Le mot « croissance » me déplaît car il ne renvoie à rien de précis. Lorsqu'il est question de « modèles de croissance », à l'alinéa 3, à quelle croissance se réfère-t-on ? Ce terme est beaucoup trop ambigu et il faut lui préférer l'idée de « développement humain », que Joseph Stiglitz définit comme un « processus d'expansion des libertés réelles dont jouissent les individus ». Cette notion est plus précise et permet de définir un « indice de développement humain ».
Si le mot « croissance » désigne le modèle qui est en train de détruire notre planète, c'est-à-dire la croissance capitaliste, alors il faut le retirer de ce texte. Cette croissance-là a conduit les pays développés dans une impasse écologique et sociale, marquée par une explosion des inégalités, une destruction des emplois et un dérèglement climatique qui est en train de nous échapper et de bouleverser notre monde, comme celui de nos enfants et de nos petits-enfants. Le modèle extractiviste qui vise à utiliser les ressources fossiles coûte que coûte ne peut être encouragé, même si l'on précise, pour faire semblant de l'adoucir, qu'il doit être plus résilient, plus inclusif et plus durable. La croissance économique n'a jamais été inclusive et durable. Depuis près de quarante ans, les fruits de la croissance sont captés par les plus grandes fortunes et les plus grandes entreprises. Le reste de l'humanité ne reçoit que les miettes qu'elles daignent nous laisser.
Ce modèle économique est mortifère et il ne faut pas l'encourager. Les pays les plus fragiles devraient être poussés à se développer d'une autre manière que l'Europe, en se focalisant davantage sur les questions de bien-être et de bonheur : c'est ce qu'a fait le Bhoutan en définissant, dès 1972, un indice de « bonheur national brut ».