Intervention de Franck Riester

Réunion du mardi 18 mai 2021 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Franck Riester, ministre :

Une partie du plan de relance est dédiée à l'export, à hauteur de 247 millions d'euros, afin d'assurer aux entreprises une meilleure information sur les pays vers lesquels elles désirent exporter leurs marchandises. Les chèques relance export leur donnent des moyens de baisser leurs coûts de prospection à l'international, dans une démarche individuelle ou collective, physique ou numérique. Nous avons ainsi créé une e - vitrine sectorielle qui permet à de petits producteurs, qui n'en auraient pas les moyens autrement, d'exposer largement leur production à l'international ; ce système existe pour les cosmétiques ainsi que pour l'agroalimentaire. Dans d'autres secteurs d'activité, nous avons créé des zones spécifiques pour les produits français dans des plateformes de marchés numériques.

Nous aidons également les entreprises grâce à des financements supplémentaires, notamment par le biais des outils d'assurance prospection, qui permettent de baisser le coût des prospections des entreprises afin d'accroître leur audace pour accéder à l'international. Nous garantissons aussi des assureurs crédit privés pour leurs assurances crédit export, car nous connaissons leurs difficultés dans ce domaine.

Nous devons aider les jeunes à trouver un travail, notamment à l'international. Pour renforcer le programme du volontariat international en entreprise (VIE) qui permet à des jeunes de travailler pendant deux ans à l'international, nous avons mis en place un chèque relance VIE.

Nous voulons mettre en place une campagne de communication sur notre marque‑pays « France », qui a des atouts considérables, à la manière de la campagne Great lancée par la Grande-Bretagne. Atout France communique beaucoup sur la France comme destination touristique, mais nous ne communiquons pas assez sur la France innovante, riche de son patrimoine, de sa culture, de ses savoir-faire, de ses femmes et hommes de talent.

Comment tirer parti des initiatives des Français qui créent des entreprises de droit local dans de nombreux pays de par le monde ? Nous devrions les solliciter davantage pour utiliser leurs réseaux et leur connaissance du pays au service du déploiement des entreprises françaises. Je veux mieux animer cette équipe de France en matière de commerce, car les entrepreneurs français à l'étranger constituent une richesse considérable.

Nous sommes décidés à renforcer nos partenariats avec l'Afrique, où j'effectue de nombreux déplacements. Au sommet Afrique-France qui aura lieu en octobre 2021 à Montpellier, le Président de la République a souhaité réunir des acteurs de la société civile – des universitaires, des acteurs du monde associatif et des entrepreneurs. L'Agence française de développement (AFD) a lancé l'opération Choose Africa Resilience qui permet de financer des entreprises africaines. Je suis absolument convaincu de l'importance de ces échanges avec l'Afrique : tous les partenaires y gagnent. La zone de libre-échange continentale africaine, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, est importante pour l'avenir de ce continent. Elle se met en place de manière progressive, et nous apportons à l'Afrique une assistance technique dans ce sens. Nous continuons de développer des accords bilatéraux de partenariat économique, mais à terme, notre objectif est de conclure un accord entre l'Afrique et l'Union européenne.

Je réaffirme que nous devons prendre des mesures contre l'usage extraterritorial du droit ou de la monnaie, qui cause aujourd'hui des tensions avec les États-Unis et en causera demain avec d'autres pays. La France ne se laissera pas dicter avec qui elle devra commercer.

Nous voulons promouvoir les négociations multilatérales, car la réponse aux enjeux globaux doit être multilatérale. L'OMC doit concourir à bâtir un commerce équitable, durable et juste. Nous devons améliorer le fonctionnement de l'OMC pour le règlement des différends aussi bien que pour ses missions de négociation commerciale. Un tel renforcement n'exclut pas que l'Union européenne travaille à assurer la protection de nos entreprises et à faire entendre nos préoccupations en matière de développement durable. Au sein de l'OMC, nous luttons contre la pollution des océans par le plastique, par exemple ; nous voulons trouver un accord pour la lutte contre la pêche illégale avant la tenue de la 12e conférence ministérielle de l'OMC.

Je le répète : en l'état, il ne faut pas signer l'accord avec le Mercosur. Cependant, nous pouvons travailler de manière technique sur cet accord et même utiliser les négociations pour bâtir les accords de libre-échange du XXIe siècle, qui prennent en compte la lutte contre le réchauffement climatique, la lutte contre la déforestation importée ainsi que le respect des normes sanitaires et phytosanitaires.

