Je répondrai à votre interpellation initiale sur les chauve-souris. J'espère vous apporter la démonstration que nous disposons du sérieux et de la capacité d'une banque. Dans beaucoup de contextes, soit parce qu'ils sont risqués, soit parce qu'il faut être à l'échelle du problème, nous finançons des petits projets – nous trouvons alors l'agilité d'une agence. Il me semble que nous disposons plutôt, auprès de nos partenaires et clients, du crédit de l'agilité.
Je répondrai ensuite à la question de Jean-François Mbaye. Nous sommes bien informés, conscients, et en contact avec les parlementaires qui portent le sujet des biens mal acquis. Plusieurs rédactions de textes sont en cours d'élaboration au sein du gouvernement, comme au Sénat et à l'Assemblée nationale, poursuivant chacune différentes options techniques. L'option du fonds de concours est sans doute la plus prometteuse. Le fait que la France porte ce sujet constituerait un signe important en matière de bonne gouvernance et de droits humains, ainsi qu'un honneur pour notre agence de l'exécuter. Nous en avons acquis l'expérience technique avec le mécanisme des contrats de désendettement (C2D), que nous pratiquons depuis plusieurs années. Ce mécanisme devra évidemment être adapté, mais la restitution des biens mal acquis pourrait lui ressembler. Le sujet, avec votre attention, est bien exploré – c'est la raison pour laquelle je pense qu'il est prêt à aboutir, et nous nous tenons à votre disposition pour cela.
L'AFD est un opérateur du développement. Ce sujet est très nettement distinct des sujets humanitaires. L'humanitaire consiste à porter secours et à apporter des solutions de court terme. Le métier de l'AFD, au contraire, repose sur des enjeux de long terme. Cela ne veut pas dire que les questions de long terme ne doivent pas se traiter dans le court terme. L'on observe ainsi que le monde de l'humanitaire (le Comité international de la Croix-Rouge, CICR ; le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, HCR) vient chercher des acteurs comme l'AFD. Il les sollicite, par exemple, sur la problématique des camps de réfugiés qui deviennent pérennes et demandent l'adduction d'eau et l'assainissement. Il est alors nécessaire de recourir à l'expertise des acteurs du développement pour venir en aide à ces populations qui se fixent. Je mentionnais tout à l'heure les enjeux de lutte contre le blanchiment d'argent et le terrorisme : ceux-ci concernent avant tout le secteur humanitaire, mais peuvent entraver l'action des acteurs du développement. C'est pourquoi je souhaiterais trouver un cadre utile pour que les différents instruments puissent se déployer simultanément.
Madame Poletti, vos deux questions ne s'adressaient pas à moi, vous m'excuserez donc d'y répondre de façon laconique. Je vous remercie, vous et Dominique Potier, pour ce que vous avez amené d'exigence, de qualité, d'expérience de terrain dans les débats de notre conseil d'administration. Je rappelle que la présence des parlementaires dans un conseil d'administration d'un établissement public est un élément important, qui constitue une corde de rappel du mandat qui nous est fixé et enrichit largement les débats collectifs.
S'agissant de la transparence et de la trajectoire budgétaire, il revient aux ministres et à leurs administrations de vous répondre sur la mécanique prévue d'ici à 2022 puis à 2025. Évidemment, des échéances politiques majeures auront lieu d'ici à 2025, ce qui explique la rédaction actuelle de la proposition de loi. À ce titre, l'article 2 qui prévoit la publication d'un rapport annuel peut permettre de progresser encore dans l'explicitation de la trajectoire budgétaire. Cette politique est complexe dans son fonctionnement ; il est important de pouvoir la préciser.
Il est très important de ne pas s'arrêter aux chiffres financiers engagés. Il faut présenter des résultats. La politique de développement doit prouver des résultats de trois ordres : d'abord, des impacts concrets (à ce sujet, nous rendons des comptes régulièrement par des grands indicateurs d'impacts et à travers nos projets) ; ensuite, la mobilisation (un euro d'argent public investi doit être démultiplié par des effets d'entraînement sur d'autres acteurs financiers publics et privés) ; enfin, et cela est beaucoup plus difficile à mesurer, les projets doivent avoir un effet sur les politiques publiques et engager la transformation attendue du pays. Le travail même d'Esther Duflo est de mesurer la capacité des innovations à changer les politiques publiques dans les pays bénéficiaires. Cet objectif, bien que difficile à mesurer, n'est pas négligeable et est pleinement inclus dans la mission de développement. Il sera très utile de disposer d'une commission d'évaluation qui viendra nous demander des comptes sur ces résultats.
Je ne suis pas favorable à une conditionnalité très stricte, comme le proposait Bruno Fuchs. À mon sens, remettre la politique de développement et ses instruments à un niveau d'intérêt significatif constitue un élément de la relation bilatérale. Il appartient aux ambassadeurs et au ministères des affaires étrangères, qui disposent de la vision d'ensemble des différents fils tissés avec un pays, d'orienter cette relation. Je reçois énormément d'indications sur les volontés politiques de différents pays et sur l'orientation de nos relations bilatérales par les directeurs géographiques du Quai d'Orsay. J'en tiens évidemment compte dans le pilotage de l'agence.
