Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 27 janvier 2021 à 15h00

Résumé de la réunion

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  • AFD
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La réunion

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La séance est ouverte à 15 heures 05.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

Audition, ouverte à la presse, de M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement, sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699) (M. Hervé Berville, rapporteur)

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Notre ordre du jour appelle l'audition ouverte à la presse de M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement, sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Le rapporteur du projet de loi est M. Hervé Berville. Notre commission a souhaité vous entendre afin de bénéficier de votre regard expérimenté sur ce projet de loi et de recueillir votre analyse de l'évolution de l'aide publique au développement.

Ce projet de loi était extrêmement attendu par notre commission. Dès la fin de l'année 2018, nous nous étions organisés pour suivre l'élaboration de ce texte et préparer son examen. La commission était alors présidée par ma prédécesseur, Marielle de Sarnez, qui nous a quittés dans des conditions absolument tragiques. Notre commission est en deuil. Nous avons accompagné, durant tout le trimestre précédent, les souffrances de madame de Sarnez et sa disparition entraîne un deuil collectif.

La commission a exprimé, en 2019 et en 2020, des souhaits forts quant à ce texte, sur lesquels nous souhaiterons recueillir votre appréciation. Nous avons demandé que la future loi fixe les orientations stratégiques traduisant la vision de la France à long terme en matière d'aide au développement, et fixe une stratégie reposant sur deux axes : l'affirmation d'une politique de solidarité à l'égard des pays pauvres ou en crise d'une part, et la poursuite d'une politique de partenariat au développement avec les pays à revenus intermédiaires d'autre part.

Notre commission avait estimé nécessaire de renforcer le pilotage politique de l'aide publique au développement, en définissant une gouvernance renforçant la cohérence et la complémentarité des actions de la France dans les différents domaines d'intervention de cette aide. Ce pilotage devrait être national tout en accordant aux ambassadeurs, dans une logique de déconcentration, un rôle renforcé de coordination des aides.

Notre commission a souhaité que les financements bilatéraux et multilatéraux soient mieux articulés et fassent l'objet d'évaluations précises.

Nous avons également insisté sur la nécessité de renforcer les partenariats avec les entreprises privées et les collectivités territoriales.

Il nous est apparu en outre indispensable de mieux sensibiliser et d'associer les citoyens aux actions d'aide au développement.

Enfin, nous avons souhaité qu'une véritable culture du résultat soit mise en place par le contrôle et l'évaluation.

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. J'adresse, pour commencer, une pensée amicale, émue et pleine de gratitude à Marielle de Sarnez. Sans son abnégation, nous ne serions pas en train de discuter de ce projet de loi aujourd'hui. Je me souviens quand, en 2017, le gouvernement a pris la décision de raboter les crédits alloués aux organisations non-gouvernementales (ONG) alors qu'il avait promis de ne pas le faire. Elle s'était alors battue pour rétablir ces crédits. Elle a toujours été attachée à l'enjeu de la solidarité internationale et de la protection des plus vulnérables. Je souhaite ici la remercier.

Elle avait également été à l'initiative du rassemblement de tous les chefs de file des partis politiques sur ces questions. Ainsi, grâce à l'action de madame de Sarnez, madame Bérengère Poletti et moi-même avons été reçus le 25 janvier par le ministre des affaires étrangères pour discuter de ce texte de loi.

Je tiens enfin à vous féliciter, monsieur le président. J'ai beaucoup de bonheur à vous voir désormais présider cette commission.

Ce projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales est le fruit d'un travail collectif, mené depuis plus de trois ans avec le gouvernement. Nous y retrouvons un certain nombre de priorités très fortes pour nous.

Pour la première fois, le gouvernement se dote d'une stratégie claire et lisible. Ce cadre de partenariat global donne à voir d'une part les priorités et les objectifs stratégiques du gouvernement, et d'autre part comment cette politique de partenariat est mise en cohérence avec l'agenda 2030 et l'accord de Paris. Cela est essentiel. Ma première question, monsieur le directeur, porte sur ce premier point : relevez-vous des manques ou bien des avancées dans ce cadre de partenariat global ? Correspond-t-il aux objectifs stratégiques de l'Agence française de développement (AFD) dans les prochaines années ?

Ma seconde question porte sur la programmation financière. Nous félicitons le gouvernement d'avoir maintenu un volume stable d'aide publique au développement, alors que la chute du revenu national brut (RNB) aurait insidieusement pu autoriser le gouvernement à réduire son volume. Le gouvernement poursuit une trajectoire claire, et cela apporte une prévisibilité à tous les acteurs. Dans un monde où les pays en développement font face à une augmentation massive de la dette, comment situez-vous le modèle de l'AFD ? Ce modèle de développement est d'abord basé sur les prêts. Dans quelle mesure la priorité accordée aux dons est-elle susceptible de faire évoluer le modèle de l'AFD et notamment ses relations avec l'État ? Enfin, tenant compte de cette trajectoire budgétaire, comment envisagez-vous les perspectives de soutenabilité budgétaire de l'AFD et le maintien de son modèle ?

Je soulève également une question sur les partenariats. Nous voulons que ce projet de loi soit résolument contemporain. La politique d'aide au développement ne se conduit pas simplement d'État à État. Au contraire, cette politique doit être en capacité de financer des plus petits acteurs – les acteurs de la diaspora, les jeunesses, les collectivités locales. Ce texte de loi prévoit ainsi le doublement des financements accordés aux organisations de la société civile, aux collectivités locales, mais également aux entreprises privées. Quel est le rôle de l'AFD dans ce contexte ? L'agence ne peut pas se substituer à un ministère de la coopération, mais en raison de ses compétences, joue un rôle important de plateforme. Comment l'opérateur AFD se positionne-t-il dans le contexte de démultiplication des acteurs et de foisonnement des initiatives dans les années à venir ? Je souhaiterais également en savoir davantage sur l'accompagnement et l'appui apporté par l'AFD aux petits projets.

Je terminerai par une question sur l'article 9 de ce projet de loi, portant sur la création d'une commission indépendante d'évaluation. La création de cette commission indépendante d'évaluation représente une grande avancée à nos yeux. Le parlement considère que l'augmentation des crédits de l'aide publique au développement doit créer une politique de redevabilité et de transparence, d'autant plus que les bénéficiaires finaux de cette aide vivent à des milliers de kilomètres. Vous avez été à l'initiative de la trajectoire de l'agence vers une plus grande évaluation de ses actions. Je souhaite recueillir votre avis sur cette politique d'évaluation et savoir comment l'AFD s'inscrira dans ce cadre. La commission indépendante fusionnerait l'unité d'évaluation du quai d'Orsay, l'unité d'évaluation de la direction générale du Trésor et celles de l'AFD. Comment inscrivez-vous votre groupe dans cette stratégie et comment comptez-vous améliorer l'évaluation de l'impact ? À nos yeux, l'évaluation ne revêt pas seulement un enjeu de transparence et d'efficience, mais aussi de crédibilité de notre action et d'influence. Par l'évaluation se joue la capacité de la France à rayonner dans sa politique de partenariats.

Je m'intéresserai également au pilotage de l'AFD. Le parlement est attaché à l'autonomie stratégique d'Expertise France. Comment comptez-vous garantir cette autonomie dans un groupe élargi ? Expertise France couvre un mandat géographique et sectoriel plus large que l'AFD. Je souhaite m'assurer que ses agents ne deviennent pas des experts exécutants des projets de l'AFD et que la France conserve une capacité à déployer de l'expertise en matière de politiques publiques. Dans le même temps, l'écriture actuelle du texte de loi ne prévoit-elle pas des lourdeurs en matière de gouvernance ? Le texte de loi ne nomme pas le directeur général, mais mentionne un président de conseil d'administration. Comment envisagez-vous l'amélioration et la simplification de la gouvernance ? Enfin, quel regard portez-vous sur la nouvelle architecture proposée par le projet de loi, qui prévoit des conseils locaux du développement animé par les ambassadeurs ?

