Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 18 mai 2021 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • OMC
  • États-unis

La réunion

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La séance est ouverte à 17 heures 35.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

Audition, ouverte à la presse, de M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, sur la préparation du Conseil des affaires étrangères (commerce) du 20 mai 2021.

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Notre ordre du jour appelle l'audition, ouverte à la presse, de M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, sur la préparation du Conseil des affaires étrangères (CAE) en format commerce du 20 mai 2021.

Je tiens d'abord à remercier M. le ministre, avec lequel nous nourrissons un dialogue approfondi sur des sujets d'une importance stratégique considérable, notamment en raison de leurs enjeux environnementaux et de leur impact sur l'emploi. Il s'agit en effet de déterminer la place de la France dans une mondialisation ambivalente.

Nous voudrions connaître l'appréciation que fait le Gouvernement de la notion d'autonomie stratégique ouverte, qui s'apparente à un oxymore tant ces termes désignent des directions différentes qu'il est nécessaire d'articuler.

Nous serions très heureux que, comme l'a affirmé le Président de la République, l'ère de la naïveté européenne ait pris fin, que la réciprocité accompagne l'exemplarité, que la défense des intérêts ne s'oppose pas à celle des valeurs et que s'accroisse la symétrie de nos échanges.

En particulier, nous sommes très préoccupés par les problèmes liés au verdissement des accords commerciaux. Vous avez pris une position ferme en février dernier en affirmant que la France ne signerait pas l'accord de libre-échange entre le Mercosur et l'Union européenne en l'état. Nous souhaiterions que vous nous exposiez le rapport de force au sujet de cet accord qui suscite une vive préoccupation tant ses enjeux agricoles et environnementaux sont importants. En effet, la commission d'évaluation du projet d'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, présidée par Stefan Ambec, a mis en évidence un risque d'accélération de la déforestation annuelle de l'ordre de 5 % pendant la période de six ans prévue par l'accord pour la réduction des tarifs – accélération liée au développement des fermes d'élevage et des pâturages –ainsi qu'une hausse des émissions comprise entre 7,8 millions et 11,5 millions de tonnes d'équivalent de CO2 par an. Comme vous le savez, M. Bernard Deflesselles, ici présent, veille avec un soin jaloux sur le respect par la France, par l'Europe et par le monde, des objectifs que nous nous sommes fixés avec l'accord de Paris. Quelles sont les positions de la France, des États du Sud, de l'Europe du Nord et de la Commission européenne sur l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur ?

Le projet d'accord global sur les investissements entre l'Union européenne et la Chine réduit modérément, mais réellement, le caractère asymétrique de nos relations en matière d'investissement. Il est donc plus favorable à nos intérêts que le statu quo. Toutefois, il intervient dans un contexte épouvantable, marqué par un durcissement de l'approche diplomatique chinoise et par un comportement préoccupant de la Chine à Hong-Kong et dans le Xinjiang, en lien direct avec les investissements, qui nous conduit à douter de la volonté des Chinois de respecter les conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Le Sénat a repoussé l'examen du projet de loi de ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada, le CETA, dont les effets sur certaines filières critiques semblent peu importants. Il faut cependant résoudre les difficultés posées par cet accord, en particulier sur l'éthanol.

Par ailleurs, nous voudrions que vous nous exposiez votre opinion sur l'ancien commissaire européen pour le commerce extérieur, Phil Hogan, et plus généralement sur la nouvelle stratégie commerciale européenne, ouverte, durable et volontariste.

En outre, nous souhaiterions examiner les instruments de défense commerciale, en particulier la lutte contre les subventions étrangères déloyales. Nos partenaires sont-ils aussi mobilisés que nous ? La proposition de règlement pour lutter contre les subventions étrangères déloyales permettrait de limiter et de bloquer l'investissement au sein du marché unique d'entreprises étrangères qui ont accès à des aides d'État dans leur pays d'origine. Il serait en effet utile de pouvoir prendre des contre-mesures en cas d'action coercitive d'un pays tiers. Cependant, notre fermeté est parfois interprétée, à tort, comme un relent de protectionnisme.

Nous voudrions également examiner avec vous l'avenir de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Si la réforme de l'OMC est un serpent de mer, maintenant que les Américains reprennent pied dans cette organisation, peut-être celle-ci sortira-t-elle du sommeil profond dans lequel elle a été plongée.

Ensuite, la manière dont les Britanniques ont suspendu la clause de contrôle des échanges de biens entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord est contraire aux accords du Brexit. Cette décision prise unilatéralement a suscité des réactions modérées, pour l'instant. La situation en Irlande du Nord s'est profondément durcie avec le changement de premier ministre de l'Ulster et le premier ministre britannique tend à écouter les voix d'Irlande. L'Union européenne devra faire preuve de fermeté, de détermination et de résolution ; or ce ne sont pas là ses qualités dominantes.

Enfin, nous voudrions examiner avec vous notre contentieux avec les États-Unis, qui nous ont imposé des surtaxes sur les vins et spiritueux notamment, ainsi que la guerre de l'acier. L'administration Biden a changé de cap et des négociations sont en cours : des perspectives viennent d'être ouvertes sur l'aluminium ; il est question de prolonger la suspension des taxes qui affectent très profondément nos producteurs de vins et de spiritueux. Si nous sommes assez confiants, nous restons extrêmement vigilants face à cette guerre qui nous a été très défavorable — même si elle n'a pas été très favorable aux États-Unis.

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Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Tout d'abord, je souhaite vous présenter les sujets qui seront abordés lors du Conseil des affaires étrangères réunissant les ministres du commerce qui se tiendra le 20 mai 2021 à Bruxelles.

Quelques semaines après la communication de la Commission européenne sur la révision de la politique commerciale de l'Union, nous évoquerons cette nouvelle stratégie. Nous aborderons également la relation transatlantique ; nous aurons l'occasion d'échanger en visioconférence avec Katherine Tai, la nouvelle représentante au commerce des États-Unis (USTR). Nous préparerons la prochaine réunion MC12 de l'Organisation mondiale du commerce ; nous aurons le plaisir d'accueillir pour le déjeuner Mme Ngozi Okonjo-Iweala, la nouvelle directrice générale de l'OMC, laquelle a nommé un Français, M. Jean-Marie Paugam, parmi les quatre directeurs généraux adjoints de l'institution. Ce grand diplomate contribuera à porter le message de l'Europe et à renouveler cette institution si importante pour le commerce international. Nous évoquerons les instruments à l'ordre du jour des institutions européennes, ainsi que l'accord avec le Mercosur.