L'Union européenne a interdit l'importation de viande d'animaux nourris aux hormones. D'ici à 2022, nous interdirons l'importation de viande d'animaux ayant reçu des antibiotiques comme facteurs de croissance, dans l'objectif de lutter contre l'antibiorésistance. Avec le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, Julien Denormandie, nous voulons créer de nouvelles mesures-miroirs dans la réglementation agricole européenne, qui pourront être étendues à la politique commerciale dans son ensemble. La concurrence doit être loyale : les normes doivent être les mêmes pour les produits des agriculteurs européens et ceux de nos partenaires.

L'Europe souhaite approfondir sa coopération commerciale avec l'Inde. À Porto, le 8 mai dernier, le président du Conseil de l'Union, la présidente de la Commission européenne et le premier ministre indien, M. Modi, ont échangé avec les vingt-sept États membres au sujet de ce partenariat stratégique. Nous relançons la négociation de l'accord de libre-échange au point mort depuis 2013 ; nous lançons une négociation d'accord sur la protection des investissements, une autre sur la protection des indications géographiques. Ainsi, nous cherchons à lever un certain nombre d'obstacles récurrents au commerce entre l'Union européenne et l'Inde. Ces négociations s'inscrivent dans la stratégie indopacifique de la France.

L'accord entre l'Union européenne et le Japon est entré en vigueur en février 2019. Les exportations de la France vers le Japon ont augmenté de 16 % en 2019, notamment en raison des exportations de vins et de produits laitiers.

Le traité sur la charte de l'énergie a contribué à sécuriser les investissements dans le secteur de l'énergie. Aujourd'hui, nous pensons tous qu'il est largement obsolète, notamment parce qu'il ne protège pas le droit à réguler des États, qu'il ne tient pas compte de l'Accord de Paris et qu'il prévoit des tribunaux d'arbitrage privés. Nous voulons donc le moderniser. Si la négociation n'avance pas plus vite, nous sommes prêts à organiser un retrait coordonné avec nos partenaires européens. En effet, nous devons retrouver des marges de manœuvre pour mieux défendre nos convictions en matière de développement durable.

Il est vrai que nous constatons, dans un certain nombre d'activités, une pénurie de matières premières, du fait de la perturbation des chaînes d'approvisionnement par la crise sanitaire et de la dynamique économique de certaines zones comme l'Asie qui attirent les matières premières. Par conséquent, nous subissons des ruptures d'approvisionnement et un renchérissement des matières premières. De même, les transports ont été aimantés vers la zone Pacifique au détriment de l'Europe, ce qui a entraîné pour celle-ci un renchérissement du transport, notamment en conteneurs. Il est donc urgent de bâtir notre autonomie stratégique, de constituer des stocks stratégiques pour un certain nombre de composants et de produits et de relocaliser tout ou partie de certaines de nos chaînes de valeur. Nous devons accélérer le développement de notre stratégie industrielle au niveau national et au niveau européen sous l'impulsion de Thierry Breton, afin de garantir notre autonomie stratégique.

Dès le début de la pandémie, le Président de la République a affirmé que la France souhaitait la solidarité internationale en matière de vaccins. La France fait partie des pays qui sont à l'origine de l'initiative Covax qui vise à financer la production, le don et la distribution de doses dans les pays où n'existe pas la chaîne de valeur qui permettrait de créer ces vaccins. Ces mécanismes de solidarité n'ont pas pu jouer à plein tant qu'il y avait une pénurie très forte, mais aujourd'hui ils fonctionnent de mieux en mieux.

La question des vaccins est moins un problème de droit de la propriété intellectuelle que de production et de distribution. La question de la propriété intellectuelle est déjà réglée dans le droit existant, grâce à des exceptions. Il est nécessaire de réunir les moyens financiers et logistiques pour produire des vaccins partout dans le monde, les distribuer, et lutter contre les barrières à l'exportation d'intrants. Nous nous réjouissons que les Américains se saisissent aussi de ces problèmes. Rappelons toutefois que les États-Unis n'ont pas exporté de vaccins, tandis que l'Europe a exporté plus de 180 millions de doses des vaccins qu'elle a produits.

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