Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 19 mai 2021 à 17h00

Résumé de la réunion

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  • israël
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La réunion

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La séance est ouverte à 17 heures.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

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Mes chers collègues, je suis heureux d'accueillir le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian. Son audition, prévue initialement le 5 mai, avait dû être reportée en raison d'une réunion des ministres des affaires étrangères des membres du G7 à Londres. M. le ministre pourra nous éclairer sur les événements très graves qui se sont déroulés depuis en Israël.

Parmi les innombrables sujets que nous pourrions aborder, nous nous concentrerons sur le Moyen-Orient et le Sahel, notamment le Tchad. Je me contenterai d'évoquer brièvement la question de la Birmanie, que nous ne résoudrons pas cet après-midi, et celle de la Russie, qui est un serpent de mer. Par ailleurs, je souhaite que nous disions un mot du Brexit et de l'attitude inadmissible du gouvernement britannique, de plus en plus enclin à fouler aux pieds ses engagements. Cela commence à bien faire ! Ce n'est pas à un Britannique qu'il faut rappeler qu'un protocole n'est pas un chiffon de papier !

S'agissant d'Israël, un long exposé ne s'impose pas. Les chiffres dont je dispose sont les suivants : 219 morts, dont 63 enfants, et 1 440 blessés côté palestinien ; 12 morts, dont 1 enfant, et près de 300 blessés en Israël, où 3 750 roquettes sont tombées en neuf jours. La situation est d'une extrême violence.

Par-delà les appréciations des uns et des autres, nous devons distinguer, dans notre approche du conflit, deux choses : l'urgence du rétablissement de la paix, qui est un devoir de la communauté internationale et des parties prenantes, et une réflexion en profondeur sur la façon dont nous Français, nous Européens, percevons la situation. L'Europe a beaucoup à dire, mais elle a du mal à le dire franchement. Il semble difficile d'adopter un point de vue fort et cohérent sur la façon dont nous envisageons le problème palestinien.

On dénombre 7 millions de Juifs dans l'État d'Israël ; les Arabes sont 3 millions en Cisjordanie, 2 millions à Gaza, près de 1,8 million avec les Druzes dans l'État d'Israël ; la diaspora palestinienne compte 6,6 millions de personnes, dont 3,4 millions de réfugiés vivant dans des conditions plus ou moins précaires au Liban, en Jordanie et en Syrie. Il s'agit donc de masses de population très importantes, dont il s'agit de déterminer les perspectives à long terme. La question de fond est la suivante : quel modèle les Européens et les Américains proposent-ils pour équilibrer le système ? La solution à deux États ou celle, assez irréaliste, d'un État multiethnique ? De l'absence de solution est née la situation actuelle, une asymétrie très préoccupante qui conduit aux violences dont nous sommes témoins.

Monsieur le ministre, je ne vous demanderai pas ce que la France compte faire. Bien évidemment, nous sommes tous pour la paix et l'arrêt des violences, pour qu'Israël cesse de recevoir des fusées et que Gaza ne soit pas l'objet d'attaques systématiques, pour le retour de la paix dans les villes mixtes et l'amélioration de la situation sur l'esplanade des Mosquées. Mais une fois qu'on a dit cela, on n'a rien dit ! Je vous poserai la question autrement : pouvez-vous identifier les forces qui poussent à la guerre, celles qui agissent en faveur de la paix ? La question est de savoir, parmi les protagonistes du théâtre d'opérations et au sein de la communauté internationale, quelles forces nous combattons, quelles forces nous soutenons. Je vous demanderai aussi comment, à moyen terme, non pas dégager une solution mais nous orienter dans une direction acceptable par les parties prenantes, tant Israël que la communauté palestinienne – dans sa représentation très bizarre, pour ne pas dire plus.

Je vous demanderai, monsieur le ministre, de faire le point sur la situation au Liban. La pression très forte que la France a exercée sur Beyrouth n'a pas été suivie d'effets. Le personnel politique libanais, pour des raisons complexes tenant à des défaillances morales mais aussi à une situation très difficile, ne réagit pas. Le pays semble marcher vers la destruction de l'État et de la société, ce qui est très préoccupant.

