet 2020. À ces 750 milliards s'ajoutent les 1 074 milliards alloués au budget européen pour la période 2021-2027, si bien que la relance européenne s'appuie sur près de 2 000 milliards, une somme colossale, sans précédent et indispensable pour nous aider à traverser une crise sanitaire, économique et sociale qui est, elle aussi, sans précédent.

L'objet du présent projet de loi est donc de taille, puisqu'il s'agit de soutenir les économies des pays de l'Union en permettant aux 450 millions de citoyens européens de bénéficier des sommes prévues. Le texte, qui ne comporte qu'un seul article, vise à autoriser l'approbation de la décision du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne, la DRP, laquelle a trait au volet recettes du budget de l'Union européenne et a trois principaux objets : l'emprunt commun européen destiné à financer la relance, la création de nouvelles ressources propres et la question des rabais.

L'emprunt commun, d'abord. Avant d'entrer dans les modalités techniques de l'emprunt détaillées dans la présente décision, il convient de prendre la mesure du saut qualitatif et quantitatif historique – même si le mot est galvaudé – réalisé par l'Union lors du Conseil européen du mois de juillet dernier.

Historique, l'initiative du Conseil l'est par son ampleur, qui permet d'éloigner le risque d'implosion que la crise actuelle fait courir à l'Union européenne. Le volume de l'emprunt est en effet sans commune mesure avec les activités de prêt menées jusqu'à présent par la Commission. Il s'élève à 750 milliards d'euros, qui s'ajoutent aux 540 milliards de prêts que les Européens ont déjà convenu de débloquer via le Mécanisme de soutien temporaire à l'atténuation des risques de chômage en situation d'urgence (SURE), le Mécanisme européen de stabilité et le Fonds de garantie de la Banque européenne d'investissement.

Historique, en tout cas importante, cette initiative l'est aussi sur le plan politique, car elle place la solidarité au cœur de la construction européenne, en soutenant en priorité les États les plus touchés par la crise. Sur le plan financier et budgétaire, un pas essentiel a été franchi : les États membres acceptent, pour la première fois, que l'Union prenne en charge une dette commune, à savoir les 390 milliards d'euros que la Commission empruntera sur les marchés financiers et qui seront remboursés en commun, avec un partage de risque mutualisé.

Enfin, cette proposition signe le retour du couple franco-allemand sur le devant de la scène européenne, puisqu'elle s'appuie largement sur l'initiative franco-allemande de mai 2020, et l'affirmation du Parlement européen, qui a joué un rôle décisif au cours des dix mois qu'a duré la crise que nous avons traversée.

Au plan national, la France devrait bénéficier, au titre de ce plan de relance, d'une enveloppe d'environ 40 milliards d'euros, ce qui en ferait le troisième bénéficiaire du plan de relance, après l'Italie et l'Espagne. Cette enveloppe permettrait de financer 40 % du plan de relance français, en soutenant des initiatives relevant des diverses priorités fixées par le Premier ministre en septembre dernier : la rénovation énergétique, la réindustrialisation de notre pays, le soutien aux entreprises, la numérisation de notre économie, l'accompagnement des jeunes ou encore la formation professionnelle.

Au plan européen, le plan de relance permet de mieux coordonner nos réponses à la crise et la relance elle-même, en favorisant notamment une transition concertée vers des économies vertes et numériques. Ainsi, afin d'assurer cette convergence, 37 % du montant des plans de relance nationaux devront être alloués à la transition écologique et 20 % à la transition numérique. Dans ces domaines où les besoins en investissements sont massifs et dans un contexte de forte dégradation des finances publiques nationales, l'échelle européenne a toute sa pertinence et permet aux États membres de tirer bénéfice des taux très bas consentis à l'Union.

Concrètement, la décision habilite la Commission européenne, à titre exceptionnel et au nom de l'Union, à emprunter temporairement sur les marchés de capitaux jusqu'à 750 milliards d'euros « à la seule fin de faire face aux conséquences de la crise de la covid­19 ». La décision fixe également la répartition entre la part de l'emprunt pouvant être consacrée à des dépenses – 390 milliards d'euros – et la part destinée à fournir des prêts aux États les sollicitant, qui est de 360 milliards d'euros. Le remboursement de l'emprunt ne commencera, quant à lui, qu'à partir de 2028 et s'achèvera en 2058, ce qui permet d'étaler le coût de la crise sur une longue période.

La seconde innovation de la décision du Conseil réside dans la réforme du système des ressources propres. Pour la première fois depuis les années 1970, le Conseil a entériné le principe de nouvelles ressources propres, en mentionnant certaines propositions en matière de fiscalité écologique et de taxation du numérique ou des transactions financières. D'apparence technique, cette décision est en fait éminemment politique et trace le chemin de l'Union que nous voulons construire dans les années à venir. En amorçant une transformation de ses ressources propres, nous bâtissons une Europe plus souveraine, plus solidaire et à la hauteur des défis à venir. Les ressources prévues répondent en effet aux objectifs de justice fiscale et de respect des priorités politiques européennes que sont l'écologie et l'autonomie de l'Union.

Dans cette logique, la DRP prévoit, dès 2021, une contribution des États membres fondée sur la quantité de plastiques non recyclés, qui correspond à l'objectif de verdissement du financement du budget de l'Union. Si cette contribution ne porte que sur un faible montant – 6 milliards d'euros – et n'est pas une ressource propre en tant que telle, dans la mesure où il s'agit d'une modalité de calcul des contributions nationales, elle n'en demeure pas moins essentielle en ce qu'elle incarne le type de contributions qui se développeront probablement dans les années à venir en Europe. En effet, elle permet d'aligner le financement de l'Union sur ses objectifs politiques, en l'occurrence écologiques, sans en faire peser la charge sur les citoyens européens.

Par ailleurs, les institutions européennes se sont engagées, à l'initiative du Parlement européen, sur un calendrier précis d'introduction de nouvelles ressources propres, destinées à couvrir les coûts du remboursement du principal et des intérêts du plan de relance. Ce calendrier comprend trois étapes.

