Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 31 mars 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 9 h 30.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux (n° 2745) (M. M'jid El Guerrab, rapporteur)

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Le projet de loi est d\'une grande importance économique puisque la convention signée le 19 juin 2018 a pour but de faciliter les échanges entre la France et la Suisse. En 2018, les importations et exportations de produits d'horlogerie, de bijouterie, de joaillerie et d'orfèvrerie entre nos deux pays dépassaient 5,4 milliards d'euros par an, avec un solde commercial positif pour la France de 1,5 milliard. Les dispositions de cette convention ont été demandées par les professionnels. Nous en attendons d'excellentes retombées économiques, car les simplifications prévues rendront plus fluides les contrôles des ouvrages échangés entre la France et la Suisse. C'est dire si les zones frontalières du Jura et du Doubs, très investies dans le développement de ces échanges, attendent la ratification de cette convention.

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Sous un intitulé qui semble technique, le texte est très attendu par les professionnels de la bijouterie, de la joaillerie et de l'horlogerie des deux pays. Il permettra de fluidifier les échanges dans des secteurs très dynamiques de la relation commerciale bilatérale, tout en garantissant la protection des consommateurs.

Afin de mieux saisir les enjeux de la présente convention, je me permets de vous rappeler brièvement ce qu'est un poinçon, à quoi il sert, et la réglementation stricte à laquelle est soumis le commerce des métaux précieux, compte tenu de leur valeur et des risques de tromperie et de recel. Les objets en argent, en or ou en platine présentent en effet des poinçons permettant de déterminer leur qualité et leur provenance. Ces poinçons certifient les teneurs des métaux précieux qui composent les ouvrages.

Le système de poinçonnage des objets est différent selon les pays. En France, depuis ses prémices au XIIIe siècle, la législation sur les poinçons a connu de nombreuses évolutions. Aujourd'hui, tout ouvrage en métaux précieux doit comporter deux poinçons : le poinçon de maître – pour les fabricants – ou de responsabilité – pour les importateurs –, qui assure la traçabilité de l'origine des ouvrages et engage le professionnel à respecter les règles de garantie ; et le poinçon de garantie, qui certifie la teneur en or, en argent ou en platine. Il s'agit d'un poinçon figuratif, comme la tête d'aigle pour l'or et la tête de Minerve pour l'argent.

Au sein de l'Union européenne, en vertu du principe de libre circulation, la reconnaissance mutuelle des poinçons officiels s'applique pour la majorité des États membres : les ouvrages européens sont ainsi dispensés du poinçon de garantie français et du poinçon de garantie de leur pays d'origine. Réciproquement, les ouvrages français bénéficient de la même dispense lorsqu'ils sont exportés.

En vertu d'une convention de 1987, la Suisse bénéficie de la reconnaissance réciproque des poinçons officiels, mais celle-ci ne s'applique qu'aux ouvrages en métaux précieux – l'or, l'argent et le platine. Les ouvrages multimétaux, constitués d'un métal précieux et d'un métal commun, comme l'acier, sont ainsi exclus du champ conventionnel.

En élargissant le bénéfice de la reconnaissance réciproque des poinçons officiels aux ouvrages multimétaux, la présente convention fluidifiera les échanges dans les secteurs de l'horlogerie, de la bijouterie et de la joaillerie, en simplifiant les procédures. Concrètement, les opérateurs n'auront plus à faire poinçonner leurs ouvrages multimétaux lorsqu'ils entreront dans le territoire du pays voisin, si le poinçon a déjà été apposé dans le territoire national. Cette disposition se traduira par une réduction des coûts pour les opérateurs français, le poinçonnage étant soumis à taxation en Suisse. En outre, les marques des fabricants déjà enregistrées en France sont dispensées d'enregistrement en Suisse, et réciproquement. Cette fluidification des échanges ne portera pas atteinte à la protection des consommateurs, la convention prévoyant un système de contrôles et d'échange d'informations.

Ainsi, l'élargissement du champ conventionnel permettra d'accompagner des échanges très dynamiques dans les secteurs de la bijouterie, de la joaillerie et de l'horlogerie. Le marché suisse constitue en effet le premier marché d'exportation de ces secteurs, pour lesquels la balance commerciale était excédentaire ces dernières années. En 2018, elle était même supérieure à la balance commerciale tous secteurs confondus. Pour la Suisse, il importait que les montres dites bicolores – généralement en or et en argent –, fabriquées dans son territoire, soient couvertes par la reconnaissance réciproque des poinçons officiels.

En outre, compte tenu de la forte présence du secteur horloger dans le Jura suisse et français, le développement des échanges dans ce domaine pourrait se traduire par des retombées économiques positives pour les territoires frontaliers. À titre d'illustration, en 2018, l'industrie horlogère représentait quelque 2 000 emplois directs dans le département du Doubs, principalement dans les ateliers de fabrication et de montage auxquels sous-traitent des maisons horlogères françaises et suisses.

Au bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter le présent projet de loi.

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Le présent projet de loi a déjà été adopté par nos collègues sénateurs. Il a été approuvé dès 2018 par nos voisins et amis suisses. Notre rapporteur en a parfaitement explicité les enjeux économiques : la convention aura des effets positifs des deux côtés de la frontière que 190 000 de nos compatriotes traversent quotidiennement. La Suisse est aujourd'hui le troisième partenaire commercial de la France, hors Union européenne ; la France, le troisième partenaire de la Suisse.