Au Sahel, nous connaissons les difficultés que la France rencontre, nous voyons se dessiner le spectre d'un scénario à l'afghane – il faudrait en partir après avoir lutté sans relâche mais sans avoir rien résolu. Nous n'ignorons pas la situation doit être abordée sous les angles économique, social et politique autant, sinon davantage, que militaire. La nouveauté est le changement politique très violent qui s'est produit au Tchad. Monsieur le ministre, nous attendons de vous une analyse de l'évolution de la situation sur ce théâtre d'opérations, où nous sommes, de toute évidence, durablement engagés. La difficulté à repérer un point de sortie, non de nos troupes mais de cette situation difficile où nous nous trouvons, est préoccupante. Nous savons votre engagement sur cette question et attendons votre éclairage.

En Birmanie, la situation est terrible. Quelles initiatives la France peut-elle prendre ? Compte-t-elle évoluer vers la reconnaissance d'un gouvernement qui ne serait pas le gouvernement effectif ? Nous manquerons de temps pour évoquer la Russie. S'agissant du Brexit, nous attendons du Gouvernement, et surtout de l'Union européenne, qu'ils réagissent vivement : il n'est pas tolérable, qu'il s'agisse du protocole sur l'Irlande ou des accords de pêche, que des accords solennellement négociés, signés et ratifiés ne soient pas honorés par un partenaire aussi civilisé que le Royaume-Uni !

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Mesdames et messieurs les députés, je suis ravi de vous retrouver. Je vous prie de bien vouloir excuser le report de cette audition, due à un changement de l'organisation du G7 des ministres des affaires étrangères à Londres, ainsi qu'à un déplacement au Liban.

Avant d'aborder la crise au Proche-Orient, j'aimerais vous faire part de ma conviction sur le moment que nous vivons. Au cours des dernières années, une forme d'accoutumance à l'idée que le conflit au Proche-Orient pourrait disparaître de lui-même s'était développée. Au sein de la communauté internationale, il était passé au second plan des préoccupations et chacun faisait semblant de croire que le temps allait le dissiper. Les accords d'Abraham semblaient y contribuer. J'observe d'ailleurs que nous avons rarement abordé ce sujet de front ensemble, car il ne faisait pas l'actualité. En réalité, on ne peut pas faire passer durablement au second plan cet enjeu : le temps n'a rien dissipé et l'histoire est revenue en force, avec violence.

Mais nous étions un certain nombre à penser que ce conflit n'était pas un « conflit gelé », comme on dit parfois, ce qui nous a permis de prendre l'initiative. Je vous ai fait part à plusieurs reprises de la création d'un creuset de réflexion avec mes homologues égyptien, jordanien et allemand. Nous avions commencé à travailler pour identifier les mesures de confiance à prendre afin d'engager un processus. Nous avions rencontré Gabi Ashkenazi, ministre israélien des affaires étrangères, Ryad Al-Maliki, ministre des affaires étrangères de l'Autorité palestinienne et plusieurs autres acteurs. Notre dernière réunion s'est tenue en mars.

Je suis convaincu, comme le président Bourlanges, qu'il faut absolument s'attaquer à la mise en œuvre d'une cessation des hostilités. Mais cela ne suffira pas. Il faudra se lancer dans un véritable processus de paix sur la base, de notre point de vue, des résolutions des Nations Unies et de l'existence de deux États – je ne reprends pas les références que vous connaissez tous – chacun dans sa sécurité et son indépendance, ayant Jérusalem pour capitale. Nous n'apportons aucune modification de fond à la position française. Celle de l'Union européenne, fondée sur la déclaration de Venise de 1980, n'a pas davantage changé.

La situation est dramatique, le nombre de morts insupportable. Je serai très clair : dans les violences en cours, l'analyse des responsabilités ne laisse aucune place au doute. Le Hamas a cherché à instrumentaliser la montée des tensions de ces dernières semaines, provoquées par les tentatives de remise en cause du statu quo de 1967 sur l'esplanade des Mosquées et par des menaces d'éviction de familles palestiniennes à Cheikh Jarrah. Le contexte était mûr pour une escalade. Cyniquement, Le Hamas a instrumentalisé cette situation par une campagne massive de tirs sur les grands centres de population israéliens. Son agenda était double : s'imposer au sein du leadership palestinien, dans un contexte de grande fragilité du président Mahmoud Abbas ; faire évoluer les règles du jeu avec Israël, en faisant la démonstration de capacités nouvelles, sur les plans quantitatif et qualitatif. Telle est ma lecture du scénario qui s'est produit.