Avant juin 2021, doivent être publiées les propositions de la Commission européenne pour une taxe numérique, une ressource fondée sur le système d'échange de quotas d'émission (ETS) et un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.

Avant le 1er juillet 2022, le Conseil devra délibérer de ces propositions, en vue de leur mise en œuvre le 1er janvier 2023.

Avant juin 2024, la Commission devra publier des propositions de nouvelles ressources propres, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières, une contribution financière des entreprises ou une nouvelle assiette commune pour l'impôt sur les sociétés, le Conseil étant invité à délibérer de ces propositions avant le 1er juillet 2025, en vue de leur introduction au 1er janvier 2026.

Enfin, la décision prévoit la reconduction des grandes lignes du précédent système de financement du cadre financier pluriannuel, dont certaines apparaissent clairement obsolètes. Je pense notamment aux rabais, qui relèvent d'une logique à courte vue de juste retour et dont la France exige de longue date la suppression. Leur maintien était néanmoins la condition de l'acceptation par les pays frugaux du plan de relance et de l'introduction de nouvelles ressources propres. Au demeurant, j'appelle votre attention sur le fait que le coût des rabais pour la France diminuera dans le prochain cadre financier pluriannuel, puisqu'il sera ramené de 2 milliards d'euros à 1,5 milliard d'euros. Mais, à la faveur de l'introduction de nouvelles ressources propres qui permettront de sortir d'un système de financement reposant très majoritairement sur les contributions nationales et entretenant la logique du juste retour, la France devra impérativement remettre sur la table la question de la suppression de ces rabais.

Au-delà du plan de relance, les recettes de l'Union permettront de financer un budget européen ambitieux, s'établissant à 1 074 milliards d'euros, soit une augmentation de 12 % par rapport à la période précédente, alors même que le Royaume-Uni a quitté l'Union. La France a obtenu des avancées importantes, comme la préservation de la politique agricole commune, la hausse des crédits de la politique de cohésion pour les outre-mer et du programme spatial ou la création d'un nouveau programme pour la santé. Grâce à la mobilisation du Parlement européen, qui a su défendre avec beaucoup d'autorité un certain nombre de principes et d'ambitions et auquel il faut rendre hommage, les crédits de programmes prioritaires, comme Erasmus + ou Horizon Europe, sont également en hausse.

En conclusion, je veux insister à nouveau sur le caractère singulier de la décision sur laquelle nous devons nous prononcer. Il faut mesurer le chemin parcouru depuis le début de la crise et se souvenir des moments difficiles, comme nous y invitait Marielle de Sarnez dans la conclusion de son rapport en rappelant que l'Union européenne a d'abord eu du mal à se saisir de cette crise et à organiser une véritable solidarité entre États. Néanmoins, ajoutait-elle, la réponse européenne s'est progressivement mise en place ; nous en voyons aujourd'hui l'aboutissement concret. Qui aurait pu penser, il y a un an, qu'en l'espace de quelques mois, à l'initiative de la France et de l'Allemagne et dans la droite ligne des demandes formulées par les eurodéputés, les Européens réussiraient à mettre en œuvre ensemble un colossal plan de relance fondé sur la solidarité pour faire face à la crise et préparer l'avenir ?

En permettant le lancement de l'emprunt finançant le plan de relance, ce texte prépare l'avenir en autorisant la réalisation d'investissements ambitieux pour adapter notre économie aux enjeux du xxie siècle. En posant les bases d'une vaste réforme des ressources propres de l'Union, il augure d'une Europe plus souveraine et plus solidaire.

La crise du covid-19 nous secoue encore ; en 2021, les difficultés et les défis resteront nombreux. Mais le courage, l'unité et la solidarité manifestés en 2020 par les dirigeants européens sont les meilleures garanties non seulement que nous déferons le virus et ses variants, mais aussi et surtout que nous sortirons plus forts et plus déterminés de la crise. Pour ces différentes raisons, je suis très favorable à l'adoption du projet de loi.

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Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux propos très justes de Pieyre-Alexandre Anglade ; la commission des affaires européennes, qui a examiné le texte hier soir, y est unanimement favorable.

Cependant, il me paraît important de souligner la décision d'augmenter le plafond des ressources propres, qui est porté de 1,2 % à 1,4 % de la somme des revenus nationaux bruts des États membres, et même à 2 % si l'on tient compte du plan de relance. Une telle augmentation, qui n'est pas anecdotique, a trois motifs : le Brexit, la crise économique et une légère évolution du périmètre. Nous déplorons par ailleurs que la « taxe plastique » s'accompagne de nouveaux rabais. Il nous faudra, dans les années à venir, travailler, en nous appuyant sur les nouvelles ressources propres, à la disparition progressive des rabais, dont le maintien, nous en convenons, est un élément du compromis auquel ont abouti les négociations. Enfin, l'emprunt européen est non seulement historique mais essentiel à la relance de l'Union européenne et de notre pays. Du reste, il est fait référence, dans plusieurs articles de la DRP, à des moyens « supplémentaires, extraordinaires et temporaires » ; je retiens, pour ma part, l'adjectif « extraordinaire », car il est très rare qu'un terme aussi fort figure dans un texte juridique.

Tout un chacun souhaite que l'Union européenne avance et que son horizon s'éclaircisse dans les années à venir. La commission des affaires européennes a donc émis, à l'unanimité, un avis très favorable à l'approbation de la décision relative aux ressources propres de l'Union européenne.

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Je veux tout d'abord féliciter notre rapporteur pour la qualité et la précision de son intervention et de son rapport.

Nous abordons l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne pour la période 2021-2027. Ainsi nous parlons d'Europe après que notre commission a rendu hommage à feu sa présidente, dont chacun sait combien elle était engagée en faveur d'une Europe plus forte. Je suis certain qu'elle aurait aimé participer à ce débat et le présider – Marielle, tu nous manques.

