Intervention de Sandra Boëlle

Réunion du mercredi 19 mai 2021 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandra Boëlle, rapporteure :

Notre commission est saisie du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord de sécurité sociale conclu entre la France et l'Organisation internationale pour l'énergie de fusion, dite organisation ITER. L'accord de sécurité sociale a été conclu en 2011, tandis que l'avenant qui nous occupe aujourd'hui a été signé le 4 octobre 2018.

Avant de vous présenter plus en détail l'accord de sécurité sociale et son avenant, je souhaite vous dire quelques mots sur l'organisation ITER et le projet du même nom.

L'organisation ITER, créée formellement en 2006, est le fruit d'une coopération internationale qui réunit la France et l'ensemble des pays membres d'Euratom, soit tous les États membres de l'Union européenne et la Suisse, ainsi que le Royaume-Uni, la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie et les États-Unis, soit trente-cinq pays partenaires, représentant plus de la moitié de la population mondiale et 85 % du potentiel industriel de la planète. Cette coopération a pour objet un projet de recherche expérimentale unique au monde, le projet ITER, acronyme anglais de « réacteur expérimental thermonucléaire international ». Concrètement, il s'agit de démontrer la faisabilité scientifique, technologique, industrielle et économique de la fusion de l'hydrogène.

La fusion de l'hydrogène est une réaction physique qui se déroule au cœur des étoiles et qui permet de générer d'immenses quantités d'énergie, d'où l'intérêt qu'elle suscite dans la communauté scientifique. La fusion nucléaire pourrait en effet devenir la source d'énergie du futur, en ayant pour avantage d'être à la fois quasiment illimitée, propre et sûre. D'ici la fin du siècle, à mesure que les combustibles fossiles disparaîtront des bouquets énergétiques, la fusion pourrait constituer un complément précieux à l'énergie provenant de sources renouvelables.

Le projet ITER, qui est l'aboutissement de plusieurs décennies de recherches, se présente ainsi comme un projet unique au monde.

L'accord international de 2006, qui a créé l'organisation ITER, a fixé une durée minimale de quarante-deux ans pour le projet. Un calendrier de mise en œuvre a ensuite été adopté, qui prévoit une atteinte progressive des objectifs de recherche entre 2025 et 2035. Nous sommes actuellement dans une phase de construction, autour d'un important chantier.

J'en viens aux liens entre ITER et la France. Si tous les membres de l'organisation sont placés sur un strict pied d'égalité, notamment pour toutes les questions de gouvernance, la France occupe une place particulière en tant que pays hôte de l'organisation. Celle-ci a son siège dans les Bouches-du-Rhône, sur le site de Cadarache à Saint-Paul-lez-Durance. Les membres s'étaient prononcés à l'unanimité en faveur de ce site du fait d'un environnement scientifique jugé de grande qualité, de la présence d'un dense tissu d'entreprises de haute technologie ou encore de l'important engagement des collectivités territoriales et notamment de la région Sud dans le projet.

La France a été amenée à prendre des engagements particuliers vis-à-vis de ses partenaires, à commencer par l'aménagement et l'équipement de la plateforme de 42 hectares qui accueille l'installation ITER. Elle apporte aussi une contribution financière particulière au sein de la contribution européenne, comme c'est le cas pour tout pays hôte d'une grande installation internationale de recherche, en raison des retombées économiques du projet sur son territoire.

Formellement, la France a été amenée à conclure avec l'organisation ITER un accord de siège. Cet accord, signé en 2007, est la première base de l'édifice juridique sur lequel nous devons nous pencher aujourd'hui. Il a été conclu pour faciliter l'activité de l'organisation tout en garantissant le respect de la législation française. Il permet en particulier d'attribuer à cette organisation et à ses fonctionnaires les privilèges et immunités habituels des organisations internationales domiciliées sur le sol français, en contrepartie d'obligations strictes.

L'article 18 de l'accord de siège formule comme principe que les personnels de l'organisation ITER et les membres de leur famille, conjoints comme enfants, sont couverts par le régime de sécurité sociale interne de l'organisation. Ils sont donc exempts de l'ensemble des cotisations obligatoires du régime de sécurité sociale français.