Dans sa communication, la Commission européenne a repris nombre de propositions que la France avait formulées dans le cadre de ses prévisions sur la stratégie de la politique commerciale de l'Union. Elles mettent l'accent sur l'autonomie stratégique plus encore que sur l'ouverture, même si nous nous accordons sur le constat que nous vivons dans un monde ouvert. Nous voulons bâtir une politique commerciale plus affirmée, qui nous permette de mieux défendre nos entreprises et celles et ceux qui y travaillent, une politique commerciale plus durable et plus juste.

Nous avons besoin d'une position claire du Conseil des affaires étrangères (CAE) en matière de développement durable, qui fasse de l'Accord de Paris sur le climat une clause essentielle des futurs accords de libre-échange. Nous l'avons inscrit dans l'accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ; il est au cœur du Green deal européen ; il doit être inscrit dans l'accord avec la Nouvelle-Zélande en cours de rédaction.

Nous pensons également que l'Union européenne doit réviser le plan d'action en quinze points pour la mise en œuvre des engagements sociaux et environnementaux, afin de prévoir des sanctions si nos partenaires ne respectent pas ces engagements. Nous devons travailler à mettre en place un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, en l'inscrivant dans le cadre de l'OMC afin qu'il ne soit pas perçu comme une pratique protectionniste. Nous voulons également que le texte du CAE annonce la création d'un instrument autonome de lutte contre la déforestation importée et qu'il affirme le devoir de diligence des entreprises au niveau européen. En outre, nous cherchons à élaborer un instrument pour lutter contre des importations de produits issus du travail forcé. Nous sommes en effet convaincus que la politique commerciale peut être un levier pour avancer sur des sujets qui ne sont pas directement commerciaux ou économiques.

Nous voulons que la politique commerciale de l'Union européenne soit au service d'une concurrence équitable, qu'elle crée le terrain nécessaire pour que la concurrence puisse s'exercer. Pour cela, il faut permettre au procureur commercial, M. Denis Redonnet, récemment nommé chief trade enforcement officer, d'exercer pleinement son rôle pour nous assurer que nos partenaires respectent leurs engagements. Afin de protéger nos entreprises ainsi que celles et ceux qui y travaillent contre les pratiques déloyales, nous voulons élaborer un instrument international sur les marchés publics (IPI) pour exiger de nos partenaires qu'ils ouvrent leurs marchés publics aux entreprises européennes comme nous le faisons envers eux, ce qui constituerait une avancée considérable en matière de réciprocité. En outre, nous voulons nous doter d'un instrument de lutte contre les subventions étrangères, afin d'empêcher des entreprises étrangères d'acquérir des entreprises européennes grâce à des subventions de leur État ou d'empêcher des entreprises de répondre à des marchés publics si elles reçoivent des aides de leur État, qui créent une concurrence déloyale par rapport aux entreprises européennes.

Nous voulons aussi créer un instrument de lutte contre les pratiques coercitives. En effet, nous ne disposons pas actuellement de moyen juridique pour réagir face à un pays qui prend des mesures tarifaires illégales, c'est-à-dire qui ne sont pas validées par l'OMC. Nous devons engager une démarche auprès de l'OMC, ce qui demande plusieurs mois ; c'est seulement une fois que l'OMC a statué que nous pouvons juridiquement prendre des mesures de représailles. Avec un tel outil, nous aurions la possibilité de réagir tout de suite et fortement pour dissuader nos partenaires de persévérer dans ce genre de pratique ou pour réagir et protéger nos entreprises.

Il est donc nécessaire à nos yeux de maintenir un équilibre entre l'ouverture des marchés, la protection des entreprises et le souci du développement durable. Un tel équilibre est difficile à trouver car les différents pays ont des approches distinctes. Cependant, nous avons des « affinitaires », comme les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique, la Grèce ou la Pologne. Ainsi, les Pays-Bas, qui ont une vision très ouverte du marché européen, ont évolué pour se rapprocher de nos positions. De nombreux États restent à convaincre, ce que nous nous employons à faire.

Voilà les sujets que nous discutons avec les autres États membres en amont du CAE, afin de nous assurer que la contribution des États membres ne soit pas moins volontariste que la communication de la Commission européenne en la matière, en particulier à travers le Green deal avancé par la présidente de la Commission.

Comme vous le savez, les États-Unis nous ont envoyé des signaux très positifs depuis l'arrivée du président Joe Biden. Il a levé le veto à la nomination de Mme Ngozi Okonjo‑Iweala à la direction générale de l'OMC, dont la candidature était soutenue par l'Europe. Les États-Unis ont réintégré l'accord de Paris ; ils ont pris la décision de revenir à la table des négociations sur l'imposition des services numériques, notamment sur les questions d'imposition minimale et de localisation de l'impôt sur le lieu de l'activité.

Nous avons obtenu un moratoire de quatre mois dans le cadre du contentieux entre Boeing et Airbus. Ce bon signal envoyé par l'administration américaine n'est pas seulement une manifestation de la bonne volonté des États-Unis. Il résulte également du fait que nous avons su, quelques mois auparavant, affirmer notre puissance. Nous avons en effet pris la décision, après avoir obtenu l'autorisation de l'OMC et malgré les réticences de certains, d'appliquer des droits de douane sur des produits américains et sur l'aéronautique, en réponse aux tarifs douaniers qui nous ont été imposés par les Américains. Dès que nous avons appliqué ces droits de douane, nous avons vu changer l'attitude des États-Unis : ils sont revenus à la table des négociations avant même le changement d'administration, parce que les producteurs américains dans le domaine de l'agriculture et de l'aéronautique ont poussé l'administration à trouver une solution à ce contentieux avec l'Europe, pénalisés qu'ils étaient par les tarifs douaniers que nous appliquions à leurs produits. Affirmer notre souveraineté a permis de rééquilibrer notre relation avec les États-Unis et d'être traité comme un partenaire égal.

Nous devons absolument sortir par le haut de ce contentieux et trouver, dans le cadre de l'OMC, une solution acceptée par les deux parties pour que les États-Unis et l'Europe encadrent le financement de leur aéronautique. Les discussions continuent. Ainsi, le 17 mai 2021, la Commission européenne et les États-Unis ont conclu un accord afin de repousser au-delà du mois de juin la deuxième tranche de mesures de rééquilibrage dans le contentieux sur l'aluminium et l'acier, alors que l'augmentation les droits de douane sur certains produits américains au 1er juin 2021 inquiétait de nombreux producteurs de vins et de spiritueux et mettait en péril la désescalade des tensions entre l'Union européenne et les États-Unis. Nous travaillons à ce que les États-Unis retirent leur imposition sur l'acier des produits européens et nous cherchons une solution globale à la surcapacité de production d'acier qui est au cœur de cette compétition.