Je souhaite enfin vous remercier. Depuis trois ans, en dépit de l'augmentation des crédits octroyés à l'AFD, nous avons maintenu une excellente qualité de relation et vous avez toujours été disponible pour répondre à nos questions. Siégeant au conseil d'administration, je témoigne du fait que toutes les informations qui doivent être communiquées le sont.

Cette loi d'orientation et de programmation ouvre l'opportunité de donner à la France tous les moyens pour répondre au triple objectif qu'elle s'est fixée : lutter contre la pauvreté, lutter contre les inégalités et lutter contre les changements climatiques en respectant les droits humains.

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Le rapporteur s'est fait l'écho des questions principales qui nous occupent. Je vous laisse le temps nécessaire pour nous apporter les éclaircissements que vous jugez utiles.

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Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement

Je souhaite d'emblée rendre hommage à votre présidente, Marielle de Sarnez. Je sais qu'elle attendait ce débat avec un grand intérêt et tout son engagement. Elle avait préparé ce projet de loi par beaucoup de travaux de la commission. C'est une douleur qu'elle ne soit pas présente.

Marielle de Sarnez était très attachée au fait que ce texte constitue bien une politique : la politique de développement. Je suis tout à fait d'accord avec cette lecture. Nous avons, pendant de nombreuses années, eu tendance à considérer le développement comme un instrument au service d'autres fins politiques. Le développement constitue un pilier de notre politique étrangère, en effet, mais celui-ci doit recevoir un mandat politique spécifique, fixé au plus haut niveau par la représentation nationale. L'agence que je dirige doit exécuter ce mandat. Le débat que vous avez engagé autour de cette loi de programmation est par conséquent très important pour nous. Nous sommes conscients de notre responsabilité et de la redevabilité attendue, à mesure d'ailleurs que la charge budgétaire qui nous est confiée augmente.

Ma lecture de la loi est très positive. Elle donne l'occasion d'un débat public et d'une refondation de cette politique. Vous allez fixer une ligne, qui avait été troublée ou oubliée par le passé – au moins depuis 2014 et la dernière loi, qui était d'ailleurs la première du genre. Je salue les nombreux travaux de votre commission à ce sujet : les différents rapports produits ainsi que le groupe de travail sur l'aide publique au développement et l'action humanitaire. Nous sommes très heureux que cette mandature soulève des débats qui nous interpellent.

Ce débat est d'autant plus important que nous conduisons chaque année des sondages sur les Français et le développement. Les personnes qui se déclarent informées de la politique de développement la trouvent efficace à 70 % ; les personnes qui s'avouent mal informées la considèrent inefficace. Nous constatons que la plupart des personnes se déclarent mal informées – d'où l'importance de diffuser un maximum d'informations sur la politique d'aide au développement.

Les évaluations sont une matière absolument essentielle. La totalité de nos évaluations est désormais mise à disposition en ligne. En 2020, nous avons évalué 43 % de nos projets – dans le Sahel, ce chiffre atteint les 88 %. Nous versons toute cette matière au débat public. Il est très important de disposer d'une instance indépendante qui vienne questionner les résultats des opérateurs et porter sur eux un regard extérieur et objectif. L'évaluation des projets internationaux est également intéressante en ce sens qu'elle peut servir à nourrir nos propres politiques publiques en France. Plus cette approche sera adoptée, plus nos politiques publiques seront riches et éclairées d'éléments utiles de parangonnage. En ce sens, l'article 9 du projet de loi ainsi que tous les éléments portant sur la transparence sont très bienvenus dans le cadre de ce débat.

La loi apporte une visibilité budgétaire : les crédits de la mission aide publique au développement connaissent 75 % d'augmentation entre 2016 et 2022. Il s'agit de la mission qui augmente relativement le plus dans tout le budget de l'État. La fixation de l'objectif de 0,55 % – qui sera atteint, et peut-être même dépassé – constitue une excellente nouvelle pour nous tous. Cela est d'autant plus vrai à un moment où nos collègues britanniques, considérés pendant vingt ans comme les leaders de la politique d'aide au développement dans le monde, réduisent d'un tiers les crédits qui y sont alloués. Je le regrette. Les décisions du gouvernement français sont donc très positives pour l'influence de notre pays.

La loi fixe un nouveau récit de la politique de développement : elle mentionne les politiques partenariales, le développement solidaire, les inégalités mondiales, l'approche globale intégrée. Nous trouvons ainsi les mots français pour dire les objectifs de développement durable et l'accord de Paris. Cela permet de mieux transcrire le lien entre les politiques et les espaces, et d'exprimer l'idée selon laquelle les enjeux nationaux se retrouvent dans l'international. Cela permet de ne pas faire du développement seulement un enjeu extérieur et étranger, mais de reconnaître que nos intérêts s'y expriment. Ces intérêts sont bienveillants, généreux, ouverts ; ils recouvrent également l'intérêt de bâtir une relation de long terme avec les pays du Sud. De ce point de vue, tous les éléments issus du rapport d'Hervé Berville et des travaux d'Esther Duflo sur l'innovation, le volontariat réciproque (article 6), l'attractivité de la France (article 10) viennent nourrir le récit du lien réciproque entre notre pays et le reste du monde.

Il me semble que l'AFD est déjà mobilisée au service de cette ambition. Je ne vois pas de contradiction entre le cap que vous allez fixer et le mandat de l'AFD. Au contraire, nous souhaiterions pousser plus loin encore ces ambitions. Nous menons toutes nos activités sous le contrôle du gouvernement et des ambassadeurs. Je souhaiterais que l'agence soit le plus près possible de son mandat politique – c'est en effet de là qu'elle tire sa force et ses moyens. Nous sommes un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et nos activités prennent place dans le cadre d'une gouvernance et d'un conseil d'administration dans lequel siègent des députés et des sénateurs. Je salue ici Hervé Berville, Amélia Lakrafi, Bérengère Poletti et Dominique Potier pour leur soutien vigilant depuis plusieurs années.

Une partie du chemin financier tracé dans la loi de programmation est déjà mené. Nous sommes passés de 7 milliards d'euros à 14 milliards d'euros de financements par an. Cela représente une empreinte financière significative. Nous allons stabiliser notre budget 2021 et 2022 autour de 12 milliards d'euros par an, et poursuivre la consolidation et la modernisation de l'agence, notamment en améliorant les décaissements.

Il est en effet nécessaire de trouver un équilibre entre les prêts et les dons. Pendant de nombreuses années, nos moyens en subventions et en dons ont été réduits à portion congrue et nous avons donc fortement soutenu l'activité en prêts. Nous sommes maintenant revenus, avec votre confiance et votre vote, à un ratio de 80 % de prêts pour 20 % de dons et subventions – à cela s'ajoute près d'un milliard d'euros alloués par l'Union européenne, puisque notre agence met également en œuvre des moyens et des priorités européennes. Il est donc nécessaire de garder un équilibre d'instruments et de savoir les gérer de façon différente selon leurs caractéristiques. Je me considère agnostique sur les instruments. Il faut disposer des instruments correspondant à la politique qui nous est fixée, et non élaborer une politique en fonction de nos instruments – comme cela a pu être le cas dans le passé.

En réponse à votre question sur le soutien que l'AFD apporte aux petits projets : à mes yeux, la seule distinction utile est celle entre les bons et les mauvais projets. Il ne faut pas s'arrêter au montant du projet. Il faut être capable de gérer avec agilité des projets de petite taille, s'ils ont un impact et une exemplarité très forts, et savoir mener des projets de taille plus significative.