L'adoption du projet de loi qui nous est soumis sera une étape importante, historique, dans la mise en œuvre du projet européen présenté par le président Macron lors du discours qu'il prononça à la Sorbonne le 26 septembre 2017, dans lequel il présenta sa stratégie pour une Europe souveraine, unie et démocratique. Ce discours avait été alors largement commenté par les partis politiques, de droite comme de gauche. Je me souviens de la réaction d'un collègue député, qui déclara : « La vie politique et la vie européenne, ce n'est pas de la communication. C'est beaucoup de compromis, beaucoup de temps passé, une capacité à emmener tout le monde, et pas simplement parler aux Français d'Europe. »

M. Faure, puisque c'est de lui qu'il s'agit, avait raison sur un unique point : il aura fallu trois ans au président Macron pour obtenir, avec le soutien de nos partenaires allemands, que soit validé, le 21 juillet dernier, à l'unanimité des vingt-sept pays de l'Union européenne, un plan de relance historique.

La décision du Conseil européen, soumise aujourd'hui au vote de la représentation nationale, reprend dans son paragraphe 8 les propositions de ressources propres négociées pendant le plan de relance. L'enjeu est notamment de nous permettre de sortir de la doctrine du retour sur investissement, véritable poison pour l'unité et la construction d'une Europe protectrice.

Les objectifs sont ambitieux. Dans un premier temps, la Commission européenne devrait présenter, au cours du premier semestre de 2021, des propositions relatives à un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et à une redevance numérique, en vue de leur introduction au plus tard le 1er janvier 2023. Dans un second temps, l'Union européenne s'efforcerait de créer d'autres ressources propres qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières, une contribution financière des entreprises ou encore une nouvelle assiette commune pour l'impôt sur les sociétés.

Ce projet de loi n'est pas l'alpha et l'oméga de la construction européenne. Il n'est qu'une étape dans la construction d'une Europe souveraine, unie et démocratique. Les difficultés sont encore nombreuses en raison des défis environnementaux, économiques et sociaux que nous devons relever et qui, j'en suis convaincu, mettront à l'épreuve l'unité des Vingt-Sept. Mais je crois en cette Europe qui a su faire preuve de solidarité et d'entraide pendant la pandémie. Je crois en notre capacité collective de construire un avenir commun sans compromettre nos différences.

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Je remercie nos rapporteurs pour leurs exposés. Bien entendu, l'accord du Conseil européen du 21 juillet 2020 est un motif de satisfaction pour les Européens – et nous sommes nombreux, au sein de cette commission, à avoir l'Europe chevillée au corps. Cet accord est historique par son caractère inédit, puisqu'en autorisant l'Union européenne à emprunter 750 milliards sur les marchés, il crée, pour la première fois, une dette commune, laquelle est destinée à financer le plan de relance européen.

Cet accord se justifie, certes, par la situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvons et par la nécessité d'éviter que les conséquences économiques et sociales de la pandémie ne soient trop graves. Mais permettez-moi d'exprimer des réserves quand je vois l'euphorie qu'inspire à certains cet emprunt européen. Personne ne peut en effet se réjouir d'un accroissement de la dette sur trente ans ni de la perspective de nouvelles taxes ou impôts destinées à rembourser cet emprunt. Quant au problème des rabais, il faudra bien, à terme, le résoudre plutôt que d'en reporter sans cesse la discussion. Par ailleurs, il convient de replacer cet emprunt dans le contexte français, que nous connaissons tous : dès avant la pandémie, notre taux d'endettement approchait les 100 % du PIB et le niveau des prélèvements obligatoires était le plus important de toutes les économies européennes.

Je suis donc vigilant quant à la création de ressources propres, même si certaines préoccupations sont tout à fait légitimes, comme celle d'instaurer une contribution plus juste des acteurs extérieurs du numérique et des activités polluantes grâce à la taxe sur les GAFA, à la taxe carbone aux frontières ou à l'extension du mécanisme de compensation carbone ; sont également évoquées la taxe sur les transactions financières, la contribution financière des entreprises et à l'assiette commune de l'impôt sur les sociétés. En tout état de cause, il nous faut veiller à ce qu'on ne vienne pas alourdir excessivement la barque de nos concitoyens et de nos entreprises par des impôts nouveaux ou des emprunts. Ces ressources propres devront donc être clarifiées car, on le sait, le diable se trouve dans les détails.

Ces remarques étant faites, le groupe Les Républicains apportera son soutien à ce projet de loi pour marquer son attachement à l'Europe et au rôle moteur joué par la France et l'Allemagne dans l'accord sur le plan de relance. Mais notre soutien est vigilant et mesuré, car cet accord recèle un certain nombre d'incertitudes, qu'il faudra dissiper rapidement grâce à un plan d'action détaillé dans le temps si nous ne voulons pas que s'érodent l'espérance et la confiance de nos concitoyens dans le projet européen.

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Le groupe MODEM votera bien entendu la décision du Conseil soumise à notre approbation et félicite notre rapporteur ainsi que le rapporteur de la commission des affaires européennes pour la qualité de leurs travaux. On peut se reconnaître pleinement dans les propositions qui nous sont faites.

Sur le fond, c'est-à-dire le plan de relance Next generation EU, M. Anglade a dit ce qui devait être dit à propos de l'innovation quantitative et qualitative qu'il constitue et l'importance de l'événement. Nous devons, à cet égard, saluer le succès du couple franco-allemand – et, dans une certaine mesure, sa résurrection, car il a été un peu aux abonnés absents –, qui a joué un rôle décisif dans des conditions politiques dont il faut rappeler qu'elles étaient très difficiles. De fait, il n'était pas aisé de faire céder M. Rutte, qui a la réputation justifiée d'être obstiné, ou une personnalité aussi forte que M. Orbán, qui s'inquiétait des menaces pesant sur ses prérogatives en matière de droits de l'homme. Le couple franco-allemand a donc véritablement joué son rôle.

Nous souscrivons également aux propos de M. Anglade sur le rôle du Parlement européen. Le contrôle parlementaire est un tout. Celui que nous exerçons dans cette assemblée, notamment au sein de la commission des affaires étrangères, est essentiel, mais nous ne devons pas le considérer comme antinomique avec celui du Parlement européen. Celui-ci a joué son rôle, et c'est heureux car, pour une partie des décisions, la ratification de la seule Union européenne – et non celle des parlements nationaux – est nécessaire.

