COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Jeudi 23 novembre 2017
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 9 h 35.
I. Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire, chargée des Transports, réunion préalable au Conseil « Transports, télécommunications et énergie » du 5 décembre 2017
Chers collègues, nous avons le plaisir d'auditionner Mme Élisabeth Borne, ministre des transports, avant le Conseil des ministres des transports de l'Union européenne du 5 décembre 2017, qui devrait adopter des conclusions sur les progrès du réseau transeuropéen de transports (RTE-T) et l'outil de financement qui lui est associé. C'est un sujet que notre commission a abordé il y a quelques semaines, mais seulement sous l'angle ferroviaire.
Le développement des réseaux transeuropéens dans le domaine des transports constitue l'une des actions stratégiques prioritaires de l'Union européenne pour favoriser la compétitivité et la cohésion de ses États membres. À ce titre, des projets majeurs tels que le tunnel Lyon-Turin et le canal Seine-Nord-Europe ont été retenus pour bénéficier de financements européens. Sommes-nous dans les clous à l'échelle européenne pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés concernant l'achèvement du réseau transeuropéen ? Quels investissements l'Union européenne doit-elle faire dans son réseau de transports à partir de 2020 ?
Sur le plan national, Madame la ministre, vous avez la responsabilité de conduire une véritable révolution des mobilités. Comment le cadre européen est-il pris en compte dans cette démarche ? Vous insistez particulièrement sur l'importance du numérique et des véhicules autonomes dans cette révolution. La Commission européenne a-t-elle pris des initiatives en la matière ? Vous semblent-elles suffisantes ? Avons-nous, à l'échelle européenne, une vision globale des enjeux réglementaires et industriels de protection des données et de sécurité routière induits par la numérisation et par cette nouvelle technologie ?
Le secteur des transports est aussi le deuxième émetteur de gaz à effet de serre après l'industrie de l'énergie. La COP23 vient de mettre en évidence les efforts qu'il nous reste à accomplir. Avec le plan Climat, la France s'est fixé le double objectif de faire converger l'ensemble des modes de transport pour réduire les émissions de carbone et de particules, et de supprimer en vingt ans les véhicules contribuant à l'effet de serre. À ce sujet, la Commission européenne vient de publier un deuxième paquet Mobilité, après celui publié le 31 mai, centré sur la mobilité propre. Toutefois, il a été jugé décevant par les organisations de protection de l'environnement.
L'année dernière, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a adopté le principe d'un mécanisme mondial fondé sur une mesure de marché dont les modalités restent à déterminer. En incluant les émissions du secteur de l'aviation dans son système d'échange de quotas d'émissions, l'Union européenne avait montré la voie.
Un secteur semble toutefois à la traîne : le secteur maritime. De quelle manière l'Union européenne peut-elle agir pour que l'Organisation maritime internationale adopte à son tour une stratégie ambitieuse de réduction des émissions de gaz à effet de serre de ce secteur ? Ce n'est que l'une des nombreuses autres questions à vous poser dans le domaine des transports, Madame la ministre.
Je vous remercie, Madame la présidente, d'avoir pris cette initiative d'une audition en amont du Conseil des ministres européens des transports qui, si vous en êtes d'accord, pourrait utilement se renouveler avant chaque Conseil. Pour préparer le Conseil du 5 décembre, j'ai eu l'occasion de rencontrer récemment certains de vos collègues du Parlement européen, ainsi que les organisations professionnelles concernées.
Cette audition est l'occasion de vous faire part de ma vision de ce qu'est la politique des transports au niveau européen. Mon souhait est le suivant : celui d'une Europe des transports qui soit à la pointe du progrès économique et technologique, mais aussi à la pointe du progrès environnemental et social. C'est en ce sens que je voudrais m'exprimer aujourd'hui, sans revenir d'emblée sur chacun des textes et en me plaçant dans notre démarche globale.
La première volonté du Gouvernement est que la politique des transports s'inscrive pleinement dans l'agenda d'une Europe qui protège. Dans ce cadre, je commencerai par évoquer le paquet Mobilité I, en précisant que le Conseil de décembre ne sera pas décisionnel sur ce sujet : la présidence estonienne soumettra un rapport de progrès qui fera état des positions exprimées jusqu'alors et pourrait faire émerger certains consensus mais qui, à ce stade des négociations, devraient être assez limités.
S'agissant de la manière dont le Gouvernement conçoit la négociation du paquet Mobilité I, les choses sont claires : les travailleurs du secteur routier doivent bénéficier du même niveau de protection que ceux des autres secteurs. À cet égard, le droit français résultant de la transposition de la directive de 1996, notamment dans la loi de 2015 pour la croissance et l'activité, dite loi Macron, offre des garanties importantes et prévoit déjà – en dépit de contestations – que les règles du détachement s'appliquent pleinement à ce secteur. Nous n'avons aucune intention de dévier de cette ligne. C'est d'ailleurs suite à la reconnaissance par la Commission que les règles s'appliquaient au secteur des transports que nous avons accepté le compromis trouvé, au Conseil « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs » le 23 octobre, sur la révision de la directive relative aux travailleurs détachés.
Dans la proposition que la Commission a mise sur la table le 31 mai dernier, soit quelques jours après l'arrivée de la nouvelle majorité en France, certains éléments vont dans le sens d'une meilleure protection et méritent d'être salués. Soulignons notamment les efforts consentis en faveur du renforcement des contrôles de la législation sociale européenne – en particulier le maintien de l'application du détachement au cabotage dès le premier jour – mais aussi de l'amélioration de l'harmonisation et de la coopération entre États membres, de l'équipement des poids lourds en tachygraphes numériques pour faciliter le contrôle des temps de conduite et des règles du cabotage et du détachement, et d'un premier encadrement de l'accès à la profession de conducteur de véhicule utilitaire léger – sujet sur lequel j'ai d'ailleurs demandé une mission parlementaire. L'utilisation des véhicules utilitaires légers pour le transport international de marchandises est en croissance exponentielle, avec des conséquences négatives, notamment sur les émissions de gaz à effet de serre. Leur encadrement étant moindre que d'autres utilitaires, ces véhicules se multiplient sur nos routes et les règles sont détournées.