Je reviendrai que le cadre de partenariat et les priorités fixées. Qu'il s'agisse des priorités transversales, des priorités sectorielles ou des priorités géographiques, nous sommes tout à fait à l'aise avec votre formulation et vos documents. Nous soutenons et servons les activités en Afrique et dans la Méditerranée ; sur le climat ; en matière de diplomatie féministe et d'égalité entre les femmes et les hommes. Il est intéressant d'étudier la somme de ces priorités. Les sujets climatiques se rapprochent de la biodiversité ; ces sujets ayant trait à la planète amènent la question des inégalités et donc les questions sociales. L'agenda des objectifs de développement durable émerge et oriente nos activités.

J'ai en effet affirmé que l'AFD devenait une plateforme. J'ai indiqué dans notre plan stratégique que nous devions adopter un réflexe partenarial. Le message que je passe aux agents de l'AFD est de systématiquement chercher à tourner le plus grand nombre possible de partenaires vers le sud et vers notre action internationale. Il peut s'agir de partenaires français – cela est notre responsabilité – mais aussi de partenaires internationaux. Je citerai l'alliance Sahel de 2017 ou le sommet Finance en commun de novembre 2020 qui a rassemblé les banques de développement. Nous nous servons donc des moyens que vous nous accordez pour rassembler des coalitions plus larges.

Plusieurs dispositions du projet de loi nous concernent très directement. Les deux articles portant sur l'AFD et sur Expertise France sont les plus importants pour nous : ils fondent le groupe AFD. Jusqu'à présent, l'AFD ne disposait que d'une filiale, Proparco. Si vous nous témoignez cette confiance, vous nous ajouterez une seconde filiale et nous deviendrons alors un groupe public très différent. L'on voit déjà émerger, dans le rapprochement mené avec Expertise France, des dynamiques très intéressantes. Je regrette que notre expertise et notre capacité d'assistance technique se soient effondrées : elles représentaient 70 % de l'aide publique au développement dans les années 1970, rassemblant 25 000 experts dans le monde entier – ils sont aujourd'hui 150 experts. Cet instrument a connu le choc le plus brutal, en partie car il était isolé. L'AFD a d'ailleurs une part de responsabilité dans cet effondrement. Elle a considéré qu'il valait mieux conduire des financements et oublier la dimension humaine de l'assistance technique, qui est absolument essentielle. Nous allons maintenant présenter à nos clients une offre commune, réunissant en même temps l'offre financière et l'offre non financière. Cela va avoir pour effet de renforcer considérablement le volet d'expertise de notre action internationale. Nous allons apporter à Expertise France un réseau : le modèle économique d'Expertise France ne lui permet pas de créer un réseau à l'étranger, or l'AFD dispose déjà d'un réseau. Soyez assurés que nous allons le faire dans le respect du mouvement propre et de l'autonomie d'Expertise France dans le groupe AFD. Il est nécessaire qu'Expertise France remporte des marchés auprès de l'Union européenne, du Fonds vert pour le climat, de la Banque mondiale pour rayonner encore davantage et accroître les ressources orientées par les priorités fixées par la France. Je n'ai pas de problème de principe avec les dispositions prévues dans ce projet de loi pour garantir le mouvement propre d'Expertise France.

Le 1 % mobilité est une très bonne disposition. Nous disposons de l'expérience en la matière car nous connaissons la loi Oudin dans le domaine de l'eau. Ce type de financement innovant est extrêmement important.

Enfin, nous sommes très attachés à bien distinguer les deux mandats que nous servons : un mandat de solidarité et de lutte contre la pauvreté orienté vers les pays qui ont décroché et qu'il est nécessaire de ramener dans le mouvement général de coopération internationale ; un mandat portant sur les biens publics mondiaux et le développement durable, qui s'exprime dans les pays émergents ainsi que dans nos Outre-Mer. Qualifier d'aide ces deux mandats conduit à délégitimer le mandat conduit avec les pays les plus riches. La loi est très intéressante en ce sens car elle distingue bien ces deux mandats, très différents et qui ont tous deux leur utilité.

Je terminerai par quelques remarques sur des éléments qui pourraient émerger de vos discussions et qui ne sont pas présents dans le projet de loi.

Il existe un débat sur les biens mal acquis. Il s'agit de savoir s'il est possible d'envisager un mécanisme qui permette, dans une logique de grande transparence et de respect des droits humains, de rendre les sommes aux populations des pays dans lesquels elles ont été prélevées. L'agence et son réseau sont absolument disponibles pour contribuer à cette orientation.

Émergera également peut-être de vos débats la question de la lutte contre le blanchiment d'argent et contre le terrorisme, et notamment sa compatibilité avec des actions de développement dans des zones très fragiles comme le Sahel. À ce sujet, peut-être une solution juridique pourrait-elle émerger pour assurer une cohérence entre ces deux objectifs, qui se retrouvent parfois en contradiction dans certains territoires.

Enfin, je souhaite revenir sur nos Outre-Mer. Il est important, dans ce nouveau récit, de faire de nos territoires ultramarins des plateformes de coopération avec les pays voisins. Je souhaiterais que l'on puisse aligner et rendre opérants l'ensemble des outils du groupe AFD à l'étranger et en Outre-Mer : cela n'est pas le cas de Proparco ni d'Expertise France, qui n'interviennent aujourd'hui pas dans les Outre-Mer. S'agissant de Proparco, la décision relève du conseil d'administration de l'AFD. S'agissant d'Expertise France en revanche, il s'agit d'un sujet de nature législative puisque la loi fixe le mandat et les territoires d'intervention d'Expertise France.

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Si je puis me permettre une comparaison insolente – n'y voyez pas malice, je la formule dans un souci de pédagogie – : la difficulté est que vous êtes à la tête d'une institution chauve-souris, dont on ne sait pas si elle vole ou si elle marche. Vous êtes à la fois le bras séculier d'un ministère qui s'efforce de développer une politique publique à caractère régalien d'aide et d'assistance ; et un opérateur bancaire qui est amené à prélever et à distribuer des ressources, à prendre des risques et à avoir le souci de la rentabilité. Toutes ces activités sont conduites, vous l'avez rappelé, au service de deux objectifs assez différents. Je cède maintenant la parole aux représentants des groupes politiques.

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. La solidarité internationale constitue l'un des fers de lance de la politique étrangère française, et celle-ci est rendue d'autant plus indispensable dans le contexte d'une crise sanitaire certes mondiale, mais qui frappe avec plus d'intensité les pays les plus pauvres et les plus fragiles. La logique de partenariat est essentielle en ce sens ; je rejoins M. Hervé Berville pour préférer employer ce terme plutôt que celui d'aide publique au développement. Je suis ravi de constater que le gouvernement maintient le cap d'une trajectoire financière ambitieuse, au service d'une gouvernance et de moyens renforcés. L'AFD sera au cœur de ce dispositif qui permettra de remplir ses missions actuelles avec encore plus d'efficacité.

Je souhaite vous entendre sur l'initiative, qui émane d'un rapport parlementaire de nos collègues Laurent Saint-Martin et Jean-Luc Warsmann publié en novembre 2019, d'un dispositif de restitution des produits de la cession des biens mal acquis. Cet élément manque, à mon sens, à ce projet de loi – je l'avais évoqué lors de l'examen des crédits de la mission en séance publique. Je juge bon d'inscrire et de porter collectivement cet enjeu dans ce texte.

Je souhaiterais ensuite également voir figurer dans le texte un volet sur le droit humanitaire et l'action des ONG, qui constituent un des moteurs essentiels de l'aide publique au développement. Je souhaite recueillir votre sentiment à ce sujet.