Sous l'aspect des ressources propres, le bilan est plus mitigé. Certes, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Mais, selon moi, l'Union européenne, c'est une succession de verres remplis au dixième ; il faut donc patienter avant que le verre soit plein. En Europe, le diable n'est pas tant dans les détails que dans les délais… En l'espèce, on le voit bien, on commence par le plus facile : la « taxe plastique ». Très bien, mais c'est tout sauf une ressource propre. Cette taxe vise à sanctionner un défaut de vigilance des États en matière de recyclage, de sorte que, si ces derniers se comportent bien – ce que l'on peut souhaiter –, la ressource devrait fondre. Les véritables ressources, les plus importantes, sont celles issues de l'impôt sur les sociétés. Or, sur ce point, les Néerlandais notamment sont très prudents. D'abord, on va harmoniser l'assiette, les ressources demeurant nationales. Seront-elles ensuite transférées à l'Union européenne ? La question est renvoyée aux calendes grecques – ou néerlandaises !

De même, la grande ressource tant attendue qu'est l'ajustement carbone aux frontières est un immense chantier. C'est aussi un grand projet d'avenir, incarnant notre façon à nous de peser sur la transition énergétique qu'exige le réchauffement climatique mondial. Si nous savons ce que nous sommes, l'essentiel des émissions carbone provient de la Chine et des États-Unis ; l'ajustement aux frontières nous offrira, en quelque sorte, un fusil à tirer dans les coins. Toutefois, les difficultés techniques et politiques sont considérables.

La pierre de touche de cet ensemble est la taxation des transactions financières, me semble-t-il. M. Lecoq ironisera sans doute à ce sujet, estimant qu'il s'agit d'une Arlésienne dont on parle beaucoup et qu'on ne voit jamais. Je ne partage pas ce scepticisme. Il est très difficile de progresser sur les ressources propres car la décision exige l'unanimité des gouvernements et la ratification des parlements. Dans le cadre de la coopération renforcée que la Commission européenne prévoit d'adopter, nous pouvons avancer. Nous pourrons d'autant plus avancer que nous ouvrirons aux États membres – cette piste a été évoquée au sein de plusieurs commissions, et M. Beaune a dit que le gouvernement français la retenait – la possibilité de rembourser ainsi leur quote-part. Tel est, me semble-t-il, notre objectif.

Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables au présent projet de loi. La devise officieuse de l'Union européenne est plus que jamais contenue dans le titre d'un ouvrage de Jean Paulhan peu connu, mais remarquable, comme tous ceux qu'il a écrits : Progrès en amour assez lents.

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. La décision du Conseil relative au système des ressources propres de l'Union européenne permettra techniquement à la Commission d'emprunter sur les marchés pour financer le plan de relance européen, doté de 390 milliards d'euros de subventions et de 360 milliards d'euros de prêts. Une forme de dette commune, d' eurobonds, est ainsi créée ; elle sera remboursée selon une clé de répartition déterminée notamment en fonction du PIB des États membres, ce qui instaure de facto une forme de péréquation financière entre eux. Il s'agit de l'embryon d'une union de transfert. Les dépenses devront être engagées d'ici 2023 et cesser au plus tard à la fin de l'année 2026. Le plan de relance européen qu'autorise cette DRP permettra à la France de recevoir 40 milliards d'euros de subventions, soit près de 40 % des dépenses prévues par son plan de relance national. S'il ne s'agit pas de la critiquer, il convient néanmoins de relever plusieurs points de vigilance.

La DRP entérine l'octroi de rabais aux quatre pays dits « frugaux » que sont les Pays-Bas, l'Autriche, le Danemark et la Suède. En ajoutant celui de l'Allemagne, on aboutit au montant de 53 milliards d'euros pour la période 2021-2027. La Commission européenne et plusieurs États membres, dont la France, souhaitaient les supprimer purement et simplement. Par ailleurs, la DRP procède au relèvement des frais de perception administrative des ressources propres traditionnelles, dont les droits de douane constituent l'essentiel, à hauteur de 25 %. L'avantage comparatif important qui en résulte pour les États constituant des points d'entrée significatifs des exportations à destination de l'Union européenne équivaut à une mesure compensatoire supplémentaire, qui bénéficie principalement aux Pays-Bas, dont les ports contribuent de façon significative à la perception des droits de douane.

J'évoquerai deux points supplémentaires, qui ne sont pas directement traités dans le cadre de la DRP, mais dont dépend sa bonne application, et qui auront des conséquences sur les États membres. S'agissant de la gouvernance du plan de relance européen, les plans pour la reprise et la résilience que présenteront les États membres bénéficiaires seront évalués par la Commission européenne, qui disposera d'une importante marge d'appréciation. En effet, ces plans nationaux devront être compatibles avec ses recommandations spécifiques par pays, qui ne sont pas aussi précises que nécessaire. Par ailleurs, les dispositions relatives à la facilité pour la reprise et la résilience prévoient l'instauration d'une conditionnalité macroéconomique lorsque la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance sera levée. Ainsi, les États membres devront se conformer à certains critères macroéconomiques dans l'attente de la réactivation du pacte de stabilité et de croissance, s'ils veulent continuer à bénéficier des fonds du plan de relance européen.

En dépit de ces réserves, le groupe Socialistes et apparentés, comme l'a rappelé hier notre collègue Claudia Rouaux en commission des finances, saisie pour avis, votera le texte, en toute responsabilité, mais sans réel enthousiasme. J'ajoute que nous demandons depuis plusieurs années que l'effort militaire consenti par la France au Sahel pour la sécurité de l'Europe soit enfin pris en compte dans l'élaboration du budget de l'Union européenne.

