Puisqu'il est question de frustration, je vais essayer d'ouvrir un peu la fermeture éclair très étroite par laquelle il a fallu se glisser (Sourires).
Il faut se réjouir que cette procédure ait conduit à saisir la commission des affaires étrangères, et je remercie la rapporteure pour le travail de très grande qualité qu'elle a fait : il nous permet de répondre positivement, sans hésiter, à la question portant sur la recevabilité de la proposition de résolution.
Cette demande de commission d'enquête s'inscrit dans une dynamique de prise en compte des questions migratoires qui est forte depuis le début de la législature. La commission des affaires étrangères s'est positionnée sur ce sujet à de nombreuses occasions. Je veux rendre hommage à Marielle de Sarnez, qui avait exigé, lors de l'examen du projet de loi « asile et immigration », déposé en 2018, que notre commission remette un rapport pour avis sur ce texte. Elle avait créé plusieurs groupes de travail thématiques qui ont permis de présenter une véritable contribution de fond et de remettre la politique migratoire dans la perspective du contexte international.
Je rappelle aussi que le pilotage exclusif de cette politique par le ministère de l'intérieur date de 2007 ou 2008. Deux autres ministères y participaient auparavant : ceux des affaires étrangères et des affaires sociales. Le prisme s'est réduit et on s'est enfermé dans une logique extrêmement « domestique », un peu au détriment de la compréhension globale du sujet.
Marielle de Sarnez a ouvert des perspectives qu'il me paraît utile de rappeler pour éclairer notre réflexion, notamment sur les rapports entre la commission d'enquête qui est envisagée et ce que nous pouvons faire de notre côté.
Il est notamment prévu, depuis 2018, qu'un débat sur les politiques migratoires a lieu tous les ans. Il s'est bien déroulé en 2019, malgré les inquiétudes que certains d'entre nous éprouvaient, mais il n'a pas vraiment eu lieu en 2020. Nous pourrions avoir de nouveau un débat maîtrisé et pondéré à l'automne prochain : cela montrerait que la question migratoire n'est pas un sujet tabou pour les parlementaires, que nous pouvons nous en saisir en adoptant un point de vue équilibré, en dehors des faits divers, dans le cadre d'un rendez-vous démocratique annuel.
Marielle de Sarnez était revenue, dans son rapport, sur le bilan de la politique menée au niveau européen, sur son potentiel et sur les frustrations qui en résultent, étant entendu qu'une bonne partie des outils évoqués par la proposition de résolution n'ont pas connu, en réalité, de développement opérationnel – cela concerne notamment les fonctions d'anticipation, de gestion et d'accompagnement des crises.
La politique migratoire s'incarne dans un cadre géographique – je pense en particulier à l'Afrique, qui a ses propres problématiques. Si on néglige cette réalité, on passe à côté d'une grande partie du débat, qui concerne les pays d'origine, notre rapport avec eux, qu'il s'agisse des questions humaines, de la coopération, des diasporas, de la dimension sécuritaire ou de la gestion des flux.
Mon vœu est que la commission d'enquête qui est proposée puisse voler de ses propres ailes d'une manière compatible avec la mise en valeur des travaux de notre commission et que nous puissions avoir – j'en appelle à vous, monsieur le président – une contribution d'un niveau au moins aussi élevé, pour l'éventuel débat de cette année et la fin de la législature, que celle que Marielle de Sarnez avait permis d'obtenir.