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Je souhaite vous remercier une nouvelle fois, monsieur Rémy Rioux, pour vos vœux, par lesquels j'ai appris incidemment que je n'étais plus membre du conseil d'administration de l'AFD. J'ai fait part de cette nouvelle au ministre. Au moment où le parlement étudie un texte de loi qui se veut rassembleur, il est injuste de ne faire siéger au conseil d'administration de l'AFD plus que deux représentants de la majorité de l'Assemblée nationale. La loi de 2018 relative à la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement, sous prétexte de mieux représenter les parlementaires, a supprimé les suppléants au sein des conseils d'administration. Cela pose problème d'un point de vue démocratique, alors que nous souhaitons augmenter de manière considérable les moyens alloués à l'aide publique au développement. J'ai demandé à mon président de groupe de s'adresser au président de l'Assemblée nationale afin de corriger cela. Il s'agit d'un irritant, je trouve cela très injuste et non propice à la sereine discussion.

Marielle de Sarnez était soucieuse de la place du parlement ; or, la transparence constitue un enjeu important dans l'aide publique au développement pour nous, parlementaires, ainsi que pour nos concitoyens. La totalité de l'aide publique au développement demeure bien opaque. Un tableau, page 52 du texte, présente les prévisions d'aide publique au développement pour la période 2020 – 2022. Il apporte plus d'informations que je n'en ai reçues durant les dernières années écoulées. Ce tableau très clair décrit assez précisément les mouvements de crédits qui vont s'engager. Je formule à ce sujet plusieurs questions.

La commission d'évaluation constitue, à mon sens, le cœur de la réforme. Elle doit faire l'objet d'un décret. Énormément d'informations à son sujet sont manquantes dans la version actuelle du texte : quels seront sa composition, son statut, ses méthodes, ses objectifs ? Tout cela reste à définir. Le ministre nous a expliqué récemment qu'il était très ouvert sur la constitution de cette commission. Beaucoup de questions se posent sur le rôle de la Cour des comptes dans cette commission. Comptons-nous mettre en place une commission totalement indépendante sur le modèle britannique ? Je souhaite donc vous interroger sur le contenu de la commission. S'occupera-t-elle exclusivement d'évaluation, ou s'intéressera-t-elle également aux problématiques de transparence et de contrôle ?

Je soulève également la problématique de la programmation des crédits. Il s'agit d'une loi de programmation 2020 – 2025. Or, la vision sur la ventilation et l'augmentation des crédits s'arrête en 2022. J'ai compris que pour les années suivantes, des décisions devront être prises ultérieurement, sans forcément recueillir l'avis du parlement. Cela me pose problème. Si les crédits actuels étaient prolongés jusqu'en 2025, je souhaite recueillir votre avis sur l'inscription du 0,7 % dans la loi. Les ONG évoquent même un détail de 0,15 % du RNB, inscrit dans la loi, pour les pays les moins avancés.

Je formule un dernier commentaire sur cette programmation. L'objectif de 0,55 % ne serait pas atteint en 2021 ni même en 2022, si nous ne ressentions pas l'impact très important de la dette et l'augmentation de la contribution de la France au budget de l'Union européenne au titre de l'aide publique au développement.

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Vous avez évoqué une culture du résultat. À ce sujet, je partage les réflexions de notre rapporteur sur les indicateurs. Quel est votre regard sur les indicateurs actuels ? Ne pensez-vous pas nécessaire de les repenser à la lumière d'objectifs très concrets tels que le recul de la faim dans le monde, l'alphabétisation, l'accès à l'eau potable, plutôt que la part de RNB dépensée ?

Ma deuxième question porte sur le lien entre la bonne gouvernance démocratique des États et les programmes que nous continuons à déployer dans ces pays. Le projet de loi entend faire de la politique de développement un pilier de la politique diplomatique de notre pays, mais il n'entend pas créer de lien entre les positions politiques et diplomatiques de la France à l'encontre de régimes et de dirigeants qui contreviennent gravement aux principes démocratiques et à leurs engagements internationaux d'une part, et à sa politique financière d'aide au développement d'autre part. Il restera donc théoriquement possible de condamner les agissements politiques d'un régime tout en initiant des programmes de développement dans ces mêmes régimes. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Je rejoins la question précédemment posée sur les biens mal acquis. Trois procédures ont actuellement cours en France à ce sujet. Des actifs, détenus par le vice-président de la Guinée-Équatoriale, ont été saisis par la justice. Par ailleurs, une proposition de loi émanant du sénateur Jean-Pierre Sueur a déjà été votée au Sénat sur ce sujet. Je soutiens donc la légitimité de l'AFD pour porter un éventuel fonds pour gérer les sommes saisies.

Enfin, ne faudrait-il pas lier plus clairement l'aide au développement aux facteurs de développement économique de la France, en privilégiant les programmes qui font appel aux entreprises et aux acteurs français ou francophones, et en exclure plus systématiquement les acteurs d'autres pays ?

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Mon collègue Frédéric Petit et moi-même avons présenté ce matin un dossier sur les dérèglements climatiques et les risques de conflits dans le monde. Ceci est relativement mal pris en compte par les pays et par la solidarité internationale. L'AFD pourrait-elle intervenir plus souvent sur ces dossiers, qui nécessitent une attention particulière dans les années à venir ?

Ensuite, France Médias Monde, notre opérateur d'audiovisuel extérieur, fait rayonner la France et la francophonie à l'étranger. L'État étant obligé de restreindre sa participation, France Médias Monde connaît actuellement des difficultés de financements. Pourrions-nous trouver, avec l'AFD, des moyens pour aider à stabiliser les financements de notre audiovisuel extérieur ?

Enfin, j'en viendrais à la question des suppléants au conseil d'administration de l'AFD, qui concerne mes collègues Dominique Potier et Bérengère Poletti. Notre groupe a effectivement protesté contre cette situation qui nous semble tout à fait anormale s'agissant de la représentation de l'opposition dans votre administration.

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À l'été 2015, le Président de la République avait annoncé l'augmentation de 4 milliards d'euros des engagements de l'AFD à l'horizon 2020 et son rapprochement avec le groupe de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), avec l'objectif de renforcer les moyens de l'agence et de faire de la CDC l'une des plus importantes institutions financières publiques européennes. Trois scénarios avaient été esquissés : d'abord, une intégration de l'AFD à la CDC ; ensuite, la transformation de l'agence en filiale du groupe CDC, codétenue par l'État et par la Caisse des dépôts ; enfin, le rapprochement de l'AFD par une intégration au groupe sans intervention capitalistique.

Cette troisième hypothèse fut celle que vous souteniez alors, monsieur le directeur général. Les objectifs annoncés de ce rapprochement furent de renforcer les fonds propres de l'AFD pour lui permettre d'honorer ses engagements et de développer les synergies importantes qui existent entre la Caisse des dépôts et l'AFD, sur le modèle de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW ; en français : Établissement de crédit pour la reconstruction) allemande. Or, il est apparu très vite que la nécessité de respecter le modèle financier de la Caisse des dépôts rendait difficile le modèle d'une filialisation. Vous avez récemment appelé, monsieur le directeur général, à s'appuyer davantage sur les investissements publics à l'occasion d'une tribune dans Les Échos. Le rapprochement entre la Caisse des dépôts et l'AFD pourrait-il être réactualisé, et si oui, comment ?

La loi Sapin II, en son article 153, prévoyait la publication d'un rapport sur cette alliance nouvelle. Qu'en est-il ?

Si cela n'était pas possible, comment accroître l'activité internationale de la Caisse des dépôts, qui dispose d'un budget confortable ?

Ensuite, comment permettre à l'AFD de répondre à une critique qui lui est souvent adressée, à savoir celle de ne pas financer beaucoup de micro-projets en raison de ses procédures financières très complexes ?

