Intervention de élisabeth Borne

Réunion du jeudi 23 novembre 2017 à 9h35
Commission des affaires européennes

élisabeth Borne, ministre des transports :

Monsieur Anglade, il existe en effet une proposition de toilettage des textes relatifs au Ciel unique européen. Elle est bloquée par une difficulté diplomatique : la question de son application à l'aéroport de Gibraltar.

Au-delà des aspects réglementaires, c'est grâce à la technologie que le ciel unique progresse. Je pense notamment au programme SESAR (Single European Sky Air Traffic Management Research), bel exemple de coopération européenne. L'entreprise unique associe en effet les instances européennes, Eurocontrol notamment, les États et des entreprises ; elle a permis de progresser sensiblement dans la gestion efficace du trafic aérien. Ce modèle d'entreprise commune qui permet d'investir ensemble dans la recherche et l'innovation doit inspirer nos actions dans d'autres domaines, par exemple celui des véhicules autonomes.

S'agissant du Brexit, vous n'ignorez pas que nous ne sommes pas encore vraiment entrés dans le vif des discussions. Le sujet que vous évoquez sera évidemment abordé. Pour les voyageurs, il y a de toute façon des contrôles, le Royaume-Uni n'appartenant pas à l'espace Schengen. En revanche, en ce qui concerne le transport de marchandises, les entrepreneurs craignent de voir les temps d'attente s'allonger. Nous serons très vigilants.

Madame Degois, en ce qui concerne la liaison à grande vitesse Lyon-Turin, le Président de la République a annoncé lors du sommet franco-italien du mois de septembre que la France respectera ses engagements. Nous allons donc réaliser ce tunnel de base.

Il s'agit au demeurant d'un enjeu géostratégique pour nous : les liaisons entre l'Italie et la Suisse, mais aussi entre l'Italie et l'Autriche, se sont développées. Les flux européens se déportent aujourd'hui vers l'est, contournant notre territoire, ce qui peut constituer un sujet de préoccupation.

En revanche, il faut raison garder et nous serons sans doute amenés à reconsidérer les accès tels qu'ils étaient prévus, ou en tout cas à réfléchir au moment où ils doivent être réalisés. En dix ans, le trafic dans le tunnel a été divisé par trois… Nous devons donc d'abord retrouver le niveau de trafic qu'ont connu les actuelles infrastructures.

Les gouvernements précédents ont beaucoup promis, mais ils n'ont pas prévu les financements correspondants… Les 800 millions d'euros que vous évoquez n'ont jamais existé ! Les promesses à financer excédaient les ressources de 10 milliards. Nous ne voulons pas mettre moins d'argent ; mais pour tenir les promesses faites par nos prédécesseurs, il faudrait – c'est le Parlement qui en décidera – multiplier par deux les dépenses d'investissement.

Le budget de l'AFITF augmente, puisqu'il passe à 2,4 milliards pour 2018. Mais il faut aussi arrêter de promettre tout à tout le monde, sans se préoccuper de financement. Il est nécessaire de restaurer la confiance dans la parole de l'État, et la vision pluriannuelle que je propose va dans ce sens, en fixant un niveau de dépenses pour plusieurs années. Nous devons nous astreindre à ne promettre que ce que nous pouvons financer, et à financer ce que nous avons promis. Pour cela, il faudra opérer des choix. J'entends les attentes, notamment en matière de lignes à grande vitesse, ou de corridors européens, comme j'entends les questions soulevées à propos des transports de la vie quotidienne.

Monsieur Fuchs, j'entends les citoyens, les élus qui demandent l'achèvement de la liaison Rhin-Rhône. Je rencontrais aussi, hier, des maires de la région Grand Est, qui m'ont expliqué comment l'aménagement de la RN 4 avait été remis, de contrat de plan en contrat de plan, depuis des décennies.