J'ai donné beaucoup de signes encourageant l'influence économique. Nos réflexions à ce sujet évoluent et sont en cours de maturation. Les financements de l'AFD sont déliés. Cela s'explique en partie par le fait que nous rentrons dans de nombreux cofinancements avec d'autres banques de développement ; cela crée, in fine, de beaucoup plus gros volumes d'opportunités pour les entreprises françaises à l'international. Dans notre travail, nous pouvons nous positionner sur des secteurs tout aussi bien que peser sur la qualité, les normes, les exigences attendues dans les appels d'offres. Nous avons noué beaucoup de liens avec le tissu d'entreprises françaises et nous sommes très heureux quand celles-ci gagnent les appels d'offres. Cela marche très bien pour le conseil et les bureaux d'études : près de deux tiers des marchés financés par l'AFD sont remportés par des bureaux d'études français. Les entreprises françaises ne répondent pas toujours à nos marchés, mais, quand elles répondent, elles bénéficient d'un taux de succès très élevé. Nous avons ainsi apporté plus de 12 milliards d'euros de contrats aux entreprises françaises depuis quelques années.
Monsieur David, je suis à votre disposition pour vous présenter plus en détail notre action sur les questions climatiques. Il y a quelques années, l'un de mes prédécesseurs, Jean-Michel Severino, avait insisté pour hisser les enjeux climatiques au même rang stratégique que la lutte contre la pauvreté. L'AFD a, depuis, accumulé une grande expérience sur les liens entre climat et développement, climat et exclusion, climat et conflits, et s'efforce de construire des projets qui répondent aux deux enjeux. Je constate que nous disposons d'une voix assez forte dans les enceintes climatiques. Nous pourrons, à ce sujet, vous apporter plus de détails sur notre action dans le Sahel.
France Médias Monde appartient au secteur du développement. Une information de qualité, parfois en langue locale, couvrant les enjeux de développement durable et de climat, sont un vecteur d'éducation et crée le terreau utile pour faire émerger des politiques publiques. Nos collègues britanniques ont longtemps financé les programmes de la BBC, les Allemands font la même chose avec Deutsche Welle ; nous avons également pris ce chemin. Nous apportons près de 30 millions d'euros à France Médias Monde sur plusieurs années, non pas au titre de son budget de fonctionnement, mais afin d'apporter des moyens contribuant à des programmes, à des contenus et à une information de qualité et indépendante. L'AFD est donc déjà bien engagée sur ce sujet, mais peut-être pourrez-vous interroger directement Marie-Christine Saragosse pour savoir si elle est satisfaite de notre action.
L'alliance entre l'AFD et la Caisse des dépôts, signée en décembre 2016, avait été très utile lors des négociations de l'accord de Paris sur le climat. Cela montre à quel point il est précieux d'articuler notre action internationale avec notre action nationale : car nous recherchons aussi notre intérêt, fût-il solidaire, dans l'action internationale, et car l'action internationale inspire. L'AFD apporte à la Caisse des dépôts des expériences et des innovations, repérées dans le monde entier, qui peuvent contribuer à transformer l'action de la Caisse des dépôts en France. Ce principe, inscrit dans la loi, est très fort. Nous n'avons malheureusement pas conduit le rapport prévu dans la loi Sapin II. Je me rapprocherai d'Éric Lombard et de ses équipes pour le faire. Dans l'attente du rapport, nous pourrons évidemment vous fournir tous les éléments de ce rapport de partenariat, qui a progressé : je citerai l'échange de personnels ou encore le fonds d'investissement STOA, réservé aux entreprises françaises pour mener de grands projets d'infrastructures à l'international. Plus profondément, je suis très impressionné et heureux de l'évolution de la Caisse des dépôts sur les sujets climatiques et de développement durable depuis 2015. Eric Lombard, ses équipes et moi-même parlons beaucoup de ces sujets. À l'international, je me présente comme l'allié de la Caisse des dépôts. Elle centralise une expérience française accumulée sur de nombreux sujets, que je suis en mesure de proposer à des partenaires internationaux.
Je suis complètement d'accord avec vous sur l'exercice de communication de l'AFD. Le système est encore peut-être un peu trop marqué par la modestie. Nous y travaillons en grande proximité avec les ambassadeurs. Nous menons à ce sujet un exercice gouvernemental sur la marque France à l'international. N'hésitez pas, dans le cadre de vos groupes d'amitié, de vos déplacements ou de vos rapports, à nous signaler quand la présence française pourrait être davantage mise en avant.
Enfin, nous avons également mis en place avec la Caisse des dépôts un programme dédié aux diasporas. Je me tiens à la disposition de madame Sira Sylla pour préciser mes vues sur ce point.