En somme, nous avons encore d'importants dossiers à régler avec les États-Unis, comme le contentieux Airbus-Boeing ou le contentieux sur l'acier, mais nous avançons dans le bon sens. Nous restons très vigilants en ce qui concerne l'utilisation extraterritoriale du droit américain et du dollar au service de pratiques déloyales. Les Européens ne peuvent continuer d'accepter que les États-Unis, ou demain d'autres pays, comme la Chine, décident avec qui l'Europe peut commercer.

Il est important de relancer le fonctionnement de l'OMC. La nomination de Mme Ngozi Okonjo-Iweala à la direction générale et de M. Jean-Marie Paugam comme directeur général adjoint sont des atouts pour cette relance. Nous avons besoin d'engager les États-Unis dans ce mouvement, en nous appuyant sur leur désir de revenir dans les institutions multilatérales. Nous envisageons également de travailler avec eux à la constitution d'un conseil du commerce et des technologies.

Par ailleurs, les tensions avec la Chine rendent inenvisageable pour la France de signer l'accord global sur les investissements avec la Chine (CAI), alors que la Chine a décidé de sanctions contre des parlementaires européens.

Enfin, nous avons établi avec la Commission européenne et les autres États membres un plan d'action pour mettre en œuvre l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada, le CETA. Nous procédons actuellement à l'évaluation de sa mise en œuvre provisoire, en attendant son éventuelle ratification, que nous souhaitons. Cet accord est très bénéfique pour l'Union européenne ; en particulier, il a permis à la France d'augmenter ses exportations vers le Canada de 24 %, notamment dans le secteur agricole, en particulier grâce aux exportations de fromage, de vins et de spiritueux, de matériel de transport ou de matières liées à l'équipement mécanique. Pour l'instant, nous n'avons pas constaté d'impact négatif sur les quelques filières agricoles sensibles au sujet desquelles nous demeurons très vigilants. Nous travaillons au renforcement des contrôles des normes sanitaires et phytosanitaires des produits agricoles et agroalimentaires qui entrent en Europe. Nous n'avons pas fini le processus de ratification, qui doit encore être voté par le Sénat, mais nous ne sommes pas parmi les derniers États membres à le faire, puisque l'Allemagne, notamment, n'a pas encore commencé à ratifier le texte. Lorsque nous disposerons de suffisamment d'éléments d'évaluation, nous le mettrons à l'ordre du jour du Sénat.

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Je pense que la majorité de ceux qui vous écoutent partagent les préoccupations et les exigences dont vous nous avez fait part. Vous comprenez que c'est le rapport de force qui nous inquiète : nous désirons savoir qui est avec nous au Conseil des affaires étrangères, quelle est l'attitude de la Commission européenne ou comment le Parlement européen réagit.

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Vendredi, le Président de la République a réuni les divers signataires de l'appel de Christchurch, lancé à l'initiative de la France et de la Nouvelle-Zélande le 15 mai 2019. Il vise à empêcher la diffusion sur internet de contenus produits par les groupes terroristes lors des attentats. C'est une réponse au choc causé par l'attentat de Christchurch : le 15 mars 2019, la haine antimusulmane a fait cinquante et un morts dans deux mosquées de la ville. Des images du massacre ont été diffusées, en direct, sur les réseaux sociaux, par le terroriste. Aujourd'hui, cinquante‑cinq pays adhèrent à l'appel de Christchurch, ainsi que la Commission européenne, deux organisations internationales et dix entreprises. Nous nous réjouissons que les États-Unis aient rejoint le mouvement sous la direction de Joe Biden, qui rompt avec le refus persistant de Donald Trump d'y adhérer. Cette mobilisation internationale a dynamisé les travaux du forum mondial d'internet contre le terrorisme, plateforme fondée en 2017 par les géants de l'internet. Elle sert de lieu d'échange entre gouvernements et plateformes numériques pour bloquer la diffusion de contenus terroristes.

La prise de conscience est réelle mais beaucoup reste à faire. Depuis 2019, nombre d'attentats ont été exploités à des fins de propagande terroriste. À chaque fois, des images terrifiantes sont mises au service d'une idéologie criminelle. Collectivement, nous devons agir plus efficacement contre les contenus terroristes en ligne. Nous devons protéger nos concitoyens de cette profusion de haine sur le net. Pouvez-vous nous éclairer sur les actions menées avec nos partenaires européens auprès des GAFAM ? En effet, l'appel de Christchurch n'a pas force contraignante : il dépend de la seule bonne volonté des acteurs.

La Nouvelle-Zélande fait preuve de cette bonne volonté. Des accords commerciaux entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande sont en cours de négociation. J'étais rapporteure de la résolution européenne relative à cet accord que l'Assemblée nationale a adoptée il y a deux ans. J'avais souligné la volonté forte des Néo-Zélandais de voir cet accord aboutir. La Nouvelle-Zélande est un pays ami, un État voisin de la Nouvelle-Calédonie et un partenaire stratégique dans la zone indopacifique. Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur l'avancée des négociations et assurer à notre commission que notre résolution a bien été prise en compte et qu'elle sera défendue ?

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Pouvez-vous nous en dire davantage sur les négociations qui demeurent difficiles, malgré le moratoire dont vous avez parlé, entre Airbus et Boeing ? Les Européens font-ils cause commune ?

Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur l'attractivité de la France ?

Enfin, le plan de relance européen s'élève à 750 milliards d'euros. Cependant, il est encalminé par les décisions des pays qui, pour l'instant, ne l'ont pas ratifié. Ainsi, la Cour de Karlsruhe a exigé la suspension du processus de ratification par l'Allemagne. Nous perdons du temps tandis que les États-Unis mettent sur la table 2 000 milliards de dollars. Ce retard nous pose un vrai problème dans la compétition internationale.

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Nous sommes à un tournant de l'histoire des accords commerciaux, car nous réalisons que le commerce est un véritable levier d'action sur les enjeux climatiques. La France s'est illustrée par des positions claires : faire de l'Accord de Paris une clause essentielle des accords commerciaux ; refuser de signer un accord avec le Mercosur dès lors qu'il serait destructeur pour la planète, notamment en raison de la déforestation. Qu'en est-il de vos échanges avec l'Allemagne sur ce sujet ? Pourquoi ne pas présenter avec votre homologue une thématique sur ce sujet à l'Assemblée parlementaire franco-allemande ? Nous devons sortir de l'opposition caricaturale entre ceux qui considèrent que le commerce international est mauvais pour la planète et les ultra-libéraux afin de créer un véritable levier d'action : faire du commerce avec l'Europe doit signifier respecter un certain nombre d'engagements pour le climat.