L'impact de la convention sera particulièrement sensible dans les secteurs de la bijouterie, de la joaillerie, de l'horlogerie et de l'orfèvrerie où la France réalise près de 50 % de ses exportations vers la Suisse. Ces secteurs ont été durement éprouvés, avec la casse et les fermetures en marge des gilets jaunes, et la crise sanitaire. En élargissant le champ de la convention de 1987 aux ouvrages multimétaux, ce nouvel instrument répond aux intérêts de tous. Les bénéfices attendus de cette convention, par la fluidification des procédures douanières et la facilitation des exportations vers la Suisse, sont sans équivoque pour les professionnels. La protection des consommateurs se trouvera également renforcée, grâce à des règles claires de traçabilité et de lutte contre la contrefaçon. Comme le rappelle l'étude d'impact, la densité des échanges entre la France et la Suisse dans les secteurs de l'horlogerie et de la bijouterie fait de la facilitation des échanges un enjeu économique majeur. Les départements voisins seront les premiers à bénéficier de retombées positives, notamment pour l'emploi.

L'enjeu n'est toutefois pas seulement économique. Dans les régions frontalières, les métiers de l'horlogerie et de la bijouterie s'inscrivent dans une tradition longue de plusieurs siècles. Après la révocation de l'Édit de Nantes en 1685, de nombreux lapidaires, diamantaires et joailliers protestants, forcés à l'exil, se sont installés dans le Haut-Jura et le pays de Gex, afin de profiter de l'essor de l'horlogerie suisse au XVIIe siècle. C'est ainsi qu'un savoir-faire d'excellence, unique au monde, s'est développé dans ces petits villages de l'Ain, du Doubs, du Jura. Cet héritage fait partie intégrante de notre identité. Il fait aussi la fierté de ces régions, comme l'atteste le musée des pierres et des lapidaires de Mijoux, dans ma circonscription. Surtout, il explique ces imbrications profondes, fraternelles, qui nous unissent à nos voisins suisses. C'est aussi cette tradition qu'il convient de préserver et de valoriser face à la concurrence internationale. La présente convention y contribue.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche est favorable à ce texte. En tant que députée de l'Ain, frontalière, vice-présidente du groupe d'amitié France-Suisse, je ne peux que m'en réjouir.

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La présente convention signée avec la Suisse, qui étend la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux aux ouvrages multimétaux, est particulièrement importante pour les secteurs de l'horlogerie, de la bijouterie et de la joaillerie française. Elle permet d'augmenter les échanges avec le marché suisse, premier de nos marchés étrangers dans ce secteur. Le gain économique est double, car l'accord permettra aussi de baisser les coûts de production de notre industrie, en évitant le repoinçonnage des marchandises en Suisse, source de ralentissement dans l'échange.

La convention donne donc un avantage précieux aux artisans français, qui exportent leur savoir-faire sur le marché suisse, et une protection approfondie aux consommateurs français de marchandises suisses.

Compte tenu de la parfaite entente de nos pays à ce sujet, le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés votera en faveur du présent texte.

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Ce texte technique présente des intérêts économiques manifestes. Naturellement, le groupe Socialistes n'a pas d'opposition.

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Je tiens à saluer le travail du rapporteur, qui a fait une présentation éclairante d'un texte technique. La convention vise à promouvoir et à faciliter les échanges d'ouvrages en métaux précieux, à savoir les ouvrages en alliage d'or, d'argent ou de platine, entre la France et la Suisse, tout en assurant la protection des consommateurs au moyen de la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur ces ouvrages. Son objectif était de promouvoir les échanges d'ouvrages en métaux précieux avec la Suisse, qui occupait déjà une place importante dans notre commerce bilatéral. Le caractère crucial de la fluidité des procédures de contrôle des ouvrages à la frontière franco-suisse est régulièrement évoqué par les entreprises, tant françaises que suisses. Dans les secteurs de l'horlogerie et de la bijouterie, la densité des échanges intrabranches entre la France et la Suisse fait de la facilitation des échanges un enjeu économique capital pour les entreprises installées de part et d'autre de la frontière.

Le groupe Agir ensemble votera pour le texte.

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Tout ce qui est de nature à simplifier la vie des entreprises, frontalières de surcroît, doit être encouragé. Notre collègue rapporteur, M'jid El Guerrab, a su étendre le périmètre de sa circonscription des Français de l'étranger, et nous a éclairés sur un sujet dans lequel nous avions des difficultés à nous plonger – la facilité étant de l'entendre. C'est donc bien volontiers que le groupe Libertés et Territoires votera la présente convention.

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Je remercie tous mes collègues pour leurs propos. La convention représente un enjeu de plus de 1 milliard d'euros. Il existe peu de secteurs dans lesquels nous sommes en pointe et dont la balance commerciale est bénéficiaire. Il s'agit d'aller encore plus loin et de fluidifier davantage les échanges.

La commission adopte l'article unique du projet de loi sans modification.

*

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de partenariat pour les migrations et la mobilité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde (n° 3055) (Mme Amélia Lakrafi, rapporteure)

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Au regard de l'importance et du dynamisme des échanges économiques, universitaires et culturels entre l'Inde et la France, du poids démographique de ce pays et de l'effectif des étudiants, aussi bien en France qu'en Inde, on ne peut qu'être frappé par la faiblesse des échanges humains et des effectifs d'expatriés entre nos deux pays. Alors que les liens politiques et stratégiques entre la France et l'Inde sont forts, les échanges entre nos populations paraissent en retrait. Amélia Lakrafi souligne à juste titre dans son rapport que les migrations économiques et scientifiques ne sont pas à la hauteur des potentiels de nos deux pays.

L'accord de partenariat, signé le 10 mars 2018, vise à corriger cette lacune. Il facilite l'obtention des visas et des titres de séjour ainsi que l'envoi de volontaires internationaux en entreprise en Inde. Il devrait permettre d'accroître les échanges d'étudiants et de chercheurs entre la France et l'Inde étant donné les hauts niveaux des formations et des laboratoires existant dans les deux pays. Il facilitera également le retour dans leur pays des personnes en situation irrégulière. L'accord touche donc à des matières sensibles avec un partenaire essentiel, qui le deviendra encore davantage.

