En préalable, puisque Jacques Maire a pris la parole, je voudrais lui apporter le témoignage de ma solidarité et lui dire que pour ma part, tant qu'il n'aura pas l'autorisation de se rendre en Russie, je n'y irai pas non plus.
Merci beaucoup à Sonia Krimi pour son rapport qui permet de cadrer cette commission d'enquête. Je voudrais vous faire part de l'état d'esprit qui anime le groupe Libertés et Territoires pour aborder la question des migrations, des conditions de vie des migrants et de leur accès au droit en France.
Un peu d'histoire. Depuis des siècles, des femmes et des hommes arrivent sur le territoire français, pour de multiples raisons. Certains sont de passage ou repartent, d'autres s'installent. On peut penser à tous les marchands ou banquiers venus d'Italie, d'Allemagne et de Flandre, aux théologiens, aux conseillers, aux ministres comme Mazarin ou Necker, à Catherine de Médicis, reine de France et régente, et aussi à de nombreux artistes. Mais les migrations sont également faites de figures modestes, artisans, domestiques pour une époque, marins, pêcheurs, paysans. Historiquement, il faut avoir en tête que les étrangers sont indispensables à notre pays dans bien des domaines, comme le commerce ou l'armée.
La révolution fonde une nouvelle conception de la nation qui distingue clairement au plan juridique celui qui est étranger et celui qui est citoyen français. Elle proclame l'égalité de tous, mais elle accorde la qualité de Français à ceux qui sont nés sur son sol. En 1804, le code civil ajoute à cette vision de la nationalité la question du droit du sang et de la filiation paternelle notamment.
Avec l'âge industriel, les migrants sont de plus en plus nombreux et viennent de plus en plus loin : on s'éloigne progressivement des pays voisins. En 1881, 3 % de la population en France sont des étrangers, soit un peu plus d'un million de personnes. L'immigration frontalière à ce moment ne suffit plus et corrélativement, le politique se penche sur la question. Pour répondre à la forte présence étrangère, la IIIe République adopte en 1889 une loi qui fixe pour l'avenir un code de la nationalité, valable quasiment jusqu'à aujourd'hui. On peut parler d'une forme d'acquisition de la nationalité par un droit du sol dérivé.
Depuis la révolution française, l'histoire des relations entre Français et étrangers est souvent tumultueuse. On a toujours l'impression qu'elle l'est davantage dans l'histoire récente mais, qu'il s'agisse du relent de xénophobie, de la concurrence de main d'œuvre dans les périodes économiques difficiles ou du rejet de l'autre parce que différent, les problématiques actuelles relatives aux migrations sont finalement assez peu nouvelles.
Ce qui change, c'est la mondialisation et l'insertion de la France dans une forme de souveraineté européenne. En tenant compte des problématiques du changement climatique et des réfugiés climatiques, cette commission d'enquête veut évaluer la politique migratoire française dans son contexte européen et international. Au vu des crispations du débat politique sur le sujet, il me semble nécessaire d'évaluer, en retraçant les parcours, la réalité des conditions d'accueil et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en France au regard du droit international, européen et national.