En revanche, plusieurs éléments de cette proposition contribuent à une dérégulation que nous ne souhaitons pas. Je continuerai donc à faire part de l'opposition de la France aux mesures qui visent à libéraliser davantage le droit au cabotage : la proposition de la Commission prévoit un nombre de jours qui nous semble trop élevé et le déplafonnement du nombre d'opérations. Nous nous opposerons également à tout ce qui vise à détricoter les règles actuelles de détachement qui s'appliquent aux transports routiers.
De même, je resterai très vigilante sur le respect des conditions décentes de travail. Certes, on peut souhaiter accorder davantage de flexibilité aux employeurs pour organiser le travail, mais cela ne doit pas se faire au détriment des droits sociaux des salariés. Ainsi, je suis favorable au maintien de l'interdiction du repos hebdomadaire normal en cabine et au droit au retour à domicile des conducteurs. De plus, le repos hebdomadaire normal doit rester la règle et le repos hebdomadaire réduit l'exception.
Nous avons été surpris par certaines propositions qu'a formulées la Commission dans le paquet Mobilité II, sur lequel je reviendrai, et j'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec la commissaire européenne chargée des transports, Mme Violeta Bulc. Nous sommes convenues d'échanger pour lever les éventuels malentendus mais, à ce stade, il apparaît que la Commission propose de libéraliser les marchés nationaux de transport de voyageurs par autobus et autocar, dans l'intention de favoriser le développement de ces services comme alternative au transport individuel. Nous partageons naturellement cet objectif mais la France a libéralisé son marché national de l'autocar interurbain, et nous sommes fermement opposés à toute disposition qui libéraliserait le cabotage et supprimerait la condition d'établissement pour l'accès à la profession. J'espère que nos échanges avec la Commission seront constructifs d'ici au Conseil, sur ce texte qui est d'autant moins recevable, selon moi, qu'il perturbe la lecture que l'on peut faire du paquet Mobilité I.
Je prends note des avancées positives dans la lutte contre la concurrence déloyale dans le secteur aérien. Cela ne doit naturellement pas exonérer les compagnies aériennes de conduire avec nous un travail sur leur compétitivité et la consolidation du secteur – c'est le sens des assises de l'aérien que je lancerai en début d'année prochaine. Reste que les compagnies européennes ne peuvent pas travailler correctement si elles font face à une concurrence déloyale de la part de leurs concurrentes étrangères, je pense en particulier aux compagnies du Golfe. L'Europe s'inscrit parfaitement dans la concurrence internationale mais elle ne doit pas être naïve. À cet égard, la France et l'Allemagne ont fortement soutenu l'initiative de la Commission consistant à doter l'Union européenne d'un instrument juridique garantissant une concurrence saine et loyale entre les compagnies aériennes à l'échelle internationale. La logique est la même que celle qui prévaut s'agissant d'un instrument de réciprocité dans l'accès aux marchés publics en matière de politique commerciale : nos marchés resteront ouverts, à condition que ceux des autres le soient également. Je note toutefois que de nombreux États membres sont opposés à la logique proposée dans l'initiative de la Commission. Nous continuerons à faire preuve de pédagogie, car il s'agit de l'un des sujets importants dans l'agenda de protection que j'évoquais.
Le deuxième souhait du Gouvernement est que la politique des transports contribue à l'agenda d'une Europe qui se projette en tant que leader mondial, tant pour les mobilités propres que pour les mobilités connectées. Les propositions en faveur de la mobilité propre doivent, de notre point de vue, être revues à la hausse. Un mot tout d'abord du contexte : les constructeurs français et européens sont en train de prendre le virage de la mobilité propre – je pense en particulier aux annonces récentes de Renault et de PSA – mais sont confrontés à une concurrence fort rude de la part des constructeurs chinois, notamment, qui sont très agressifs dans les secteurs du véhicule industriel comme du véhicule individuel. Notre ambition doit bien sûr consister à conserver une industrie européenne à l'avant-garde. En France, plus de 500 000 emplois dépendent de la filière de la construction automobile au sens large. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, avec le plan Climat, a souhaité fixer un horizon clair en matière de décarbonation.
Le paquet Mobilité II, présenté le 8 novembre par la Commission, concerne plusieurs filières du Conseil des ministres de l'Union – l'énergie, l'environnement et les transports. Je gérerai donc ces dossiers en coordination avec Nicolas Hulot. Cependant, dans la mesure où ce paquet sera présenté lors du Conseil Transports de décembre, je souhaitais l'aborder avec vous dès aujourd'hui. Comme l'a réaffirmé le Président de la République lors de la COP23 à Bonn, la semaine dernière, la France est résolument engagée pour mettre en oeuvre l'Accord de Paris sur le climat, voire aller au-delà. Les transports, qui sont à l'origine de 22 % des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, et 30 % en France, doivent y prendre toute leur part. La France poursuit son engagement dans le cadre du plan Climat et je plaide pour l'adoption d'une feuille de route européenne de moyen et long terme pour donner de la visibilité aux citoyens et aux industriels.
Pour réussir la transition vers des transports « zéro émissions », j'identifie quatre principaux leviers. Le premier consiste à améliorer l'efficacité énergétique des transports routiers. D'une part, dans son paquet Mobilité II, la Commission européenne propose de nouvelles modalités de réduction des émissions des véhicules neufs. Le Gouvernement considère qu'il faut être plus ambitieux et rehausser l'objectif de réduction des émissions à 40 % au lieu de 30 % d'ici à 2030, dans une perspective de fin des ventes de véhicules neufs émettant des gaz à effet de serre d'ici à 2040, comme nous l'avons annoncé aux côtés de plusieurs États européens.
D'autre part, la Commission propose de revoir les règles promouvant les véhicules routiers propres et économes en énergie par le biais de la commande publique. Nous sommes tout à fait en phase avec cette démarche, qui constitue un levier efficace pour l'essor du marché des véhicules propres. Nous notons avec satisfaction que bon nombre de ces propositions s'appuient sur la réglementation française en la matière.