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L'Assemblée nationale, par le biais de notre commission, est la première des deux chambres à avoir été saisie pour approbation de l'accord de partenariat pour les migrations et la mobilité conclu entre la France et l'Inde le 10 mars 2018, à New Delhi par notre ministre de l'Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, et par la ministre indienne des affaires extérieures, Mme Sushma Swaraj. Près de dix longues années de négociations ont permis d'aboutir à cet accord ambitieux, qui poursuit deux objectifs complémentaires : faciliter la circulation de talents entre les deux pays, en renforçant la mobilité des étudiants, des universitaires, des chercheurs et des professionnels ; prévenir l'immigration irrégulière et lutter contre l'exploitation et le trafic d'êtres humains.

L'Inde est la cinquième économie mondiale. Elle excelle dans de nombreux domaines dont celui des nouvelles technologies. Elle est également le deuxième pays le plus peuplé du monde, avec 1,36 milliard d'habitants, dont 50 % ont moins de 25 ans. Ce géant économique et démographique peut être source de nombreuses opportunités pour la France.

Les migrations franco-indiennes sont relativement faibles. S'agissant de la mobilité universitaire, avant la crise sanitaire, on ne comptait que 300 étudiants français en Inde, contre 9 000 étudiants indiens en France. La France n'est placée qu'au dixième rang pour l'accueil des étudiants indiens, très loin derrière les pays anglo-saxons. Les étudiants indiens sont 165 000 aux États-Unis, 45 000 en Australie et 19 000 au Royaume-Uni. Il ne s'agit pas seulement d'une question de langue, puisque la France se place aussi derrière l'Allemagne, qui accueille 13 000 étudiants indiens. On pourrait aussi comparer ce chiffre avec les 35 000 étudiants chinois accueillis en France.

Les étudiants indiens sont encore trop peu informés de la qualité de l'enseignement supérieur français, des possibilités de plus en plus nombreuses d'étudier en anglais et des opportunités professionnelles dont ils peuvent ensuite bénéficier en France. De plus, l'accès aux documents de séjour est parfois difficile – c'est un euphémisme. Ces observations ont été confirmées par l'ambassadeur d'Inde en France, que je salue. Par ailleurs, les établissements d'enseignement supérieur français ne songent pas systématiquement à inclure l'Inde dans leur stratégie d'attractivité.

Les migrations économiques et scientifiques sont aussi en deçà de leur potentiel. En 2019, seuls 2 453 premiers titres de séjour ont été accordés à des ressortissants indiens pour des motifs économiques ; 1 593 à des salariés et 769 à des scientifiques. Ces chiffres restent faibles en regard de la démographie indienne et des bénéfices de cette immigration qualifiée pour l'économie française. Dans un pays qui connaît une véritable ouverture au monde depuis les années 1990, la présence de salariés français détachés au sein d'un même groupe en Inde reste aussi relativement modeste. Selon les chiffres communiqués par l'ambassade d'Inde en France, seulement 823 visas d'emploi ont été délivrés à des Français en 2019.

L'accord facilite l'accès aux documents de séjour. L'article 3 présente les documents dont peuvent bénéficier les étudiants et les stagiaires. Les étudiants indiens qui souhaitent compléter leur formation de niveau master ou supérieur par une première expérience professionnelle en France peuvent, par exemple, bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour, d'une durée d'un an, renouvelable une fois. La mesure est susceptible d'encourager les étudiants indiens à parier sur la France pour leur début de carrière, après avoir étudié dans notre pays.

L'article 4 présente les documents de séjour pour l'immigration professionnelle et économique, et mobilise en particulier le dispositif passeport talent, un outil performant de la France, destiné à attirer sur son sol les talents internationaux, notamment les salariés détachés. Les autorités indiennes s'engagent, elles aussi, à garantir des facilités pour les détachés, au sein d'un même groupe, et les talents français, ce qui les sécurise et facilite l'obtention de documents nécessaires à leur installation en Inde, ainsi qu'à celle de leur famille.

L'article prévoit également le dispositif jeune professionnel, déjà utilisé pour d'autres accords. Chaque année, 500 jeunes professionnels français ou indiens, âgés de 18 à 35 ans, titulaires d'un diplôme correspondant à au moins trois années d'études supérieures ou justifiant d'une expérience professionnelle comparable, et parlant la langue de leur pays d'accueil, pourront bénéficier d'un visa de long séjour, valable un an, renouvelable, sans que la situation de l'emploi ne puisse être opposée. En contrepartie, le nombre annuel de places des volontaires internationaux en entreprise (VIE) français en Inde a été porté à 250, contre une centaine aujourd'hui. C'est un point important de l'accord, car ce nombre était très faible, alors qu'environ 1 000 entreprises françaises sont basées en Inde.

Un autre volet de l'accord est la lutte contre l'immigration irrégulière. L'objectif est d'augmenter le nombre de réadmissions de ressortissants indiens en situation irrégulière, jusqu'ici peu élevé en comparaison du nombre de mesures d'éloignement prononcées. L'article 5 détaille la procédure de retour et impose un délai court dans le traitement des dossiers. L'article 6 prévoit une coopération policière et technique opérationnelle pour lutter contre le trafic de migrants et d'êtres humains, comportant notamment des actions de formation des agents.

À lui seul, l'accord ne fera pas bouger les lignes. Qu'il s'agisse de l'immigration régulière ou irrégulière, il est nécessaire de prévoir une vaste campagne d'information de l'ensemble des acteurs concernés, tant ceux qui appliqueront les dispositifs que les bénéficiaires. Il est, par exemple, indispensable que Campus France renforce ses actions de promotion des études supérieures en France auprès du public indien, ce qui est d'ailleurs prévu dans l'accord. Cet organisme aura besoin de moyens supplémentaires. Alors que l'Office allemand d'échanges universitaires dispose d'une vingtaine d'agents et prévoit de créer vingt postes supplémentaires, Campus France ne dispose que d'une quinzaine d'agents mobilisés en grande partie pour des tâches liées à l'évaluation des dossiers, quand leurs collègues allemands se consacrent uniquement aux actions de promotion. De même, les établissements d'enseignement supérieur français devraient être proactifs dans leur stratégie d'attractivité, à l'image de la SKEMA Business School dont les étudiants indiens forment le deuxième contingent d'étudiants étrangers. Ce résultat est obtenu grâce à des campagnes de recrutement adéquates, à la conclusion d'accords avec des établissements partenaires, au développement de programmes en anglais et à la présence en Inde de représentants de l'école. Si les actions de terrain sont effectuées, il ne fait aucun doute que l'accord sera un succès et nous permettra d'atteindre l'objectif de 20 000 étudiants indiens en France en 2025.

