Monsieur le ministre, je vous remercie pour le tableau que vous avez dressé. Le temps dont je dispose ne me permet pas de vous faire connaître les raisons de mon opposition à vos appréciations, aussi bien sur la Russie que sur la Chine. Je vais donc en rester à ce qui est, pour le groupe La France insoumise, le danger le plus imminent et le plus préoccupant, puisque nous sommes directement impliqués : la situation au Sahel. Je ne vais pas l'envisager dans toutes ses dimensions, mais me concentrer sur l'urgence.
Je ne partage pas votre enthousiasme pour l'accord d'Alger et la réunion de Kidal. L'accord d'Alger est rejeté par les autorités maliennes actuelles comme par les responsables de l'opposition, qui s'est exprimée dans les grands mouvements de mobilisation populaire qui ont été à l'origine du renversement du précédent Président de la République. Dans un contexte extrêmement instable, je m'alarme premièrement du risque d'élargissement de la zone. Certains de mes collègues y ont appelé. Pour ma part, je prévois surtout une extension des dangers et des menaces si nous ouvrons sans fin la zone dans laquelle les rapports de force militaires s'expriment aujourd'hui. Je fais référence à la forme prise par le G5.
Par ailleurs, un très grand nombre de manifestations populaires ont eu lieu, extrêmement denses et intenses, contre l'annonce par le maréchal-président Idriss Déby de sa candidature à un sixième mandat, après plus de trente ans de présidence. Nous savons ce qu'il en coûte de soutenir au-delà du raisonnable des gens qui ne sont plus soutenables. C'est précisément le cas du maréchal-président. En attendant, les derniers événements de samedi ont montré qu'il était entré dans une logique folle, et néanmoins conforme à ce qu'il est. La garde présidentielle, dirigée par son fils, a pris d'assaut le domicile de M. Dillo, l'un de ses opposants. Il en est résulté cinq morts, dont la mère de M. Dillo ainsi que son fils, pour ne rien dire des trois autres personnes qui méritent tout autant notre attention.
Dans ce contexte et compte tenu du danger que cela représente, le secrétaire général de l'ONU a fait connaître sa condamnation et sa préoccupation. Peut-être ai-je mal suivi, monsieur le ministre : la France a-t-elle dit quelque chose, et quoi ? Nous souhaitons vous entendre sur le sujet. M. Déby n'est pas facteur de stabilité, mais un facteur de déstabilisation dans la zone. Quelle sera notre attitude ? Monsieur le ministre, vous savez aussi bien que moi que l'opposition à laquelle il s'affronte n'est pas superficielle, qu'il ne s'agit pas simplement d'un règlement de compte ou d'une divergence politique ou politicienne, mais d'un remuement de fond de la société tchadienne. Que feront les Français ? Notre devoir est de multiplier les signes qui nous permettront d'être compris par le peuple tchadien plutôt que par M. Idriss Déby.
Enfin, je me joins à la demande qui a été faite concernant la politique de la France à l'égard des Rohingyas et de la population musulmane de Birmanie, réprimés, déportés et massacrés sans que la communauté internationale manifeste le même degré de préoccupation que pour des cas similaires dans d'autres pays.