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. Le texte que nous examinons aujourd'hui autorise l'approbation de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne, qui financeront son budget pour la période 2021-2027, ainsi que le plan de relance de 750 milliards d'euros, adopté en urgence pour faire face à la crise du covid-19. Les ressources propres de l'Union européenne soulèvent à nos yeux deux questions majeures : le type de ressources propres que nous souhaitons et les objectifs politiques qu'elles doivent servir.

Pour les députés communistes, les nouvelles ressources propres ressemblent plus à une diversion qu'à une réponse aux problèmes de fond. Depuis plusieurs années, la majorité signe à tour de bras des accords de libre-échange, notamment avec le Canada, l'Australie et le Japon ; elle en signera bientôt un avec la Chine. Ce faisant, elle brade les droits de douanes de l'Union européenne. Et vous voulez que nous votions un texte relatif à ses ressources propres ! Pour l'Union européenne, les députés communistes envisagent l'harmonisation fiscale – l'Arlésienne évoquée tout à l'heure –, au profit des citoyens et des entreprises. Nous refusons que des paradis fiscaux, notamment le Luxembourg, l'Irlande et les Pays-Bas, subsistent au sein même de l'Union européenne. Pour répondre à Jean-Louis Bourlanges, j'ai bien compris que le diable se cache dans les délais, et que nous parviendrons peut-être un jour à l'harmonisation fiscale !

Le débat sur les ressources propres de l'Union européenne ne doit pas nous faire oublier ces sujets de fond – comptez sur nous pour vous le rappeler systématiquement ! Comment voulez-vous que l'Union européenne se construise en ouvrant ses frontières aux importations et en interdisant à ses États membres de subventionner certains secteurs économiques, le tout sans travailler à la fin des inégalités fiscales entre ses États membres ? L'Union européenne a oublié les peuples ; elle est tétanisée dès qu'il s'agit d'adopter de grandes politiques utiles à l'échelle du continent, notamment en matière sanitaire et industrielle, ainsi que dans le domaine de la recherche et de l'innovation. Le texte que nous examinons le démontre dès son premier considérant : « Le système des ressources propres doit garantir des ressources suffisantes pour assurer le bon déroulement des politiques de l'Union européenne, sous réserve de la nécessité d'une discipline budgétaire stricte ». Nous savons trop bien ce que cela signifie : l'austérité à perpétuité pour les peuples et l'organisation de la privatisation de nos entreprises ! Telle est la raison d'être du projet Hercule, qui détruira ce formidable outil industriel français qu'est EDF. Telle est la raison pour laquelle l'État français a privatisé La Poste ainsi que GDF, et vendu la SNCF à la découpe pour privatiser le rail !

La question des ressources propres de l'Union européenne devrait se poser dans le cadre de leur objectif politique. Tel n'est pas le cas. Pour nous, les ambitions politiques du texte sont nulles. Certes, le plan de relance de 750 milliards d'euros est bienvenu, mais il a été conçu, faut-il le rappeler, au détriment de trop nombreux budgets européens, notamment ceux finançant les aides à la transition écologique et le programme santé 2021-2027. Vous comprendrez, à la lecture du contre-rapport des députés communistes, que nous ne votions pas le texte, sans nous abstenir non plus. Nous voterons contre, en attendant de construire ensemble une Europe mise au service de l'avenir des peuples et non de celui des profits.

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. Le versement des financements européens sera conditionné au respect des valeurs fondamentales de l'Union européenne. Certes, la procédure de conditionnalité n'est pas aussi exigeante que celle initialement prévue, mais il s'agit d'un progrès notable, qu'il faut saluer. Il me semble essentiel que l'exigence de respect des valeurs fondamentales de l'Union européenne s'applique avec la même vigueur à tous les États européens, et pas seulement à la Pologne et à la Hongrie. En Espagne, le système judiciaire emprisonne des élus et des militants de l'indépendance catalane, notamment une ancienne présidente du parlement de Catalogne, Mme Carme Forcadell i Lluís, qui a été condamnée à onze ans de prison. Cinq députés européens catalans, élus au suffrage universel en 2019, ont également été condamnés à de lourdes peines de prison, en violation de leur immunité parlementaire. Cette affaire est si exorbitante des droits fondamentaux que la Belgique et l'Allemagne, où se sont réfugiés quatre d'entre eux, ont rejeté les demandes d'extradition formulées par l'Espagne. Le cinquième, Oriol Junqueras, resté en Espagne, a été emprisonné, en violation d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne.

Lors de sa dernière audition devant notre commission, j'ai interrogé M. le secrétaire d'État aux affaires européennes, Clément Beaune, à ce sujet. Il a plus ou moins botté en touche, considérant que ces affaires, notamment la levée de l'immunité parlementaire des cinq députés européens, étaient purement espagnoles, et que les plaignants n'avaient qu'à épuiser leurs recours devant les justices nationale et européenne. Étrange réponse, pour ne pas dire plus ! Au lieu d'exercer son mandat de député européen, Oriol Junqueras croupit, en ce moment même, dans une prison espagnole, en violation d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne, faut-il le répéter. Si l'on s'en tient aux propos de Clément Beaune, le nouveau système de conditionnalité des financements européens ne s'applique pas de la même façon à tous les pays membres de l'Union européenne, ce qui contredit frontalement la bonne volonté dont procède leur conditionnement au respect des valeurs fondamentales de l'Union européenne. J'aimerais connaître votre conviction à ce sujet, cher rapporteur. Surtout, j'aimerais savoir si la Commission a prévu un délai d'examen du respect des valeurs fondamentales par chaque pays membre, et s'il existe des critères objectifs et précis permettant son évaluation.

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. Je remercie M. le rapporteur, Pieyre-Alexandre Anglade, ainsi que M. Christophe Jerretie, pour leurs travaux. L'année 2020 a été une année de crise, en raison du coronavirus et du Brexit, mais aussi une année de prise d'initiative historique et de mise en évidence du rôle moteur du couple franco-allemand, au cours de laquelle des obstacles ont été franchis en matière de construction européenne.