Enfin, la France accueille favorablement la communication de la Commission européenne pour une utilisation plus large des motorisations alternatives – gaz naturel liquéfié et gaz naturel pour véhicules – grâce à un plan d'action dans ce domaine et son initiative sur les batteries électriques en lien étroit avec la politique industrielle en faveur de solutions innovantes en matière de mobilité. D'ailleurs, étant donné le caractère stratégique que représentera la batterie à l'avenir pour la valeur du véhicule, le Président de la République a récemment appelé à faire émerger une offre européenne compétitive pour équiper les neuf millions de véhicules électriques qui seront en circulation en 2020.
Le deuxième levier consiste à s'appuyer sur les nouvelles technologies de la communication et les systèmes de transport intelligents et interopérables au profit de la mobilité durable, basés notamment sur l'information en temps réel et l'obligation de compatibilité des récepteurs vendus sur le marché européen avec le système de radionavigation par satellite Galileo, en particulier pour promouvoir des applications qui permettent d'optimiser l'usage des infrastructures de transport.
Troisième levier : créer les conditions de développement des transports et de la mobilité durable. Dans cette perspective, la France soutient la révision de la directive « Eurovignette », qui fait partie du paquet Mobilité I, sur la taxation des poids lourds basée sur les principes pollueur-payeur et utilisateur-payeur. Lors du débat qui aura lieu au Conseil Transports du 5 décembre à ce propos, je défendrai une taxation incitative innovante mais offrant des marges de flexibilité suffisantes pour permettre aux États de choisir les solutions les plus appropriées. Je pense notamment à la nécessité de préserver nos concessions autoroutières historiques, signées avant 2008.
S'agissant de la nouvelle proposition de la Commission révisant les règles du transport combiné de marchandises, je considère que ce mode de transport doit être soutenu comme une alternative au tout-routier. Je serai attentive à ce que les mesures de soutien économique englobant les investissements dans les terminaux intermodaux, qui sont rendues obligatoires par la Commission et qui constituent un signal positif, tiennent aussi compte des contraintes budgétaires nationales.
Enfin, je rappelle le souhait du Président de la République d'aller dans le sens d'un espace européen de la recherche et de l'innovation en créant une agence européenne de l'innovation. Le programme européen Horizon 2020 sur la recherche et l'innovation mérite d'être renforcé dans le futur cadre financier pluriannuel post-2020.
Le quatrième levier consiste à renforcer la coopération à l'échelle mondiale pour décarboner les transports. La France s'implique fortement au sein des instances internationales de transport comme l'OACI et l'Organisation maritime internationale. Nous souhaitons que le sommet pour le climat qui se tiendra le 12 décembre à Paris soit l'occasion de faire valoir la nécessité d'accélérer les négociations, notamment au plan maritime. À ce stade, peu d'États membres sont mobilisés sur ce sujet, mais j'espère que nous pourrons le 12 décembre en rallier plusieurs à notre volonté d'un plafonnement dans le secteur maritime, à l'instar de ce qui a été négocié dans le secteur de l'aviation civile.
L'Union européenne doit être leader mondial sur les technologies de rupture, dont fait partie la mobilité connectée et autonome. La numérisation des transports est absolument essentielle pour répondre aux enjeux auxquels nous faisons face en matière de mobilité. Le futur cadre financier pluriannuel post-2020 devra aussi soutenir le déploiement de Galileo et la modernisation d'EGNOS – European geostationary navigation overlay service, soit Service complémentaire européen de navigation par satellites, système d'aide à la navigation aérienne – pour améliorer la sécurité dans les transports. Au regard de son engagement pour un développement maîtrisé et responsable du véhicule automatisé et connecté comme solution de transport, la France s'implique et continuera de s'impliquer dans toutes les initiatives européennes et mondiales dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, avec mes collègues concernés, faire en sorte qu'Anne-Marie Idrac soit désignée haute responsable pour les véhicules autonomes afin de piloter la stratégie française aux niveaux national et européen.
Enfin, aucun projet de transport, aussi innovant soit son montage, ne peut se faire sans financement. Le troisième enjeu dans le domaine des transports est celui du financement des infrastructures, qui reste une priorité européenne et nationale. La France réfléchit à sa stratégie pluriannuelle d'investissement qui débouchera l'an prochain sur le dépôt d'un projet de loi de programmation des infrastructures, actuellement élaboré dans le cadre du conseil d'orientation des infrastructures que j'ai installé. À cet égard, nous pourrions aussi nous inspirer des démarches entreprises en Italie et en Allemagne, par exemple : jusqu'à présent, nous n'avions pas la vision pluriannuelle d'une loi de programmation dans le domaine des infrastructures, pourtant indispensable pour donner de la visibilité. Les bonnes pratiques de nos voisins peuvent être source d'inspiration dans ce domaine.
En attendant la conclusion des assises de la mobilité sur le financement d'une mobilité du quotidien, équitable, sûre, propre et innovante, la France, vous l'avez souligné, Mme la présidente, bénéficie de financements européens qui prennent principalement la forme de subventions. Elle a mobilisé efficacement le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE). Nous plaiderons pour son maintien tout en demandant la modernisation de son champ d'application afin de mieux prendre en compte le défi climatique et le recours aux solutions innovantes. À cet égard, les négociations à venir sur le cadre financier pluriannuel post-2020 seront déterminantes.
De nombreux autres sujets sont à l'ordre du jour des discussions européennes, comme la sécurité aérienne, mais je souhaitais d'emblée vous présenter de manière aussi synthétique que possible les lignes directrices de mon action, qui se refléteront dans les positions que je prendrai concernant le paquet Mobilité I, notamment, en ayant à l'esprit que si nous partageons largement les mêmes points de vue que plusieurs autres États membres regroupés au sein de l'Alliance du routier, le Conseil est fortement divisé sur ces questions, non pas selon l'axe est-ouest souvent décrit mais, à mon sens, selon la conception de la place à accorder aux transports dans notre économie. En cohérence avec les principes sociaux et environnementaux, les choses sont claires pour nous : le transport a un coût et doit donc avoir un juste prix. C'est le fil directeur de la politique que je mènerai au niveau national et des positions que je défendrai au niveau européen.