Dans le domaine économique aussi, il conviendra de mieux communiquer sur les opportunités permises par cet accord, grâce auquel la France pourra attirer de nouveaux talents. Il faut ainsi promouvoir nos instruments et faire connaître les mesures permettant aux salariés détachés français de s'installer plus facilement en Inde.

L'Inde fait partie de ces géants désormais incontournables sur la scène internationale, et dans les relations économiques. Étant particulièrement intéressée par le secteur du numérique et des nouvelles technologies, essentiel à la croissance économique, je connais la grande force de l'Inde dans ce domaine et la qualité de ses ingénieurs et chercheurs. Les acteurs de la Silicon Valley ne s'y sont pas trompés, en recrutant massivement des étudiants et professionnels indiens. Cet accord favorisant les échanges scientifiques, universitaires et la mobilité professionnelle ne peut être que profitable à notre innovation et au dynamisme de notre économie. C'est pourquoi je vous invite à voter sans réserve le projet de loi d'approbation.

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Vivier d'enjeux majeurs pour la France, l'Inde est également, sur le plan géopolitique, un pilier de notre stratégie dans la région indopacifique. Consacrer toute notre attention à renforcer le dialogue diplomatique et à accompagner la politique étrangère de la France en Inde est donc essentiel.

Outre son aspect géopolitique, l'intérêt de cet accord réside dans la nature des liens – humains, culturels, intellectuels – qu'il permettrait de tisser entre l'Inde et la France. Alors que l'immigration est souvent traitée sous l'angle des problèmes qu'elle crée, l'accord en fait le fondement de relations diplomatiques et culturelles renforcées. Parce que les mobilités permettent avant tout l'échange de connaissances, d'expériences et de points de vue, elles favorisent le débat, l'enrichissement, l'inventivité. Lorsque des étudiants indiens arrivent en France pour apprendre, ils permettent à nos étudiants d'entrer en contact avec de nouveaux modes de pensée et de nouvelles perspectives. Les mobilités sont souvent vecteurs de développement non seulement économique, mais culturel et intellectuel.

S'agissant des mobilités étudiantes, une campagne d'information et de promotion sera-t-elle nécessaire aussi bien en Inde, pour attirer les étudiants, qu'auprès des universités françaises, pour les inciter à approfondir leurs liens avec les établissements indiens ? Quelles mesures sont prévues pour faciliter la signature de partenariats entre universités, pour permettre notamment des semestres d'échanges, ce qui donnerait d'autant plus de force à l'accord ?

Le groupe La République en Marche approuve sans réserve le projet de loi et votera en ce sens.

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Je félicite Amélia Lakrafi pour l'excellence de son rapport. Elle a souligné le poids des relations bilatérales que l'Inde entretient non seulement avec les pays anglophones mais aussi avec l'Allemagne, où les étudiants indiens sont bien plus nombreux qu'en France.

L'Inde est devenue un géant incontournable : elle est la cinquième puissance économique mondiale et la deuxième pour ce qui concerne le peuplement – sinon la première, compte tenu des statistiques chinoises parfois jugées erronées. Le contraste est fort entre l'intérêt porté à la Chine dans la littérature ou les commentaires économiques, et la relative désaffection pour l'Inde, alors même que nous avons avec ce pays des relations très anciennes, sans parler de nos comptoirs d'un autre temps. Cela a toujours été un sujet d'étonnement pour notre commission, ce qui nous avait conduits à demander un rapport sur l'Inde à notre regrettée Marielle de Sarnez – j'ignore s'il verra le jour avant la fin de la législature.

L'accord va dans le bon sens en fixant un objectif d'accueil de 20 000 étudiants en 2025. Pour ambitieux qu'il soit par rapport aux quelques petits milliers actuels, nous resterons toutefois bien en dessous des 165 000 étudiants indiens accueillis aux États-Unis, et même en Allemagne, qui en compte déjà 13 000 et compte bien poursuivre ses efforts.

Il facilite la circulation des talents, dans tous les domaines, l'Inde se positionnant très bien dans les secteurs de la chimie et de la recherche scientifique. La convention donnera aussi des facilités d'accès en améliorant la délivrance des documents de séjour. Le dispositif passeport talent semble très prometteur à ce titre. J'aimerais, moi aussi, avoir des précisions sur les campagnes qui seront menées par nos universités pour attirer des étudiants indiens. L'exemple de la Silicon Valley est frappant.

Nous voterons donc ce texte avec enthousiasme, tant il semble de nature à combler une lacune. Je suis finalement étonné du peu d'ouvrages consacrés à l'Inde – ceux de Catherine Clément m'ont beaucoup marqué.

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J'ai noté votre requête, que cette commission s'intéresse à l'Inde et produise un rapport sur le sujet. Cela rejoint mes préoccupations, et celle de nombreux collègues.

