Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 19 mai 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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  • ITER
  • mali

La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures 30.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

Examen, ouvert à la presse, et vote sur trois projets de loi :

Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord de sécurité sociale sous forme d'échange de lettres des 7 et 20 septembre 2011 entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale pour l'énergie de fusion en vue de la mise en œuvre conjointe du projet ITER (n° 3487) (Mme Sandra Boëlle, rapporteure).

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L'ordre du jour appelle tout d'abord le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord de sécurité sociale sous forme d'échange de lettres des 7 et 20 septembre 2011 entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale pour l'énergie de fusion en vue de la mise en œuvre conjointe de ce grand projet qu'est ITER (Réacteur thermonucléaire expérimental international). Cet avenant de 2018 vise à préciser l'accord de sécurité sociale conclu sept ans plus tôt, afin que les membres des familles des personnels employés par l'organisation internationale ITER, dont le siège est à Cadarache, sur le territoire de la commune de Saint-Paul-lez-Durance, puissent bénéficier de prestations de sécurité sociale, en particulier les prestations familiales, à la même hauteur que celles obtenues par les membres des familles des salariés des entreprises françaises – ce qui, à titre personnel, me semble être une exigence élémentaire. Il s'agit d'une mesure d'équité pour des personnes travaillant à un projet capital, unique au monde, dont notre rapporteure, Mme Sandra Boëlle, va nous expliquer la portée.

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Notre commission est saisie du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord de sécurité sociale conclu entre la France et l'Organisation internationale pour l'énergie de fusion, dite organisation ITER. L'accord de sécurité sociale a été conclu en 2011, tandis que l'avenant qui nous occupe aujourd'hui a été signé le 4 octobre 2018.

Avant de vous présenter plus en détail l'accord de sécurité sociale et son avenant, je souhaite vous dire quelques mots sur l'organisation ITER et le projet du même nom.

L'organisation ITER, créée formellement en 2006, est le fruit d'une coopération internationale qui réunit la France et l'ensemble des pays membres d'Euratom, soit tous les États membres de l'Union européenne et la Suisse, ainsi que le Royaume-Uni, la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie et les États-Unis, soit trente-cinq pays partenaires, représentant plus de la moitié de la population mondiale et 85 % du potentiel industriel de la planète. Cette coopération a pour objet un projet de recherche expérimentale unique au monde, le projet ITER, acronyme anglais de « réacteur expérimental thermonucléaire international ». Concrètement, il s'agit de démontrer la faisabilité scientifique, technologique, industrielle et économique de la fusion de l'hydrogène.

La fusion de l'hydrogène est une réaction physique qui se déroule au cœur des étoiles et qui permet de générer d'immenses quantités d'énergie, d'où l'intérêt qu'elle suscite dans la communauté scientifique. La fusion nucléaire pourrait en effet devenir la source d'énergie du futur, en ayant pour avantage d'être à la fois quasiment illimitée, propre et sûre. D'ici la fin du siècle, à mesure que les combustibles fossiles disparaîtront des bouquets énergétiques, la fusion pourrait constituer un complément précieux à l'énergie provenant de sources renouvelables.

Le projet ITER, qui est l'aboutissement de plusieurs décennies de recherches, se présente ainsi comme un projet unique au monde.

L'accord international de 2006, qui a créé l'organisation ITER, a fixé une durée minimale de quarante-deux ans pour le projet. Un calendrier de mise en œuvre a ensuite été adopté, qui prévoit une atteinte progressive des objectifs de recherche entre 2025 et 2035. Nous sommes actuellement dans une phase de construction, autour d'un important chantier.

J'en viens aux liens entre ITER et la France. Si tous les membres de l'organisation sont placés sur un strict pied d'égalité, notamment pour toutes les questions de gouvernance, la France occupe une place particulière en tant que pays hôte de l'organisation. Celle-ci a son siège dans les Bouches-du-Rhône, sur le site de Cadarache à Saint-Paul-lez-Durance. Les membres s'étaient prononcés à l'unanimité en faveur de ce site du fait d'un environnement scientifique jugé de grande qualité, de la présence d'un dense tissu d'entreprises de haute technologie ou encore de l'important engagement des collectivités territoriales et notamment de la région Sud dans le projet.

La France a été amenée à prendre des engagements particuliers vis-à-vis de ses partenaires, à commencer par l'aménagement et l'équipement de la plateforme de 42 hectares qui accueille l'installation ITER. Elle apporte aussi une contribution financière particulière au sein de la contribution européenne, comme c'est le cas pour tout pays hôte d'une grande installation internationale de recherche, en raison des retombées économiques du projet sur son territoire.

Formellement, la France a été amenée à conclure avec l'organisation ITER un accord de siège. Cet accord, signé en 2007, est la première base de l'édifice juridique sur lequel nous devons nous pencher aujourd'hui. Il a été conclu pour faciliter l'activité de l'organisation tout en garantissant le respect de la législation française. Il permet en particulier d'attribuer à cette organisation et à ses fonctionnaires les privilèges et immunités habituels des organisations internationales domiciliées sur le sol français, en contrepartie d'obligations strictes.

L'article 18 de l'accord de siège formule comme principe que les personnels de l'organisation ITER et les membres de leur famille, conjoints comme enfants, sont couverts par le régime de sécurité sociale interne de l'organisation. Ils sont donc exempts de l'ensemble des cotisations obligatoires du régime de sécurité sociale français.

En pratique, l'organisation ITER mobilise aujourd'hui près de 4 000 personnes. Toutefois, l'article 18 de l'accord de siège et l'avenant qui nous occupe aujourd'hui ne concernent que les personnes directement employées par ITER, qui étaient au nombre de 989 au 31 décembre 2020. Les autres personnes sont des collaborateurs indirects, mobilisés sur le chantier par exemple. Elles bénéficient soit d'une protection sociale française, notamment pour le personnel des sous-traitants ou les travailleurs étrangers affiliés en France, soit de la couverture sociale d'un pays membre de l'organisation, pour les travailleurs détachés.

L'avenant qui nous intéresse modifie l'accord de sécurité sociale conclu en 2011 afin de compléter l'accord de siège sur la question spécifique de la protection sociale. L'accord de sécurité sociale réaffirme le principe selon lequel le personnel directement employé par ITER n'est pas soumis à la législation française de sécurité sociale, mais ouvre la possibilité pour les salariés qui le souhaitent d'adhérer à l'assurance vieillesse volontaire du régime français, pendant la première année de leur emploi. Il permet également aux membres du personnel qui ont été soumis à la législation européenne de sécurité sociale et n'ont pas adhéré en temps utile à l'assurance volontaire vieillesse de racheter des cotisations au régime général de sécurité sociale français.

Le présent avenant, qui comporte deux articles et prévoit d'ajouter un nouvel article 1er bis à l'accord de sécurité sociale de 2011, porte sur l'ensemble des branches de la sécurité sociale mais concerne en pratique essentiellement les prestations familiales. En effet, dans le courant des années 2010, des difficultés d'application sont apparues du fait d'une interprétation stricte de l'article 18 de l'accord de siège de la part de certaines caisses d'allocations familiales, conduisant à remettre en cause l'accès aux droits de certains allocataires, à savoir les conjoints, partenaires ou concubins des membres du personnel ITER travaillant en France et ayant à ce titre des droits au regard de la législation française.

La situation de ces familles a fait l'objet d'une première clarification en 2015, via un échange de lettres interprétatives. Cette étape a permis d'affirmer la distinction entre les conjoints inactifs, qui sont considérés comme ayants droit et peuvent uniquement bénéficier de la sécurité sociale d'ITER, et les conjoints actifs qui cotisent à la sécurité sociale française et ouvrent ainsi des droits. Toutes les branches sont concernées par cette distinction, mais seule la branche famille a suscité ces dernières années des difficultés d'interprétation, donnant lieu à de nombreux contentieux avec les caisses d'allocations familiales, en cours de résolution aujourd'hui.

L'article 1er bis, ajouté par l'avenant de 2017, comporte trois paragraphes. Le premier clarifie la situation des conjoints, concubins et partenaires des membres d'ITER lorsqu'ils exercent une activité professionnelle en France : dans cette hypothèse, ils ne sont pas ayants droit du régime de sécurité sociale de l'organisation mais peuvent bénéficier des prestations du régime français à condition de remplir les critères fixés par le droit national.

Le deuxième paragraphe porte plus spécifiquement sur les prestations familiales. Il indique que les conjoints actifs des membres d'ITER remplissant les conditions fixées par la loi française pourront bénéficier des prestations familiales françaises. Précision importante, l'accord prévoit que l'octroi de ces prestations se fera selon une logique différentielle. En d'autres termes, le versement de l'allocation par les organismes de sécurité sociale français ne se fera que dans les cas où les montants accordés dans le cadre du régime de sécurité sociale de l'organisation ITER seront inférieurs. En pratique, les versements devraient essentiellement intervenir dans les cas de garde d'enfants, au titre du complément de libre choix du mode de garde, dans les cas de congés parentaux ou, en cas de handicap important, au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH).

Au total, 130 familles au maximum sont susceptibles de bénéficier du droit à une allocation différentielle, dont une seule famille pour ce qui est de l'AEEH. Les estimations de coût annuel s'élèvent à environ 500 000 euros, sachant que le nombre de familles concernées devrait peu évoluer dans les années à venir. En effet, le nombre de salariés que l'organisation ITER est autorisée à recruter a été limité à 1 000 par les membres. Dans la mesure où il est déjà quasiment atteint, il est donc possible d'avoir des prévisions stables sur l'impact financier de cet avenant.

Mes chers collègues, l'avenant à l'accord de sécurité sociale conclu entre la France et ITER aura donc des conséquences sur un nombre limité de personnes, mais permettra de résoudre plusieurs contentieux et de fluidifier certaines situations. Il s'inscrit dans le contexte plus global des démarches entreprises par la France pour renforcer son attractivité vis-à-vis d'organisations internationales de l'envergure d'ITER. Je vous invite donc à voter en faveur de ce projet de loi.

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Vous avez rappelé l'étrange séquence chronologique qui a abouti au vote d'aujourd'hui : un accord sous forme d'échange de lettres en septembre 2011, puis l'avenant négocié en 2017, qui donne lieu à un échange de lettres en 2018, que nous allons ratifier en 2021. Voilà la célérité avec laquelle le droit avance…

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Madame la rapporteure, permettez-moi avant toute chose de vous remercier, vous et les fonctionnaires de la commission, pour la qualité de ce travail.