Au nom du groupe La République en marche, je souhaite avant tout vous remercier, Madame la ministre, d'avoir accepté cette audition par notre commission malgré l'actualité chargée qui vous concerne, notamment les assises de la mobilité. Je partage tout à fait votre vision du paquet Mobilité I – sur lequel je travaille beaucoup en ce moment – en particulier au sujet de la nécessaire flexibilité de l'écoredevance, qui sera un point important des négociations à venir.
Notre commission s'est penchée en juillet sur la proposition de règlement visant à préserver la concurrence dans le domaine du transport aérien, qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie européenne pour l'aviation, que la Commission européenne a présentée le 7 décembre 2015. Où en sont les discussions sur l'extension des compétences de l'Agence européenne de sécurité aérienne ? Quelle est la position de la France sur la question des drones, domaine dans lequel nous avons été pionniers en matière d'encadrement réglementaire, et sur les propositions en matière de sûreté ?
Le transport aérien n'échappe pas plus que le transport routier de marchandises au débat sur la nécessité de l'harmonisation sociale. Le Parlement européen a d'ailleurs formulé des propositions en ce sens lors de l'examen de la proposition de révision du règlement relatif à l'Agence européenne de sécurité aérienne. La Commission promeut certes le dialogue social et les conditions d'emploi dans le secteur de l'aviation, mais sans outil efficace pour les piloter. Quelles sont vos attentes pour mieux lutter contre les lacunes et les artifices juridiques en matière d'établissement et de recrutement ?
Trois compagnies aériennes ont fait ou quasi fait faillite depuis le début de l'année avec, dans certains cas, des répercussions majeures pour les clients, qui ont également subi les effets liés aux limites du modèle économique de la compagnie Ryanair. Faut-il aller plus loin en matière de protection des voyageurs dans le transport aérien ?
Pouvez-vous préciser l'articulation qui existe entre le compromis passé sur les travailleurs détachés et le secteur des transports ? La question de l'éventuelle inclusion de ce secteur dans ces dispositions a été une pomme de discorde d'un bout à l'autre de la négociation. Le compromis est apparu au groupe du Mouvement démocrate et apparentés tout à la fois très habile et ciselé sur le plan politique, mais aussi incertain dans ses dimensions ultimes. Pouvez-vous nous éclairer ?
Le groupe Les Républicains s'inquiète de l'instauration de la vignette sur autoroutes allemandes et du risque de report de trafic qu'elle entraîne en Alsace, on l'a déjà constaté lors de l'adoption en 2005 de la LKW Maut, la taxe poids lourds allemande. Nous subissons un transfert important du trafic de poids lourds, de l'ordre d'au moins 500 véhicules par jour qui, pour échapper à la taxe allemande, passent par l'Alsace. Nous pensions trouver une solution avec l'écotaxe en France : je ne reviens pas sur ce feuilleton… Les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin sont candidats pour expérimenter une écotaxe, dont le principe est accepté par tous les acteurs locaux, y compris les transporteurs.
D'autre part, la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim fait partie du programme du Président de la République ; elle est aussi très demandée par les Allemands. Or, il n'existe plus de pont – depuis sa destruction pendant la dernière guerre mondiale – entre Colmar et Fribourg, distantes de cinquante kilomètres seulement, l'une ayant 120 000 et l'autre 230 000 habitants. Nous souhaitons donc, dans le cadre des mesures de compensation de la fermeture de la centrale et pour réactiver cette zone économique riveraine du Rhin, le rétablissement du pont entre Colmar et Fribourg. Le Président de la République a été très sensible à cette demande ; en la relayant au niveau européen, vous permettriez de préparer la reconversion de ce site puisque la fermeture de la centrale s'accompagnera rapidement de la perte de 2 200 emplois.
Le groupe Les Constructifs considère qu'il appartient aussi à notre commission de parler de l'ouverture des territoires sur l'Europe. Le projet de loi d'orientation sur la mobilité que le Gouvernement entend présenter au premier semestre 2018 et la mission sur la refonte du modèle ferroviaire confiée à M. Jean-Cyril Spinetta ouvrent la possibilité de dresser l'inventaire des lignes existantes, mais aussi de la suppression d'un certain nombre d'arrêts sur les lignes à grande vitesse, destinée à favoriser la desserte des seules grandes métropoles, au détriment parfois de celle des territoires.
Dans les Vosges, la remise en cause des dessertes TGV et des services liés à la grande vitesse, notamment à Remiremont mais aussi à Épinal et Saint-Dié, porterait un coup sans précédent à l'aménagement du territoire ainsi qu'au pacte de confiance conclu entre l'État, les collectivités territoriales et les citoyens. À l'heure où nous parlons d'Europe et d'ouverture, quelle est votre vision, Madame la ministre, de l'égalité des chances que les habitants de ces territoires sont en droit d'attendre ?
Monsieur Bourlanges, nous sommes parvenus à trouver un compromis sur la révision de la directive relative au travail détaché, mais il n'en reste pas moins qu'il existe parmi les États membres des visions très différentes – que l'on ne peut pas résumer à une opposition entre est et ouest, la géographie est plus compliquée et inclut la péninsule ibérique. Certains États ont voulu bâcler la discussion sur le transport routier en l'incluant dans la révision de la directive sur le travail détaché. Diverses propositions ont ainsi circulé, qui incluaient des changements de règles pour le cabotage, par exemple, ou de longues périodes de non application de la directive sur les travailleurs détachés au transport routier.
Notre priorité a été de réaffirmer que les règles de la directive de 1996 s'appliquent au transport routier, et cela a été accepté. Les modalités et les règles particulières – car on peut entendre qu'il peut y en avoir – seront débattues dans le cadre du paquet mobilité, en prenant le temps nécessaire ; les changements ne peuvent pas être imposés brutalement, comme certains ont essayé de le faire.
Au cours de ces discussions, nous défendrons le principe « à travail égal en un même lieu, salaire égal », donc l'application au secteur du transport routier de la directive sur le travail détaché. Il ne fait pas l'unanimité ; les débats seront nourris.
Le Parlement européen va également travailler sur ce sujet, et le choix des rapporteurs peut laisser penser que notre tâche ne sera pas facile.