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En même temps qu'il renforce notre lutte commune contre l'immigration irrégulière et contre les trafics en tous genres, y compris le trafic d'êtres humains, l'accord s'inscrit pleinement dans la réalité vécue par de nombreux jeunes, français et indiens, qui ont pris depuis longtemps l'habitude de visiter ou de s'installer pour une durée longue dans l'un ou l'autre pays. Les relations entre l'Inde et la France sont anciennes mais n'ont jamais véritablement trouvé leur équilibre. Pourtant, nous avons beaucoup à gagner à nous rapprocher d'un pays qui sera amené à jouer un rôle majeur sur la scène internationale dans les décennies à venir, peut-être même un rôle de modérateur ou d'équilibre dans une région du monde qui bouge. Lors de l'examen du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés a défendu l'idée que la mobilité internationale devait être un axe majeur de notre politique étrangère. Cet accord va dans ce sens. Parmi les objectifs figurent notamment la facilitation de la délivrance de visas, pour multiplier les échanges d'étudiants, le développement de la mobilité des jeunes, notamment ceux qui sont entrés dans la vie active, la promotion du passeport talent ou la mobilité des chercheurs et doctorants, avec un pays en pointe dans des secteurs d'avenir.

L'accord nous semble équitable, dans la mesure où il respecte une stricte réciprocité. L'Inde a notifié en février 2020 l'achèvement de ses procédures internes requises pour son entrée en vigueur ; il est temps que la France lui emboîte le pas. Notre groupe votera pour cet accord de partenariat, et s'associe à la sollicitation d'un travail sur les relations entre l'Inde et la France ou l'Union européenne, pour faire progresser le partenariat et faire apparaître des convergences sur le plan international.

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Nos relations avec l'Inde sont anciennes et elles ont toujours été de très bonne qualité. Néanmoins, elles ne sont pas à la mesure des enjeux planétaires actuels. Si l'Inde peut présenter un attrait pour quelques individualités, on perçoit encore mal son importance en France, alors qu'on mesure très bien celle de la Chine, des États-Unis ou de nos partenaires européens. Il est pourtant évident qu'elle sera dans l'avenir un partenaire économique majeur. Par conséquent, tout ce qui contribue au développement des échanges entre nos deux pays, sur le plan humain en particulier, est à saluer. Cet accord de partenariat va assurément dans le bon sens et j'approuve les conclusions de notre rapporteure.

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L'accord avec l'Inde sur lequel nous avons à nous prononcer comprend deux volets : faciliter l'accès des étudiants et des travailleurs à haut potentiel indiens aux visas ; simplifier l'expulsion des personnes en situation irrégulière sur notre territoire.

Le groupe Libertés et Territoires, estimant qu'il est souhaitable de favoriser l'arrivée en France d'étudiants étrangers talentueux, considère avec intérêt le projet de loi autorisant l'approbation de cet accord. Aux États-Unis, les ressortissants indiens constituent une élite académique et professionnelle ; dans le domaine scientifique, les universités indiennes forment des ingénieurs de renommée internationale. Notre politique trop restrictive de délivrance de visas étudiants ou de travail nous prive de cette immigration qualifiée, qui ne pourrait qu'enrichir notre pays, notamment notre recherche en perte de vitesse.

C'est pourquoi nous accueillons favorablement la première partie des dispositions du texte, même s'il convient de prendre en considération les conséquences négatives que peut avoir l'immigration des cerveaux pour les pays d'origine. Prenons garde aussi à ne pas adopter une politique migratoire qui conduirait à distinguer les « bons » et les « mauvais » immigrés, en cherchant à attirer les personnes particulièrement qualifiées tout en rejetant les travailleurs moins qualifiés, une pratique qui a cours dans les pays anglo-saxons et qui fut promue un temps en France, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il ne faudrait pas qu'une telle philosophie imprègne l'accord, d'autant que la France a une vocation historique d'accueil des populations vulnérables.

Par conséquent, si nous nous félicitons, concernant le volet relatif à l'immigration illégale, que le dispositif prévu permette de mieux lutter contre les passeurs et les trafiquants d'êtres humains, il ne faudrait pas que des personnes menacées dans leur pays d'origine y soient renvoyées. Or, si l'Inde est classée parmi les pays sûrs par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ce qui signifie que la demande d'asile d'un réfugié peut lui être refusée pour ce motif, elle n'est pas considérée comme telle par tout le monde. Trois organismes internationaux indépendants viennent ainsi de la rétrograder au rang respectivement d'autocratie électorale, de pays partiellement démocratique et de démocratie imparfaite. Selon l'institut suédois V-Dem, les opposants politiques y sont harcelés et emprisonnés ; le gouvernement nationaliste hindou mène une campagne d'intimidation à leur encontre, ainsi qu'à l'encontre des organisations de défense des droits de l'homme, des universitaires et des journalistes. De nombreuses minorités religieuses et ethniques sont victimes de persécutions, notamment au Cachemire, territoire sous occupation militaire. Dans ces conditions, il est difficile de considérer que l'Inde est un pays sûr pour tous ses citoyens. Aussi, plutôt que de renvoyer automatiquement dans leur pays d'origine les migrants, il nous semble nécessaire d'étudier les situations au cas par cas.

En outre, je ne vois pas la cohérence entre cet accord et les autres accords bilatéraux conclus entre la France et l'Inde, notamment pour ce qui concerne la lutte contre les stupéfiants et les questions de défense.

Pour ces raisons, le groupe Libertés et Territoires n'est pas particulièrement favorable au texte en l'état.

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L'énorme intérêt qu'il y a à développer les flux d'étudiants et le volontariat international en entreprise avec l'Inde, c'est que cela permet de faire contrepoids, d'une part, à la prédominance de la Chine – c'est d'ailleurs ce qu'a déclaré le président Macron à propos de la stratégie asiatique de la France –, d'autre part, à la relation historique entre le Royaume-Uni et l'Inde. Étant donné que, l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) l'a montré, les échanges de biens entre la France et l'Inde sont équilibrés et que l'on note un fort développement de nos idéaux sur place, eu égard aussi à la tradition de non-alignement de l'Inde, des échanges culturels en amont entre nos deux pays me semblent absolument nécessaires. En ce sens, le présent accord dépasse largement le cadre d'échanges universitaires ou professionnels ; il s'inscrit dans une politique stratégique de la France en Asie et, réciproquement, de l'Inde en Europe. De ce fait, disposer d'un rapport dédié à l'Inde sous tous ses aspects serait une bonne chose.