Lorsque nous pouvons améliorer la vie des gens, je suis heureuse. Or c'est ce que fait ce projet de loi, qui répond aux préoccupations légitimes du personnel de l'organisation ITER en clarifiant les droits dont bénéficient les membres de leurs familles.

Ce texte nous donne l'occasion de souligner le rôle unique que joue la France dans ce projet tout à fait louable, qui a vu s'associer les pays membres d'Euratom, la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États-Unis dans le but de développer une énergie de fusion qui pourrait constituer une ressource encore plus sûre et durable que la fission nucléaire. On parle beaucoup du mix énergétique : voici enfin une façon d'y parvenir – et c'est une élue de Cherbourg qui vous parle. La France, pays hôte de ce projet, montre aussi son intérêt historique pour la recherche dans l'énergie.

Cet avenant est une avancée indéniable pour les familles des personnes travaillant dans cette organisation : il permettra de clarifier enfin leur situation vis-à-vis de la sécurité sociale. Notre groupe est donc très favorable à l'adoption de ce projet de loi.

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Je m'associe aux félicitations que vous avez adressées à la rapporteure. Qui, parmi les nombreux membres du groupe Les Républicains présents, souhaite parler au nom de son groupe ? Michel Herbillon, qui est capable de dire des choses merveilleuses sur tous les sujets ?

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Monsieur le président, j'ai travaillé pour un grand organisme de conseil international, McKinsey. Les très grands experts internationaux que j'y ai côtoyés disaient qu'ils n'étaient experts qu'à 95 % : je m'estime plutôt dans les 5 % restants !

Je félicite moi aussi Mme la rapporteure, ainsi que l'administratrice qui l'a épaulée, pour la qualité de son travail sur un sujet très technique qu'elle a exposé avec beaucoup de clarté.

Il importe effectivement de clarifier les droits sociaux des familles des travailleurs d'ITER, notamment de leurs conjoints, la branche famille ayant connu des problèmes d'interprétation. Votre conclusion était pleine de notes positives : ce nouveau dispositif, dont le coût peut être estimé de façon fiable, devrait mettre fin aux contentieux, renforcer l'attractivité de la France auprès d'autres organisations internationales et surtout améliorer la situation des personnels et de leurs familles. C'est donc, même si cette expression est galvaudée, un système « gagnant-gagnant ».

Cet accord ne présente-t-il pas tout de même des limites ou des défauts ? Sa signature va-t-elle accélérer la résolution des contentieux qui sont encore pendants ? Enfin, pour prolonger la réflexion du président Bourlanges, comment se fait-il qu'autant de temps se soit écoulé entre l'échange de lettres et la ratification d'aujourd'hui ? Pour moi, cela reste assez mystérieux.

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Merci, madame la rapporteure, pour la clarté de votre présentation, sur un sujet effectivement très technique.

S'agissant des délais, je peux vous dire, pour bien connaître ces questions, que la résolution de cette affaire en dix ans, entre 2011 et 2021, ferait pâlir d'envie certains de nos concitoyens installés en Europe. Nombre d'entre eux sont pris dans un véritable imbroglio. Prenez un salarié d'un organisme européen dont la femme par exemple enseigne au lycée français : selon qu'elle est ou non en détachement, tout est différent… La gestion des allocations familiales est d'une extrême complexité. Les choses avancent, mais nombre de situations méritent encore d'être clarifiées et je me réjouis que le présent projet de loi y contribue.

Je voudrais rappeler un élément que l'on oublie trop souvent en parlant de transition énergétique. L'énergie nucléaire a été kidnappée par le militaire dans les années soixante, et comme le militaire cherchait à produire des explosions, on n'a pu développer en aval, dans le nucléaire civil, que des solutions dangereuses. Or le nucléaire est une énergie extrêmement naturelle : plus on descend dans les isotopes, plus on va vers l'hydrogène, et moins elle est dangereuse. Il a existé aux États-Unis, pendant une quinzaine d'années, un réacteur à pression atmosphérique, mais qui a manqué de financement parce qu'il n'était pas intéressant pour les militaires. Les recherches menées par l'ITER sont originales et absolument fondamentales. Mme la rapporteure a dit que la fusion nucléaire pourrait être un complément d'énergie. Je crois en réalité que si elle fonctionne, elle va devenir la base de la production énergétique future.

Je tiens par ailleurs à saluer cette action multilatérale. Les signataires de l'accord sont des pays qui ne sont pas toujours d'accord, mais qui sont parvenus à s'associer pour lancer une expérience qui va durer au minimum quarante-deux ans. Ce sont les Russes qui, à l'origine, ont construit le petit modèle qui prouve que cela peut éventuellement marcher, mais il fallait une coopération internationale pour lancer véritablement le projet. C'est une belle illustration de la diplomatie thématique que j'appelle de mes vœux. Mon groupe ne peut que se réjouir de cette avancée en faveur de ceux qui sont en train de travailler pour les générations futures.

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Ce projet de loi, aux aspects très pratiques, permet de mettre en lumière l'ambitieux projet ITER que la France a l'honneur d'accueillir sur son territoire. Cela nous permet de confirmer le rôle éminent de nos scientifiques dans le domaine de l'énergie nucléaire.

Je ne reviens pas sur les dispositions du projet de loi, puisqu'il paraît naturel que l'on offre aux familles de scientifiques venus s'installer en France pour prendre part à ce projet des conditions d'accueil optimales. Je voudrais toutefois évoquer la 28e conférence de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur l'énergie de fusion, qui avait été reportée du fait de la pandémie et qui s'est tenue du 10 au 15 mai. Certes, la pandémie a eu un impact sur les travaux et l'avancement du projet mais d'un autre côté, la mise au point extrêmement rapide des vaccins montre que la communauté scientifique, si elle est accompagnée par les États, peut réduire significativement les délais de fabrication d'un produit. Nous espérons que ce projet de long terme sera un succès et nous voterons en faveur de ce projet de loi.

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Ce projet de loi nous donne l'occasion d'évoquer un site bien connu, même si l'on n'a pas toujours conscience de l'importance des recherches qui y sont faites. Que ces recherches, commencées il y a très longtemps, se poursuivent est une très bonne chose pour les différents pays impliqués.

Je suis surpris qu'il ait fallu autant de temps pour aboutir à un accord destiné à apporter un peu de confort aux ingénieurs et aux chercheurs qui se relaient depuis des années pour faire avancer les recherches d'ITER. C'est un minimum qu'on leur doit. Pourquoi tant de temps pour se mettre d'accord sur des principes de droit commun, qui devraient profiter à tous ceux qui viennent sur le territoire français pour participer à un projet qui concerne tout le monde ? Merci, madame la rapporteure, pour votre travail qui apporte un éclairage essentiel. Comment pourrait-on s'opposer à un tel projet ? Notre groupe ne peut que s'en féliciter.

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La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, qui a souhaité être présent en salle car il estime n'être pas suffisamment entendu quand il s'exprime par visioconférence.

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Je suis entendu, mais on ne me répond pas toujours bien : la réunion d'hier en donne un exemple significatif. Quand je siège en face de vous, il n'est pas possible de m'oublier.

Je salue évidemment le projet ITER et le travail sur la fusion nucléaire. Mme Krimi, députée de Cherbourg, sait que l'usine de La Hague sera condamnée dès que nous saurons produire de l'électricité à partir de la fusion nucléaire, car il n'y aura pratiquement plus de déchets à retraiter. Certes, ce n'est pas pour demain, mais c'est un immense progrès.

Comme Frédéric Petit l'a dit, le nucléaire a été capté par le militaire. Nous devrions consacrer plus de moyens aux projets tels qu'ITER et à la production par fusion nucléaire. En préparant avec Michel Fanget le rapport d'information sur l'arme nucléaire dans le monde, nous avons découvert que pendant sept ans, notre pays allait dépenser chaque jour 14,5 millions d'euros seulement pour moderniser la bombe atomique. Si ces sommes avaient été investies pour accélérer la recherche sur la fusion nucléaire, nous aurions peut-être une magnifique solution de production d'électricité compatible avec l'Accord de Paris et nos objectifs pour l'avenir de la planète. Mais il n'est pas trop tard.

Pour entrer dans le détail, la première phrase de l'article 1er bis de l'avenant mentionne « Le conjoint, concubin ou partenaire d'un membre du personnel ». Les deux premiers, je connais, mais qu'est donc la définition du partenaire ?

Par ailleurs, les personnes concernées bénéficient-elles d'une protection en attendant que cet accord soit ratifié par toutes les parties ?

Enfin, le ministre des affaires étrangères a déclaré que notre pays souhaite accueillir plus de sièges d'organisations internationales. Nous devrions donc travailler en amont pour ne plus avoir à gérer ce genre de choses : il n'y a pas que l'immunité diplomatique qui compte, la qualité de vie et les conditions de travail doivent aussi être prises en considération. Anticiper ces questions dans les accords nous éviterait d'avoir à recommencer ce que nous allons faire aujourd'hui.

Le groupe GDR votera ce projet de loi.

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Je ne sais pas si le partenaire a une définition juridique, je crois qu'il s'agit des personnes pacsées. Mais le rigorisme juridique ne doit pas nous conduire à faire nôtre la phrase attribuée au regretté Napoléon Bonaparte, « Les concubins ignorent la loi, la loi ignore les concubins ». Nous nous en sommes considérablement écartés !

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Ce rapport très complet aborde deux sujets qui me tiennent à cœur, à commencer par celui du nucléaire, puisque ma circonscription accueille le centre européen de recherche nucléaire, dit CERN, et la centrale nucléaire du Bugey. Cette dernière est vieillissante, mais nous essayons de la remettre au goût du jour à l'occasion du grand carénage et nous espérons que de nouvelles technologies, notamment de nouveaux réacteurs, y seront implantées. Je suis très favorable à cette énergie décarbonée, qui nous offre la capacité de rester souverains pour la production d'énergie.

Le second sujet est celui de l'installation d'organisations internationales sur notre sol. Le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales prévoit, dans son article 10, que le Gouvernement pourra proposer par ordonnance des dispositions en vue d'améliorer l'attractivité du territoire français pour les organisations internationales. Les dispositions dont nous débattons aujourd'hui seront-elles incluses dans ces futures ordonnances ?