Pour notre pays, la loi Macron de 2015 s'applique, et elle est très protectrice pour les salariés du transport routier.
Monsieur Pichereau, des discussions ont lieu depuis décembre 2015, en vue d'un toilettage des règles de l'AESA, auquel nous sommes favorables.
En matière de drones, nous sommes favorables à une réglementation européenne, à condition qu'elle soit proportionnée : la proposition du rapporteur d'immatriculer tous les appareils pesant plus de 250 grammes – c'est-à-dire de jouets ! – nous paraît excessive. Cela ferait courir un risque d'embolie administrative.
La répartition proposée des compétences entre les États et l'AESA nous paraît adéquate, à condition d'éviter les mouvements brutaux, en matière de certification notamment. Un minimum de régulation par les États est nécessaire.
Le règlement comporte des avancées sociales. En revanche, les dernières initiatives du rapporteur, qui visent à encadrer le droit de grève, nous semblent inappropriées.
Monsieur Straumann, vous avez raison, les reports de trafic routier vers le réseau français sont importants dans votre région. La directive Eurovignette vise à assurer une certaine harmonisation de la tarification, ou en tout cas de ses principes, à l'échelle européenne. Dans le cadre des réflexions menées en vue de la loi de programmation sur les infrastructures, nous devons réfléchir à une stratégie, et à des ressources. Pour les raisons que vous évoquez, mais aussi par simple logique, les poids lourds, notamment ceux qui sont en transit, doivent participer au financement des infrastructures. Cela permettra, je l'espère, d'améliorer la situation dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin.
Vous évoquez également la liaison entre Colmar et Fribourg. Le Président de la République en a parlé avec les élus lorsqu'il s'est rendu dans la région Grand Est, où je suis moi-même allée récemment. Les transports transfrontaliers sont un enjeu majeur pour ces régions. Nous regrettons parfois que l'Allemagne n'ait pas réalisé des travaux destinés à donner au TGV Est toute sa pertinence ; inversement, les Allemands regrettent que nous n'ayons pas réalisé certains travaux sur les lignes TER. Nous devons renforcer la coordination entre régions et entre États, afin que les frontières cessent de constituer des obstacles pour les transports de la vie quotidienne.
Nous sommes aujourd'hui loin du compte, et nous devrons prêter une attention particulière à ce point dans l'établissement de notre stratégie d'infrastructures. Nous devons réfléchir à des outils qui permettent un meilleur ajustement avec nos voisins, notamment le Luxembourg, la Belgique, l'Allemagne… Avec la Suisse, de façon un peu paradoxale, c'est plus facile : je pense en particulier au nouveau RER transfrontalier, le CEVA (Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse), en cours de construction.
Monsieur Naegelen, je veux vous rassurer, le Gouvernement n'a nullement l'intention de remettre en cause les arrêts du TGV dans les villes moyennes. J'ai pu m'en entretenir avec les associations d'élus concernées. En revanche, il faut être conscient qu'un modèle dans lequel le TGV non seulement circule sur des lignes à grande vitesse, mais irrigue les territoires au-delà, a un coût. Il suffit de regarder les offres Ouigo de la SNCF, qui portent uniquement sur les lignes à grande vitesse, pour constater que les écarts de coût par voyageur sont importants.
Il faut être conséquent : on ne peut pas demander au TGV de verser des péages comme s'il ne remplissait pas aussi une mission de desserte des territoires. On ne peut pas avoir à la fois des TGV qui aillent partout, des péages élevés et des billets moins chers. Le Gouvernement souhaite établir une stratégie ferroviaire cohérente ; en particulier, il faut cesser de renvoyer la dette entre SNCF-Mobilités et SNCF-Réseau. N'attendons pas que les péages TGV s'envolent, comme on a eu trop tendance à le croire ces dernières années.
La loi de programmation des infrastructures, que je présenterai au Parlement au début de l'année prochaine, permettra de débattre des équilibres que nous souhaitons pour nos investissements : quelle part pour les très grands projets, pour les lignes à grande vitesse notamment ? Quelle part pour « désasphyxier » les métropoles qui ne bénéficient pas d'un système de RER similaire à celui de l'Île-de-France ? Nous aurons inauguré quatre TGV au cours des dix-huit derniers mois, et dans le même temps nous avons 5 300 kilomètres de ralentissements sur nos lignes ferrées classiques. Enfin, peut-on terminer l'aménagement de notre réseau routier national, pour lutter contre l'enclavement de certains territoires ? C'est un débat important qui se tiendra au Parlement l'an prochain.
Mme Liliana Tanguy, vice-présidente, remplace la Présidente Mme Sabine Thillaye.
Madame la ministre, le paquet relatif au ciel unique européen a été adopté en 2009 ; depuis, le dossier n'avance guère. Où en sont les négociations et quelles sont les positions françaises ?
Hier, au Parlement européen, les entreprises de transport routier et ferroviaire ont fait part de leurs craintes que le Brexit n'entraîne de fortes hausses des charges administratives et douanières. Suivez-vous cette situation de près ?
Enfin, élu des Français installés au Benelux, je porte une attention particulière à la mobilité transfrontalière, extrêmement forte par exemple entre le département du Nord et la Belgique ou entre la Moselle et le Luxembourg. Or ces travailleurs rencontrent des difficultés importantes. Des réflexions sont-elles menées à ce sujet ? Peut-on espérer des avancées ?
Merci, Madame la ministre de ce que vous avez fait en matière de travail détaché. Vous avez toute notre confiance, en particulier dans la lutte contre le cabotage irrégulier.
Élue savoyarde, je voudrais vous interroger ce matin sur la liaison à grande vitesse Lyon-Turin. Aujourd'hui, le projet est arrêté, pour réfléchir à des sources de financement nouvelles. Le budget pour 2018 de l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF) s'élèvera à 2,4 milliards d'euros, en retrait de 800 millions par rapport aux engagements antérieurs. En particulier, le projet Lyon-Turin perd 130 millions d'euros. Où en sont les arbitrages sur le financement des différentes étapes du projet Lyon-Turin ? Quelles mesures fiscales envisagez-vous pour financer ces infrastructures ? Vous avez évoqué la directive Eurovignette : pourrait-elle constituer une piste intéressante ?