Au fond, la DRP pose la question suivante, à laquelle elle répond : comment aligner les instruments financiers de l'Union européenne sur ses priorités politiques que sont la transition écologique et énergétique, l'impératif d'équité et de justice sociale, ainsi qu'une solidarité accrue ? À cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter de l'introduction de nouvelles ressources propres, qui permettront d'éviter une réduction du budget européen, fixé par le cadre financier pluriannuel, ainsi qu'une hausse des contributions assises sur le RNB des États membres. D'ici 2023, une partie des ressources issues du système d'échange de quotas d'émission devrait être affectée au budget européen, et une taxe carbone à l'importation de produits non conformes aux critères environnementaux européens, ainsi qu'une taxe sur les géants du numérique, devraient voir le jour. Les priorités sont claires. De même, la future taxe sur les transactions financières sera assise, en 2026, sur une part de l'impôt sur les sociétés acquitté par les multinationales, si toutefois l'Union européenne parvient à en harmoniser l'assiette.

Par ailleurs, ces nouvelles ressources contribueront au remboursement des emprunts destinés à financer le plan de relance européen de 750 milliards d'euros, adopté par les dirigeants européens au mois de juillet 2020 pour aider les vingt-sept États membres à faire face aux graves conséquences de la pandémie. Chacun ici est convaincu que ces instruments financiers permettent de raconter une histoire politique. J'ai toujours présent à l'esprit, lorsque je siège en ces murs, que je suis membre de la représentation nationale, et que les électeurs n'ont pas forcément une vision fine du rapport entre leur vie quotidienne et ces instruments financiers. J'aimerais donc aller un peu plus loin. Est-il possible de créer des ressources propres valorisant l'harmonisation fiscale et sociale au profit du projet européen ? En matière d'égalité entre les femmes et les hommes, le marché du travail présente toujours des disparités entre les sexes. Les femmes sont toujours surreprésentées dans les secteurs les moins rémunérés, et sous-représentées aux postes à responsabilités. Est-il possible de faire en sorte que la fixation des ressources propres intègre des priorités politiques et en fasse un mécanisme financier ?

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. J'aimerais rendre hommage à Marielle de Sarnez, qui était, comme moi, députée de Paris. Nous avions une histoire commune de plusieurs années, en tant qu'élus parisiens, avant d'être élus députés. Je salue sa mémoire. Elle a beaucoup apporté à Paris et aux Parisiens. Chers collègues, je vous remercie de m'accueillir pour ma première réunion à la commission des affaires étrangères. Je suis ravi d'en être membre et de travailler à vos côtés.

Non sans saluer le travail de M. le rapporteur et de M. Christophe Jerretie, j'aimerais formuler une observation au sujet de ce sur quoi porte le texte. Nous devons financer notre modèle social. Comme notre collègue qui s'est opposé tout à l'heure aux propos de notre collègue Herbillon, j'estime que l'instauration de taxes aux frontières, notamment sur les émissions carbone et sur le numérique, permettra de financer notre modèle social et de repenser une fiscalité destinée non seulement à financer ce qui doit l'être, mais aussi à accroître la compétitivité de nos entreprises. Je tiens à saluer cet aspect du texte. Il s'agit d'une première pierre, grâce à laquelle nous pourrons, dans les années à venir, restaurer la compétitivité à l'intérieur de l'Union européenne. La crise du covid-19 aura eu de nombreuses conséquences négatives, que nous subissons toujours, mais elle aura eu pour conséquence positive de faire avancer la construction européenne, à laquelle le présent texte contribue très largement.

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. Monsieur le rapporteur, monsieur Jerretie, je vous félicite pour vos travaux, qui portent sur un sujet complexe, et que vous avez réalisés dans un délai relativement court. La réforme du système des ressources propres, soutenue par le Président de la République, est une grande avancée pour l'Union européenne. L'introduction de nouvelles ressources propres lui permettra de rembourser les emprunts destinés à financer le plan de relance. Cette charge – j'insiste sur ce point – ne pèsera ni sur les citoyens européens, ni sur les États membres.

Toutefois, le chemin à parcourir avant de prélever ces nouvelles ressources est long et semé d'embûches. Les négociations peuvent être freinées par des enjeux politiques, techniques et institutionnels. Or, sans elles, les ambitions politiques de l'Union européenne devront être revues à la baisse, ou les contributions nationales augmentées. En tout état de cause, elles sont une condition absolue de l'engagement du plan de relance, tant attendu par les États membres.

La France, en tant que membre du prochain trio de présidence du Conseil de l'Union européenne, a une responsabilité particulière. Elle devra mener la négociation en vue de l'introduction des trois nouvelles ressources propres en 2023, tout en s'assurant du maintien de l'unité européenne, afin qu'elle l'emporte sur les divergences nationales.

Ma question porte sur la stratégie que la France et ses partenaires du trio envisagent d'adopter, dans le cadre de la préparation de leur présidence du Conseil de l'Union européenne, pour anticiper les éventuels désaccords lors des prochains débats sur les ressources propres. Il me semble important de s'en préoccuper ; si des États membres changent de position, notre crédibilité sur les marchés financiers, dont dépend notre capacité à lever des emprunts et à les rembourser, pourrait en souffrir.

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. J'aimerais aborder un sujet connexe au texte : le respect de l'État de droit. Le 14 décembre dernier, le Parlement européen a adopté un règlement relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l'Union, qui s'appliquera à la phase budgétaire pluriannuelle qui s'ouvre. Il permettra, pour la première fois, de donner l'alerte et, le cas échéant, de prendre des sanctions financières à la majorité contre un État membre ne respectant pas l'État de droit, ce qui a des conséquences sur les intérêts financiers de l'Union européenne. J'aimerais connaître votre avis personnel à ce sujet, monsieur le rapporteur.