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C'est Campus France qui se verra confier la communication autour de l'accord, madame Amadou ; son activité s'en trouvera donc renforcée. Aussi je déplore qu'il n'ait pas été prévu d'accorder des crédits ou des moyens supplémentaires à cet organisme. Je le répète, nous disposons de quinze agents en Inde, quand l'Allemagne en aura bientôt quarante, dont l'activité sera entièrement dédiée à la communication et la promotion des études et du travail en Allemagne, alors que les nôtres consacrent la plupart de leur temps à évaluer les projets professionnels des Indiens qui souhaitent venir en France. Il serait peut-être bon que la commission appuie la demande d'augmentation du budget de Campus France à l'occasion de la prochaine loi de finances.

Vous avez dit, monsieur Quentin, que la population indienne était potentiellement plus élevée que la population chinoise. J'ignore si c'est le cas, mais cela le sera probablement à terme, puisque l'on compte 2,2 enfants par femme en Inde contre 1,7 en Chine.

Il est vrai que nos universités, privées et publiques, gagneraient à communiquer davantage – à l'instar de ce que fait la Skema Business School. On dénombre aujourd'hui 360 accords universitaires, dont une cinquantaine avec des universités publiques. Il revient à chaque député d'examiner dans sa circonscription dans quelle mesure il pourrait inciter les universités à s'intéresser aux étudiants indiens. Peut-être faudrait-il que nous communiquions davantage à destination des étudiantes et des jeunes travailleuses, car seulement 16 % des passeports talent et 33 % de visas étudiant sont accordés à des femmes.

L'Inde est le cinquième partenaire scientifique de la France, monsieur Nadot, et nous espérons que cet accord facilitera la mobilité des scientifiques. Les personnes potentiellement menacées ne sont pas concernées par celui-ci ; elles pourront continuer à demander le droit d'asile à l'OFPRA. Le nombre de retours forcés d'Indiens est très faible : soixante-treize en 2019 et cinq en janvier. Comparativement à d'autres pays, le nombre de demandes d'asile est relativement faible : 7 130 au niveau européen et seulement 484 déposées auprès de l'OFPRA en 2019.

Les échanges de biens avec l'Inde ne sont malheureusement pas très équilibrés, monsieur Waserman, puisque nous sommes leur quinzième client mais leur vingt-cinquième fournisseur. Il serait nécessaire de faire mieux.

Enfin, je tiens à remercier Bruno Joncour pour ses propos.

La commission adopte l'article unique du projet de loi sans modification.

*

Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar et de l'accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine (n° 3525) (Mme Amélia Lakrafi, rapporteure)

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Ces textes visent à faciliter l'obtention d'un permis de conduire dans son État de résidence en simplifiant, d'une part, la procédure de reconnaissance du permis de conduire obtenu dans son État d'origine, d'autre part, en permettant l'échange des permis de conduire avec ceux de l'État de résidence ou de travail, ce qui n'était pas possible jusqu'à présent avec le Qatar et la Chine. Ces conventions ont été rendues nécessaires par un arrêt de 2016 du Conseil d'État demandant l'établissement d'accords intergouvernementaux pour procéder à ces opérations, afin que le cadre juridique soit suffisamment sûr. Comme notre rapporteure le souligne dans son rapport, plus de 20 000 Français sont établis au Qatar et en Chine et plus de 125 000 Chinois disposent d'un titre de séjour en France : ces nouvelles dispositions sont donc attendues avec impatience.

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Le présent projet de loi, qui autorise l'approbation de ces deux accords, a été examiné et approuvé par le Sénat le 4 novembre 2020. L'objectif de ces accords est de sécuriser juridiquement le dispositif français de reconnaissance et d'échange de permis de conduire, de renforcer la sécurité routière sur notre territoire et de lutter contre la fraude documentaire. Ils revêtent l'un et l'autre un caractère pionnier, puisque le seul accord intergouvernemental existant à ce jour en la matière est celui conclu avec la principauté de Monaco. Ces deux accords inaugurent ainsi un mouvement de révision globale du dispositif de reconnaissance et d'échange des permis de conduire, qui devrait permettre de fluidifier et de sécuriser le traitement des demandes tout en améliorant le service rendu aux usagers. En outre, il constitue un progrès important pour nos ressortissants établis ou s'installant en Chine ou au Qatar, puisqu'aucun échange de permis de conduire n'était jusque-là possible avec ces deux pays.

La reconnaissance d'un permis de conduire étranger est le mécanisme par lequel un État autorise le titulaire d'un permis de conduire régulièrement délivré par un autre État à conduire sur son territoire. La durée de cette reconnaissance est, en général, assez brève. L'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les États n'appartenant ni à l'Union européenne ni à l'Espace économique européen prévoit la reconnaissance des permis de conduire étrangers pour une durée d'un an à compter de l'établissement par son titulaire de sa résidence en France, soit dix-huit mois au plus. Tout conducteur titulaire d'un permis étranger non européen qui souhaite conduire plus longtemps sur notre territoire doit, avant l'expiration de ce délai, obtenir un permis de conduire français, soit en passant l'examen, soit en recourant au mécanisme d'échange de permis, lequel, lorsqu'il est prévu dans la réglementation, permet à son titulaire d'obtenir, par suite de son installation durable dans le pays d'accueil, un permis de conduire local sur simple présentation du titre délivré par les autorités de son pays d'origine.

