Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 19 mai 2021 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Mes chers collègues, je suis heureux d'accueillir le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian. Son audition, prévue initialement le 5 mai, avait dû être reportée en raison d'une réunion des ministres des affaires étrangères des membres du G7 à Londres. M. le ministre pourra nous éclairer sur les événements très graves qui se sont déroulés depuis en Israël.

Parmi les innombrables sujets que nous pourrions aborder, nous nous concentrerons sur le Moyen-Orient et le Sahel, notamment le Tchad. Je me contenterai d'évoquer brièvement la question de la Birmanie, que nous ne résoudrons pas cet après-midi, et celle de la Russie, qui est un serpent de mer. Par ailleurs, je souhaite que nous disions un mot du Brexit et de l'attitude inadmissible du gouvernement britannique, de plus en plus enclin à fouler aux pieds ses engagements. Cela commence à bien faire ! Ce n'est pas à un Britannique qu'il faut rappeler qu'un protocole n'est pas un chiffon de papier !

S'agissant d'Israël, un long exposé ne s'impose pas. Les chiffres dont je dispose sont les suivants : 219 morts, dont 63 enfants, et 1 440 blessés côté palestinien ; 12 morts, dont 1 enfant, et près de 300 blessés en Israël, où 3 750 roquettes sont tombées en neuf jours. La situation est d'une extrême violence.

Par-delà les appréciations des uns et des autres, nous devons distinguer, dans notre approche du conflit, deux choses : l'urgence du rétablissement de la paix, qui est un devoir de la communauté internationale et des parties prenantes, et une réflexion en profondeur sur la façon dont nous Français, nous Européens, percevons la situation. L'Europe a beaucoup à dire, mais elle a du mal à le dire franchement. Il semble difficile d'adopter un point de vue fort et cohérent sur la façon dont nous envisageons le problème palestinien.

On dénombre 7 millions de Juifs dans l'État d'Israël ; les Arabes sont 3 millions en Cisjordanie, 2 millions à Gaza, près de 1,8 million avec les Druzes dans l'État d'Israël ; la diaspora palestinienne compte 6,6 millions de personnes, dont 3,4 millions de réfugiés vivant dans des conditions plus ou moins précaires au Liban, en Jordanie et en Syrie. Il s'agit donc de masses de population très importantes, dont il s'agit de déterminer les perspectives à long terme. La question de fond est la suivante : quel modèle les Européens et les Américains proposent-ils pour équilibrer le système ? La solution à deux États ou celle, assez irréaliste, d'un État multiethnique ? De l'absence de solution est née la situation actuelle, une asymétrie très préoccupante qui conduit aux violences dont nous sommes témoins.

Monsieur le ministre, je ne vous demanderai pas ce que la France compte faire. Bien évidemment, nous sommes tous pour la paix et l'arrêt des violences, pour qu'Israël cesse de recevoir des fusées et que Gaza ne soit pas l'objet d'attaques systématiques, pour le retour de la paix dans les villes mixtes et l'amélioration de la situation sur l'esplanade des Mosquées. Mais une fois qu'on a dit cela, on n'a rien dit ! Je vous poserai la question autrement : pouvez-vous identifier les forces qui poussent à la guerre, celles qui agissent en faveur de la paix ? La question est de savoir, parmi les protagonistes du théâtre d'opérations et au sein de la communauté internationale, quelles forces nous combattons, quelles forces nous soutenons. Je vous demanderai aussi comment, à moyen terme, non pas dégager une solution mais nous orienter dans une direction acceptable par les parties prenantes, tant Israël que la communauté palestinienne – dans sa représentation très bizarre, pour ne pas dire plus.

Je vous demanderai, monsieur le ministre, de faire le point sur la situation au Liban. La pression très forte que la France a exercée sur Beyrouth n'a pas été suivie d'effets. Le personnel politique libanais, pour des raisons complexes tenant à des défaillances morales mais aussi à une situation très difficile, ne réagit pas. Le pays semble marcher vers la destruction de l'État et de la société, ce qui est très préoccupant.

Au Sahel, nous connaissons les difficultés que la France rencontre, nous voyons se dessiner le spectre d'un scénario à l'afghane – il faudrait en partir après avoir lutté sans relâche mais sans avoir rien résolu. Nous n'ignorons pas la situation doit être abordée sous les angles économique, social et politique autant, sinon davantage, que militaire. La nouveauté est le changement politique très violent qui s'est produit au Tchad. Monsieur le ministre, nous attendons de vous une analyse de l'évolution de la situation sur ce théâtre d'opérations, où nous sommes, de toute évidence, durablement engagés. La difficulté à repérer un point de sortie, non de nos troupes mais de cette situation difficile où nous nous trouvons, est préoccupante. Nous savons votre engagement sur cette question et attendons votre éclairage.

En Birmanie, la situation est terrible. Quelles initiatives la France peut-elle prendre ? Compte-t-elle évoluer vers la reconnaissance d'un gouvernement qui ne serait pas le gouvernement effectif ? Nous manquerons de temps pour évoquer la Russie. S'agissant du Brexit, nous attendons du Gouvernement, et surtout de l'Union européenne, qu'ils réagissent vivement : il n'est pas tolérable, qu'il s'agisse du protocole sur l'Irlande ou des accords de pêche, que des accords solennellement négociés, signés et ratifiés ne soient pas honorés par un partenaire aussi civilisé que le Royaume-Uni !

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