Il importe de faire en sorte que l'opinion publique ait bien conscience du fait que nous modifions un peu les règles du jeu, après des péripéties nuisibles à la perspective qu'ont les citoyens sur l'Union européenne et sur l'usage de l'argent européen par certains gouvernements corrompus. Si ce sujet reste cantonné aux chancelleries, les États membres auront des difficultés à mettre en œuvre la DRP. Si, au contraire, nous menons ce débat politique au sein du Parlement et, comme cela commence à se produire, au sein de ce que l'on peut appeler une opinion publique européenne naissante, et si la dénonciation, par la société civile et les acteurs économiques, d'un détournement ou d'une mauvaise utilisation des fonds européens par tel ou tel État devient un enjeu de débat public, alors la puissance de cet outil sera bien supérieure. Vous qui avez une solide expérience du Parlement européen, savez-vous comment nous pouvons faire de cet instrument un facteur de changement réel de la légitimité du pouvoir budgétaire de l'Union européenne ?

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. Mes chers collègues, je vous remercie de ces questions, observations, remarques et interrogations. Je m'efforcerai d'y répondre le plus précisément possible. Je remercie M. Christophe Jerretie, auteur d'un rapport d'information au nom de la commission des affaires européennes. Je partage la plupart de ses conclusions et certains de ses doutes, notamment au sujet des rabais. Nous devrons mener ce combat dans les années à venir, comme je l'ai clairement indiqué dans mon rapport, ainsi que dans mon propos liminaire. La France devra mener ce combat politique, par l'intermédiaire de celles et ceux qui exercent les responsabilités au sein du Gouvernement, lors des futures négociations futures à l'échelon européen.

Monsieur Herbillon, je vous remercie de soutenir le texte au nom du groupe Les Républicains. À situation exceptionnelle, décision exceptionnelle, avez-vous dit à raison. Les Européens ont été capables de prendre ensemble des mesures sans précédent. Il n'y a aucune euphorie dans nos propos, mais la conscience d'un moment politique important, où les États membres ont su, pour la première fois de leur histoire, s'entendre pour emprunter en commun sur les marchés et répondre à une crise sans précédent. J'aimerais prendre pour point de comparaison la crise économique de 2008. Chacun a constaté la rapidité avec laquelle les États-Unis d'Amérique ont su y répondre. En quelques semaines, quelques mois tout au plus, l'administration d'alors a su nettoyer son système bancaire et injecter des milliards de dollars dans l'économie pour la relancer. Nous avons vu l'Amérique repartir très rapidement. Aux Européens, il a fallu plusieurs années. De 2008 à 2012, nous avons traîné le poids de la crise, dont nous avons subi les conséquences tout au long de la précédente décennie. Nous n'éprouvons donc aucune euphorie, mais la satisfaction de constater que les Européens sont capables de s'entendre et de prendre des décisions qui devraient leur permettre, si elles sont menées à terme, de résister à la crise, de la surmonter et de préparer l'avenir.

Alain David a évoqué la coordination entre les États membres. Pour ma part, je suis très satisfait de constater que le plan de relance permet d'inciter les États européens à harmoniser leur réponse à la crise. Il aurait été absolument incohérent que les Européens empruntent en commun et que chaque État membre développe et déploie son plan de relance sans concertation avec les autres. Une telle réponse n'aurait pas été appropriée, s'agissant d'une situation dans laquelle les pays européens sont placés à l'identique. Cette crise, me semble-t-il, est le bon moment pour préparer l'avenir. Le plan de relance consacre 37 % de son montant à la transition écologique ; en la matière, agir de façon harmonisée, à l'échelle de l'Europe à vingt-sept, est bien plus efficace qu'agir à l'échelle de la France seule, dont les pays voisins auraient investi un peu moins ou un peu plus. Nous avançons à vingt-sept de façon concertée. Il en est de même s'agissant de la numérisation de notre économie, qui comporte des défis que nul n'ignore. Cette coordination et ces progrès en commun, pour répondre à la crise et préparer l'Europe à l'horizon 2030, sont absolument indispensables.

Monsieur Bourlanges, je vous remercie de votre soutien et de vos bons mots sur le rapport d'information de M. Jerretie ainsi que sur le mien. La DRP comporte plusieurs nouveautés, en sus du plan de relance, financé par l'emprunt, ce qui constitue une avancée considérable. Il faut prendre la mesure de ce que les Européens ont décidé. En faisant le choix d'emprunter ensemble, ils placent la solidarité au cœur du projet européen, après de nombreuses années au cours desquelles on a parfois reproché à l'Europe d'être trop égoïste, et aux États européens de tirer chacun dans son sens. Pour la première fois, ils ont choisi d'emprunter en commun, dans le cadre d'une réponse solidaire à la crise. Il s'agit d'une avancée absolument fondamentale.

Il est exact que le diable se cache dans les détails, ou plutôt dans les délais, comme vous l'avez dit. L'enjeu majeur, au cours des mois et des années à venir, sera de travailler à faire en sorte que le déploiement des ressources propres soit effectué de la façon la plus efficace et la plus effective possible. Je rappelle que l'accord conclu entre les institutions de l'Union européenne comporte une dimension contraignante. La Commission européenne et le Conseil européen devront donc délibérer à des dates précises, de 2021 à 2026, sur l'introduction des nouvelles ressources propres. En outre, j'ai la conviction que, même si les discussions seront difficiles, les États membres, y compris ceux qualifiés de « frugaux », avanceront sur ce chemin, pour une simple et bonne raison ; en l'absence d'accord sur les ressources propres, les contributions nationales des États membres augmenteront. Or ces pays, pas plus que les autres, ne souhaitent voir leur contribution nationale augmenter. La discussion sera âpre et dure, mais nous parviendrons à avancer progressivement sur ce chemin, au profit d'une évolution qui me semble absolument nécessaire.

Concernant les rabais, mes propos sont clairs : j'encourage celles et ceux qui sont en responsabilité à poursuivre ce combat. Notre message, porté collectivement, sera entendu par le ministre.

Cher Jean-Paul Lecoq, nous avons, et c'est bien normal, quelques points de divergence. Il ne faut pas mélanger le débat sur les accords de libre-échange avec celui qui nous occupe aujourd'hui. Je ne partage pas votre analyse selon laquelle l'Union européenne aurait oublié les peuples. En parvenant à s'entendre sur un plan aussi ambitieux, les Européens ont d'abord pensé aux peuples européens. Ce plan permettra de sauver le marché intérieur, dont l'ensemble des économies de notre continent bénéficient ; c'est la meilleure garantie pour que les entreprises européennes ne s'effondrent pas.