En France, l'échange de permis de conduire s'effectue essentiellement en vertu d'arrangements administratifs, voire sur le simple fondement de la réciprocité. En octobre 2019, il était pratiqué avec 116 territoires ou États tiers, alors que nos principaux partenaires européens qui fondent cet échange sur des accords bilatéraux ne le pratiquent qu'avec une dizaine de pays en moyenne. Dans un arrêt du 21 novembre 2016, le Conseil d'État a souligné l'insuffisance juridique de la pratique actuelle et rappelé la nécessité de fonder les mécanismes de reconnaissance et d'échange de permis de conduire sur la base d'accords intergouvernementaux. En conséquence, une révision du dispositif français a été engagée au début de l'année 2018 par le ministère de l'intérieur et par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ce processus de refonte globale a été pensé dans un triple objectif : améliorer la sécurité juridique du dispositif de reconnaissance et d'échange de permis, grâce à la conclusion d'accords bilatéraux ; étendre la durée de reconnaissance des permis français dans les États signataires ; renforcer la sécurité routière et la lutte contre la fraude documentaire en ne concluant de tels accords qu'avec des États satisfaisant à des critères élevés en matière de formation, de sécurisation des titres et de conditions de délivrance des permis de conduire.

Les deux accords soumis à l'examen de notre commission s'inscrivent dans ce cadre. Ils constituent pour les Français installés au Qatar et en Chine une amélioration très significative, que je tiens à saluer. Grâce à eux, les titulaires d'un permis de conduire français qui s'installeront dans l'un ou l'autre des pays n'auront plus besoin, comme c'était le cas jusqu'à présent, de repasser localement le permis de conduire. De même, un Français qui obtiendrait son permis de conduire au Qatar ou en Chine, par exemple parce que ses parents y résident, n'aura pas à le repasser en rentrant en France. Il s'agit, par conséquent, d'un progrès majeur, qui va considérablement faciliter la vie et la mobilité des quelque 5 500 Français résidant au Qatar et des 15 000 qui résident en Chine – même si, dans les faits, le Qatar a déjà commencé à appliquer cet accord. Les députés des Français de l'étranger sont très souvent saisis de questions relatives aux difficultés rencontrées pour échanger les permis de conduire, ce qui complique considérablement le quotidien de nos compatriotes résidant à l'étranger. Je mesure d'ailleurs l'attente soulevée par ces deux accords au nombre de courriels que je reçois depuis que l'Assemblée nationale a inscrit l'examen de ce projet de loi à son ordre du jour.

Le processus de ratification étant déjà achevé par les deux autres parties, je vous invite, mes chers collègues, à voter sans réserve en faveur de l'approbation de ces deux accords qui permettront d'offrir de meilleures conditions d'expatriation à nos ressortissants et faciliteront leur insertion professionnelle et sociale dans leur pays d'accueil. Ils permettront, en outre, de rendre notre pays économiquement plus attractif en offrant la réciprocité aux ressortissants qatariens et chinois s'établissant en France.

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J'interviens à la place de ma collègue Anne Genetet, malheureusement retenue. En son nom, je tiens à saluer ces accords et à exprimer la très grande satisfaction de la communauté française installée en Chine que ce texte soit examiné par notre commission ce matin ; elle en suit avec une attention extrême la trajectoire depuis la conclusion d'un arrangement sur le sujet entre la France et la Chine en février 2017. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a travaillé en concertation avec les acteurs et tenu les députés de l'étranger informés de l'évolution du dossier. Nous ne pouvons que saluer cette manière de procéder.

Pourquoi passer par un projet de loi ? Parce qu'en novembre 2016, le Conseil d'État a rappelé la nécessité de fonder la reconnaissance et les échanges de permis de conduire sur des accords intergouvernementaux. Jusqu'à cette date, la reconnaissance et les échanges reposaient très majoritairement sur de simples arrangements administratifs, voire sur le seul principe de réciprocité, sans que les modalités ne soient formalisées par écrit. On rappellera, à cette occasion, que le permis de conduire est un diplôme, et non une banale attestation de compétence. L'avis du Conseil d'État était donc bienvenu. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères en a pris bonne note et il s'attache, depuis lors, à réviser le dispositif existant.

Si ces accords sont approuvés, les ressortissants des pays signataires qui disposeront d'un permis de conduire de leur pays d'origine délivré régulièrement et en cours de validité se verront reconnaître temporairement le droit de conduire sur le territoire de l'État d'accueil et auront la possibilité d'échanger leur permis de conduire s'ils souhaitent s'y installer durablement, et cela selon des modalités spécifiques à chacun des accords. Par exemple, l'échange de permis de conduire avec la Chine ne sera possible que pour les permis de conduire délivrés après le 1er avril 2008 pour une question de respect des normes de sécurité ; ceux qui disposent d'un permis plus ancien devront repasser l'examen. C'est une réelle avancée en matière de mobilité internationale et une très bonne nouvelle pour nos concitoyens qui souhaitent partir dans l'un de ces pays ou en revenir : leurs démarches s'en trouveront grandement facilitées.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche votera en faveur du projet de loi.

Une question, pour finir : madame la rapporteure, avez-vous connaissance d'accords du même type qui seraient en cours de négociation entre la France et d'autres pays ?

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Je félicite la rapporteure pour son exposé remarquable, qui nous a permis de comprendre que ce projet de loi de ratification visait à répondre non seulement à l'avis de novembre 2016 du Conseil d'État mais aussi, et surtout, à satisfaire la forte attente de nos compatriotes – comme l'a montré l'abondant courrier reçu par nos collègues députés des Français établis à l'étranger – qui vivent et travaillent au Qatar et en Chine : ils sont 5 500 au Qatar, un chiffre étonnamment élevé, et 15 000 en Chine. La question revêt un enjeu particulier du fait des importants déplacements attendus vers ces deux pays pour des raisons sportives, puisque le Qatar va organiser la prochaine coupe du monde de football – ce qui suscite beaucoup de questions, et même une demande de boycott de la part d'une formation politique – et la Chine, les Jeux olympiques d'hiver.

Une question, toutefois. Le Qatar est très proche de l'Arabie saoudite, où, pendant longtemps, les femmes n'étaient pas autorisées à conduire. Qu'en est-il au Qatar ?

Sous réserve d'une réponse positive à cette question – ce dont je ne doute pas –, le groupe Les Républicains votera en faveur du projet de loi.