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Comment aurait-on pu améliorer le calendrier d'adoption de ces dispositions ? La chronologie qui a été rappelée est tout de même assez étonnante, et c'est fréquemment le cas pour les conventions que nous étudions semaine après semaine dans notre commission. Une partie d'entre elles entrent même en application avant d'être ratifiées ! Il faut s'interroger sur cette mécanique.

Par ailleurs, si très peu de personnes sont concernées, pourquoi faut-il en passer par la loi ? Ne serait-il pas plus simple de trouver un accord réglementaire entre les parties ? Et si la loi est indispensable, pourquoi ne pas travailler à un cadre législatif global attractif pour l'ensemble des institutions que la France abrite, comme le propose M. Lecoq ?

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J'ai déclaré que la recherche sur le nucléaire avait été kidnappée par le secteur militaire dans les années soixante, mais il existe tout de même des avancées dans le secteur civil. Les réacteurs nucléaires modulaires font l'objet de nombreuses recherches, qui donnent de bons résultats. Ils ne peuvent pas remplacer les très grands projets tels qu'ITER, mais des solutions fonctionnent avec des combustibles présents dans la nature, comme le thorium ou des dérivés du chlore. Nous arrivons à produire une énergie nucléaire de manière très propre avec de petites unités produisant quelques mégawatts, mais c'en est encore au stade de la recherche universitaire.

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Je tiens à adresser mes remerciements à la fonctionnaire de la commission qui a réalisé un excellent travail sur ce rapport.

ITER est l'aboutissement de plus de soixante ans de recherche dans le monde et constitue une étape cruciale dans la quête d'une énergie propre et sûre. Propre car cette technologie n'a aucun impact sur le climat, que son impact sur l'environnement est très limité et qu'elle ne produit pas de déchets radioactifs de haute activité à vie longue. Et sûre car il n'y a pas de risque d'emballement de la réaction et qu'elle fonctionne avec des isotopes de l'hydrogène, le deutérium et le tritium, une matière première largement distribuée et virtuellement inépuisable.

Cet accord ne concerne que 130 familles sur les 989 présentes sur le site. L'avenant porte sur le versement d'allocations différentielles, pour que les familles perçoivent la différence entre ce qui leur est versé par l'organisation ITER et les prestations versées par la caisse d'allocations familiales en matière d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, de complément de mode de garde et de congé parental.

Nous sommes tous choqués par la longueur excessive du processus, et nous allons interroger le Quai d'Orsay pour obtenir une explication. Quant au calendrier, d'après les auditions, la pandémie devrait avoir très peu de conséquences sur son déroulement.

S'agissant du maintien des droits, ils sont évidemment revus en cas de divorce.

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Mais les bénéficiaires touchent-ils l'allocation différentielle dès à présent ?

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Il y a des problèmes d'application, c'est pourquoi nous devons procéder à une clarification.

Enfin, monsieur Fuchs, il est nécessaire de passer par la loi car nous modifions le code de la sécurité sociale. Il existe aussi un cadre législatif global pour les accords de siège, et vous avez rappelé que le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales comporte des dispositions dans le domaine.

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Ledit projet de loi de programmation habilite d'ailleurs le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour renforcer l'attractivité de notre territoire pour l'accueil des sièges d'organisations et de manifestations internationales. Cette habilitation interdit au Parlement de légiférer sur ces sujets pendant toute sa durée. Bref, nous avons le droit d'y réfléchir, mais il faudra attendre avant de légiférer.

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Merci de votre réponse. Je souhaitais m'assurer que le traitement serait équitable entre les organisations déjà installées et les futures implantations.

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Je ne suis pour ma part pas satisfait. Nous n'avons pas ratifié le CETA (accord économique et commercial global) mais il est pourtant appliqué à titre provisoire : tous ses mécanismes fonctionnent, et il est possible de commercer et de gagner de l'argent avec. En revanche, un accord comme celui d'aujourd'hui, qui vient améliorer la vie des gens, comme l'a dit Sonia Krimi, ne peut être mis en œuvre qu'après sa ratification complète ! Ce n'est pas acceptable. Les bénéficiaires de ces dispositions ne sont pas responsables du délai administratif requis pour appliquer l'accord formalisé par l'échange de lettres. Envisageons-nous un financement rétroactif des aides qu'ils auraient pu toucher si nous avions ratifié ces dispositions en quarante-huit heures ?

Il faut réagir, nous ne pouvons pas nous contenter de cet état de fait.

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C'est un vrai problème, ce retard n'est pas admissible. Nous devons interpeller le Gouvernement à ce sujet et trouver comment sortir de cet attentisme qui n'a pas lieu d'être.

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Ne s'agit-il pas d'un problème de coordination entre la caisse d'allocations familiales et la sécurité sociale, véritables États dans l'État, qui ont leurs propres règlements et s'y tiennent, compliquant toutes les situations ?

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Vous exprimez à haute voix ce que j'ai laissé implicite. Nous devons trouver une issue pratique. Si c'est un problème de coordination, il est théoriquement soluble, mais c'est extrêmement difficile dans un pays comme la France. Nous allons étudier les possibilités, car la question soulevée par M. Lecoq est parfaitement justifiée.

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Le terme de coordination est très obligeant…

La commission adopte l'article unique du projet de loi, sans modification.

Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali (n° 3816) (Mme Sira Sylla, rapporteure).

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Nous en venons à l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de deux conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition entre la France et le Mali, sur le rapport de Mme Sira Sylla.

Le contenu de ces deux conventions est bien connu de notre commission, puisque nous avons examiné des accords analogues le 16 décembre dernier, conclus avec le Niger et le Burkina Faso. Auparavant, nous avons approuvé de telles conventions avec le Vietnam, Sainte-Lucie, le Cambodge, les Comores, les Émirats Arabes Unis et le Costa Rica.

Ces deux conventions vont cependant nous permettre d'évoquer notre coopération ancienne et active en matière de justice avec le Mali, partenaire avec lequel nous sommes étroitement liés, particulièrement au vu de la situation que connaît la région. La rénovation de cette coopération est très attendue, dans le contexte d'un développement préoccupant des actes de terrorisme et de la criminalité organisée.

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Il m'appartient de vous présenter aujourd'hui les conventions d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale conclues avec le Mali, dont il vous est demandé d'autoriser l'approbation. Ces conventions ont été signées à Bamako en 2019. Elles traduisent concrètement les réflexions d'un groupe de travail conduit par le ministère français de la justice et consacré à l'entraide pénale avec les principaux États de la région.

La France est liée au Mali par un accord de coopération judiciaire signé en 1962. Des évolutions majeures sont intervenues depuis. La criminalité organisée s'est internationalisée et complexifiée, et des réseaux de trafics d'êtres humains, de stupéfiants, d'armes, d'or, exercent leurs activités dans la bande sahélo-saharienne, étendant leurs ramifications en Europe.

Par ailleurs, les pays de la région font face depuis plusieurs années, dans des proportions inconnues jusqu'alors, à une menace terroriste qui continue malheureusement à faire de nombreuses victimes. Je voudrais ici avoir une pensée pour notre compatriote journaliste Olivier Dubois, enlevé à Gao le 8 avril dernier et aujourd'hui entre les mains du groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, une branche locale d'Al Qaïda.

La frontière entre criminalité organisée et terrorisme est très poreuse. Les autorités françaises peuvent avoir à connaître de ce type d'affaires lorsque des ressortissants français figurent parmi les victimes, qu'ils sont au contraire mis en cause, ou encore que les dossiers concernés sont susceptibles d'avoir des répercussions pour la sécurité de notre pays. En sens inverse, les autorités maliennes ont besoin de la coopération des juridictions françaises dans un certain nombre de dossiers sensibles.

L'accord bilatéral de 1962 n'est plus adapté, dans bien des domaines, aux nouveaux défis posés par la criminalité organisée et par le terrorisme. L'exécution des demandes françaises d'entraide et d'extradition se révèle particulièrement lente. Les deux conventions que nous examinons visent donc à rénover un cadre juridique devenu obsolète, notamment en vue de favoriser une exécution plus rapide et plus efficace des demandes. Elles visent aussi à prendre en compte les bouleversements techniques et technologiques intervenus depuis 1962, en particulier la généralisation du numérique et la dématérialisation.

Ces conventions organisent de manière claire les modalités de communication et de transmission des demandes d'entraide et d'extradition, notamment dans les cas les plus urgents. Elles posent expressément une obligation de célérité. Je rappelle à toutes fins utiles, et pour éviter toute ambiguïté, que l'extradition n'a rien à voir avec le droit des étrangers. Elle vise à remettre l'auteur d'un délit ou d'un crime à un autre État pour qu'il puisse y être jugé ou y exécuter sa peine. Elle a pour objet d'empêcher que l'auteur d'une infraction d'une certaine gravité aille chercher refuge dans un autre État pour ne pas avoir à répondre de ses actes.

La convention d'entraide judiciaire, en particulier, permet de recourir aux techniques modernes d'enquête telles que les auditions par vidéoconférence, les demandes d'informations en matière bancaire, les saisies et confiscations d'avoirs criminels, les interceptions de télécommunications, les livraisons surveillées et les opérations d'infiltration, autant de domaines qui n'étaient pas couverts par l'accord de 1962 et qui constituent aujourd'hui des outils essentiels dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme.

Ces conventions prévoient les garanties indispensables qui doivent entourer ce type de procédure. L'entraide peut ainsi être refusée si la demande se rapporte à des infractions politiques. Les témoins, experts ou personnes poursuivies, lorsqu'elles sont appelées à comparaître devant les autorités judiciaires du pays demandeur, bénéficient d'immunités précisément définies.

De même, l'extradition ne saurait être accordée lorsque les infractions reprochées sont de nature militaire ou politique ou s'il existe des raisons sérieuses de croire que l'extradition a été demandée en vue de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques. Par ailleurs, en vertu du principe de spécialité, une personne ne pourra être poursuivie pour un fait autre que celui ayant motivé son extradition.

Une clause excluant l'extradition lorsque l'infraction concernée fait encourir la peine de mort a aussi été insérée, alors même que le Mali est abolitionniste de fait depuis 1981. L'extradition n'est possible que si la partie requérante donne des assurances suffisantes que la peine capitale ne sera pas requise et que, si elle est prononcée, elle ne sera pas exécutée.