La transition énergétique oblige à des avancées significatives dans le secteur des transports. Au-delà de tout ce que l'on peut imaginer, par la régulation ou par la promotion de transports innovants, quel est à votre sens le juste coût du carbone, seule façon d'inciter économiquement à l'usage de modes de transport plus respectueux de l'environnement ?
Je rejoins Éric Straumann : une meilleure coordination des transports transfrontaliers est nécessaire pour éviter les reports de trafic. Il faut avancer, car c'est une façon concrète de montrer ce que permet l'Europe.
Je voulais également vous remercier du soutien que vous apportez au maintien du Parlement européen à Strasbourg, notamment en incitant à travailler en faveur des infrastructures, notamment ferroviaires, afin de renforcer l'attractivité de cette ville.
Je pose ici la question de ma collègue Christine Hennion.
Paris va accueillir le nouveau siège de l'Agence bancaire européenne : c'est le résultat d'un travail d'équipe, visant à donner un nouveau souffle à la place de Paris et à attirer des sièges de banques et d'entreprises aujourd'hui installés à Londres. Pour conforter notre offre, nos services, donc nos transports, doivent être à la hauteur de ce que l'on attend d'une capitale mondiale. Pouvez-vous nous confirmer l'agenda d'engagement du Grand Paris Express pour les lignes 15, 16, 17 et 18, alors que la feuille de route n'est toujours pas confirmée ?
Je voudrais vous interroger sur la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, à laquelle ne font plus défaut aujourd'hui que deux tronçons de quinze et de trente-cinq kilomètres, notamment entre Belfort et Mulhouse. Or, si Strasbourg veut être une capitale européenne, elle doit être reliée à d'autres villes ; il est indispensable de désenclaver le sud de l'Alsace, ce qui permettrait de renforcer les liaisons entre le nord et le sud de l'Alsace, donc au-delà vers le reste de l'Europe, notamment de l'est. Aujourd'hui, une partie du trafic se reporte vers Gênes, plus facile à atteindre. Dans cette partie sud de l'Alsace, Peugeot utilise pour moitié le transport routier : des investissements dans le transport ferroviaire pourraient changer cet équilibre.
La stratégie du Gouvernement n'est pas de promettre des infrastructures nouvelles, je le sais, mais plutôt d'améliorer les relations intermodales. Mais, avec ces deux petits tronçons, nous sommes dans ce cadre. Il est également question d'une deuxième ligne.
Alors que la centrale de Fessenheim doit fermer dans les années à venir, et que le Président de la République dit vouloir déployer un modèle français de filières industrielles nouvelles dans cette région, il me semble indispensable de réfléchir à ces deux petits tronçons de ligne à grande vitesse dans une région encore très enclavée.
Ma question porte aussi sur la désertification de nos territoires et l'accès du plus grand nombre à des transports efficaces. Madame la ministre, vous connaissez bien la région Poitou-Charentes dont vous avez été une bonne préfète ; nous sommes moins satisfaits, je dois vous le dire, de la ministre.
Ruffec est une petite ville, certes, mais sa gare dessert le nord de la Charente, le sud de la Vienne, le sud des Deux-Sèvres, c'est-à-dire un territoire où vivent 100 000 habitants. Or la liaison directe quotidienne par TGV avec Paris a été supprimée – il ne s'agit pas ici de nouvelle ligne, mais de faire circuler des TGV sur l'ancienne ligne. Tout le monde était pourtant satisfait de cette liaison, chacun préférant utiliser cette ancienne ligne pour aller directement vers Paris plutôt que de gagner un quart d'heure, mais en prenant une correspondance. La situation est donc moins satisfaisante qu'elle ne l'était : le service public a reculé.
Une manifestation sera organisée le samedi 2 décembre à Angoulême, où les usagers ne sont pas satisfaits non plus.
Je voulais appeler votre attention sur ce point. Vous avez déjà été alertée, y compris par moi-même, et une petite délégation a été reçue récemment au ministère. Mais ce dossier n'avance pas ; nous avions mis quatre ans pour obtenir la desserte de Ruffec, qui n'était pas prévue à l'origine, et elle a duré quinze ans : cela devait donc être efficace. Nous sommes mécontents de la perte de cette desserte, et je vous le dis publiquement aujourd'hui.
Monsieur Anglade, il existe en effet une proposition de toilettage des textes relatifs au Ciel unique européen. Elle est bloquée par une difficulté diplomatique : la question de son application à l'aéroport de Gibraltar.
Au-delà des aspects réglementaires, c'est grâce à la technologie que le ciel unique progresse. Je pense notamment au programme SESAR (Single European Sky Air Traffic Management Research), bel exemple de coopération européenne. L'entreprise unique associe en effet les instances européennes, Eurocontrol notamment, les États et des entreprises ; elle a permis de progresser sensiblement dans la gestion efficace du trafic aérien. Ce modèle d'entreprise commune qui permet d'investir ensemble dans la recherche et l'innovation doit inspirer nos actions dans d'autres domaines, par exemple celui des véhicules autonomes.
S'agissant du Brexit, vous n'ignorez pas que nous ne sommes pas encore vraiment entrés dans le vif des discussions. Le sujet que vous évoquez sera évidemment abordé. Pour les voyageurs, il y a de toute façon des contrôles, le Royaume-Uni n'appartenant pas à l'espace Schengen. En revanche, en ce qui concerne le transport de marchandises, les entrepreneurs craignent de voir les temps d'attente s'allonger. Nous serons très vigilants.
Madame Degois, en ce qui concerne la liaison à grande vitesse Lyon-Turin, le Président de la République a annoncé lors du sommet franco-italien du mois de septembre que la France respectera ses engagements. Nous allons donc réaliser ce tunnel de base.
Il s'agit au demeurant d'un enjeu géostratégique pour nous : les liaisons entre l'Italie et la Suisse, mais aussi entre l'Italie et l'Autriche, se sont développées. Les flux européens se déportent aujourd'hui vers l'est, contournant notre territoire, ce qui peut constituer un sujet de préoccupation.