L'absence de législation forte européenne sur le cloud crée une asymétrie face au Cloud Act américain, qui fragilise les données des entreprises européennes dès lors qu'une entreprise américaine les héberge, que ce soit aux États-Unis ou en Europe. Pensez-vous qu'un European Cloud Act soit envisageable ?

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Le groupe socialiste reste très préoccupé par l'approche très favorable au libre-échange de votre gouvernement. À quelques jours de la prochaine réunion avec vos homologues de l'Union européenne, je saisis donc l'occasion de votre audition pour rappeler que les députés du groupe Socialistes et apparentés ne peuvent soutenir les multiples accords de libre-échange voulus et conclus sans transparence par la Commission européenne. En effet, d'après nous, ils entrent en contradiction avec nos objectifs de juste échange et font de la libération du commerce une solution illusoire.

Plus particulièrement, je souhaite rappeler notre opposition à l'accord commercial avec le Mercosur. Je signale à ce propos qu'une récente étude a montré que la forêt amazonienne, dans sa partie brésilienne, émet désormais davantage de carbone qu'elle n'en absorbe.

De même, tout accord commercial avec l'Inde ou la Chine devrait être particulièrement exigeant en matière de respect des droits de l'homme et des normes environnementales. Ne limitons pas l'ambition européenne à la construction d'une simple zone de libre-échange.

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En 2019, la France était la première destination en Europe pour les projets d'investissement étrangers, dépassant pour la première fois le Royaume-Uni. Ces résultats encourageants, fruit de l'amélioration de notre compétitivité-coût de 4 % depuis 2017 et du renforcement de notre appareil productif, sous l'effet des réformes économiques engagées depuis le début du quinquennat, nous invitent à poursuivre dans cette voie pour relancer notre économie après la crise. Grâce au plan France relance, en particulier son volet export déployé en articulation avec les régions, grâce à l'accompagnement personnalisé fourni par la Team France Export, sous votre autorité, nos entreprises exportatrices disposent de solides atouts pour repartir à la conquête du commerce international. Je le constate à chaque fois que je me déplace dans ma circonscription, du Sénégal au Maroc, de la Côte d'Ivoire à la Tunisie en passant par la Guinée ou le Mali, comme je le constate au Burkina Faso où je me trouve. Dans ce contexte, le développement des liens entre les chaînes de valeur européennes et africaines doit contribuer à renforcer la résilience économique des deux continents.

Malgré ces avancées économiques, il existe un certain nombre de barrières culturelles, en France, qui conduisent à ignorer l'apport des entrepreneurs français à l'étranger à notre balance commerciale et créent une certaine frilosité de la part des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises lorsqu'il s'agit de s'implanter en Afrique. Monsieur le ministre, comment pouvons-nous dépasser ces barrières culturelles et administratives qui, depuis trop longtemps, entravent notre commerce extérieur et notre attractivité ?

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Le conflit qui sévit actuellement entre Israël et la Palestine ne saurait être passé sous silence. Il nous revient, en tant que membres de la communauté internationale et de l'Union européenne, d'affronter le défi qu'il représente : celui de la paix entre ennemis, qui doit commencer par le dialogue.

Nos concitoyens s'opposent à ce que notre argent serve à financer la police militarisée, l'occupation et le système d'oppression violente de quelque pays que ce soit. Cela vaut en ce qui concerne notre commerce avec Israël et doit nous conduire à nous interroger sur les financements européens auxquels la France participe à destination des territoires palestiniens. Non seulement cette guerre a nécessairement des répercussions dans notre pays, mais elle nous importe parce que la notion même de droits humains universels y est constamment bafouée. Nous sommes opposés à l'occupation illégale des territoires palestiniens qui est totalement contraire au droit international. Votre gouvernement s'est fait le chantre du commerce comme outil diplomatique. Quelles mesures sérieuses allez-vous prendre en France et défendre lors de la prochaine réunion des ministres du commerce de l'Union européenne pour contrer ces annexions de facto et cet écrasement de tout un peuple, qui n'a que trop duré ?

Monsieur le ministre, il vous faut éclaircir ce point de notre politique commerciale car notre politique de sanctions économiques est illisible et, de ce fait, n'est pas crédible. On sanctionne le Venezuela en suivant les États-Unis et on affame le peuple vénézuélien ; pour quel motif ? Pourquoi ne procède-t-on pas aux mêmes sanctions économiques ciblées en Guinée ou au Togo, où les régimes en place violent tous les principes de la démocratie et de l'État de droit ?

Les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni viennent d'imposer de nouvelles sanctions aux dirigeants de la junte militaire birmane. Quelle position défendra la France au sein de l'Union européenne, sachant que l'entreprise Total a d'importants intérêts économiques en Birmanie et semble continuer de travailler avec la junte militaire ? Cela renvoie au projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui pose la question des responsabilités sociales des entreprises françaises à l'étranger et de leur devoir de vigilance.

Le commerce en accord avec nos valeurs humaines et environnementales et la responsabilité sociétale des entreprises ne sont-ils, dans l'esprit du gouvernement, que des formules cosmétiques qui ne supportent pas l'épreuve du réel ?

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Je voudrais réaffirmer, au nom de mon groupe, que les traités de libre-échange, comme celui en préparation avec le Mercosur, sont totalement inacceptables. Ils instituent en effet une déréglementation massive qui entraînera des privatisations ainsi que des destructions d'emploi et conduira à l'aggravation du problème climatique.

Je souhaite vous questionner sur le traité sur la charte de l'énergie. Alors que nous avons supprimé une multitude de traités bilatéraux, cette charte de l'énergie demeure. Mixte parfait entre protection des investissements et destruction de l'environnement, ce traité constitue un obstacle évident à la transition énergétique et à l'objectif européen de neutralité carbone à l'horizon 2050. Grâce à lui, les investisseurs peuvent contester devant un tribunal d'arbitrage les législations nationales visant à interdire le forage pétrolier ou à stopper la production d'énergie nucléaire et obtenir en retour de très fortes compensations. La peur est du côté des gouvernants, ce qui est absurde. Il faut impérativement inverser le rapport de force pour faire advenir une véritable transition écologique de l'économie. La France compte-t-elle demander la suppression du traité ? Sera-t-elle enfin à la pointe de ce combat ?

La question des droits humains et celle de la responsabilité sociale des entreprises doivent être au cœur de la politique commerciale. Il faut introduire dans les accords commerciaux mis en place par l'Union européenne une clause qui oblige les États à respecter le droit international. Cela permettrait de ne pas signer d'accords commerciaux avec le Maroc qui pille les ressources du Sahara occidental sans en payer le prix et sans que l'Union européenne exige la tenue d'un référendum d'autodétermination. Cela permettrait aussi de boycotter les produits israéliens issus des colonies qui sont fabriqués dans un État d'apartheid qu'il serait temps d'arrêter de soutenir. À l'occasion de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, monsieur le ministre, notre pays agira-t-il en ce sens ?

