Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mardi 18 mai 2021 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Notre ordre du jour appelle l'audition, ouverte à la presse, de M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, sur la préparation du Conseil des affaires étrangères (CAE) en format commerce du 20 mai 2021.

Je tiens d'abord à remercier M. le ministre, avec lequel nous nourrissons un dialogue approfondi sur des sujets d'une importance stratégique considérable, notamment en raison de leurs enjeux environnementaux et de leur impact sur l'emploi. Il s'agit en effet de déterminer la place de la France dans une mondialisation ambivalente.

Nous voudrions connaître l'appréciation que fait le Gouvernement de la notion d'autonomie stratégique ouverte, qui s'apparente à un oxymore tant ces termes désignent des directions différentes qu'il est nécessaire d'articuler.

Nous serions très heureux que, comme l'a affirmé le Président de la République, l'ère de la naïveté européenne ait pris fin, que la réciprocité accompagne l'exemplarité, que la défense des intérêts ne s'oppose pas à celle des valeurs et que s'accroisse la symétrie de nos échanges.

En particulier, nous sommes très préoccupés par les problèmes liés au verdissement des accords commerciaux. Vous avez pris une position ferme en février dernier en affirmant que la France ne signerait pas l'accord de libre-échange entre le Mercosur et l'Union européenne en l'état. Nous souhaiterions que vous nous exposiez le rapport de force au sujet de cet accord qui suscite une vive préoccupation tant ses enjeux agricoles et environnementaux sont importants. En effet, la commission d'évaluation du projet d'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, présidée par Stefan Ambec, a mis en évidence un risque d'accélération de la déforestation annuelle de l'ordre de 5 % pendant la période de six ans prévue par l'accord pour la réduction des tarifs – accélération liée au développement des fermes d'élevage et des pâturages –ainsi qu'une hausse des émissions comprise entre 7,8 millions et 11,5 millions de tonnes d'équivalent de CO2 par an. Comme vous le savez, M. Bernard Deflesselles, ici présent, veille avec un soin jaloux sur le respect par la France, par l'Europe et par le monde, des objectifs que nous nous sommes fixés avec l'accord de Paris. Quelles sont les positions de la France, des États du Sud, de l'Europe du Nord et de la Commission européenne sur l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur ?

Le projet d'accord global sur les investissements entre l'Union européenne et la Chine réduit modérément, mais réellement, le caractère asymétrique de nos relations en matière d'investissement. Il est donc plus favorable à nos intérêts que le statu quo. Toutefois, il intervient dans un contexte épouvantable, marqué par un durcissement de l'approche diplomatique chinoise et par un comportement préoccupant de la Chine à Hong-Kong et dans le Xinjiang, en lien direct avec les investissements, qui nous conduit à douter de la volonté des Chinois de respecter les conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Le Sénat a repoussé l'examen du projet de loi de ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada, le CETA, dont les effets sur certaines filières critiques semblent peu importants. Il faut cependant résoudre les difficultés posées par cet accord, en particulier sur l'éthanol.

Par ailleurs, nous voudrions que vous nous exposiez votre opinion sur l'ancien commissaire européen pour le commerce extérieur, Phil Hogan, et plus généralement sur la nouvelle stratégie commerciale européenne, ouverte, durable et volontariste.

En outre, nous souhaiterions examiner les instruments de défense commerciale, en particulier la lutte contre les subventions étrangères déloyales. Nos partenaires sont-ils aussi mobilisés que nous ? La proposition de règlement pour lutter contre les subventions étrangères déloyales permettrait de limiter et de bloquer l'investissement au sein du marché unique d'entreprises étrangères qui ont accès à des aides d'État dans leur pays d'origine. Il serait en effet utile de pouvoir prendre des contre-mesures en cas d'action coercitive d'un pays tiers. Cependant, notre fermeté est parfois interprétée, à tort, comme un relent de protectionnisme.

Nous voudrions également examiner avec vous l'avenir de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Si la réforme de l'OMC est un serpent de mer, maintenant que les Américains reprennent pied dans cette organisation, peut-être celle-ci sortira-t-elle du sommeil profond dans lequel elle a été plongée.

Ensuite, la manière dont les Britanniques ont suspendu la clause de contrôle des échanges de biens entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord est contraire aux accords du Brexit. Cette décision prise unilatéralement a suscité des réactions modérées, pour l'instant. La situation en Irlande du Nord s'est profondément durcie avec le changement de premier ministre de l'Ulster et le premier ministre britannique tend à écouter les voix d'Irlande. L'Union européenne devra faire preuve de fermeté, de détermination et de résolution ; or ce ne sont pas là ses qualités dominantes.

Enfin, nous voudrions examiner avec vous notre contentieux avec les États-Unis, qui nous ont imposé des surtaxes sur les vins et spiritueux notamment, ainsi que la guerre de l'acier. L'administration Biden a changé de cap et des négociations sont en cours : des perspectives viennent d'être ouvertes sur l'aluminium ; il est question de prolonger la suspension des taxes qui affectent très profondément nos producteurs de vins et de spiritueux. Si nous sommes assez confiants, nous restons extrêmement vigilants face à cette guerre qui nous a été très défavorable — même si elle n'a pas été très favorable aux États-Unis.

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