En revanche, il faut raison garder et nous serons sans doute amenés à reconsidérer les accès tels qu'ils étaient prévus, ou en tout cas à réfléchir au moment où ils doivent être réalisés. En dix ans, le trafic dans le tunnel a été divisé par trois… Nous devons donc d'abord retrouver le niveau de trafic qu'ont connu les actuelles infrastructures.
Les gouvernements précédents ont beaucoup promis, mais ils n'ont pas prévu les financements correspondants… Les 800 millions d'euros que vous évoquez n'ont jamais existé ! Les promesses à financer excédaient les ressources de 10 milliards. Nous ne voulons pas mettre moins d'argent ; mais pour tenir les promesses faites par nos prédécesseurs, il faudrait – c'est le Parlement qui en décidera – multiplier par deux les dépenses d'investissement.
Le budget de l'AFITF augmente, puisqu'il passe à 2,4 milliards pour 2018. Mais il faut aussi arrêter de promettre tout à tout le monde, sans se préoccuper de financement. Il est nécessaire de restaurer la confiance dans la parole de l'État, et la vision pluriannuelle que je propose va dans ce sens, en fixant un niveau de dépenses pour plusieurs années. Nous devons nous astreindre à ne promettre que ce que nous pouvons financer, et à financer ce que nous avons promis. Pour cela, il faudra opérer des choix. J'entends les attentes, notamment en matière de lignes à grande vitesse, ou de corridors européens, comme j'entends les questions soulevées à propos des transports de la vie quotidienne.
Monsieur Fuchs, j'entends les citoyens, les élus qui demandent l'achèvement de la liaison Rhin-Rhône. Je rencontrais aussi, hier, des maires de la région Grand Est, qui m'ont expliqué comment l'aménagement de la RN 4 avait été remis, de contrat de plan en contrat de plan, depuis des décennies.
Nous aurons donc à faire des choix, dans une enveloppe que le Parlement aura à décider. Elle ne devrait pas être quintuplée, compte tenu des contraintes que nous partageons tous s'agissant du nécessaire redressement des finances publiques. Nous pourrons avoir l'an prochain un débat passionnant sur la manière de répartir les crédits entre ce qu'on consacre aux TGV dans leur rôle de soutien aux métropoles, au désenclavement des territoires, mais aussi aux grands corridors européens, pour y assurer la place de la France.
Le schéma d'ensemble du Grand Paris Express n'est pas remis en cause. C'est, évidemment, un élément structurant pour l'avenir de la région capitale, qui a besoin de se hisser à la taille des autres grandes métropoles européennes et mondiales : Paris au sein du périphérique, est dix fois plus petit que Londres, que Berlin, que Rome. On a donc besoin de penser à une échelle plus large : le réseau de transport du Grand Paris a cette fonction. Ici, aussi, nous nous attachons au financement. Cela peut paraître tatillon ou mesquin, mais il faut bien s'occuper de ces contingences pour honorer les engagements qui ont été pris.
Nous sommes donc en train de chercher une trajectoire qui, évidemment, soutient la dynamique du Grand Paris Express. Mais il faut être conscient que l'endettement de la société du Grand Paris compte dans la dette maastrichtienne de notre pays.
Par ailleurs, il faudra que nous réfléchissions à des engagements qui respectent les annonces faites dans le cadre de la candidature aux Jeux olympiques de 2024, mais qui tiennent aussi compte des contingences techniques. Faire des travaux souterrains en milieu dense, ce n'est pas une promenade de santé. Dans les travaux de la ligne 14, il y a eu un incident à la porte de Clichy, ce qui entraîne un an de retard et des risques importants pour la réalisation de cette station. Voilà peu, il y a aussi eu un incident important Porte Maillot, où le RER A été bloqué.
Sans remettre en cause le schéma d'ensemble, il faut donc réfléchir à un calendrier soutenable aux plans financier et technique. Il est important qu'on dise des choses crédibles aux plans technique et financier : on a trop baladé les gens en leur promettant des infrastructures pour demain matin, alors que cela n'est pas crédible, ni techniquement, ni financièrement. Nous souhaitons avoir une parole sincère : c'est ce que nos concitoyens attendent de nous.
Je mesure la frustration que provoque l'arrêt de la desserte de Ruffec. Cette situation doit nous rendre conscients des conséquences des choix que nous faisons. La ligne Tours-Bordeaux représente un investissement très important mais aussi un déficit d'exploitation très important pour la SNCF. Si on veut réaliser des lignes à grande vitesse tout en demandant que les trains restent en plus sur les lignes classiques, ce n'est pas simple et cela pose la question du financement de l'ensemble.
Tout ceci, qui n'est pas simple, fait l'objet de la réflexion qui est engagée et que nous avons confiée à Jean-Cyril Spinetta, qui se penche sur une stratégie d'ensemble dans le domaine ferroviaire. On ne peut pas réfléchir un jour aux dessertes, un jour aux projets, un jour à l'endettement… Il faut considérer tout cela dans une approche globale et essayer de faire des choix cohérents. C'est l'ambition que nous avons eue en confiant cette mission à Jean-Cyril Spinetta.
Monsieur Michels, en ce qui concerne la valorisation du prix du carbone, nous sommes effectivement favorables à une approche commune en Europe, notamment à une taxe carbone aux frontières de l'Union, puisqu'il s'agit d'une compétence européenne. Au-delà de cet effort, nous agissons sur tous les leviers, en travaillant à la décarbonation de notre économie en général, de nos transports en particulier. Cela renvoie aux différents axes que je mentionnais.
Mais, sur la taxation du carbone aussi, il est vrai que le besoin d'une approche européenne se fait sentir.
S'agissant des transports aériens et maritimes, l'approche est forcément mondiale. Nous devons être attentifs à ne pas imaginer des systèmes à la mauvaise échelle, qui n'ont, de ce fait, pas d'impact au regard de l'objectif recherché et peuvent pénaliser nos compagnies.
Merci, Madame la ministre, pour ces réponses précises qui nous éclairent sur les enjeux du transport européen, ainsi que sur les orientations du Gouvernement.