La crise liée à l'épidémie de la covid-19 a montré qu'il était urgent d'investir de nouveau dans notre économie pour maintenir notre autonomie, qu'il s'agisse de l'alimentation, de l'industrie lourde ou de la défense. Or l'Europe s'achemine vers la suppression totale des subventions, des accompagnements d'État. Cette stratégie est absurde. Face à nous, les États‑Unis et la Chine n'hésitent pas, quand c'est nécessaire, à accompagner leur industrie pour la préserver. Ils savent prendre des mesures protectionnistes, tandis que l'Europe se laisse tondre la laine sur le dos. Monsieur le ministre, envisagez-vous de modifier notre relation avec l'Union européenne sur ces questions commerciales ?

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Les questions de mes collègues ne sont pas simplement des questions techniques ; elles ont toutes une très forte incidence politique, ce qui montre que la politique commerciale porte nos conceptions des relations internationales, des valeurs et des objectifs fondamentaux. De la même façon, c'est un ministre pleinement politique qui va nous répondre.

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Franck Riester, ministre

Nous sommes pleinement mobilisés pour lutter contre la diffusion d'images d'attentats terroristes sur les réseaux sociaux, et entretenir l'initiative que nous avons lancée avec la Nouvelle-Zélande par le biais de l'appel de Christchurch.

L'Europe doit inscrire sa politique commerciale dans le XXIe siècle. Nous devons en effet bâtir une politique commerciale qui nous permette de continuer à entretenir des relations fortes avec des pays tiers, car nous avons besoin d'échanges internationaux, mais aussi d'être moins dépendants, en diversifiant nos approvisionnements et en relocalisant une partie de nos chaînes de valeur. En outre, les échanges ne doivent pas se faire au détriment de la planète et des droits sociaux. Il nous faut donc trouver un équilibre pour constituer un marché qui permette des échanges internationaux tout en faisant droit aux préoccupations à l'égard du développement durable et du droit du travail et en protégeant nos entreprises face à la concurrence déloyale d'autres pays.

La contribution de la Commission européenne sur la révision de la politique commerciale est proche des positions françaises, ce qui nous porte à l'optimisme. En revanche, un certain nombre de pays du nord et de l'est de l'Europe, parmi lesquels il faut notamment compter l'Allemagne, gardent une vision très ouverte du commerce international et demeurent réticents à utiliser les accords commerciaux comme un levier pour porter nos convictions et nos combats.

Nous sommes convaincus que cette politique commerciale est bonne pour notre économie : baisser les tarifs douaniers facilite les échanges. L'augmentation de ces taxes nuirait à notre économie. Ainsi, lorsque les États-Unis ont appliqué des taxes de 25 % sur les vins et spiritueux, leur exportation a chuté massivement. Mais nous n'accepterons pas de faciliter les échanges à n'importe quel prix.

Ainsi, nous refusons de signer l'accord avec le Mercosur en l'état, étant donné les conséquences terribles qu'il aurait sur le climat et la forêt amazonienne. La position française consiste donc à exiger des garanties vérifiables et quantifiables concernant le respect de l'Accord de Paris sur le climat, la lutte contre la déforestation, le respect des normes sanitaires ou phytosanitaires, pour signer l'accord avec le Mercosur. Nous ne nous contenterons pas de déclarations politiques. En outre, nous, Européens, devons nous doter d'outils pour lutter contre la déforestation, notamment d'un instrument de lutte contre la déforestation importée, et mettre en œuvre un suivi de ces garanties avant de signer cet accord.

Comme je l'ai dit récemment à mon homologue britannique, il est inacceptable que les Britanniques ne respectent ni l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne du 30 janvier 2020, ni l'accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni du 30 décembre 2020. La question des contrôles entre la mer d'Irlande et la Grande-Bretagne est très sensible pour les Britanniques, car il y va de la paix en Irlande du Nord. Mais nous ne pouvons pas accepter de revenir en arrière sur des négociations si importantes. La Grande-Bretagne ne doit pas devenir une plateforme de réexportation de produits ne respectant pas les conditions que nous exigeons de nos partenaires.

Les négociations sur le contentieux Airbus-Boeing progressent, en particulier en ce qui concerne le cadre de financement de l'aéronautique. En effet, les Américains commencent à admettre que nous utilisions le système d'avances remboursables, ce qu'ils refusaient jusqu'ici. En outre, nous devons déterminer l'attitude à adopter à l'égard de la Chine et notamment de la Commercial Aircraft Corporation of China (Comac), qui a recours à des pratiques déloyales.

Le secteur des données numériques est en pleine évolution. Le projet de règlement européen de « E-evidence » est piloté par le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti en lien avec le commissaire européen à la justice Didier Reynders. Nous négocions actuellement avec les États-Unis sur la preuve électronique afin de limiter les risques liés au Cloud Act, qui constitue le type même de législation extraterritoriale contre lequel nous devons protéger nos entreprises. Nous devons affirmer notre souveraineté, notre puissance, refuser absolument ce type de pratiques et nous armer en conséquence.

Nous participons actuellement à des négociations sur l'e-commerce au sein de l'OMC. Nous devons protéger la vie privée, préserver notre capacité à réguler pour des motifs légitimes et bâtir notre autonomie stratégique dans le domaine numérique.

Le plan de relance européen, avec un endettement commun de 750 milliards d'euros, sur une initiative franco-allemande, constitue une avancée historique. Il faut respecter le processus démocratique européen — rappelons que ce délai ne nous handicape pas dans la réalisation du plan de relance qui est déjà à l'œuvre en France. Cependant, nous souhaitons pouvoir bénéficier à l'été des fonds européens.

Le Président de la République veut faciliter la constitution d'un environnement favorable aux affaires dans notre pays, accroître la compétitivité, donner les marges de manœuvre financières, permettre les innovations, pour que nous puissions mieux vendre nos produits à l'international. La France était en 2019 le premier pays européen en nombre d'investissements sur son sol et en termes d'image. C'est le fruit de notre politique : nous avons baissé la fiscalité sur le capital et sur les sociétés, assoupli l'organisation du travail, misé sur les talents, la formation, les jeunes, la recherche et l'innovation. Nous travaillons à rendre notre pays plus compétitif et plus attractif.

En 2020, le nombre des projets d'investissement a baissé, mais cette baisse a été moindre que pour la moyenne des pays européens et bien plus faible que pour l'ensemble du monde. L'image de la France reste bonne. Les entreprises et les investisseurs ont apprécié les mesures d'urgence prises pour protéger l'outil économique ainsi que les salariés qui sont dans les entreprises. En effet, quand l'économie repartira, les entreprises auront besoin de travailleurs qualifiés ; elles auront besoin des meilleurs. Le plan de relance est très bien perçu par les investisseurs étrangers parce qu'il mise sur l'investissement, sur l'avenir et sur les compétences dans tous nos territoires.