Je condamne avec la plus grande fermeté les milliers de tirs de roquettes et de missiles qui se sont abattus sur Israël, de façon indiscriminée et aveugle, en violation du droit international. Dans une telle situation, tout pays a droit à la légitime défense. Mais cela suppose d'agir de façon proportionnée et de respecter le droit international. Je rappelle ici que la sécurité des journalistes et de ceux dont l'expression concourt à la libre information et au débat public est une responsabilité essentielle.

Faire durer davantage la campagne de frappes présente des risques considérables pour les populations. Les armes doivent se taire le plus rapidement possible. Mon homologue américain et moi-même avons eu des entretiens très réguliers avec de nombreux responsables politiques de la région, les ministres des affaires étrangères israélien et palestinien bien sûr, ceux de Jordanie et d'Égypte également. Nous nous parlons régulièrement, hier encore, peut-être ce soir, pour essayer de faire avancer les choses.

Le risque d'extension du conflit est réel et inquiétant, en Cisjordanie, où les heurts sont de plus en plus violents et de plus en plus meurtriers, à Jérusalem, même si les menaces d'éviction de familles palestiniennes ont été levées – je rappelle que la France est fermement opposée aux colonisations. La grande nouveauté, c'est qu'un front interne pourrait apparaître en Israël : les villes connaissent des situations conflictuelles, dans un contexte politique complexe, après quatre élections législatives en deux ans.

Par ailleurs, on peut craindre un élargissement régional du conflit. Des tirs de roquettes ont eu lieu depuis le Sud-Liban, par-delà la ligne bleue, et depuis la Syrie. La poursuite des affrontements porte atteinte à nos partenaires régionaux. La Jordanie est en position sensible car elle ne peut rester inactive face aux tentatives de remise en cause du statu quo historique régissant l'esplanade des Mosquées, dont elle est la garante. La dynamique positive amorcée par la normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes risque de s'enrayer. La situation est donc d'une grande gravité ; nous sommes tous très mobilisés.

Que pouvons-nous faire ? La prolongation des actions offensives ne sert personne. Il faut absolument éviter une offensive terrestre israélienne, qui ouvrirait une phase incontrôlable du conflit. Je rappelle que celui de l'été 2014 a duré cinquante jours et que son bilan est effroyable. La première action à mener, c'est la cessation des hostilités, le plus vite possible. Le Président de la République s'est entretenu avec le Premier ministre Benyamin Netanyahou. Il a rencontré lundi, à la veille du sommet de Paris sur l'Afrique après la crise du covid-19, le président Abdel Fattah al-Sissi et le roi Abdallah II. Avec l'Égypte et la Jordanie, nous travaillons à un apaisement des tensions à Jérusalem au sujet du statu quo sur l'esplanade des Mosquées et des colonisations. Nous apportons par ailleurs une assistance humanitaire d'urgence à Gaza.

Nous préparons un projet de résolution au Conseil de sécurité avec les Jordaniens, les Égyptiens et les Tunisiens – la Tunisie est l'État arabe qui siège au Conseil de sécurité actuellement – afin de dégager un consensus. Une fois la fin des hostilités acquise, il faudra enclencher un processus politique et reprendre pas à pas le fil d'un dialogue qui n'aurait jamais dû se rompre.

Les échanges que j'ai eus avec les uns et les autres m'incitent à penser que nous avons des chances d'aboutir. Bien entendu, nous sommes en relation avec Antony Blinken, qui dirige la diplomatie des États-Unis, dont la position est déterminante au Conseil de sécurité. Les Américains se sont tenus en retrait, s'inscrivant sans doute dans la logique que j'ai indiquée en introduction, qui veut que cette situation s'apaise progressivement et qu'elle n'est pas centrale dans la région, contrairement aux tensions avec l'Iran, largement évoquées ces derniers mois. Voilà ce que je peux dire publiquement à ce sujet.