Je garde en mémoire la crise de 2008 : les Européens s'étant montrés incapables de trouver une réponse harmonisée et suffisamment conséquente, de grands groupes extra-européens s'étaient emparés de certaines entreprises européennes, au détriment parfois de leurs travailleurs, et de grands actifs chinois avaient racheté des entreprises du sud de l'Europe, comme le port du Pirée. Le bouclier du plan de relance nous en prémunit : en empruntant en commun, les États européens envoient un message politique très puissant au reste du monde, notamment aux États-Unis et à la Chine. C'est une grande réussite qui contribuera à protéger les citoyens et les travailleurs européens.

Vous avez également dénoncé l'absence de solidarité d'une Union qui ne penserait pas suffisamment à l'avenir. Or les décisions sur les ressources propres qui devraient être adoptées dans les années à venir placent justement la solidarité au cœur du projet européen. Lorsque l'on propose de rembourser le plan de relance en faisant contribuer les géants du numérique et les grandes entreprises non européennes, qu'elles soient américaines ou asiatiques, lorsque l'on propose de taxer les entreprises qui produisent sans respecter nos normes environnementales et sanitaires, on fait œuvre de justice. Il en va de même pour la taxe sur les transactions financières, même si, je vous le concède, ce débat devrait durer encore de longues années. L'Europe progresse, une dizaine d'États membres ayant développé une coopération structurelle sur ce sujet, et j'ai bon espoir que, d'ici à 2026, les Européens parviennent à s'entendre.

Madame Mireille Clapot, l'égalité entre les femmes et les hommes est une aspiration qui traverse l'ensemble des pays européens, et nombre d'entre eux en font une priorité : c'est une bonne chose. Toutefois, il ne s'agit pas d'une ressource fiscale : même si je comprends votre intention, je ne vois pas comment l'on pourrait en faire une ressource propre dans les années à venir.

Madame Liliana Tanguy, concernant la stratégie de la France sur le développement des ressources propres, il faudrait interroger le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, qui sera mieux à même de vous répondre. Je pense toutefois que cela sera une priorité politique compte tenu du poids mis par le Président de la République dans la négociation pour faire adopter le plan de relance européen et de l'énergie déployée par le secrétaire d'État chargé des affaires européennes pour faire advenir une Europe plus unie, plus solidaire et plus souveraine. J'ai bon espoir que la stratégie de la France sera vigoureuse et que la présidence française, dans un an, permettra de progresser sur les ressources propres.

Cher Sébastien Nadot, votre question est un peu éloignée de ce qui nous occupe, et je ne répondrai pas différemment du secrétaire d'État : l'Espagne n'a pas, à ma connaissance, violé de principes démocratiques. Elle dispose d'un ordre constitutionnel et juridique garantissant l'application des décisions nationales et européennes. Des procédures sont en cours et les voies de recours restent ouvertes aux personnes mises en cause. Je ne m'étendrai pas plus sur cette question.

Enfin, concernant l'État de droit, il faut mesurer la portée du mécanisme acté par les Européens il y a quelques semaines. Pour la première fois, le budget européen est lié au respect de l'État de droit en Europe : c'est une avancée considérable quand on sait les violations répétées de la démocratie et des libertés dans un certain nombre de pays européens. Pour la première fois, les Européens ont su s'entendre sur un tel mécanisme, malgré la résistance farouche de la Hongrie et de la Pologne. Ce n'est pas parfait mais cela marque une rupture, j'en suis absolument convaincu.

Ce progrès fondamental ne signifie pas pour autant que le combat pour l'État de droit et le respect de la démocratie ne doit pas continuer. On a parfois tendance, en Europe, à dénoncer le comportement de dirigeants extra-européens – le récent épisode américain a ainsi soulevé une vague d'indignation – mais à se montrer timide s'agissant des atteintes au respect de l'État de droit en Europe, par exemple en Hongrie, en Pologne ou encore en Russie, où l'arrestation d'Alexeï Navalny constitue une nouvelle outrance.

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La coordination a toujours existé en matière fiscale et budgétaire, ainsi que dans le domaine des réformes structurelles. Elle donne lieu chaque année à des recommandations par pays. La coordination institutionnelle est indispensable pour assurer un développement harmonisé.

Le semestre européen permet de coordonner les politiques publiques de chaque pays dans le domaine fiscal et social. Concernant le plan de relance, un plan national sera envoyé par Bercy à l'Union européenne, qui validera tout ce que nous ferons.

Les politiques publiques de dépenses ne sont pas identiques entre l'Union européenne et la France. Nous avions évoqué, il y a deux ans, le besoin de coordination dans le CFP et nous avons commencé à y travailler avec le Gouvernement. Concernant les ressources propres, il faut suivre la même voie pour éviter la surtaxation : il faut faire attention à ne pas taxer deux fois les mêmes sujets.

Enfin, les droits de douane soulèvent un vrai problème car cette ressource régresse. La taxe carbone viendra-t-elle les suppléer ? Ce sujet intéresse l'ensemble des parlementaires.

Je remercie Pieyre-Alexandre Anglade pour son travail. La coordination entre nous est bonne car nous avons à peu près la même vision et les mêmes objectifs. Nous développons notre propre union européenne !

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Avant de passer au vote, j'aimerais faire une dernière référence à Marielle de Sarnez. Des difficultés, faisons une force ou un chemin : cette philosophie, qui était la sienne, trouve son illustration dans ce projet de loi. La pandémie nous a permis de dépasser certains clivages, que nous pensions insurmontables, dans le financement de l'Union européenne. La décision sur les ressources propres montre que l'Union européenne sort renforcée de la crise sanitaire et économique. De mon point de vue, partagé par un grand nombre de parlementaires, c'est un accord historique.

La commission adopte l'article unique du projet de loi sans modification.

La séance est levée à 12 heures 55.