II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application des articles 88-4 et 88-6 de la Constitution
Sur le rapport de la Présidente Liliana Tanguy, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.
l Textes « actés »
Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :
Ø COMMERCE EXTÉRIEUR
- Recommandation de décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations relatives à une convention instituant un tribunal multilatéral chargé du règlement des différends en matière d'investissements (COM(2017) 493 final – E 12384).
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter, au nom de l'Union européenne, au sein de la commission mixte établie par la convention du 20 mai 1987 sur la simplification des formalités dans les échanges de marchandises, en ce qui concerne les propositions de modifications à apporter à cette convention (COM(2017) 593 final – E 12450).
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter au nom de l'Union européenne, au sein de la commission mixte établie par la convention relative à un régime de transit commun du 20 mai 1987, en ce qui concerne les propositions d'amendements à apporter à cette convention (COM(2017) 609 final – E 12455).
Ø ENVIRONNEMENT - SANTÉ ENVIRONNEMENTALE
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, lors de la trente-septième réunion du comité permanent de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, en ce qui concerne un amendement de l'annexe II de ladite convention (COM(2017) 628 final – E 12506).
- Décision (UE) de la Commission concernant le document de référence sectoriel relatif aux meilleures pratiques de management environnemental, aux indicateurs de performance environnementale spécifiques et aux repères d'excellence pour le secteur de l'agriculture au titre du règlement (CE) n° 12212009 concernant la participation volontaire des organisations à un système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) (D05366002 – E 12542).
Ø POLITIQUE ÉCONOMIQUE, BUDGÉTAIRE ET MONÉTAIRE
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du Comité mixte de l'EEE en ce qui concerne une modification de l'annexe XXI (Statistiques) de l'accord EEE (COM(2017) 639 final – E 12526).
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter au nom de l'Union européenne, au sein du Comité mixte de l'EEE, en ce qui concerne une modification de l'annexe II (Réglementations techniques, normes, essais et certification) de l'accord EEE (COM(2017) 640 final – E 12527).
Ø RECHERCHE
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union, et à l'application provisoire de la modification n° 1 du protocole de coopération NAT-I-9406 entre les États-Unis d'Amérique et l'Union européenne (COM(2017) 620 final – E 12504).
Ø RELATIONS EXTÉRIEURES
- Proposition conjointe de décision du Conseil relative à la position à prendre au nom de l'Union au sein du comité ministériel conjoint et du comité de coopération conjoint institués par l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, en ce qui concerne l'adoption du règlement intérieur du comité ministériel conjoint, du mandat du comité de coopération conjoint et du mandat des sous-comités créés par le comité de coopération conjoint (JOIN(2017) 40 final – E 12514).
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre au nom de l'Union européenne au sein du Comité des ambassadeurs ACP-UE concernant la mise en oeuvre de l'article 68 de l'accord de partenariat ACP-UE (COM(2017) 644 final – E 12529).
Ø SERVICES FINANCIERS (BANQUES - ASSURANCES)
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 10922010 relatif à la surveillance macroprudentielle du système financier dans l'Union européenne et instituant un Comité européen du risque systémique (COM(2017) 538 final – E 12437).
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 201465UE concernant les marchés d'instruments financiers et la directive 2009138CE sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (COM(2017) 537 final – E 12485).
l Textes « actés » de manière tacite
Accords tacites de la Commission, du fait de la nature du texte
En application de la procédure d'approbation tacite, dite procédure 72 heures, adoptée par la Commission, celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :
Ø INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES
- Décision du Conseil portant nomination de deux membres du Comité des régions, proposés par le Royaume de Suède (1418017 – E 12548).
Accords tacites de la Commission liés au calendrier d'adoption par le Conseil
La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :
Ø POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE - SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
- Règlement de la Commission modifiant l'annexe VII du règlement (CE) nº 8822004 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les laboratoires de référence de l'Union européenne pour les contaminants dans les aliments pour animaux et les denrées alimentaires (D05159006 – E 12496).
Ø POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE (PESC)
- Décision du Conseil modifiant la décision 2014486PESC relative à la mission de conseil de l'Union européenne sur la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine (EUAM Ukraine) (1353417 LIMITE – E 12544).
- Décision du Conseil modifiant la décision 2013233PESC relative à la mission d'assistance de l'Union européenne pour une gestion intégrée des frontières en Libye (EUBAM Libya) (1353617 LIMITE – E 12545).
- Décision du Conseil modifiant la décision 2014145PESC modifiant la décision 2014145PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine (1378817 LIMITE – E 12546).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (UE) n° 2692014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine (1379117 LIMITE – E 12547).
Sur le rapport de la Présidente Liliana Tanguy, la Commission a déclaré conformes au principe de subsidiarité les textes suivants transmis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-6 de la Constitution :
Ø SERVICES FINANCIERS (BANQUES - ASSURANCES)
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) nº 10932010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), le règlement (UE) nº 10942010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles), le règlement (UE) nº 10952010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), le règlement (UE) nº 3452013 relatif aux fonds de capital-risque européens, le règlement (UE) nº 3462013 relatif aux fonds d'entrepreneuriat social européens, le règlement (UE) nº 6002014 concernant les marchés d'instruments financiers, le règlement (UE) 2015760 relatif aux fonds européens d'investissement à long terme, le règlement (UE) 20161011 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d'instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d'investissement et le règlement (UE) 20171129 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé) (COM(2017) 536 final - E 12484).
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 201465UE concernant les marchés d'instruments financiers et la directive 2009138CE sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (COM(2017) 537 final – E 12485).
Ø ÉNERGIE
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 200973CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (COM(2017) 660 final – E 12536).
Ø TRANSPORT
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 10732009 établissant des règles communes pour l'accès au marché international des services de transport par autocars et autobus (COM(2017) 647 final - E 12534).
La séance est levée à 10 h 43.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Patrice Anato, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Yolaine de Courson, Mme Typhanie Degois, M. Bruno Fuchs, Mme Christine Hennion, M. Alexandre Holroyd, M. Jérôme Lambert, M. Jean-Claude Leclabart, M. Thierry Michels, M. Christophe Naegelen, M. Damien Pichereau, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Straumann, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye
Excusées. - Mme Sophie Auconie, Mme Marietta Karamanli, Mme Nicole Le Peih