Enfin, je me fais l'écho de la question de ma collègue Sira Sylla, qui n'a pas pu participer à cette audition. Elle souhaite recueillir votre avis sur sa proposition de loi sur la bi-bancarisation. Ce texte prévoit la possibilité de détenir un compte en Europe et en Afrique, afin de procéder à des virements bancaires sans recourir aux agences de transferts d'argent. Ces transferts financiers entre le Nord et le Sud représentent trois à quatre fois le montant de l'aide publique au développement des pays du Nord vers l'Afrique. La Banque mondiale les évalue à environ 500 milliards de dollars. Comment serait-il possible de s'appuyer sur ces transferts et de les réorienter vers des investissements productifs plutôt que vers de l'aide à la subsistance ?

Je conclurai en abordant une question à laquelle je sais que le ministre est très sensible : la communication de l'AFD s'agissant de l'aide publique française apportée aux pays en voie de développement. Je constate une forme de pudeur dans cette communication. Au Maghreb et en Afrique de l'Ouest, je ne vois pas beaucoup de drapeaux français affichés sur les projets que nous finançons. D'autres pays, comme la Turquie et la Chine, les revendiquent bien davantage.

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Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement

Je répondrai à votre interpellation initiale sur les chauve-souris. J'espère vous apporter la démonstration que nous disposons du sérieux et de la capacité d'une banque. Dans beaucoup de contextes, soit parce qu'ils sont risqués, soit parce qu'il faut être à l'échelle du problème, nous finançons des petits projets – nous trouvons alors l'agilité d'une agence. Il me semble que nous disposons plutôt, auprès de nos partenaires et clients, du crédit de l'agilité.

Je répondrai ensuite à la question de Jean-François Mbaye. Nous sommes bien informés, conscients, et en contact avec les parlementaires qui portent le sujet des biens mal acquis. Plusieurs rédactions de textes sont en cours d'élaboration au sein du gouvernement, comme au Sénat et à l'Assemblée nationale, poursuivant chacune différentes options techniques. L'option du fonds de concours est sans doute la plus prometteuse. Le fait que la France porte ce sujet constituerait un signe important en matière de bonne gouvernance et de droits humains, ainsi qu'un honneur pour notre agence de l'exécuter. Nous en avons acquis l'expérience technique avec le mécanisme des contrats de désendettement (C2D), que nous pratiquons depuis plusieurs années. Ce mécanisme devra évidemment être adapté, mais la restitution des biens mal acquis pourrait lui ressembler. Le sujet, avec votre attention, est bien exploré – c'est la raison pour laquelle je pense qu'il est prêt à aboutir, et nous nous tenons à votre disposition pour cela.

L'AFD est un opérateur du développement. Ce sujet est très nettement distinct des sujets humanitaires. L'humanitaire consiste à porter secours et à apporter des solutions de court terme. Le métier de l'AFD, au contraire, repose sur des enjeux de long terme. Cela ne veut pas dire que les questions de long terme ne doivent pas se traiter dans le court terme. L'on observe ainsi que le monde de l'humanitaire (le Comité international de la Croix-Rouge, CICR ; le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, HCR) vient chercher des acteurs comme l'AFD. Il les sollicite, par exemple, sur la problématique des camps de réfugiés qui deviennent pérennes et demandent l'adduction d'eau et l'assainissement. Il est alors nécessaire de recourir à l'expertise des acteurs du développement pour venir en aide à ces populations qui se fixent. Je mentionnais tout à l'heure les enjeux de lutte contre le blanchiment d'argent et le terrorisme : ceux-ci concernent avant tout le secteur humanitaire, mais peuvent entraver l'action des acteurs du développement. C'est pourquoi je souhaiterais trouver un cadre utile pour que les différents instruments puissent se déployer simultanément.

Madame Poletti, vos deux questions ne s'adressaient pas à moi, vous m'excuserez donc d'y répondre de façon laconique. Je vous remercie, vous et Dominique Potier, pour ce que vous avez amené d'exigence, de qualité, d'expérience de terrain dans les débats de notre conseil d'administration. Je rappelle que la présence des parlementaires dans un conseil d'administration d'un établissement public est un élément important, qui constitue une corde de rappel du mandat qui nous est fixé et enrichit largement les débats collectifs.

S'agissant de la transparence et de la trajectoire budgétaire, il revient aux ministres et à leurs administrations de vous répondre sur la mécanique prévue d'ici à 2022 puis à 2025. Évidemment, des échéances politiques majeures auront lieu d'ici à 2025, ce qui explique la rédaction actuelle de la proposition de loi. À ce titre, l'article 2 qui prévoit la publication d'un rapport annuel peut permettre de progresser encore dans l'explicitation de la trajectoire budgétaire. Cette politique est complexe dans son fonctionnement ; il est important de pouvoir la préciser.

Il est très important de ne pas s'arrêter aux chiffres financiers engagés. Il faut présenter des résultats. La politique de développement doit prouver des résultats de trois ordres : d'abord, des impacts concrets (à ce sujet, nous rendons des comptes régulièrement par des grands indicateurs d'impacts et à travers nos projets) ; ensuite, la mobilisation (un euro d'argent public investi doit être démultiplié par des effets d'entraînement sur d'autres acteurs financiers publics et privés) ; enfin, et cela est beaucoup plus difficile à mesurer, les projets doivent avoir un effet sur les politiques publiques et engager la transformation attendue du pays. Le travail même d'Esther Duflo est de mesurer la capacité des innovations à changer les politiques publiques dans les pays bénéficiaires. Cet objectif, bien que difficile à mesurer, n'est pas négligeable et est pleinement inclus dans la mission de développement. Il sera très utile de disposer d'une commission d'évaluation qui viendra nous demander des comptes sur ces résultats.

Je ne suis pas favorable à une conditionnalité très stricte, comme le proposait Bruno Fuchs. À mon sens, remettre la politique de développement et ses instruments à un niveau d'intérêt significatif constitue un élément de la relation bilatérale. Il appartient aux ambassadeurs et au ministères des affaires étrangères, qui disposent de la vision d'ensemble des différents fils tissés avec un pays, d'orienter cette relation. Je reçois énormément d'indications sur les volontés politiques de différents pays et sur l'orientation de nos relations bilatérales par les directeurs géographiques du Quai d'Orsay. J'en tiens évidemment compte dans le pilotage de l'agence.

J'ai donné beaucoup de signes encourageant l'influence économique. Nos réflexions à ce sujet évoluent et sont en cours de maturation. Les financements de l'AFD sont déliés. Cela s'explique en partie par le fait que nous rentrons dans de nombreux cofinancements avec d'autres banques de développement ; cela crée, in fine, de beaucoup plus gros volumes d'opportunités pour les entreprises françaises à l'international. Dans notre travail, nous pouvons nous positionner sur des secteurs tout aussi bien que peser sur la qualité, les normes, les exigences attendues dans les appels d'offres. Nous avons noué beaucoup de liens avec le tissu d'entreprises françaises et nous sommes très heureux quand celles-ci gagnent les appels d'offres. Cela marche très bien pour le conseil et les bureaux d'études : près de deux tiers des marchés financés par l'AFD sont remportés par des bureaux d'études français. Les entreprises françaises ne répondent pas toujours à nos marchés, mais, quand elles répondent, elles bénéficient d'un taux de succès très élevé. Nous avons ainsi apporté plus de 12 milliards d'euros de contrats aux entreprises françaises depuis quelques années.

Monsieur David, je suis à votre disposition pour vous présenter plus en détail notre action sur les questions climatiques. Il y a quelques années, l'un de mes prédécesseurs, Jean-Michel Severino, avait insisté pour hisser les enjeux climatiques au même rang stratégique que la lutte contre la pauvreté. L'AFD a, depuis, accumulé une grande expérience sur les liens entre climat et développement, climat et exclusion, climat et conflits, et s'efforce de construire des projets qui répondent aux deux enjeux. Je constate que nous disposons d'une voix assez forte dans les enceintes climatiques. Nous pourrons, à ce sujet, vous apporter plus de détails sur notre action dans le Sahel.