Les deux conventions comportent également des garanties pour la protection des données personnelles.

Les textes négociés ont fait l'objet d'une élaboration attentive, largement inspirée des mécanismes de coopération de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe. Ils sont très proches des conventions signées avec le Burkina Faso et le Niger en 2018, dont nous avons autorisé l'approbation en janvier dernier.

Les moyens budgétaires et techniques du Mali ne lui permettront peut-être pas d'utiliser immédiatement l'ensemble des techniques modernes d'audience ou d'enquête rappelées plus haut. Il est toutefois important que le cadre juridique soit posé, quitte à ce que le recours à ces techniques se développe par la suite. À la France d'apporter son aide matérielle, financière et opérationnelle pour faciliter ce recours. Notre pays s'y emploie d'ailleurs déjà, par l'intermédiaire de l'Agence française de développement ou de programmes de formation des magistrats africains.

Cette aide de la France est un complément indispensable de notre soutien militaire. Il ne suffit pas en effet de remporter des victoires sur le terrain et d'appréhender un certain nombre de membres présumés de groupes armés si ces victoires ne trouvent pas un relais judiciaire et étatique. Ce dernier aspect a d'ailleurs été expressément conçu comme l'un des quatre piliers de la coalition pour le Sahel, lancée lors du sommet de Pau du 13 janvier 2020. Ces piliers sont : la lutte contre le terrorisme ; le renforcement de l'appareil militaire, grâce au partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel ; l'appui au retour de l'État et au redéploiement des services régaliens – police, gendarmerie et douanes – sur l'ensemble du territoire malien, très centralisé ; et le développement.

C'est sur la base de ce soutien global et intégré que nous pourrons œuvrer efficacement à la lutte contre la criminalité et le terrorisme avec nos partenaires maliens, à qui nous unissent non seulement une culture juridique et administrative commune mais aussi des liens d'amitié anciens et solides.

L'approbation de ces conventions me paraît donc particulièrement opportune et bienvenue. C'est pourquoi je vous invite à adopter ce présent projet de loi.

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Merci, madame la rapporteure. Vous avez excellemment campé la volonté de continuité et d'approfondissement de la coopération avec le Mali, l'exigence de célérité et de modernisation technologique, et enfin le souci des garanties, qui sont essentielles dans la situation particulièrement difficile dans laquelle se débattent les pays de la région.

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Merci, madame la rapporteure, de votre présentation technique et détaillée. Il est en effet très important de mener jusqu'au bout le processus d'approbation de ces conventions, parce qu'il s'agit pour le Mali d'un atout indéniable, notamment en termes de développement. Vous avez souligné le caractère crucial de nos liens d'amitié avec ce pays pour la stabilité du Sahel et pour l'Europe. M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a lui-même rappelé que l'intervention militaire française en 2013 avait pour principal objectif d'arrêter la progression des groupes terroristes au Mali, contribuant ainsi à la lutte antiterroriste en France et en Europe. Cela ne nous empêche pas de parler aussi d'agriculture, d'éducation et d'économie saine. J'aimerais d'ailleurs voir passer, dans notre commission, de plus en plus de rapports et de conventions de coopération visant à promouvoir l'économie saine en lieu et place d'une économie d'asservissement s'inscrivant dans le cadre de la Françafrique. Nous devons aujourd'hui autoriser l'approbation de ces conventions, puisqu'il est important de donner au Mali des solutions à court terme, mais il est tout aussi essentiel de nous rappeler que les femmes et les hommes d'État ne travaillent pas seulement pour leur réélection, mais également pour les générations futures.

J'ai évidemment une pensée pour toutes les victimes civiles des attaques menées par les cellules djihadistes, toujours présentes au Mali, et pour leur famille. Ces attentats touchent la population malienne avant de toucher l'Europe – mais tout s'internationalise aujourd'hui, même le terrorisme. S'y ajoute une multiplication des trafics en tous genres, qui n'épargnent aucune zone du pays. Je pense ici aux femmes, qui sont toujours les premières victimes de guerres souvent menées par des hommes.

Dans ce contexte, il apparaît non seulement que l'approbation de ces conventions est pertinente, mais également qu'elle ne peut plus être différée. Ces textes clarifient et améliorent les modalités applicables aux demandes d'entraide juridique et d'extradition. L'accélération du traitement de ces demandes, dans un cadre juridique renforcé, permettra de rendre justice aux familles des victimes d'attaques terroristes. Le groupe La République en Marche y est évidemment favorable.

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La France et le Mali entretiennent des relations étroites. Nous avons bâti ensemble un partenariat stratégique essentiel. Nos intérêts convergent notamment autour de la lutte contre le terrorisme dans la région. La France est engagée depuis près de dix ans sur le terrain malien, dans le cadre de l'opération Barkhane. Elle a soutenu et accompagné la création du G5 Sahel, dont le siège se trouve à Bamako, et participe tant à la mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM Mali) qu'à la mission européenne civile de soutien aux forces de sécurité intérieure du Mali (EUCAP Sahel Mali).

Le Mali reste aujourd'hui un interlocuteur essentiel dans la lutte contre le terrorisme et un partenaire particulièrement important compte tenu de la situation actuelle au Sahel. En effet, les violences terroristes se multiplient dans la zone. L'enlèvement du journaliste français Olivier Dubois, le 8 avril à Gao, dans le nord du Mali, est très inquiétant ; il renouvelle notre volonté commune de combattre sans relâche les groupes armés terroristes installés dans la région. Par ailleurs, la transition politique que connaît aujourd'hui le Mali nous invite à soutenir davantage encore la mise en œuvre de l'accord d'Alger pour la paix et la réconciliation au Mali.

Les conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition que nous examinons ce matin s'inscrivent dans ce cadre. Elles nous permettront de renforcer la coopération bilatérale avec le Mali, notamment sur des questions judiciaires, dans le cadre de notre lutte commune contre le terrorisme. C'est dans cette perspective que mon groupe votera en faveur de l'approbation de ces deux conventions.

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Permettez-moi d'exprimer la très grande préoccupation et la très grande solidarité de notre commission avec Olivier Dubois, qui a été pris en otage et qui se trouve dans une situation terrible. C'est quelque chose que nous ne pouvons accepter. Nous n'oublions pas notre compatriote, qui a tout notre soutien – je ne sais pas ce que nous pouvons faire de plus – dans l'épreuve terrible, injuste, inqualifiable et véritablement préoccupante qu'il traverse. Nous formons le vœu qu'il soit libéré rapidement et puisse revenir parmi nous.

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À l'instar des conventions conclues avec le Burkina Faso et le Niger, dont nous avons récemment autorisé l'approbation, celles que nous examinons ce matin apportent, au-delà même de leur objet, de nouveaux outils pour lutter contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne. Elles nous donnent également l'occasion de nous pencher sur la situation de ces pays, dont les liens avec la France sont anciens et étroits.

J'ai apprécié la description de la situation malienne et du contexte de transition politique que vous avez faite, madame la rapporteure. Je souhaiterais néanmoins que vous nous éclairiez sur le calendrier de la transition. On sait que le premier ministre Moctar Ouane poursuit la formation du gouvernement de transition, mais alors que la situation sociale et sécuritaire du pays reste tendue, y a-t-il une échéance pour d'éventuelles élections ?

Le groupe Socialistes et apparentés votera ce texte.

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La convention d'extradition s'inscrit dans la droite ligne de celles que nous avons examinées précédemment – au nombre d'une soixantaine, je crois. Ces accords bilatéraux ne sont pas forcément nécessaires pour permettre la remise de personnes à un autre État : cela peut se faire sur le fondement de conventions multilatérales, en application du principe de réciprocité ou, tout simplement, dans le cadre de la courtoisie internationale. Pour autant, lorsqu'il est procédé à une extradition sans accord bilatéral, l'application du droit français se trouve confrontée à un autre droit national, ce qui peut entraîner des conflits de législation et compliquer la procédure. Il m'apparaît donc nécessaire de renforcer cette coopération par un nouvel accord bilatéral : c'est précisément l'objet de la convention visée à l'article 2.

La chancellerie et le Quai d'Orsay ont négocié un cadre juridique que nous transposons d'un pays à l'autre, nonobstant quelques nuances afin de tenir compte de la spécificité de celui avec lequel nous contractons. La démarche est toujours la même, et je m'en félicite car cela assure la stabilité du droit. Par ailleurs, les pays partenaires appliquent souvent un droit qui nous est familier. Nos droits sont très proches, pour ne pas dire similaires lorsque nous parlons de pays francophones comme le Mali : nous sommes alors assurés que les mots employés dans les accords internationaux ont le même sens pour chacune des parties, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Ces conventions s'inscrivent toujours dans un contexte politique fragile ; or l'expérience nous montre qu'elles s'appliquent malgré les aléas politiques que vivent nos partenaires. Nous concluons des accords avec des États dont le régime est fragile, et nous nous apercevons que cela fonctionne malgré tout.

Depuis la conclusion du premier accord en 1962, le monde a changé. Le contexte politique, le terrorisme et les trafics en tous genres nous invitent à la vigilance. J'étais rapporteur des projets de loi autorisant l'approbation des conventions avec le Burkina Faso et le Niger, nous parlons ce matin du Mali et nous nous pencherons sans doute prochainement sur d'autres pays du Sahel : nous savons que les frontières sont étanches et que tous les États de la région sont confrontés aux mêmes problèmes. Or le droit doit s'y appliquer de la même manière. Ces conventions, qui prolongent d'une certaine manière notre présence dans ces pays depuis longtemps – et plus encore au Mali depuis l'opération Barkhane – sont donc nécessaires et bienvenues. Je ne sais pas où nous en sommes dans la négociation de conventions avec les pays qui connaissent les mêmes difficultés, mais je souhaite qu'elles soient fondées sur les mêmes principes.

Le groupe Libertés et Territoires votera évidemment des deux mains ce projet de loi.