Notre position au sujet de la Birmanie est claire : nous voulons frapper les intérêts économiques de la junte mais préserver la population civile. Total, comme les autres entreprises, est soumis au devoir de vigilance depuis la loi Potier du 27 mars 2017. Le parlement français a été pionnier en la matière. En outre, nous souhaitons favoriser l'extension du devoir de vigilance ou de diligence au niveau européen, en soutenant le commissaire Didier Reynders qui œuvre dans ce sens.

Les négociations avec la Nouvelle-Zélande ont commencé en 2018. Nous avons des intérêts très clairs à ce qu'un accord soit conclu, dans le cadre des marchés publics ou de l'accès au marché des cosmétiques ou de l'automobile, par exemple. Nous restons vigilants à l'égard de marchés très sensibles comme la viande ou les produits laitiers. Nous voulons que cet accord futur avec la Nouvelle-Zélande symbolise ce qu'est un accord de libre-échange au XXIe siècle, en prenant en compte la protection de nos entreprises, des filières sensibles, du développement durable et des droits sociaux. L'Accord de Paris doit ainsi en être une clause essentielle. Nous cherchons à convaincre la Commission d'adopter cette position ; les discussions actuelles vont dans le bon sens.

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La création de nombreux instruments dans l'espace communautaire ne fait-elle pas le cercueil de la discipline collective de l'OMC ? Ils permettraient en effet d'anticiper sans attendre les décisions de l'OMC. Je comprends que l'on ait cherché à mettre en place une telle politique dans le contexte de 2020 ; cependant ce contexte a changé avec l'arrivée au pouvoir de Joe Biden et le consensus obtenu autour de la nomination de Mme Ngozi Okonjo-Iweala. Est-il possible de faire revivre l'OMC dans un champ multilatéral ? Peut-on aller au-delà de la résolution des difficultés bilatérales ? La stratégie commerciale communautaire peut-elle être révisée en fonction des développements possibles de l'OMC ?

La députée européenne Marie-Pierre Vedrenne a proposé un amendement visant à refuser de ratifier l'accord avec le Mercosur en l'état dès lors que le Brésil ne respecte pas l'Accord de Paris, lequel a été voté à une forte majorité par le Parlement européen. Quel sens a le legal screening sur l'accord avec le Mercosur si nous savons que nous ne pourrons pas aller au bout des négociations ?

La mise en œuvre de la zone de libre-échange commerciale africaine s'est accélérée : elle devrait être en place en juin 2021. Comment s'articule-t-elle avec notre propre politique commerciale et avec ce que nous avons déterminé avec l'Union européenne ?

Je conclurai en signalant que le rapport publié par Business France sur l'attractivité de la France en 2020, qui fait état de bonnes performances, est trop volumineux. Une plus grande sobriété mettrait mieux en valeur les bons résultats.

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Où en sont les négociations entre l'Union européenne et l'Inde autour d'un potentiel accord de libre-échange que le président du Conseil européen, M. Charles Michel, a annoncé le 8 mai 2021 ? Il a précisé que les négociations porteraient sur le commerce, la protection des investissements et les indications géographiques, qui comptent effectivement parmi les préoccupations actuelles de la France et de l'Union européenne. Quelles sont les ambitions de l'Union européenne en entrant dans ces négociations ? Quel est le calendrier de ces négociations ? À quel horizon peut-on espérer la conclusion d'un tel accord ? Dans quelle mesure cet accord s'inscrit-il dans la stratégie indopacifique que cherche à déployer la France ? En constitue-t-il le volet économique ?

Pourriez-vous nous renseigner sur la mise en œuvre des accords de libre-échange signés ces dernières années par l'Union européenne ? Ainsi, les accords avec le Japon, avec le Vietnam et avec Singapour sont entrés en vigueur en 2019 et 2020. Quelles sont leurs premières retombées économiques, ainsi que l'impact que pourrait avoir la crise sanitaire sur leur application à moyen et long terme ?

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Les matières premières sont à la fois une bénédiction et une malédiction. C'est ce que l'on appelle le syndrome hollandais, auquel peut s'ajouter l'instabilité des marchés. Après une chute mondiale en 2020, les prix des matières premières connaissent cette année une hausse considérable. Les prix des céréales ont grimpé de 22 % en moyenne, le cours du pétrole brut a pris 30 % et celui du bois de construction a triplé au cours des douze derniers mois. Les répercussions de ces augmentations ont été immédiates : le secteur du bâtiment et des travaux publics connaît depuis plusieurs mois une envolée du coût des matières premières et des pénuries de matériaux. Pour certains produits, les fournisseurs ne donnent plus ni prix ni délai de livraison. En outre, la crise pandémique et l'explosion de la demande, notamment à travers le e - commerce, ont entraîné des problèmes logistiques. En mars 2021, le blocage du canal de Suez pendant près d'une semaine par le méga-navire Ever Given a engendré une nouvelle flambée des coûts de fret, quand près de 90 % des biens que nous consommons sont transportés par des navires. Cet accident a mis en lumière l'état actuel du commerce mondial : les marchandises en conteneurs s'accumulent dans certains ports, tandis qu'elles manquent dans d'autres.

Enfin, n'oublions pas de mentionner le rapport de l'agence internationale de l'énergie qui alerte les États sur la concertation nécessaire afin de garantir demain leur approvisionnement en minerais indispensables à la construction des voitures électriques, de panneaux photovoltaïques et d'éoliennes. Comment garantir une stabilité des marchés afin de permettre la reprise et le verdissement de notre économie ?

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La traçabilité des produits israéliens n'est pas assurée. Pour ma part, je n'en ai jamais consommé et je n'en consommerai pas tant que le conflit israélo‑palestinien ne sera pas réglé. De manière générale, comment la traçabilité des produits est-elle mise en œuvre aujourd'hui ?

Par ailleurs, travaillez-vous sur les technologies de blockchain sécurisées, adaptables et décentralisées ? Elles facilitent le travail des douanes, améliorent le flux et permettent de contrôler les données des personnes.

Enfin, comment luttons-nous contre des pratiques néfastes pour les entreprises européennes telles que l'extraterritorialité des lois américaines ?

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Contre ceux qui critiquent notre engagement européen, je veux souligner combien nous avons de la chance de faire partie d'un bloc capable de négocier fermement face aux États-Unis ou à la Chine. L'Europe est désormais moins naïve dans ses négociations commerciales et se dote d'outils permettant de riposter à des agressions économiques. La France est à la pointe de ce combat.