France Médias Monde appartient au secteur du développement. Une information de qualité, parfois en langue locale, couvrant les enjeux de développement durable et de climat, sont un vecteur d'éducation et crée le terreau utile pour faire émerger des politiques publiques. Nos collègues britanniques ont longtemps financé les programmes de la BBC, les Allemands font la même chose avec Deutsche Welle ; nous avons également pris ce chemin. Nous apportons près de 30 millions d'euros à France Médias Monde sur plusieurs années, non pas au titre de son budget de fonctionnement, mais afin d'apporter des moyens contribuant à des programmes, à des contenus et à une information de qualité et indépendante. L'AFD est donc déjà bien engagée sur ce sujet, mais peut-être pourrez-vous interroger directement Marie-Christine Saragosse pour savoir si elle est satisfaite de notre action.

L'alliance entre l'AFD et la Caisse des dépôts, signée en décembre 2016, avait été très utile lors des négociations de l'accord de Paris sur le climat. Cela montre à quel point il est précieux d'articuler notre action internationale avec notre action nationale : car nous recherchons aussi notre intérêt, fût-il solidaire, dans l'action internationale, et car l'action internationale inspire. L'AFD apporte à la Caisse des dépôts des expériences et des innovations, repérées dans le monde entier, qui peuvent contribuer à transformer l'action de la Caisse des dépôts en France. Ce principe, inscrit dans la loi, est très fort. Nous n'avons malheureusement pas conduit le rapport prévu dans la loi Sapin II. Je me rapprocherai d'Éric Lombard et de ses équipes pour le faire. Dans l'attente du rapport, nous pourrons évidemment vous fournir tous les éléments de ce rapport de partenariat, qui a progressé : je citerai l'échange de personnels ou encore le fonds d'investissement STOA, réservé aux entreprises françaises pour mener de grands projets d'infrastructures à l'international. Plus profondément, je suis très impressionné et heureux de l'évolution de la Caisse des dépôts sur les sujets climatiques et de développement durable depuis 2015. Eric Lombard, ses équipes et moi-même parlons beaucoup de ces sujets. À l'international, je me présente comme l'allié de la Caisse des dépôts. Elle centralise une expérience française accumulée sur de nombreux sujets, que je suis en mesure de proposer à des partenaires internationaux.

Je suis complètement d'accord avec vous sur l'exercice de communication de l'AFD. Le système est encore peut-être un peu trop marqué par la modestie. Nous y travaillons en grande proximité avec les ambassadeurs. Nous menons à ce sujet un exercice gouvernemental sur la marque France à l'international. N'hésitez pas, dans le cadre de vos groupes d'amitié, de vos déplacements ou de vos rapports, à nous signaler quand la présence française pourrait être davantage mise en avant.

Enfin, nous avons également mis en place avec la Caisse des dépôts un programme dédié aux diasporas. Je me tiens à la disposition de madame Sira Sylla pour préciser mes vues sur ce point.

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Je me joins aux remarques faites par madame Bérengère Poletti et monsieur Alain David, pour que nos collègues de l'opposition soient de nouveau présents au conseil d'administration de l'AFD. Il y a une contradiction à souhaiter que cette politique soit celle de la France et que ce projet de loi soit voté par l'ensemble des forces politiques de cette assemblée, et commencer par exclure du conseil d'administration les représentants de l'opposition.

Vous avez insisté sur l'importance de disposer de résultats. Je m'interroge donc sur la commission d'évaluation et de contrôle. L'article 9 prévoit que le rôle et la composition de cette commission sont renvoyés à un décret futur. Nous demandons à pouvoir disposer, pour l'examen du projet de loi et si possible en amont de celui-ci, des informations suffisantes ainsi que du texte du décret. Je formule cette requête. Comment, à vos yeux et idéalement, devrait se composer cette commission et quel devrait être son rôle ?

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. En 2019, vous vous prêtiez devant nous à l'exercice des questions-réponses, avant d'être reconduit dans vos fonctions de directeur général de l'AFD. Vous nous exposiez alors en quoi l'AFD est une agence, par ses moyens en dons et en subventions, et non une banque, et qu'elle aspirait à devenir une plateforme, permettant l'ouverture et l'accueil de projets tournés vers l'Afrique. L'AFD est-elle une agence, une banque, une plateforme, une institution chauve-souris comme l'a si bien résumé notre président ? Je m'en remets ici à votre sagacité.

Quoi qu'il en soit, de la crise sanitaire que nous traversons a émergé de belles initiatives, comme le sommet Finance en commun de novembre 2020, réunissant virtuellement 450 banques de développement pour « prendre soin des vivants de façon résiliente ». Ces banques se sont engagées à aligner leurs puissances financières, représentant 10 % des investissements globaux, sur l'accord de Paris. Leur mandat public permet d'établir des liens directs entre les gouvernements et le secteur privé, les agendas nationaux et internationaux, les priorités à court et long termes. La volonté est louable. Quels enseignements tirez-vous de ce sommet pour rendre l'investissement auprès de l'AFD plus attractif ?

Par ailleurs, toujours en conséquence de la pandémie, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) vient de repousser l'échéance de la monnaie unique en 2025. Les finances des États sont en banqueroute, alors même que paradoxalement, la bulle boursière continue de gonfler. Dans ce contexte, comment relève-t-on le défi du développement solidaire et de la lutte contre les inégalités mondiales ?

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Ce projet de loi concerne les moyens que la France met à disposition de l'aide publique au développement, mais il propose aussi une refonte de la gouvernance de notre politique de développement solidaire. Je souhaite vous interroger sur la manière très concrète selon laquelle vous imaginez que le pilotage des activités de l'AFD s'organisera sur le terrain. Il est en effet prévu que l'ambassadeur du pays partenaire préside un conseil local de développement. Quel impact aura cette disposition sur les relations entre l'AFD et nos représentations diplomatiques ? Y voyez-vous un moyen de contrôle des activités de l'AFD ou s'agit-il d'une évolution bienvenue, permettant de mieux coordonner les actions de l'AFD avec les projets de coopération des ambassades ? Enfin, est-il prévu ou souhaitez-vous que les milieux économiques français implantés à l'étranger puissent participer à ces conseils locaux de développement, représentés par exemple par les chambres de commerce françaises ? Y verriez-vous un intérêt en termes de retombées économiques ? Jugez-vous pertinent d'associer ces entreprises à la définition de la stratégie d'intervention de l'AFD sur le terrain ?

Je me joins absolument aux propos de M'jid El Guerrab sur la communication. J'ai moi aussi des exemples saisissants en la matière.

Enfin, s'agissant des biens mal acquis, pourquoi visons-nous toujours les pays des anciennes colonies francophones d'Afrique de l'Ouest ? Je me demande si ailleurs dans le monde, ou en Europe, nous ne trouvons pas de biens mal acquis.

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Je souhaite d'abord vous interroger sur l'enjeu de la responsabilité des entreprises français qui opèrent en Afrique de l'Ouest, et pour certaines avec des relents de Françafrique évident. Ces entreprises bénéficient de contrats liés, sous une forme ou sous une autre, à l'aide publique au développement de la France. Sur ce point, le projet de loi évoque bien le devoir de vigilance et l'exigence de responsabilité sociétale des acteurs privés. Mais l'on a peine à voir les garanties opérationnelles. Vous n'êtes pas sans savoir qu'un puissant sentiment anti-français se répand en Afrique de l'Ouest, qui est en partie dû aux agissements des entreprises françaises, complices des régimes peu respectueux des principes démocratiques et de l'État de droit. La France est en passe de perdre certains des liens privilégiés qui l'unissent à l'Afrique et je crois important de vous faire part de mon inquiétude à ce sujet.