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Nous sommes assez favorables à ces accords, qui permettent aux pays partenaires d'évoluer en matière de respect de l'État de droit et sur la scène internationale. Mais en même temps, nous sommes inquiets, parce qu'il faut des deux côtés un État de droit qui fonctionne bien. C'est le cas pour l'instant en France. Au Mali, la situation est chaotique mais les institutions tiennent et l'État de droit fonctionne également. Ce n'est pas le cas dans tous les pays. J'ai en tête le cas de Djibouti, car je me suis battu aux côtés de Mohamed Kadamy, un opposant au pouvoir en place aujourd'hui réfugié en France. Des membres de son parti ont été accusés d'avoir commis certaines infractions ; lui-même n'était pas sur place, mais puisqu'il dirigeait le parti, le président djiboutien a considéré qu'il était également coupable et a demandé son extradition. Heureusement, la mobilisation de ses partisans et de certains hommes politiques a alerté la justice française, qui s'est montrée attentive à la situation de M. Kadamy et à son statut de réfugié politique, et n'a pas ordonné son extradition, ce qui est plutôt rassurant. Néanmoins, ces affaires sont sensibles. Sonia Krimi a évoqué la Françafrique, et je partage son point de vue. Certains deals peuvent être borderline s'agissant du respect de l'État de droit – ce n'est pas si souvent que je parle anglais !

Je le disais, nous sommes plutôt favorables à ces accords lorsque l'État de droit est respecté par les deux parties, mais nous considérons qu'ils doivent toujours être accompagnés d'une vigilance politique, y compris dans des espaces démocratiques comme l'Assemblée nationale. Nous devons nous assurer qu'ils ne permettent pas de faire n'importe quoi, qu'ils ne nous obligent pas à abandonner certaines personnes entre les mains d'institutions judiciaires étrangères. Mme la rapporteure a évoqué la peine de mort : certes elle n'existe plus au Mali, mais elle pourrait toujours être réintroduite – en France, ce serait plus compliqué, compte tenu des traités internationaux que nous avons conclus, mais dans de nombreux pays c'est possible. Prévoir une clause à ce sujet dans l'accord est une bonne chose, mais là encore, cela ne peut suffire.

Mon groupe votera ce projet de loi car il nous semble nécessaire d'accompagner l'action menée en faveur du Mali, mais je tenais à souligner que ce genre d'accord reste très sensible à nos yeux. Nous nous montrerons donc vigilants quant à son application.

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Vous avez raison, monsieur le député, le texte est important, mais le contexte l'est tout autant.

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Je vous remercie, madame la rapporteure, pour votre travail de précision. Ces conventions me paraissent indispensables dans le contexte actuel au Mali, mais elles devraient s'accompagner de moyens garantissant leur bonne mise en œuvre. Le Mali est un pays certes centralisé, mais très fragilisé et fragmenté : l'État n'exerce pas son autorité sur une partie importante du territoire. Il convient aussi de prendre en compte l'histoire du Mali et l'importance du droit coutumier. Dans ce pays s'appliquent au moins trois droits : à côté du droit républicain, dont nous parlons aujourd'hui, s'applique la justice traditionnelle, rendue par les chefs de village et les chefs de tribu, et aussi depuis quelques années le droit islamique, c'est-à-dire la charia. Ces conventions sont donc très importantes, mais elles ne pourront s'appliquer à une grande partie du territoire malien ni à un certain nombre de pratiques. C'est pourquoi les moyens que nous accorderons à la mise en œuvre effective de ces accords me semblent tout aussi importants, voire plus importants, que les accords eux-mêmes.

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Ces conventions sont évidemment importantes, et je tiens à saluer moi aussi la qualité du travail de Mme la rapporteure. Cependant, comme vient de le dire Bruno Fuchs, nous les examinons dans une situation de crise particulière au Mali. Je me demande pour ma part comment notre commission des affaires étrangères pourrait apporter son soutien à ces accords alors qu'il n'existe, de l'autre côté, aucune assemblée législative constituée au Mali. Quels sont nos homologues parlementaires ? Nous parlons à un Conseil national de transition (CNT) dont les membres ne sont pas des personnes élues et qui n'a pas vocation à légiférer comme nous le faisons. Dans ce contexte particulier, et même si nous souhaitons fortement aller de l'avant et approuver ces conventions, ne nous emballons pas et prenons garde de parler aux bons interlocuteurs. C'est d'autant plus important que le peuple malien lui-même y sera sensible. Enfin, M. Fuchs a souligné que ces conventions ne seront pas appliquées sur tout le territoire. Le Mali, ce n'est pas uniquement Bamako ; dans certaines zones autour de Gao et Tombouctou, les problèmes sécuritaires sont encore importants et il reste beaucoup de choses à parfaire.

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Chère Sonia Krimi, vous avez raison d'appeler de vos vœux une plus grande coopération entre la France et le Mali. C'est l'objet de la feuille de route de Ouagadougou, qui nous invite à une relation renouvelée avec l'Afrique, à un changement de paradigme, à une association plus importante de la société civile. Ce partenariat d'égal à égal était au cœur du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, que nous avons adopté en première lecture à l'unanimité et avec fierté. Nous ne sommes plus au temps de la Françafrique : nous avançons, et nous devons le rappeler. Lors de nos différentes auditions, les autorités maliennes ont sollicité une aide de la France : elles souhaitent notamment une formation plus poussée des magistrats, ainsi qu'une formation des personnels à l'utilisation des outils numériques et à l'organisation des opérations d'infiltration – j'ai évoqué tous ces outils dans mon rapport.

Vous avez raison, le terrorisme touche beaucoup plus les populations civiles. L'ennemi terroriste a fait du Sahel son principal terrain de croissance, menaçant la stabilité de toute l'Afrique de l'Ouest. Cependant, nous devons toujours garder à l'esprit que l'agenda des terroristes est international – l'enlèvement de notre compatriote Olivier Dubois est là pour nous le rappeler.

Monsieur Joncour, vous partagiez les interrogations de Mme Krimi. Il est important de mettre en œuvre l'accord d'Alger ; lors du sommet de N'Djamena, les autorités de transition se sont engagées auprès de la France à le relancer.

Cher Alain David, vous m'avez interrogée sur le calendrier de la transition. Si tout se passe bien, les élections législatives et présidentielle se tiendront en février et mars 2022. Ce n'est toutefois pas évident : la société civile a témoigné du chaos qui régnait au Mali, où il n'y avait quasiment plus d'État. Les populations sur place comme les diasporas n'en pouvaient plus de ce régime corrompu. Pour l'instant, les choses avancent, mais réussira-t-on à tenir le calendrier ? Un délai de dix-huit mois est assez court, dans la mesure où il faut recréer un État – notre collègue Jean-François Mbaye a rappelé qu'il n'y avait plus d'élu au Parlement malien. Vous m'avez demandé, monsieur Mbaye, ce que nous pouvions faire en tant que membres de la commission des affaires étrangères : nous devons être vigilants et nous assurer que ce calendrier peut être respecté dans la pratique.

Monsieur Clément, vous m'avez demandé si des conventions similaires étaient en cours d'élaboration avec d'autres pays. En matière d'entraide judiciaire et d'extradition, une convention est en cours de finalisation avec le Sénégal, mais la signature a été reportée en raison de l'épidémie de covid-19.

Bien entendu, cher Jean-Paul Lecoq, l'approbation de ces conventions doit s'accompagner d'une vigilance extrême quant à leur mise en œuvre. En effet, pour qu'un accord soit appliqué, il faut qu'il y ait un État. Je vous rappelle les engagements pris à Pau et les efforts consentis par la France dans ce domaine : avec nos partenaires européens, nous œuvrons pour un retour de l'État régalien sur l'ensemble du territoire malien – et comme vous l'avez dit, cher Jean-François Mbaye, le Mali, ce n'est pas seulement Bamako ! L'État malien est centralisé et nous travaillons à son redéploiement, avec les forces de police et de gendarmerie, sur tout le territoire. C'est aussi dans cette optique que nous nous efforçons à renforcer la chaîne pénale des pays du G5 Sahel.

Cher Bruno Fuchs, il faut évidemment consacrer des moyens à l'application de ces conventions. Là encore, je rappelle les quatre piliers définis au sommet de Pau : la lutte contre le terrorisme – le coup d'État a certes freiné les avancées en la matière, mais le sommet de N'Djamena a aussi montré que les terroristes avaient été lourdement frappés et que l'intervention militaire s'était soldée par une victoire –, le renforcement de l'appareil militaire à travers la formation des forces armées nationales et la fourniture d'équipements, le retour de l'État, dont nous avons déjà parlé, et l'aide au développement, qui est aussi très importante. Ces quatre piliers, combinés aux deux conventions qui font l'objet du présent projet de loi, nous permettront d'avancer.

En effet, monsieur Mbaye, les membres du Conseil national de transition ne sont pas des élus : il n'y a pas encore de députés maliens. Ainsi que je l'ai rappelé, les élections législatives et présidentielle sont officiellement prévues pour février et mars 2022 – et encore, nous ne savons pas si ce délai est réaliste. Comme vous nous y avez vous-même appelés, j'invite l'ensemble des membres de la commission des affaires étrangères à suivre de très près la situation au Mali.

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La réponse que vient d'apporter Mme la rapporteure ne me pose aucun problème, mais l'intervention de M. Mbaye suscite tout de même quelques interrogations. Au vu de la situation dans laquelle se trouve actuellement le Mali, est-ce le bon moment pour approuver une convention d'entraide judiciaire ? Pour nous, le calendrier est tout à fait régulier : les conventions nous sont soumises trois ans après leur signature. Mais entre-temps, au Mali, il y a eu un coup d'État ! Quel sens politique donnerons-nous à notre vote ? Quels interlocuteurs avons-nous du côté malien ? Quel message allons-nous adresser à la communauté internationale, au peuple malien et aux défenseurs de la démocratie au Mali ? Vraiment, l'intervention de M. Mbaye m'interpelle. J'en étais resté à notre propre contexte, mais voilà que le calendrier malien s'impose à nous. Peut-être notre discussion devrait-elle s'achever par un ajournement du vote, en attendant que l'État de droit s'applique à nouveau au Mali.

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Quelques précisions sur le calendrier qu'a évoqué Mme la rapporteure : si le Mali est dans une dynamique électorale, avec une échéance au 20 mars de l'année prochaine environ, nous ne savons pas quelles élections – locales, législatives ou présidentielle – seront prioritaires.

Le Mali fait face à deux éléments extrêmement compliqués à gérer : il y a d'un côté le facteur temps, avec cette transition de dix-huit mois et cette accélération vers les élections, et de l'autre le facteur sécuritaire, car tout n'est pas réglé. Il n'y a pas que Bamako : il y a aussi des villes comme Gao ou Tombouctou, ce que ne manquent pas de rappeler les acteurs politiques et ceux de la société civile quand vous discutez avec eux.