Le multilatéralisme est souvent critiqué pour sa lourdeur ou pour ses résultats qui ne correspondent pas forcément aux attentes de tous. Ce sont pourtant ces compromis qui empêchent la guerre économique totale et contraignent les États à se plier à des règles communes, telles que celles de l'Organisation internationale du travail.

Vous avez rencontré récemment Mme Ngozi Okonjo-Iweala, la première femme et première Africaine à prendre la tête de l'OMC, qui est le principal outil de ce multilatéralisme. Non seulement Mme Ngozi Okonjo-Iweala s'est battue contre la corruption au Nigeria lorsqu'elle était ministre des finances, mais elle est une experte de la question des brevets sur les vaccins. Sa nomination suscite de l'espoir. L'un des enjeux de son mandat est la résolution de la crise qui paralyse l'instance d'appel de l'organe de règlement des différends bloqué depuis des mois par les États-Unis. Si les défis sont nombreux pour l'OMC, la question la plus importante est sans doute celle des réformes globales de cette organisation. Quelles réformes Mme Ngozi Okonjo-Iweala entend-elle mener en priorité ? Ce mandat, dont on dit qu'il est celui de la dernière chance, s'annonce-t-il en phase avec les positions françaises et européennes ?

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La France exige des garanties pour lutter contre la déforestation en Amazonie avant de signer l'accord du Mercosur. J'ai appelé moi-même à ouvrir une réflexion sur ce sujet au niveau européen dans le rapport d'information pour la commission des affaires européennes sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Pensez-vous qu'il soit possible de mettre en œuvre des mesures contraignantes afin d'obtenir ces garanties ? Est-ce envisageable, alors que nous savons que des divergences persistent entre les États membres de l'Union européenne quant à la signature de cet accord ?

Les standards sanitaires et commerciaux imposés à nos partenaires extérieurs sont moins exigeants que ceux que doivent respecter nos agriculteurs, ainsi que me le rappellent souvent les agriculteurs de ma circonscription bretonne. Cette incohérence de notre politique commerciale, qui est également dénoncée par la société civile, pourrait-elle faire l'objet d'une révision dans le cadre de la conférence sur l'avenir de l'Europe ? La question de la politique commerciale, notamment du volet environnemental de nos importations agricoles, peut-il y faire l'objet d'une réflexion ?

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Comment accompagner, étape par étape, les producteurs de champagne qui souhaiteraient exporter leur marchandise ? Les vignerons et les négociants les plus importants savent s'organiser, mais les plus petites structures rencontrent beaucoup de difficultés pour accéder à des marchés extérieurs.

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Le Président de la République française a réagi de manière très réfléchie à la proposition de président américain concernant les brevets sur les vaccins. Quelle est votre position sur cette question importante ?

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Franck Riester, ministre

Une partie du plan de relance est dédiée à l'export, à hauteur de 247 millions d'euros, afin d'assurer aux entreprises une meilleure information sur les pays vers lesquels elles désirent exporter leurs marchandises. Les chèques relance export leur donnent des moyens de baisser leurs coûts de prospection à l'international, dans une démarche individuelle ou collective, physique ou numérique. Nous avons ainsi créé une e - vitrine sectorielle qui permet à de petits producteurs, qui n'en auraient pas les moyens autrement, d'exposer largement leur production à l'international ; ce système existe pour les cosmétiques ainsi que pour l'agroalimentaire. Dans d'autres secteurs d'activité, nous avons créé des zones spécifiques pour les produits français dans des plateformes de marchés numériques.

Nous aidons également les entreprises grâce à des financements supplémentaires, notamment par le biais des outils d'assurance prospection, qui permettent de baisser le coût des prospections des entreprises afin d'accroître leur audace pour accéder à l'international. Nous garantissons aussi des assureurs crédit privés pour leurs assurances crédit export, car nous connaissons leurs difficultés dans ce domaine.

Nous devons aider les jeunes à trouver un travail, notamment à l'international. Pour renforcer le programme du volontariat international en entreprise (VIE) qui permet à des jeunes de travailler pendant deux ans à l'international, nous avons mis en place un chèque relance VIE.

Nous voulons mettre en place une campagne de communication sur notre marque‑pays « France », qui a des atouts considérables, à la manière de la campagne Great lancée par la Grande-Bretagne. Atout France communique beaucoup sur la France comme destination touristique, mais nous ne communiquons pas assez sur la France innovante, riche de son patrimoine, de sa culture, de ses savoir-faire, de ses femmes et hommes de talent.

Comment tirer parti des initiatives des Français qui créent des entreprises de droit local dans de nombreux pays de par le monde ? Nous devrions les solliciter davantage pour utiliser leurs réseaux et leur connaissance du pays au service du déploiement des entreprises françaises. Je veux mieux animer cette équipe de France en matière de commerce, car les entrepreneurs français à l'étranger constituent une richesse considérable.

Nous sommes décidés à renforcer nos partenariats avec l'Afrique, où j'effectue de nombreux déplacements. Au sommet Afrique-France qui aura lieu en octobre 2021 à Montpellier, le Président de la République a souhaité réunir des acteurs de la société civile – des universitaires, des acteurs du monde associatif et des entrepreneurs. L'Agence française de développement (AFD) a lancé l'opération Choose Africa Resilience qui permet de financer des entreprises africaines. Je suis absolument convaincu de l'importance de ces échanges avec l'Afrique : tous les partenaires y gagnent. La zone de libre-échange continentale africaine, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, est importante pour l'avenir de ce continent. Elle se met en place de manière progressive, et nous apportons à l'Afrique une assistance technique dans ce sens. Nous continuons de développer des accords bilatéraux de partenariat économique, mais à terme, notre objectif est de conclure un accord entre l'Afrique et l'Union européenne.

Je réaffirme que nous devons prendre des mesures contre l'usage extraterritorial du droit ou de la monnaie, qui cause aujourd'hui des tensions avec les États-Unis et en causera demain avec d'autres pays. La France ne se laissera pas dicter avec qui elle devra commercer.

Nous voulons promouvoir les négociations multilatérales, car la réponse aux enjeux globaux doit être multilatérale. L'OMC doit concourir à bâtir un commerce équitable, durable et juste. Nous devons améliorer le fonctionnement de l'OMC pour le règlement des différends aussi bien que pour ses missions de négociation commerciale. Un tel renforcement n'exclut pas que l'Union européenne travaille à assurer la protection de nos entreprises et à faire entendre nos préoccupations en matière de développement durable. Au sein de l'OMC, nous luttons contre la pollution des océans par le plastique, par exemple ; nous voulons trouver un accord pour la lutte contre la pêche illégale avant la tenue de la 12e conférence ministérielle de l'OMC.