Notre pays me semble ainsi devoir jouer un rôle fort autour des questions de santé. Le coronavirus a mis en évidence une interdépendance des pays de toute la planète, et à de multiple reprises par le passé, la France s'est fortement engagée dans la lutte contre des maladies comme le sida ou ebola. Des initiatives très intéressantes, comme celle portée par Drep.Afrique, ont reçu jusqu'à présent un soutien sans faille du président Macron et du ministre des affaires étrangères. La volonté politique existe donc. Pourtant, l'on mesure dans la mise en œuvre de ce projet de multiples freins structurels. Grâce à ce projet de loi, l'AFD sera-t-elle plus réactive et davantage en capacité de porter fort et loin la volonté politique de la France, et particulièrement en matière de santé ?

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Je suis intéressée par l'efficacité, la transparence, la bonne gouvernance et la redevabilité. Qu'est-ce que ce projet de loi permet qui n'était pas possible avant, et qu'est-ce qui manquerait pour qu'il atteigne davantage d'objectifs ?

Je balayerai brièvement cinq points.

Je suis tout d'abord sensible à l'égalité des genres et à la diplomatie féministe. Le texte me semble bien la définir. Que va permettre ce projet de loi en la matière ?

J'évoquerai l'articulation du développement avec l'image de notre pays, en particulier au Mali. Vous avez parlé des médias, mais les réseaux sociaux font des dégâts terribles en la matière. Comment peut-on améliorer l'impact perçu de toutes nos actions ?

Je regrette que la réflexion sur les droits humains ne soit pas tout à fait aussi approfondie que celle sur les questions de genre. Il doit être possible de faire davantage référence à la loi sur le devoir de vigilance des entreprises implantées localement, et de mentionner l'appréciation de l'amélioration de leurs droits par les populations locales.

Ensuite, les Balkans n'apparaissent pas dans les priorités définies dans le cadre de partenariat global, qui mentionne seulement l'Afrique et la Méditerranée. Comment travaillez-vous dans les Balkans, et comment votre action s'articule-t-elle avec la perspective de leur intégration dans l'Union européenne ?

Je porte enfin une réflexion sur les migrations. Comment ce projet de loi pourrait-il amener la France à être plus positive sur ce sujet ? Les volontariats réciproques existent ; ne pourrait-on pas ajouter que les jeunes ou les adultes d'autres pays peuvent contribuer au développement global et aller et venir en France sans que cela soit vécu comme une menace ?

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Je souhaite évoquer le soutien à des projets situés ailleurs que sur le continent africain, et en particulier dans les pays des Balkans occidentaux. Je souligne à ce sujet la nécessité de pouvoir financer des projets de petite envergure. J'ai senti beaucoup de frilosité de la part des entreprises et des investisseurs français à mobiliser des fonds sur des petits projets. Ces pays (Serbie, Macédoine, Albanie, Bosnie) ont pourtant besoin d'un accompagnement financier pour mener à bien des projets d'infrastructures de petite échelle dans leurs collectivités territoriales. De quelle manière ce projet de loi pourrait-il encourager l'investissement français dans le développement de cette région de l'Europe ?

Enfin, je reviendrai sur les Outre-Mer. Je souligne que la souveraineté maritime française et européenne est une approche qui pourrait être poursuivie pour ouvrir de nouvelles perspectives pour les territoires d'Outre-Mer.

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À l'occasion de la quatrième édition du One planet summit qui s'est tenue le 11 janvier 2021, l'AFD a annoncé un nouveau plan en faveur de la biodiversité : un milliard d'euros seront investis chaque année en faveur de la biodiversité d'ici à 2025, ce qui représente un doublement de son financement à la protection de la biodiversité. Cela n'est pas sans rappeler l'agenda des objectifs de développement durable à l'horizon 2030. Dans son rapport de mai 2016, « Financement des objectifs de développement durable dans les pays les moins avancés », l'AFD met en avant que le défi est de savoir comment mobiliser et allouer les ressources financières et technologiques à des fins de développement durable. Si ce défi se pose partout dans le monde, il est encore plus vif dans les quarante-huit pays considérés comme les moins avancés par les Nations Unies. Ne serait-il pas possible d'aller plus loin en intégrant les objectifs de développement durable dans le fonctionnement de l'AFD, et notamment en incluant les indicateurs de développement durable dans ses projets ?

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La mesure des impacts est essentielle. Ce projet de loi inclut les priorités géographiques (les pays les plus pauvres), les priorités sectorielles (santé, éducation, genre, gouvernance, climat) et les priorités en termes d'instruments (prioriser les dons sur les prêts). Ces priorités, décidées par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, seront inclues dans la loi. Néanmoins, je ne saurais pas dire si ces priorités ont pu bénéficier de l'augmentation des crédits depuis trois ans. Pouvez-vous nous apporter des éléments à ce sujet ? De quels moyens pouvons-nous nous doter pour disposer à l'avenir d'une meilleure lisibilité de notre politique de développement et de ses priorités sectorielles, en termes de financements aussi bien que d'impacts ? Beaucoup d'ONG priorisent aujourd'hui les financements, alors qu'il sera nécessaire demain de mesurer davantage les impacts.

Prenons l'exemple de la priorité sectorielle de la santé. En 2019, il me semble que 5 % des dépenses de l'AFD y étaient consacrées. Les dépenses de l'AFD en matière de santé ont-elles augmenté conformément aux priorités affichées il y a maintenant deux ans et demi ? Qu'en est-il des priorités géographiques ? Avons-nous les moyens de mesurer concrètement les progrès accomplis en matière de priorités sectorielles dans les pays les plus pauvres, ainsi que l'atteinte de l'objectif de décaissement plus rapide, qui constituait une priorité dans le cadre de l'Alliance Sahel ?

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Les derniers mois ont été particulièrement difficiles, mais ils ont également offert l'occasion de se rendre compte de la chance immense de disposer d'un État protecteur. S'agissant des vaccins, si l'Union européenne a fait le choix d'avancer unie pour négocier un prix et des quantités, tous les pays n'ont pas cette chance. La vaccination est un premier sujet essentiel du développement solidaire. Pourriez-vous nous donner votre avis sur notre accompagnement de la stratégie sanitaire et vaccinale dans les pays en développement ?

Ensuite, le réchauffement climatique causera des conséquences graves, en termes d'alimentation, de biodiversité, et plus largement d'impacts sur le développement économique. À l'occasion du One planet summit, un premier accord a été trouvé pour accélérer le développement de la grande muraille verte en Afrique, représentant un engagement total de 14 milliards d'euros. Pouvez-vous, au-delà des financements, nous préciser les modalités d'intervention de la France dans ce projet ?

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Je me permettrai à mon tour deux observations précises.

La première porte sur la situation de madame Poletti et sur la représentation politiquement diversifiée que nous souhaitons dans une instance comme l'AFD. Quand le parlement prévoit une pluralité de députés pour le représenter dans une institution, cela suppose une diversité des approches. Nous ne nous situons pas dans une logique majoritaire, mais dans une logique de représentation de la diversité. Au nom de cette commission, je ferai tout ce qui est possible pour que cette diversité soit à nouveau prise en compte. Je pense que notre collègue madame Poletti a toute sa place dans une instance comme le conseil d'administration de l'AFD.

Je suis très conscient de la sensibilité de cette commission au sujet des biens mal acquis. Il est important que cette commission puisse, à travers un amendement, prendre position sur cette affaire, et que l'argent récupéré à ce titre concoure d'une façon efficace au développement international. Nous serons cependant confrontés à des difficultés juridiques à ce sujet. Cela nécessitera des réflexions, mais l'essentiel est de faire en sorte que l'amendement par lequel nous exprimerions notre souci de voir l'argent récupéré au titre des biens mal acquis affecté efficacement au développement soit rédigé de telle manière qu'on ne puisse pas considérer qu'il constitue un cavalier législatif.

