Intervention de Bruno Fuchs

Réunion du mardi 2 mars 2021 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Fuchs :

Au nom du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés, je voudrais revenir sur le sommet du G5 Sahel qui s'est tenu à N'Djamena il y a une quinzaine de jours pour essayer de refonder la stratégie de la France avec ses partenaires dans la région. Cette refondation est nécessaire, car le profil des groupes armés a beaucoup évolué depuis 2012. En 2017 s'est constitué le groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), fusion de différentes forces djihadistes de la région ; ce sont maintenant des fédérations de groupes armés qui s'organisent et s'étendent en périphérie de la zone sahélienne. En 2016, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a revendiqué des attaques en Côte d'Ivoire, dans la cité balnéaire de Grand-Bassam, qui ont causé la mort de dix-neuf personnes. Plus récemment, le poste-frontière avec le Burkina Faso a fait l'objet d'une attaque qui a coûté la vie à quatorze militaires. Je salue la mémoire de nos deux combattants décédés au Bénin, lors d'une opération de libération d'otages français en 2019.

Le Sénégal, pôle de stabilité dans la région, devient aussi un terrain d'intérêt pour les conglomérats djihadistes. Le pouvoir indique multiplier les arrestations d'individus liés à des groupes terroristes à sa frontière avec le Mali. Monsieur le ministre, puisque nous évoquons les questions de stratégie, n'est-il pas temps d'imaginer une stratégie un peu audacieuse, avec un redéploiement géographique ? Le fait que le président du Sénégal, Macky Sall, ait participé au dernier sommet à N'Djamena pourrait-il préfigurer un changement de stratégie vers la prise en compte anticipée d'une zone beaucoup plus large, celle de l'Afrique de l'Ouest ?

Ensuite, pour atteindre ses objectifs au Sahel, la France a besoin de partenaires de confiance sur la question militaire. Une fois les territoires reconquis, il faut y installer un État fort, des services publics, un État qui protège la population. Or force est de constater que certains de nos partenaires contribuent grandement à fragiliser leur pays. Au Tchad, Idriss Déby va s'assurer un sixième mandat, après avoir réécrit la Constitution en sa faveur et réprimé l'opposition politique. Pas plus tard que ce week-end, l'opposant Yaya Dillo a été victime d'une tentative d'arrestation, qui s'est soldée par l'assassinat de sa mère et de son fils. Pour sa part, Succès Masra sera candidat à l'élection présidentielle, contre la volonté du président Déby, qui a cherché à l'écarter. Au Niger, la contestation du dernier résultat de l'élection présidentielle a été rendue muette par des coupures internet de plus en plus fréquentes. Au Mali, la France a soutenu en son temps l'ancien chef d'État Ibrahim Boubacar Keïta, qui a été renversé et qui serait coupable, selon plusieurs rapports indépendants, de détournements de fonds et de corruption à grande échelle.

Si nous partons du postulat selon lequel la France doit renforcer les États dans la région, qu'est-ce qu'un État fort : un État dont le régime est stable mais qui feint de respecter la volonté populaire tout en la piétinant, ou plutôt un État où le pluralisme et l'État de droit sont respectés, et qui associe les citoyens à sa construction politique ? Monsieur le ministre, l'action diplomatique de la France en général, et au Sahel en particulier, ne serait-elle pas plus efficace si elle se concentrait sur le pluralisme politique, la défense des règles démocratiques, la protection des populations et la création des conditions d'un débat public inclusif ?

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