Je le répète : en l'état, il ne faut pas signer l'accord avec le Mercosur. Cependant, nous pouvons travailler de manière technique sur cet accord et même utiliser les négociations pour bâtir les accords de libre-échange du XXIe siècle, qui prennent en compte la lutte contre le réchauffement climatique, la lutte contre la déforestation importée ainsi que le respect des normes sanitaires et phytosanitaires.

L'Union européenne a interdit l'importation de viande d'animaux nourris aux hormones. D'ici à 2022, nous interdirons l'importation de viande d'animaux ayant reçu des antibiotiques comme facteurs de croissance, dans l'objectif de lutter contre l'antibiorésistance. Avec le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, Julien Denormandie, nous voulons créer de nouvelles mesures-miroirs dans la réglementation agricole européenne, qui pourront être étendues à la politique commerciale dans son ensemble. La concurrence doit être loyale : les normes doivent être les mêmes pour les produits des agriculteurs européens et ceux de nos partenaires.

L'Europe souhaite approfondir sa coopération commerciale avec l'Inde. À Porto, le 8 mai dernier, le président du Conseil de l'Union, la présidente de la Commission européenne et le premier ministre indien, M. Modi, ont échangé avec les vingt-sept États membres au sujet de ce partenariat stratégique. Nous relançons la négociation de l'accord de libre-échange au point mort depuis 2013 ; nous lançons une négociation d'accord sur la protection des investissements, une autre sur la protection des indications géographiques. Ainsi, nous cherchons à lever un certain nombre d'obstacles récurrents au commerce entre l'Union européenne et l'Inde. Ces négociations s'inscrivent dans la stratégie indopacifique de la France.

L'accord entre l'Union européenne et le Japon est entré en vigueur en février 2019. Les exportations de la France vers le Japon ont augmenté de 16 % en 2019, notamment en raison des exportations de vins et de produits laitiers.

Le traité sur la charte de l'énergie a contribué à sécuriser les investissements dans le secteur de l'énergie. Aujourd'hui, nous pensons tous qu'il est largement obsolète, notamment parce qu'il ne protège pas le droit à réguler des États, qu'il ne tient pas compte de l'Accord de Paris et qu'il prévoit des tribunaux d'arbitrage privés. Nous voulons donc le moderniser. Si la négociation n'avance pas plus vite, nous sommes prêts à organiser un retrait coordonné avec nos partenaires européens. En effet, nous devons retrouver des marges de manœuvre pour mieux défendre nos convictions en matière de développement durable.

Il est vrai que nous constatons, dans un certain nombre d'activités, une pénurie de matières premières, du fait de la perturbation des chaînes d'approvisionnement par la crise sanitaire et de la dynamique économique de certaines zones comme l'Asie qui attirent les matières premières. Par conséquent, nous subissons des ruptures d'approvisionnement et un renchérissement des matières premières. De même, les transports ont été aimantés vers la zone Pacifique au détriment de l'Europe, ce qui a entraîné pour celle-ci un renchérissement du transport, notamment en conteneurs. Il est donc urgent de bâtir notre autonomie stratégique, de constituer des stocks stratégiques pour un certain nombre de composants et de produits et de relocaliser tout ou partie de certaines de nos chaînes de valeur. Nous devons accélérer le développement de notre stratégie industrielle au niveau national et au niveau européen sous l'impulsion de Thierry Breton, afin de garantir notre autonomie stratégique.

Dès le début de la pandémie, le Président de la République a affirmé que la France souhaitait la solidarité internationale en matière de vaccins. La France fait partie des pays qui sont à l'origine de l'initiative Covax qui vise à financer la production, le don et la distribution de doses dans les pays où n'existe pas la chaîne de valeur qui permettrait de créer ces vaccins. Ces mécanismes de solidarité n'ont pas pu jouer à plein tant qu'il y avait une pénurie très forte, mais aujourd'hui ils fonctionnent de mieux en mieux.

La question des vaccins est moins un problème de droit de la propriété intellectuelle que de production et de distribution. La question de la propriété intellectuelle est déjà réglée dans le droit existant, grâce à des exceptions. Il est nécessaire de réunir les moyens financiers et logistiques pour produire des vaccins partout dans le monde, les distribuer, et lutter contre les barrières à l'exportation d'intrants. Nous nous réjouissons que les Américains se saisissent aussi de ces problèmes. Rappelons toutefois que les États-Unis n'ont pas exporté de vaccins, tandis que l'Europe a exporté plus de 180 millions de doses des vaccins qu'elle a produits.

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Sommes-nous gênés par le blocage de certains intrants ?

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Franck Riester, ministre

Au sein de l'OMC, nous soutenons une troisième voie qui consiste à lutter contre les barrières à l'exportation d'intrants ou de vaccins.

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Les États-Unis n'ont pas exporté de vaccins ; c'est un fait. Ont-ils restreint l'exportation d'intrants, limitant ainsi notre propre production ?

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Franck Riester, ministre

Je ne crois pas que les États-Unis aient restreint l'exportation d'intrants, mais je vais examiner cette question et vous ferai parvenir une réponse précise sur ce point.

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Les citoyens ont besoin de comprendre la compétence que l'on a donné à l'Union européenne en matière de politique commerciale. Il me semble intéressant d'aborder ce sujet lors de la conférence sur l'avenir de l'Europe.

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Franck Riester, ministre

Effectivement, il faut que les citoyens se saisissent de cette conférence. Je vous remercie de cette proposition.

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Je pense que le rôle de cette conférence sur l'avenir de l'Europe doit être d'aider l'Union européenne à faire sa révolution copernicienne : elle doit cesser de considérer que ses problèmes sont avant tout des problèmes de marché intérieur, pour comprendre que le problème principal est celui du rapport au monde extérieur, sur tous les plans – géopolitique, militaire, commercial et économique.

Comme je vous l'ai dit, nous pensons, pour la plupart d'entre nous, que les dossiers de la France sont solides et bien orientés. Notre préoccupation est de savoir comment être entendus, ce qui pose la question de nos rapports de force avec nos partenaires, la Commission et le Parlement européen. Vous nous avez montré que la Commission européenne soutenait les thèmes que défend la France, bien plus qu'elle ne le faisait auparavant.

Retenez de cette réunion que nous souhaitons résolument que la France défende haut et fort ses positions. Nous avons le sentiment d'avoir raison, dans l'ensemble, même si parfois, nous nous sentons bien seuls à soutenir ces orientations, ce qui est toujours ennuyeux en politique. Nous attendons beaucoup de vous, car ces grands enjeux commerciaux et économiques sont fondamentaux pour l'avenir de l'Union européenne.

La séance est levée à 19 heures 35.