Nous aurons donc à faire des choix, dans une enveloppe que le Parlement aura à décider. Elle ne devrait pas être quintuplée, compte tenu des contraintes que nous partageons tous s'agissant du nécessaire redressement des finances publiques. Nous pourrons avoir l'an prochain un débat passionnant sur la manière de répartir les crédits entre ce qu'on consacre aux TGV dans leur rôle de soutien aux métropoles, au désenclavement des territoires, mais aussi aux grands corridors européens, pour y assurer la place de la France.

Le schéma d'ensemble du Grand Paris Express n'est pas remis en cause. C'est, évidemment, un élément structurant pour l'avenir de la région capitale, qui a besoin de se hisser à la taille des autres grandes métropoles européennes et mondiales : Paris au sein du périphérique, est dix fois plus petit que Londres, que Berlin, que Rome. On a donc besoin de penser à une échelle plus large : le réseau de transport du Grand Paris a cette fonction. Ici, aussi, nous nous attachons au financement. Cela peut paraître tatillon ou mesquin, mais il faut bien s'occuper de ces contingences pour honorer les engagements qui ont été pris.

Nous sommes donc en train de chercher une trajectoire qui, évidemment, soutient la dynamique du Grand Paris Express. Mais il faut être conscient que l'endettement de la société du Grand Paris compte dans la dette maastrichtienne de notre pays.

Par ailleurs, il faudra que nous réfléchissions à des engagements qui respectent les annonces faites dans le cadre de la candidature aux Jeux olympiques de 2024, mais qui tiennent aussi compte des contingences techniques. Faire des travaux souterrains en milieu dense, ce n'est pas une promenade de santé. Dans les travaux de la ligne 14, il y a eu un incident à la porte de Clichy, ce qui entraîne un an de retard et des risques importants pour la réalisation de cette station. Voilà peu, il y a aussi eu un incident important Porte Maillot, où le RER A été bloqué.

Sans remettre en cause le schéma d'ensemble, il faut donc réfléchir à un calendrier soutenable aux plans financier et technique. Il est important qu'on dise des choses crédibles aux plans technique et financier : on a trop baladé les gens en leur promettant des infrastructures pour demain matin, alors que cela n'est pas crédible, ni techniquement, ni financièrement. Nous souhaitons avoir une parole sincère : c'est ce que nos concitoyens attendent de nous.

Je mesure la frustration que provoque l'arrêt de la desserte de Ruffec. Cette situation doit nous rendre conscients des conséquences des choix que nous faisons. La ligne Tours-Bordeaux représente un investissement très important mais aussi un déficit d'exploitation très important pour la SNCF. Si on veut réaliser des lignes à grande vitesse tout en demandant que les trains restent en plus sur les lignes classiques, ce n'est pas simple et cela pose la question du financement de l'ensemble.

Tout ceci, qui n'est pas simple, fait l'objet de la réflexion qui est engagée et que nous avons confiée à Jean-Cyril Spinetta, qui se penche sur une stratégie d'ensemble dans le domaine ferroviaire. On ne peut pas réfléchir un jour aux dessertes, un jour aux projets, un jour à l'endettement… Il faut considérer tout cela dans une approche globale et essayer de faire des choix cohérents. C'est l'ambition que nous avons eue en confiant cette mission à Jean-Cyril Spinetta.

Monsieur Michels, en ce qui concerne la valorisation du prix du carbone, nous sommes effectivement favorables à une approche commune en Europe, notamment à une taxe carbone aux frontières de l'Union, puisqu'il s'agit d'une compétence européenne. Au-delà de cet effort, nous agissons sur tous les leviers, en travaillant à la décarbonation de notre économie en général, de nos transports en particulier. Cela renvoie aux différents axes que je mentionnais.

Mais, sur la taxation du carbone aussi, il est vrai que le besoin d'une approche européenne se fait sentir.

S'agissant des transports aériens et maritimes, l'approche est forcément mondiale. Nous devons être attentifs à ne pas imaginer des systèmes à la mauvaise échelle, qui n'ont, de ce fait, pas d'impact au regard de l'objectif recherché et peuvent pénaliser nos compagnies.

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