Intervention de Franck Riester

Réunion du mardi 18 mai 2021 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Franck Riester, ministre :

Nous sommes pleinement mobilisés pour lutter contre la diffusion d'images d'attentats terroristes sur les réseaux sociaux, et entretenir l'initiative que nous avons lancée avec la Nouvelle-Zélande par le biais de l'appel de Christchurch.

L'Europe doit inscrire sa politique commerciale dans le XXIe siècle. Nous devons en effet bâtir une politique commerciale qui nous permette de continuer à entretenir des relations fortes avec des pays tiers, car nous avons besoin d'échanges internationaux, mais aussi d'être moins dépendants, en diversifiant nos approvisionnements et en relocalisant une partie de nos chaînes de valeur. En outre, les échanges ne doivent pas se faire au détriment de la planète et des droits sociaux. Il nous faut donc trouver un équilibre pour constituer un marché qui permette des échanges internationaux tout en faisant droit aux préoccupations à l'égard du développement durable et du droit du travail et en protégeant nos entreprises face à la concurrence déloyale d'autres pays.

La contribution de la Commission européenne sur la révision de la politique commerciale est proche des positions françaises, ce qui nous porte à l'optimisme. En revanche, un certain nombre de pays du nord et de l'est de l'Europe, parmi lesquels il faut notamment compter l'Allemagne, gardent une vision très ouverte du commerce international et demeurent réticents à utiliser les accords commerciaux comme un levier pour porter nos convictions et nos combats.

Nous sommes convaincus que cette politique commerciale est bonne pour notre économie : baisser les tarifs douaniers facilite les échanges. L'augmentation de ces taxes nuirait à notre économie. Ainsi, lorsque les États-Unis ont appliqué des taxes de 25 % sur les vins et spiritueux, leur exportation a chuté massivement. Mais nous n'accepterons pas de faciliter les échanges à n'importe quel prix.

Ainsi, nous refusons de signer l'accord avec le Mercosur en l'état, étant donné les conséquences terribles qu'il aurait sur le climat et la forêt amazonienne. La position française consiste donc à exiger des garanties vérifiables et quantifiables concernant le respect de l'Accord de Paris sur le climat, la lutte contre la déforestation, le respect des normes sanitaires ou phytosanitaires, pour signer l'accord avec le Mercosur. Nous ne nous contenterons pas de déclarations politiques. En outre, nous, Européens, devons nous doter d'outils pour lutter contre la déforestation, notamment d'un instrument de lutte contre la déforestation importée, et mettre en œuvre un suivi de ces garanties avant de signer cet accord.

Comme je l'ai dit récemment à mon homologue britannique, il est inacceptable que les Britanniques ne respectent ni l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne du 30 janvier 2020, ni l'accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni du 30 décembre 2020. La question des contrôles entre la mer d'Irlande et la Grande-Bretagne est très sensible pour les Britanniques, car il y va de la paix en Irlande du Nord. Mais nous ne pouvons pas accepter de revenir en arrière sur des négociations si importantes. La Grande-Bretagne ne doit pas devenir une plateforme de réexportation de produits ne respectant pas les conditions que nous exigeons de nos partenaires.

Les négociations sur le contentieux Airbus-Boeing progressent, en particulier en ce qui concerne le cadre de financement de l'aéronautique. En effet, les Américains commencent à admettre que nous utilisions le système d'avances remboursables, ce qu'ils refusaient jusqu'ici. En outre, nous devons déterminer l'attitude à adopter à l'égard de la Chine et notamment de la Commercial Aircraft Corporation of China (Comac), qui a recours à des pratiques déloyales.

Le secteur des données numériques est en pleine évolution. Le projet de règlement européen de « E-evidence » est piloté par le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti en lien avec le commissaire européen à la justice Didier Reynders. Nous négocions actuellement avec les États-Unis sur la preuve électronique afin de limiter les risques liés au Cloud Act, qui constitue le type même de législation extraterritoriale contre lequel nous devons protéger nos entreprises. Nous devons affirmer notre souveraineté, notre puissance, refuser absolument ce type de pratiques et nous armer en conséquence.

Nous participons actuellement à des négociations sur l'e-commerce au sein de l'OMC. Nous devons protéger la vie privée, préserver notre capacité à réguler pour des motifs légitimes et bâtir notre autonomie stratégique dans le domaine numérique.

Le plan de relance européen, avec un endettement commun de 750 milliards d'euros, sur une initiative franco-allemande, constitue une avancée historique. Il faut respecter le processus démocratique européen — rappelons que ce délai ne nous handicape pas dans la réalisation du plan de relance qui est déjà à l'œuvre en France. Cependant, nous souhaitons pouvoir bénéficier à l'été des fonds européens.

Le Président de la République veut faciliter la constitution d'un environnement favorable aux affaires dans notre pays, accroître la compétitivité, donner les marges de manœuvre financières, permettre les innovations, pour que nous puissions mieux vendre nos produits à l'international. La France était en 2019 le premier pays européen en nombre d'investissements sur son sol et en termes d'image. C'est le fruit de notre politique : nous avons baissé la fiscalité sur le capital et sur les sociétés, assoupli l'organisation du travail, misé sur les talents, la formation, les jeunes, la recherche et l'innovation. Nous travaillons à rendre notre pays plus compétitif et plus attractif.

En 2020, le nombre des projets d'investissement a baissé, mais cette baisse a été moindre que pour la moyenne des pays européens et bien plus faible que pour l'ensemble du monde. L'image de la France reste bonne. Les entreprises et les investisseurs ont apprécié les mesures d'urgence prises pour protéger l'outil économique ainsi que les salariés qui sont dans les entreprises. En effet, quand l'économie repartira, les entreprises auront besoin de travailleurs qualifiés ; elles auront besoin des meilleurs. Le plan de relance est très bien perçu par les investisseurs étrangers parce qu'il mise sur l'investissement, sur l'avenir et sur les compétences dans tous nos territoires.

Notre position au sujet de la Birmanie est claire : nous voulons frapper les intérêts économiques de la junte mais préserver la population civile. Total, comme les autres entreprises, est soumis au devoir de vigilance depuis la loi Potier du 27 mars 2017. Le parlement français a été pionnier en la matière. En outre, nous souhaitons favoriser l'extension du devoir de vigilance ou de diligence au niveau européen, en soutenant le commissaire Didier Reynders qui œuvre dans ce sens.

Les négociations avec la Nouvelle-Zélande ont commencé en 2018. Nous avons des intérêts très clairs à ce qu'un accord soit conclu, dans le cadre des marchés publics ou de l'accès au marché des cosmétiques ou de l'automobile, par exemple. Nous restons vigilants à l'égard de marchés très sensibles comme la viande ou les produits laitiers. Nous voulons que cet accord futur avec la Nouvelle-Zélande symbolise ce qu'est un accord de libre-échange au XXIe siècle, en prenant en compte la protection de nos entreprises, des filières sensibles, du développement durable et des droits sociaux. L'Accord de Paris doit ainsi en être une clause essentielle. Nous cherchons à convaincre la Commission d'adopter cette position ; les discussions actuelles vont dans le bon sens.

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