Dans ce contexte, il faut évidemment accompagner tout accord tendant à normaliser les choses – mais, une fois que cet accord sera ratifié par l'Assemblée, vers qui le renverrons-nous ? Vers les membres du Conseil national de transition, qui ne sont pas élus ? Vers la future assemblée parlementaire malienne qui sera démocratiquement élue ? Il ne faut pas rester dans notre propre calendrier, mais comprendre que nous devons aussi envoyer des signaux forts et pertinents à nos partenaires africains. C'est très important.

Nous sommes tous ici élus, nous avons mandat pour gérer ces situations : en tant que membres de la commission des affaires étrangères, c'est notre rôle d'autoriser des ratifications. Nous parlons donc à des homologues, des élus, pas à des gens nommés au sein d'un comité de transition. C'est un peu troublant.

S'agissant de l'accompagnement que le Mali attend de nous, il ne dépend pas uniquement de la France, mais également de la communauté internationale. Il faut à ce propos saluer le groupe d'observateurs institué après la signature de l'accord d'Alger, où l'on retrouve à la fois la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union africaine et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, qui accompagnent le processus de transition.

On peut être optimiste sur l'avenir du Mali, mais il faut aussi se poser les bonnes questions : une fois ratifié un texte aussi engageant, à qui le donne-t-on ?

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M. Lecoq et M. Mbaye soulèvent une question fondamentale pour notre commission.

Le problème posé par les conditions de la transition au Mali est très important. Nous avons le sentiment que ce qui se passe depuis le coup d'État est plutôt bien géré et devrait pouvoir, même si cela reste très hypothétique, conduire à un assainissement de la situation sur différents plans, notamment celui de la corruption. Nous sommes donc dans l'optique d'accompagner la transition en espérant qu'elle débouchera très rapidement sur le rétablissement d'un ordre constitutionnel pleinement satisfaisant. Mais il ne faut pas se dissimuler que tout cela reste très hypothétique et très incertain dans un pays en grande difficulté, et que nous ne pouvons pas être sûrs de notre affaire. Nous aborderons le sujet cet après-midi avec M. Le Drian.

Nos deux collègues nous demandent donc si la situation très difficile au Mali doit nous empêcher d'approuver ces conventions. Mon sentiment est que ce que nous faisons, en matière bien sûr d'entraide mais même d'extradition, renforce la coopération entre les systèmes judiciaires français et malien et contribue plutôt à tenir la main de nos partenaires maliens, dans le respect d'un certain nombre de principes fondamentaux.

Je sais bien, monsieur Lecoq, que c'est un pari, mais ne vaut-il pas mieux développer ces procédures de coopération, entraide et extradition plutôt que de rester sur le bord du fleuve en attendant que la transition démocratique se passe ? Je pense que des relations étroites sont préférables, mais je comprends que l'on défende un point de vue plus pessimiste sur l'évolution de la conjoncture.

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La situation au Mali est effectivement extrêmement complexe. Fait-on de la diplomatie avec un État, avec un régime ou avec des individus ? Le groupe Libertés et Territoires considère qu'en étant favorables à cet accord, nous montrons que nous voulons maintenir notre relation avec des gens qui sont pourtant placés dans une situation extrêmement difficile et explosive, sur laquelle nous ne nous leurrons pas. Il est important que la France montre au Mali qu'elle ne l'abandonne pas dans un moment où il est particulièrement en difficulté.

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Madame la rapporteure, dans l'histoire des accords internationaux de cette nature, un coup d'État a-t-il déjà entraîné la suspension d'une convention d'entraide entre notre pays et un autre ? Si tel est le cas, si un accord a été suspendu parce qu'un régime ne permettait pas l'exercice de l'État de droit, nous ne sommes pas en situation de pouvoir adopter aujourd'hui le projet de loi. Si cela n'est jamais arrivé et que les accords d'entraide courent toujours quel que soit le régime en place, la question est toute autre.

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C'est au cas par cas : on ne signerait pas, par exemple, avec le nouveau gouvernement birman.

L'appréciation collective au sein de l'État et du gouvernement français est que la situation était extrêmement tendue au Mali, que le coup d'État n'est évidemment pas du tout satisfaisant mais que nous nous engageons à soutenir un processus d'amélioration, car il faut être solidaires. Il n'y a pas de réponse binaire à votre question, monsieur Lecoq, mais une plage réservée à l'appréciation politique, qui est propre à chacun.

L'idée que se fait le Gouvernement, et que j'approuve, est qu'il faut plutôt aider ces pays à lutter contre le terrorisme, ce qui revient aussi à concourir à l'État de droit.

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Vous avez résumé ma pensée : je pense qu'il existe une continuité de l'État au Mali et qu'il ne faut pas les laisser sur le bord de la route, surtout s'agissant d'un sujet aussi important, qui marque normalement la fin de l'impunité. Si nous voulons soutenir la démocratie dans certains pays, il faut leur montrer la voie. Ce texte arrive dans un moment difficile pour le pays, qui est en pleine transition : il faut les aider, les accompagner, pas les écarter.

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Si j'ai bien compris, le rôle de la commission des affaires étrangères est d'autoriser notre gouvernement à ratifier. Où en est le côté malien, doivent-ils également ratifier ? Attend-on encore quelque chose de leur part à compter de notre ratification ? Sont-ils exonérés de ratification parce qu'ils sont en transition ? Bien entendu, nous rêvons tous d'une démocratie interparlementaire, mais en l'état actuel des choses nous devons replacer la question dans le fonctionnement de l'État français.

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La question juridique posée par Jean-François MBaye est légitime, mais d'un point de vue politique, on a au Mali un processus parfaitement concerté et validé par l'ensemble des instances internationales. Le CNT, s'il n'est pas élu, est validé par elles. Ce coup d'État qui n'a fait aucun mort est susceptible de générer une situation plus vertueuse qu'auparavant. Aussi intéressantes intellectuellement que soient les questions de nos collègues, sur le terrain, tant pratiquement que politiquement, le processus est suivi, concerté et validé par les organisations internationales.

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Chers collègues, je vous rappelle que ce projet de loi est issu d'un long travail, que le ministère de la justice a commencé en 2016. Si l'on n'autorise pas l'approbation de ces conventions, que se passera-t-il ? Allons-nous en rester à l'accord de 1962, qui est obsolète ?

Je rappelle que nous faisons cela pour les populations sur place. Le coup d'État a été le fruit de la crise qui a suivi les élections législatives et de l'exaspération de la population face à un État qui n'en était finalement pas un. Il a été accueilli avec joie par les populations maliennes. J'ai participé à plusieurs réunions avec les membres des diasporas maliennes de toute la France pour connaître leur sentiment.

On me demande ce que fera la partie malienne si nous autorisons l'approbation de ces conventions. Si, comme Jean François Mbaye l'a rappelé, le CNT n'est pas composé de députés, ses membres exercent pendant la transition le pouvoir législatif et les conventions que nous examinons figurent à l'ordre du jour de la session qui a été ouverte le 9 mai, ce qui signifie qu'elles seront signées de l'autre côté par le Conseil.

N'oubliez que l'on parle de terrorisme et de criminalité organisée. Oui, les délais sont contraints, mais la feuille de route a été décidée par la CEDEAO et partagée par les autorités de transition maliennes. Des engagements ont été pris, comme pour la relance de l'accord d'Alger. Si j'entends vos questions, qui sont bien entendu légitimes, je vous invite, chers collègues, à voter en faveur de ce projet de loi, pour les Maliens et pour l'Afrique – car on frappe aujourd'hui au Mali, mais demain peut-être à Dakar : l'agenda est international !

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En 2018 ou 2019, j'ai été le rapporteur d'un projet de loi de ratification concernant le Cambodge. On nous a demandé de le mettre en stand-by compte tenu de la situation sur place et des élections législatives, car il aurait « envoyé un signal désastreux ». Nous sommes en 2021 et ce texte n'est jamais ressorti, alors que la situation au Cambodge est parfaitement démocratique.

Je fais le parallèle même si la situation des deux pays est complètement différente, puisqu'au Mali il n'y a pas d'assemblée élue. Je comprends bien que vos arguments sont politiques, mais d'un point de vue juridique, si nous ratifions ce texte, à quel organe le confierons-nous ? Certes, le CNT dispose de certaines prérogatives, mais l'opinion publique s'interroge sur sa légitimité ainsi que sur la représentativité de ses membres. Ce flou juridique m'interpelle.

Vous nous dites, madame la rapporteure, que si nous n'autorisons pas notre gouvernement à approuver ces conventions, nous devrons fonctionner avec un texte vieux de quelques années. Mais alors, que pensez-vous de mon projet de loi de ratification de l'accord avec le Cambodge dont je n'entends plus personne parler, ni le gouvernement français ni les autorités cambodgiennes ?

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Monsieur Mbaye, dans quel sens va l'avertissement que vous nous donnez : regrettez-vous que le texte sur le Cambodge n'ait pas été approuvé, ou dites-vous qu'un texte enterré ne sera plus exhumé ?

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On nous a soumis à nous, parlementaires, un projet de loi de ratification que j'estimais aller dans le bon sens, avec un bon accompagnement. Puis on nous a dit que la situation politique était un peu tendue et qu'il fallait attendre un peu. Les élections législatives ont eu lieu au Cambodge il y a belle lurette et nous n'entendons plus parler de rien. Peut-être s'agissait-il d'une décision purement politique, mais il fallait nous le dire en face !

Il en va de même pour ce texte : il y a le juridique et le politique. Je suis désolé, l'argument juridique est solide. Si vous voulez un agenda politique pour le Mali, je suis le premier à vouloir accompagner la région du Sahel, à la fois par le développement et par le sécuritaire, car c'est essentiel. Mais quant à ce texte, encore une fois, à qui le donnerons-nous une fois adopté ?

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Je vous rappelle que la France reconnaît traditionnellement les États en fonction de leur effectivité. En l'espèce, on considère que l'État malien est effectif, mais vous avez raison, le système institutionnel n'est pas du tout achevé et il y a là un élément de pari.

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Je suis d'accord avec mon collègue de La République en Marche, ce qui est plutôt rare. Ce n'est pas le contenu de l'accord qui nous pose problème, évidemment. Quant au fait de revenir à l'accord de 1962, je vous signale que c'est celui qui s'applique en ce moment même. Le fait de reporter notre vote de quelques jours ou de quelques mois ne mettrait donc pas en péril les relations entre la France et le Mali.