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Monsieur le président, je suis en total accord avec les propos que vous venez d'exprimer. Au nom de mon groupe politique, j'apporte tout mon soutien à Bérengère Poletti. Sa présence a contribué, par bien des égards, à la richesse des débats en conseil d'administration de l'AFD. Nous pourrions déposer un amendement qui permettrait de rétablir la pluralité de la représentation nationale dans cette instance.

La question des biens mal acquis est épineuse, mais nous devrons nous rapprocher du Sénat et de tous les collègues qui ont travaillé sur ce sujet pour l'éclaircir. Elle pourrait impliquer une modification du code pénal. Je pense, par ailleurs, que nous devrions envisager que tout l'argent récupéré au titre des biens mal acquis n'aille pas à l'AFD – d'autres mécanismes pourraient être mis en place. L'AFD est l'institution la plus à même de recevoir une grande partie de ces fonds, mais nous devons envisager toutes les options pour les débourser.

Je vous remercie, monsieur le directeur général, d'avoir répondu à la grande majorité de nos questions avec la précision que l'on vous connaît. Par le passé, le développement international était considéré comme un instrument ; aujourd'hui, les objectifs de développement durable, l'accord de Paris, la notion de partenariat, l'inclusion des diasporas, la mobilisation du secteur privé et de la recherche font évoluer le développement vers une politique plus symétrique. Nous avons beaucoup à apprendre des pays en voie de développement, selon un principe d'innovation inversée. La gestion de la crise sanitaire nous l'a également montré. L'AFD peut ainsi constituer une plateforme qui permettrait d'aller chercher dans les pays du Sud les éléments de résolution des problèmes des pays du Nord.

Je souhaiterais, pour conclure, que vous reveniez précisément sur le modèle de l'AFD. L'agence a connu une forte croissance pendant quelques années, qui a permis d'explorer de nouveaux secteurs et de nouvelles géographies. Quelle est maintenant votre stratégie ? Quels volumes d'activité envisagez-vous ? Pourquoi jugez-vous bon que Proparco intervienne en Outre-Mer ? À quoi vont vous servir les dons ? Je souhaiterais des réponses précises sur l'augmentation des activités de l'AFD, son rythme, ses stratégies.

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Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement

Merci à tous. Au nom de tous les collègues de l'AFD et des professionnels du développement, il est très réconfortant de recevoir autant de questions et de voir autant d'intérêt pour notre mission et nos métiers.

La commission indépendante d'évaluation est absolument décisive dans ce dispositif ; il ne revient pas à l'AFD de décider de sa composition. J'aspire néanmoins à ce que la commission soit forte, qu'elle ne conduise pas seulement des missions de contrôle, mais qu'elle s'intéresse également aux impacts. Il est intéressant que sa composition puisse être diversifiée, et inclue le cas échéant un regard étranger, des pays qui font l'objet de nos programmes eux-mêmes.

Je répondrai à Hervé Berville en affirmant que nous nous situons à un moment stratégique. Nous avons connu une période de croissance très forte et nous allons nous stabiliser à 12 milliards d'euros d'activité par an en 2021 et 2022 – la loi ouvre une autre étape à partir de 2022 et jusqu'en 2025. Après cette période de très forte croissance, il est stratégique de consolider notre maison. Je souhaite également, dans cette nouvelle période, évoluer vers une redevabilité encore plus forte en matière d'impact de nos activités. Un contrat d'objectifs et de moyens vous sera présenté un peu plus tard pour avis et examen.

Pour répondre à Hubert Julien-Laferrière, l'augmentation des crédits a un impact très direct sur l'orientation de nos activités sur les secteurs et les géographies prioritaires. L'année dernière, 20 % de notre activité s'est concentrée sur la santé. Ces sujets ont une intensité budgétaire forte et nous pouvons désormais les mener sans préjudice de notre action climatique. Ces chiffres sont publics et je pourrai vous transmettre ultérieurement les données actualisées pour 2020.

Le sommet Finance en commun a constitué un moment très prometteur. Nous avons touché 450 institutions financières, qui sont parvenues à un très important consensus sur les questions climatiques et veulent coopérer beaucoup plus étroitement.

Les annonces faites lors du One planet summit vont permettre de lier la finance « climat » et la finance « biodiversité » : 30 % de notre finance « climat » sera ainsi à impact positif pour la nature, et nous espérons que cela devienne un standard. Les britanniques nous ont d'ailleurs instinctivement suivi le 11 janvier dernier. Nous en discutons actuellement avec la Banque mondiale. Les banques publiques de développement ont un rôle très singulier à jouer dans les systèmes financiers.

Le secteur privé et les entreprises françaises contribuent évidemment au développement. Nos clients et nos partenaires nous demandent de mettre des forces privées au service du développement pour investir dans leur pays. L'AFD le fait de façon ordonnée et en respectant les standards environnementaux et sociaux les plus élevés. Le secteur privé fait d'ailleurs désormais cette proposition de valeurs à l'international – celle de l'exemplarité environnementale et sociale. De ce point de vue, l'AFD bénéficie de cet alignement de valeurs.

Tout cela doit s'organiser autour de nos ambassadeurs. Le conseil local de développement est en ce sens une très bonne initiative. À nouveau, j'aspire à plus de pilotage politique et à plus d'intérêt pour l'agence. Le pilotage, à mon sens, est différent du contrôle – nous avons besoin d'orientations fortes, de légitimité, de force. Existe également auprès des ambassadeurs le conseil économique, qui réunit les conseillers du commerce extérieur et des représentants locaux. Ces deux enceintes peuvent évidemment échanger.

La santé est un grand sujet. Je ne rentrerai pas dans les arbitrages sur les vaccins. Notre structure de soutien à la société civile et aux ONG françaises étudie actuellement la mise en place d'un programme qui permette de porter secours à un maximum de malades de la drépanocytose.

L'AFD est une agence féministe ; le projet de loi prévoit plusieurs éléments sur ce point. Nous nous sommes notamment engagés à ce que 50% des projets de l'AFD aient un impact positif sur l'égalité de genre. Nous menons de plus en plus de programmes dédiés aux acteurs des questions de genre.

Nous pourrons vous fournir de nombreux éléments sur les Balkans. Nous avons fait passer hier un projet de 50 millions d'euros pour le financement d'un chemin de fer en Serbie. Nous disposons depuis récemment d'un bureau à Belgrade : nous essayons de monter en puissance et de fournir aux ambassadeurs un instrument dont ils ne disposaient pas jusqu'à présent.

S'agissant des migrations, ma réponse sera la même que précédemment : maintenant que la politique de développement a repris son rang dans vos débats, essayons de l'articuler à la politique migratoire. Je n'aime pas l'idée selon laquelle les instruments de développement sont des instruments de la politique migratoire. En revanche, des liens existent, bien sûr, entre les deux.

L'Outre-Mer est un sujet fascinant, historiquement présent à l'AFD. Nous l'avons complètement revu en créant le département Trois océans : il regroupe, dans la même organisation, nos territoires ultramarins et les pays voisins. Nous y parlons de développement, de développement durable et de coopération internationale. Nous réalisons 3 milliards d'euros de financement dans les vingt-six pays qui forment la chaîne de l'Indo-Pacifique.

S'agissant de la grande muraille verte, nous avons annoncé 600 millions d'euros sur les 14 milliards d'euros engagés. Ils concernent l'agroécologie et la biodiversité sur la bande saharo-sahélienne, au centre du continent africain.

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Je constate avec vous une familiarité et une intimité d'échanges extrêmement agréables et stimulantes pour nos travaux. Je suis très fier et très heureux d'avoir pu vous entendre sur ces sujets, qui étaient chers à madame de Sarnez. Je vous remercie.

La séance est levée à 17 heures 30.