En pratique, l'organisation ITER mobilise aujourd'hui près de 4 000 personnes. Toutefois, l'article 18 de l'accord de siège et l'avenant qui nous occupe aujourd'hui ne concernent que les personnes directement employées par ITER, qui étaient au nombre de 989 au 31 décembre 2020. Les autres personnes sont des collaborateurs indirects, mobilisés sur le chantier par exemple. Elles bénéficient soit d'une protection sociale française, notamment pour le personnel des sous-traitants ou les travailleurs étrangers affiliés en France, soit de la couverture sociale d'un pays membre de l'organisation, pour les travailleurs détachés.

L'avenant qui nous intéresse modifie l'accord de sécurité sociale conclu en 2011 afin de compléter l'accord de siège sur la question spécifique de la protection sociale. L'accord de sécurité sociale réaffirme le principe selon lequel le personnel directement employé par ITER n'est pas soumis à la législation française de sécurité sociale, mais ouvre la possibilité pour les salariés qui le souhaitent d'adhérer à l'assurance vieillesse volontaire du régime français, pendant la première année de leur emploi. Il permet également aux membres du personnel qui ont été soumis à la législation européenne de sécurité sociale et n'ont pas adhéré en temps utile à l'assurance volontaire vieillesse de racheter des cotisations au régime général de sécurité sociale français.

Le présent avenant, qui comporte deux articles et prévoit d'ajouter un nouvel article 1er bis à l'accord de sécurité sociale de 2011, porte sur l'ensemble des branches de la sécurité sociale mais concerne en pratique essentiellement les prestations familiales. En effet, dans le courant des années 2010, des difficultés d'application sont apparues du fait d'une interprétation stricte de l'article 18 de l'accord de siège de la part de certaines caisses d'allocations familiales, conduisant à remettre en cause l'accès aux droits de certains allocataires, à savoir les conjoints, partenaires ou concubins des membres du personnel ITER travaillant en France et ayant à ce titre des droits au regard de la législation française.

La situation de ces familles a fait l'objet d'une première clarification en 2015, via un échange de lettres interprétatives. Cette étape a permis d'affirmer la distinction entre les conjoints inactifs, qui sont considérés comme ayants droit et peuvent uniquement bénéficier de la sécurité sociale d'ITER, et les conjoints actifs qui cotisent à la sécurité sociale française et ouvrent ainsi des droits. Toutes les branches sont concernées par cette distinction, mais seule la branche famille a suscité ces dernières années des difficultés d'interprétation, donnant lieu à de nombreux contentieux avec les caisses d'allocations familiales, en cours de résolution aujourd'hui.

L'article 1er bis, ajouté par l'avenant de 2017, comporte trois paragraphes. Le premier clarifie la situation des conjoints, concubins et partenaires des membres d'ITER lorsqu'ils exercent une activité professionnelle en France : dans cette hypothèse, ils ne sont pas ayants droit du régime de sécurité sociale de l'organisation mais peuvent bénéficier des prestations du régime français à condition de remplir les critères fixés par le droit national.

Le deuxième paragraphe porte plus spécifiquement sur les prestations familiales. Il indique que les conjoints actifs des membres d'ITER remplissant les conditions fixées par la loi française pourront bénéficier des prestations familiales françaises. Précision importante, l'accord prévoit que l'octroi de ces prestations se fera selon une logique différentielle. En d'autres termes, le versement de l'allocation par les organismes de sécurité sociale français ne se fera que dans les cas où les montants accordés dans le cadre du régime de sécurité sociale de l'organisation ITER seront inférieurs. En pratique, les versements devraient essentiellement intervenir dans les cas de garde d'enfants, au titre du complément de libre choix du mode de garde, dans les cas de congés parentaux ou, en cas de handicap important, au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH).

Au total, 130 familles au maximum sont susceptibles de bénéficier du droit à une allocation différentielle, dont une seule famille pour ce qui est de l'AEEH. Les estimations de coût annuel s'élèvent à environ 500 000 euros, sachant que le nombre de familles concernées devrait peu évoluer dans les années à venir. En effet, le nombre de salariés que l'organisation ITER est autorisée à recruter a été limité à 1 000 par les membres. Dans la mesure où il est déjà quasiment atteint, il est donc possible d'avoir des prévisions stables sur l'impact financier de cet avenant.

Mes chers collègues, l'avenant à l'accord de sécurité sociale conclu entre la France et ITER aura donc des conséquences sur un nombre limité de personnes, mais permettra de résoudre plusieurs contentieux et de fluidifier certaines situations. Il s'inscrit dans le contexte plus global des démarches entreprises par la France pour renforcer son attractivité vis-à-vis d'organisations internationales de l'envergure d'ITER. Je vous invite donc à voter en faveur de ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.