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Je remercie, moi aussi, la rapporteure pour sa présentation dynamique et claire de deux accords qui ne sont pas que techniques. D'abord, ils s'inscrivent dans la volonté de la France de sécuriser juridiquement son dispositif de reconnaissance et d'échange de permis de conduire : la conclusion d'accords intergouvernementaux en bonne et due forme assure en effet un niveau de sécurité routière élevé et préserve contre la fraude documentaire. Ensuite, ces accords permettront de mettre fin aux conditions asymétriques de reconnaissance et d'échange des permis de conduire entre nos trois pays. Enfin, ils simplifieront la mobilité et l'établissement des ressortissants de chaque partie dans le territoire de l'autre partie – ce dernier aspect étant sans doute le plus important.

Ces accords permettront, en définitive, de rendre la France économiquement plus attractive et de faciliter la mobilité de nos ressortissants et de nos entreprises à l'étranger. Le Qatar et la Chine sont des partenaires clés pour la France, avec lesquels nous devons approfondir nos relations et ouvrir de nouvelles opportunités économiques. Le groupe MODEM et Démocrates apparentés votera sans restriction pour le projet de loi.

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On peut comprendre l'intérêt que ces accords représentent pour nos compatriotes résidant en Chine et au Qatar, et nous sommes évidemment favorables à leur ratification. Compte tenu de l'uniformisation des modes de vie, le permis de conduire est devenu indispensable partout dans le monde.

Comme il se trouve que je connais un peu le Qatar, je me permettrai de répondre à la question de mon collègue de Charente-Maritime : oui, monsieur Quentin, les femmes conduisent au Qatar, et cela depuis un certain temps.

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Le groupe Libertés et Territoires accueille favorablement ce texte : la révision du dispositif français des échanges de permis de conduire nous apparaît non seulement souhaitable mais nécessaire. Elle permettra de sécuriser juridiquement ces échanges et de lutter contre la fraude documentaire. Autre intérêt qui peut paraître annexe mais qui n'est pas sans importance, c'est qu'elle renforcera la sécurité routière ; on se rapproche de l'application de normes internationales en matière de sécurité routière. Espérons, de ce point de vue, que ces deux accords soient les prémices d'autres conventions bilatérales.

Votre état des lieux, madame la rapporteure, est très instructif : on voit bien les difficultés actuelles. Avec la dématérialisation, la fraude gagne.

Aujourd'hui, les pratiques peuvent être très différentes d'un pays à l'autre. En général, on délivre une autorisation provisoire pour quelques mois voire un an, puis il faut faire de nouveau valider son permis, mais les divergences peuvent être importantes : certains pays refusent la validation, les délais varient beaucoup… Se dirigerait-on vers un mécanisme standard tendant à autoriser automatiquement la conduite dans un autre pays dès lors qu'il y a réciprocité, en dépit du fait que ce n'est pas parce qu'on sait conduire dans son pays qu'on sait conduire à l'étranger ? Quoi qu'il en soit, ces accords permettront à nos compatriotes d'obtenir une égalité de droits et de devoirs avec les ressortissants des deux autres parties.

Étant soucieux de faciliter la vie de nos ressortissants, nous voterons en faveur du projet de loi.

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Mme Anne Genetet ayant réussi à se libérer, peut-être voudra-t-elle dire un mot à titre personnel ?

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Avec plaisir, monsieur le président. Je vous remercie de me donner la possibilité de porter devant la commission la voix des Français de Chine.

La reconnaissance mutuelle des permis de conduire était attendue par eux depuis des années. Ce fut d'ailleurs l'objet des premières demandes dont j'ai été saisie après mon élection. Et pour répondre aux inquiétudes de Jean-Michel Clément, je puis vous assurer que lorsqu'on sait conduire en Chine, on peut, à mon avis, tout faire en France, y compris prendre la place de l'Étoile en sens inverse !

Nos concitoyens vivant en Chine sont donc soulagés, car la non-reconnaissance réciproque des permis de conduire provoquait de grandes complications administratives, leur ôtant parfois la possibilité de conduire à leur retour en France. Il est heureux que ce projet de loi arrive enfin devant notre Assemblée.

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Je l'ai dit dans mon propos liminaire, la France n'avait conclu antérieurement qu'un seul accord de ce type, avec la principauté de Monaco. D'autres sont en cours de négociation avec le Chili et avec les États-Unis, plus particulièrement avec Washington DC et avec l'État de Virginie-Occidentale.

Je vous confirme ce qu'a dit Jérôme Lambert, monsieur Quentin : les femmes conduisent au Qatar depuis les années 1990, les Saoudiennes pouvant le faire depuis 2018.

Certes, monsieur Clément, les routes ne sont pas partout les mêmes, mais l'être humain est, je le pense, une espèce extrêmement adaptable. En outre, ce type d'accord n'est pas conclu à la légère et nos agents font leur travail avec beaucoup de sérieux. La Chine et le Qatar font preuve d'un très haut niveau de sécurité routière, et bien que la Chine n'ait pas signé la convention de Vienne de 1968, nos agents ont estimé que les routes et les panneaux de signalisation chinois étaient similaires aux nôtres et que conduire en Chine ne présentait pas de difficulté particulière pour un Français.

Article 1er

La commission adopte l'article 1er sans modification.

Article 2

La commission adopte l'article 2 sans modification.

Puis elle adopte l'ensemble du projet de loi sans modification.

Informations relatives à la commission

La commission a désigné :

- Mme Sira Sylla, rapporteure sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali (n° 3816) ;

- M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé (n° 3835) ;

- M. Sylvain Waserman, rapporteur sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord portant extinction des traités bilatéraux d'investissement entre États membres de l'Union européenne (n° 3899) 

- Mme Maud Gatel, et M. Didier Quentin, co-rapporteurs de la mission d'information sur la construction d'une indépendance stratégique de l'Europe.

La séance est levée à 10 h 50. ----------------