Ce texte traite d'entraide judiciaire et de terrorisme. Considère-t-on qu'il est possible de conclure un accord judiciaire avec un État qui, même s'il est accepté par la communauté internationale, n'est pas en l'état actuel des choses un État de droit ? Je suis aussi sensible à la question du message politique à la population. Enfin, imaginons que nous autorisions tout de suite l'approbation de ces conventions, en prenant notre responsabilité d'élus, même si c'est inquiétant et peut-être gênant, et malgré l'image que cela donne ; et imaginons que l'exécutif considère que finalement, ce n'est pas le moment de le faire. Voilà qui serait intéressant !

Je vous propose donc, monsieur le président, de poser la question à l'exécutif cet après-midi et d'attendre sa réponse avant de voter le texte. Approuverait-il ces conventions compte tenu de la situation actuelle au Mali ou attendrait-il que les choses évoluent ? Car nous avons raison de nous poser des questions sur la situation.

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Surseoir de quelques jours ne pose pas de problème grave, et nous pourrons poser la question à M. Le Drian cet après-midi. Mais je ne suis pas très à l'aise, en tant que parlementaire, avec votre raisonnement : nous n'avons pas à attendre le Gouvernement. C'est à nous de prendre notre décision, en fonction de ce que nous pensons et de ce que nous voulons. J'en ai un peu par-dessus la tête, dans ce Parlement, de devoir demander l'avis du Gouvernement sur tout.

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Ne me dites pas cela à moi, je ne le demande jamais !

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Sauf aujourd'hui. Je le comprends très bien, mais la commission des affaires étrangères a son rôle et sa dignité : si nous estimons que nous ne sommes pas assez informés, nous pouvons demander un complément, mais nous devons prendre nos responsabilités.

La situation est originale : le péché originel est un coup d'État, mais dont l'objectif est de nous rapprocher de l'Éden, au lieu de nous en faire sortir, puisque le but du processus est de rétablir une situation à peu près normale au Mali. La modernisation et l'amélioration de l'accord de 1962 est une contribution, certes modeste, à ce processus. Refuser l'approbation de ces conventions serait plutôt un signe de solidarité envers l'ancien gouvernement, qui pourtant n'a pas donné d'exemples mirobolants de réussite.

Quoi qu'il en soit, j'envisage de procéder à un premier vote pour vous demander si vous souhaitez vous prononcer sur le projet de loi ou reporter d'une semaine. Je pense que nous avons tous les éléments pour voter, mais je comprendrais très bien que vous en décidiez autrement.

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Je suis favorable à ce que nous votions aujourd'hui. Si le Gouvernement a déposé le projet de loi, c'est qu'il a l'intention de procéder à l'approbation. Je pense qu'il est important d'envoyer ce signal au Mali, qui est demandeur de coopération en matière pénale pour former les magistrats, en particulier aux outils d'investigation, notamment numériques. Cela va dans le sens de notre partenariat avec l'Afrique, que surseoir au vote reviendrait à freiner. L'accord est couplé aux engagements pris au sommet de Pau, qui a clarifié les choses avec la définition des quatre piliers, puis lors du sommet de N'Djamena. Je comprends les arguments qui ont été avancés mais pour ma part, c'est sans réserve, en mon âme et conscience, que je souhaite voter le texte dès aujourd'hui.

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Et le fait qu'un parlementaire aussi vigilant sur ces questions que Sébastien Nadot n'y voie pas d'objection est de nature à nous rassurer – ne croyez pas pour autant que je vous suivrai systématiquement, mon cher collègue !

Y a-t-il des oppositions à ce que nous votions le texte dès à présent ? Je constate que les opposants sont minoritaires. Nous allons donc procéder au vote.

La commission adopte successivement les articles 1er et 2 du projet de loi.

Elle adopte l'ensemble du projet de loi sans modification.

Projet de loi autorisant la ratification de l'accord portant extinction des traités bilatéraux d'investissement entre États membres de l'Union européenne (n° 3899) (M. Sylvain Waserman, rapporteur.

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Le texte que nous abordons est complexe et d'une grande importance. Il a trait à la façon dont les investissements des entreprises européennes sont protégés du risque politique quand ils sont réalisés dans un État membre de l'Union européenne. Cette protection, classique, vise les événements ou les décisions d'ordre politique ou administratif entraînant des pertes directes pour l'investisseur étranger – ce que l'on appelle habituellement le risque pays.

Depuis cinquante ans, les États européens ont conclu des traités bilatéraux avec des États extérieurs à l'Union européenne afin de définir les procédures de règlement des litiges entre investisseurs et États nés de la réalisation du risque politique. La plupart des États avec lesquels ces traités ont été signés sont devenus ensuite membres de l'Union.

Le 16 mars 2018, dans l'important arrêt Achmea, la Cour de justice de l'Union européenne a consacré la primauté du droit de l'Union sur tout autre accord international conclu par un État membre. Cette décision était logique, mais n'est pas sans poser problème. En effet, l'arrêt considère que les traités bilatéraux d'investissement entre les États membres ne sont pas compatibles avec le droit européen en ce qu'ils instaurent des procédures arbitrales autonomes s'imposant aux États membres, c'est-à-dire non soumises au contrôle d'une juridiction nationale, donc au principe de suprématie du droit de l'Union, et ne permettant pas, de ce fait, de saisir les juridictions européennes.

L'accord dont il nous est demandé d'autoriser la ratification vise donc à mettre un terme, de façon coordonnée, aux voies de recours ouvertes par ces traités bilatéraux d'investissement, tout en organisant une procédure de médiation permettant de régler les procédures d'arbitrage en cours. Une possibilité de saisine des juridictions nationales est également ouverte en cas d'échec de la médiation.

La matière est donc politiquement et économiquement essentielle, juridiquement délicate et complexe. Heureusement, nous avons le bon rapporteur pour la traiter : je le laisse exposer plus en détail ce nouvel instrument de régulation des relations économiques en Europe.

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Pourquoi ai-je souhaité être rapporteur pour ce texte ? D'abord parce que le sujet, apparemment abstrus, me rappelle de très bons souvenirs : la première fois que j'ai entendu parler des TBI, les traités bilatéraux d'investissement, je travaillais au cabinet de Peter Mandelson, alors commissaire européen au commerce. Ensuite, parce qu'il est hautement symbolique d'une étape de la construction de l'Union.

Dans les années 1990, alors que l'élargissement de l'Union se faisait pressentir, la Commission a fortement insisté sur l'importance de développer les investissements des États membres dans les pays en cours d'adhésion. Se sont alors multipliés les accords bilatéraux destinés à sécuriser de tels investissements, en particulier ceux consentis dans les pays d'Europe de l'Est. Ces pays n'étant pas soumis aux règles de l'Union, cette sécurisation était nécessaire, ainsi que la définition des règles d'arbitrage en cas de litige : après la chute du rideau de fer, les droits nationaux des pays en question n'étaient pas assez sécurisants pour les investisseurs d'Europe de l'Ouest. Deux cents accords ont ainsi été signés, dont douze impliquant la France.

Les choses se sont corsées en 2004, lorsqu'une entreprise néerlandaise, Eastern Sugar BV, a attaqué la République tchèque, à propos d'un sujet mineur. Les États se sont alors demandé si les accords bilatéraux avaient un sens eu égard au droit européen, et quelle place leur donner du point de vue juridique. À l'époque, la Commission européenne, à chaque affaire de ce genre, jouait le rôle d' amicus curiae, intervenant dans les arbitrages et dans l'ensemble de la réflexion juridique comme témoin et pour donner son avis, selon lequel il fallait que le droit européen se substitue à tous ces accords bilatéraux.

Le moment déterminant se situe en 2018, à propos d'une affaire engagée plusieurs années auparavant – la fameuse affaire Achmea, du nom d'une entreprise qui avait investi 70 millions d'euros en République slovaque lors de la libéralisation de l'assurance maladie. Deux ans après, la République slovaque avait fait marche arrière et ne souhaitait plus cette privatisation, d'où le litige. En 2018, la Cour de justice européenne a tranché en considérant que les accords bilatéraux, notamment parce qu'ils font appel à l'arbitrage privé, n'ont plus de sens dans l'édifice juridique européen et que l'on doit y mettre un terme.

À la suite de cette décision, les États européens ont souhaité sortir de manière coordonnée de l'ensemble de ces accords dès lors qu'ils concernent l'échelon intra-européen. C'est ce qu'il est proposé aujourd'hui de faire pour les douze accords engageant la France. Cette démarche, je le répète, s'opère en coordination avec la plupart des pays européens – vingt-trois en tout – ce qui est heureux. Elle est le symbole de la fin d'un modèle d'arbitrage privé, affranchi du droit national et du droit européen, au profit d'un modèle intra-européen qui relève pleinement du droit des États membres – empreint des règles européennes – et, le cas échéant, de l'arbitrage de la Cour de justice de l'Union.

Pour toutes ces raisons, je suis très favorable à la ratification de l'accord.

Plusieurs questions se posent. D'abord, qu'en est-il des affaires en cours – une trentaine, dont plusieurs concernant des entreprises françaises ? Le texte propose un système destiné à permettre un accord à l'amiable grâce à un dispositif spécifique de dialogue.

Ensuite, et je réponds là à une question que M. Lecoq n'aurait pas manqué de poser, l'arrêt Achmea s'applique-t-il au Traité sur la charte de l'énergie ? À ce sujet, deux écoles de pensée s'affrontent. Pour l'une, toutes choses égales par ailleurs, c'est bien le cas, de sorte que l'arrêt Achmea aboutira à mettre un terme au Traité sur la charte de l'énergie. Pour l'autre, il faudrait au contraire une démarche spécifique. Dans leur grande sagesse, les pays européens et leurs juristes ont décidé de ne pas traiter le sujet dans l'accord que nous examinons, de crainte de fragiliser le texte en créant de la division alors que la question de l'arbitrage privé fait l'unanimité. On a donc choisi d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur l'application de l'arrêt Achmea au Traité sur la charte de l'énergie. La décision de la Cour permettra au législateur de trancher ce point dans les mois à venir.

Ce texte est important : c'est le symbole de la fin des traités bilatéraux, le moment où l'on dit enfin qu'il n'y a pas lieu, au sein de l'Union européenne, de recourir à l'arbitrage privé puisque nos institutions peuvent traiter les litiges. En remerciant vivement les services de leur aide, je vous invite à voter ce projet de loi.

