L'accord avec l'Inde sur lequel nous avons à nous prononcer comprend deux volets : faciliter l'accès des étudiants et des travailleurs à haut potentiel indiens aux visas ; simplifier l'expulsion des personnes en situation irrégulière sur notre territoire.
Le groupe Libertés et Territoires, estimant qu'il est souhaitable de favoriser l'arrivée en France d'étudiants étrangers talentueux, considère avec intérêt le projet de loi autorisant l'approbation de cet accord. Aux États-Unis, les ressortissants indiens constituent une élite académique et professionnelle ; dans le domaine scientifique, les universités indiennes forment des ingénieurs de renommée internationale. Notre politique trop restrictive de délivrance de visas étudiants ou de travail nous prive de cette immigration qualifiée, qui ne pourrait qu'enrichir notre pays, notamment notre recherche en perte de vitesse.
C'est pourquoi nous accueillons favorablement la première partie des dispositions du texte, même s'il convient de prendre en considération les conséquences négatives que peut avoir l'immigration des cerveaux pour les pays d'origine. Prenons garde aussi à ne pas adopter une politique migratoire qui conduirait à distinguer les « bons » et les « mauvais » immigrés, en cherchant à attirer les personnes particulièrement qualifiées tout en rejetant les travailleurs moins qualifiés, une pratique qui a cours dans les pays anglo-saxons et qui fut promue un temps en France, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il ne faudrait pas qu'une telle philosophie imprègne l'accord, d'autant que la France a une vocation historique d'accueil des populations vulnérables.
Par conséquent, si nous nous félicitons, concernant le volet relatif à l'immigration illégale, que le dispositif prévu permette de mieux lutter contre les passeurs et les trafiquants d'êtres humains, il ne faudrait pas que des personnes menacées dans leur pays d'origine y soient renvoyées. Or, si l'Inde est classée parmi les pays sûrs par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ce qui signifie que la demande d'asile d'un réfugié peut lui être refusée pour ce motif, elle n'est pas considérée comme telle par tout le monde. Trois organismes internationaux indépendants viennent ainsi de la rétrograder au rang respectivement d'autocratie électorale, de pays partiellement démocratique et de démocratie imparfaite. Selon l'institut suédois V-Dem, les opposants politiques y sont harcelés et emprisonnés ; le gouvernement nationaliste hindou mène une campagne d'intimidation à leur encontre, ainsi qu'à l'encontre des organisations de défense des droits de l'homme, des universitaires et des journalistes. De nombreuses minorités religieuses et ethniques sont victimes de persécutions, notamment au Cachemire, territoire sous occupation militaire. Dans ces conditions, il est difficile de considérer que l'Inde est un pays sûr pour tous ses citoyens. Aussi, plutôt que de renvoyer automatiquement dans leur pays d'origine les migrants, il nous semble nécessaire d'étudier les situations au cas par cas.
En outre, je ne vois pas la cohérence entre cet accord et les autres accords bilatéraux conclus entre la France et l'Inde, notamment pour ce qui concerne la lutte contre les stupéfiants et les questions de défense.
Pour ces raisons, le groupe Libertés et Territoires n'est pas particulièrement favorable au texte en l'état.