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On peut percevoir l'histoire sous plusieurs angles : certains se focalisent sur les guerres et les révolutions, d'autres sur les grandes femmes et les grands hommes qui ont fait notre histoire, d'autres enfin, comme moi, étudient les gens ordinaires et tentent de les comprendre. S'intéresser aux aspects économiques de leur vie, de leur travail, de leur retraite, voilà ce qui sous-tend des textes comme celui que nous examinons. J'en remercie le rapporteur.

L'extinction des traités bilatéraux d'investissement entre États membres de l'Union européenne, conséquence de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 6 mars 2018, motive l'accord plurilatéral signé par vingt-trois membres de l'Union pour se mettre en conformité avec le droit européen et supprimer un anachronisme. Le groupe La République en Marche est favorable à l'adoption du projet de loi, car il permet de démanteler des accords ayant subsisté du fait de leur clause de survie, mais aussi d'établir enfin un cadre pour les gens ordinaires s'agissant des procédures d'arbitrage entre investisseurs et États membres. Merci de nous montrer leur visage derrière des indicateurs parfois rebutants.

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Je remercie le rapporteur d'avoir clarifié un sujet qui pouvait sembler obscur. Les élargissements de 2004, 2007 et 2013 ont intégré à l'Union européenne des États qui avaient conclu des traités bilatéraux d'investissement avec la plupart des États membres de l'Union. Environ 200 accords, dont douze avec la France, ont été répertoriés dans ce contexte. Ces TBI se sont rapidement révélés difficiles à appliquer en conformité avec le droit de l'Union européenne, en particulier dans le cadre des procédures d'arbitrage. Ils ont par conséquent été dénoncés par la Commission européenne, mais sans que ces démarches aboutissent à leur extinction, ce qui a entraîné la multiplication des litiges entre investisseurs et États membres.

Dans sa décision Achmea du 6 mars 2018, la Cour de justice de l'Union européenne a confirmé la position de la Commission et jugé contraire au droit de l'Union les clauses d'arbitrage entre États membres et investisseurs dans le cadre de tels accords. Pour appliquer cet arrêt, deux étapes ont été nécessaires : d'abord, la négociation d'une déclaration politique destinée à exposer les conséquences juridiques de l'arrêt ; ensuite, la conclusion d'un accord plurilatéral ayant pour but d'organiser le démantèlement des traités restant en vigueur.

Cet accord, signé par vingt-trois États membres le 5 mai 2020, comporte deux grands volets. D'abord, il dénonce de manière collective et coordonnée les accords bilatéraux de protection des investissements. Ensuite, il fournit un cadre précis concernant les procédures arbitrales intentées sur leur fondement : il laisse intactes celles réglées avant le 6 mars 2018 et instaure des procédures transitoires pour les différends faisant l'objet d'arbitrages en cours de règlement. L'accord ne comprend pas de dispositions substantielles ou procédurales destinées à remplacer les traités bilatéraux d'investissement. Cela étant, les garanties juridiques offertes par les droits des États membres, les libertés fondamentales et les principes généraux du droit de l'Union sont rappelés, ce qui devrait rassurer les opérateurs économiques inquiets de l'extinction des traités.

Mon groupe se réjouit de cette simplification et de cette clarification bienvenues, et nous voterons en faveur de ce projet de loi.

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Nous sommes bien sûr favorables à l'approbation de l'accord. Bravo à Sylvain Waserman pour l'enthousiasme et la passion grâce auxquels il a su rendre digeste, et même limpide, un dossier de prime abord très complexe.

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Je remercie à mon tour le rapporteur d'avoir éclairci un sujet complexe et de l'avoir rendu vivant en lui donnant une épaisseur humaine.

Ce projet de loi nous renvoie à l'époque de l'Europe des Quinze, lorsque les traités bilatéraux d'investissement avec les États d'Europe de l'Est se multipliaient. Cela a été dit, près de deux cents accords de ce type ont alors été conclus pour sécuriser les investissements, dont douze par la France, principalement avec ces pays d'Europe de l'Est.

Avec l'adhésion de ces derniers à l'Union européenne, à partir de 2004, s'est posée la question de la compatibilité des accords avec le droit de l'Union. L'arrêt du 6 mars 2018 a estimé que les clauses d'arbitrage entre États et investisseurs prévues dans les traités bilatéraux d'investissement sont contraires au droit de l'Union.

Si la construction européenne s'est fondée sur des intérêts économiques, l'Europe doit aussi être appréhendée comme une communauté de valeurs et, plus largement, comme une communauté politique où la confiance mutuelle entre États membres tient une place centrale. Dans ce contexte, la conclusion de traités bilatéraux d'investissement entre États membres ne se justifie plus.

Vingt-trois États membres ont pris parti en ce sens en signant en 2019 une déclaration, avant un accord qui tire les conséquences de l'arrêt Achmea certes, mais qui va plus loin encore. En effet, au-delà de son aspect technique qui permet de mettre un terme de façon coordonnée à une kyrielle d'accords bilatéraux intra-européens en les remplaçant par un cadre commun, l'accord procède à un nouvel approfondissement de notre cadre européen. Voilà pourquoi nous voterons le texte.

Puisque l'Union européenne est une communauté de valeurs, de peuples et d'individus que traduit une communauté de droit, nous aimerions que cette dynamique de création d'un cadre commun se poursuive, au-delà du domaine financier, jusqu'à toucher au cœur de l'enjeu démocratique et de l'État de droit.

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Monsieur le rapporteur, ne prenez pas l'habitude de faire les questions et les réponses, ou je n'aurai plus rien à dire ! Cela étant, j'apprécie à sa juste valeur le soin que vous avez mis à répondre à la question concernant le Traité sur la charte de l'énergie, que je m'apprêtais évidemment à vous poser. J'aurais aimé que le ministre dispose hier des arguments que vous avez exposés aujourd'hui ; même s'il a donné la position du Gouvernement, je ne l'ai pas senti très à l'aise sur le sujet.

Chacun sait que je fais partie de ceux qui n'ont pas voté le traité de Maastricht, qui n'ont pas approuvé la construction européenne et la forme d'union européenne qu'il implique, bien que je sois européen dans l'âme. Mais je fais aussi partie de ceux qui combattent les tribunaux d'exception et qui défendent les tribunaux publics, notamment dans le cadre des traités de libre-échange. Compte tenu de ce double point de vue et de l'évolution du droit européen, il me semble que le texte va dans le bon sens, même si je n'en partage pas le fondement. Mon groupe le votera donc.

Comme mes collègues, je salue la façon dont vous avez su nous donner envie de voter avec enthousiasme. Vous ne m'avez pas encore convaincu s'agissant de votre version de l'idée européenne, mais nous avons beaucoup apprécié votre travail sur le texte et nous vous en remercions à nouveau.

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C'est le privilège des meilleurs des Alsaciens que de nous aider à aimer l'Europe ! Je me joins aux félicitations qui vous ont été adressées, monsieur le rapporteur. Vous avez su mettre en scène le vote d'aujourd'hui de façon saisissante. Ceux qui sont particulièrement attachés à la construction européenne, comme je le suis à titre personnel, y voient deux progrès considérables : une étape de l'unification juridique – des décisions éparses seront désormais soumises à l'unité du droit européen – d'une part, et d'autre part le remplacement d'arbitrages, exposés à de nombreux aléas, par l'action de juridictions institutionnalisées.

Toutefois, comment cette modification est-elle accueillie par les entreprises concernées ? Qu'est-il d'ailleurs arrivé à Achmea : n'y a-t-il pas eu un vide juridique dans cette affaire, à la suite de l'arrêt de la Cour de justice ? Les professionnels pourraient voir dans l'évolution dont nous parlons un développement de la bureaucratie communautaire, source de bien des fantasmes.

Nous ferons bien, en tout cas, de soutenir ce texte très important.

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Concernant tout d'abord la sécurisation des investissements et l'harmonisation du droit, Christine Lagarde avait dit lorsqu'elle était à la tête du Fonds monétaire international, évoquant les priorités de l'Europe, qu'il fallait harmoniser le droit des faillites pour sécuriser l'investissement. Un Allemand qui investit en Italie, par exemple, a besoin de pouvoir calculer son risque maximum et de sécuriser son plan d'affaires. Voilà en somme ce que nous faisons.

L'enjeu est aussi de mettre un terme à l'arbitrage privé au profit des juridictions nationales, qui s'appuient sur le droit de l'Union et disposent d'un échelon de recours européen. Monsieur Lecoq, le CETA, auquel vous êtes opposé, est le premier accord de nouvelle génération qui rompt avec les arbitrages privés et crée des juridictions professionnelles dont les juges sont nommés par les États. Il s'agit d'une tendance lourde dans l'Union, pour les accords de commerce international comme en droit intra-européen.

Du point de vue symbolique, enfin, nous sommes appelés à voter rien de moins qu'une unification européenne du droit en matière de sécurisation des investissements. C'est une étape supplémentaire et importante de la construction naturelle d'un édifice juridique européen. Une fois la décision Achmea prise, les parties des nouveaux litiges ne pouvaient plus invoquer le tribunal de règlement des litiges privés, ce qui a créé une tension entre la jurisprudence et des accords législativement approuvés. Nous y mettons bon ordre.

En ce qui concerne la réaction des protagonistes, les entreprises françaises en cours de litige ont été contactées. S'agissant d'Achmea, la justice arbitrale privée a été dessaisie de l'affaire au profit d'un processus juridique national et européen qui n'a pas encore abouti, mais cette évolution me semble en elle-même un véritable progrès.

Elle contribue du reste à la stabilisation des modèles juridiques. Même un pays traditionnellement aussi favorable à l'arbitrage privé que l'Allemagne s'oriente résolument vers l'extinction des traités bilatéraux : cela confirme qu'il s'agit d'une tendance lourde.

En votant le texte, nous franchirons, je le répète, une étape supplémentaire de la construction juridique de l'Union européenne, importante pour nos entreprises, en particulier les PME, pour nos investisseurs et pour le développement économique, et qui substitue le primat d'un droit européen sécurisé à celui du droit international privé. Je soutiens cette démarche avec détermination.

La commission adopte l'article unique du projet de loi sans modification.

La séance est levée à douze heures dix.