J'en viens au Liban. Je me suis rendu à Beyrouth les 6 et 7 mai. Ma démarche avait pour objet de montrer le soutien sans réserve de la France, non aux autorités libanaises, mais au peuple libanais, après les explosions survenues il y a près d'un an dans le port de Beyrouth et dans la crise économique, financière, sociale, humanitaire et sanitaire que traverse le pays. Notre mobilisation a été exceptionnelle. En 2020, nous avons apporté plus de 85 millions d'euros, en cash, pour le financement de projets destinés à la population libanaise, qu'il s'agisse de l'accès à l'alimentation, de l'éducation ou du soutien médical et sanitaire.

J'ai pu constater que les promesses avaient été tenues, et dépassées. J'ai visité une école et un hôpital reconstruits grâce à l'aide de la France, ainsi que l'université Saint-Joseph, proche du lieu des explosions, qui a été remise en état. J'ai aussi rencontré des associations humanitaires et des associations de la société civile. Il s'agissait de montrer au peuple libanais que, même si ses dirigeants ne parviennent pas à une solution politique, la France est là.

J'ai rencontré, par respect, les trois dirigeants institutionnels : le Président de la République, Michel Aoun, le président de l'Assemblée nationale, Nabih Berri, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri. J'ai dit à chacun la même chose : les engagements n'ont pas été tenus. Lorsque, le 1er septembre, Emmanuel Macron a demandé aux acteurs politiques – représentant l'ensemble des courants – leur accord, ainsi que la garantie qu'un gouvernement serait constitué sous quinze jours, chacun a pris la parole pour dire « oui ». Des réformes et un calendrier ont été arrêtés. Mais je le dis ici publiquement, et je sais combien la presse libanaise est attentive : rien ne s'est passé, sinon la désignation d'un Premier ministre qui ne parvient pas à constituer son gouvernement.

J'ai donc voulu montrer aux Libanais que, même si les dirigeants ne s'organisent pas, la France est présente. Cette démarche a été, je crois, appréciée des acteurs de la société civile, qui ont semblé faire preuve d'un peu plus de détermination collective, notamment pour faire en sorte que les législatives se tiennent bien en 2022. C'est essentiel car, par le passé, les élections ont sans cesse été repoussées.

Par ailleurs, nous avons décidé de prendre des mesures restrictives, en matière d'accès au territoire français, à l'encontre de personnalités responsables du blocage politique ou impliquées dans des affaires de corruption. Je l'ai dit aux trois dirigeants susmentionnés. Je ne nommerai pas publiquement les intéressés ; ils constateront eux-mêmes l'effet de ces mesures.

Nous ne nous arrêterons pas là. J'ai appelé l'attention de mes homologues européens et des mesures similaires seront prises à l'échelle européenne. Personne ne souhaite voir ce pays se disloquer, dans une forme de suicide collectif. Il s'agit d'amener les acteurs politiques à répondre à la question que lui pose le peuple depuis les manifestations de l'automne 2019 – bien avant la crise du covid-19 et les explosions du port de Beyrouth.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Oui. Pour la première fois – le compte rendu des conclusions du dernier Conseil européen des ministres des affaires étrangères en atteste –, le haut représentant Josep Borrell a abordé la question libanaise, qui est devenue un sujet européen. Nous continuerons à exercer une pression sur les dirigeants libanais pour qu'ils prennent les décisions qui s'imposent, au lieu d'adopter une attitude d'attente des élections législatives, dont nous devons faire en sorte qu'elles aient bien lieu en 2022.

Je reviens brièvement au sujet précédent, car j'ai omis d'indiquer qu'une réunion exceptionnelle du Conseil européen des ministres des affaires étrangères, consacrée à la question israélo-palestinienne, a eu lieu hier après-midi. Après trois heures de discussions, nous sommes parvenus à un accord déclaratif du haut représentant, à peu près sur les mêmes bases que ce que j'ai indiqué : appel au cessez-le-feu immédiat ; mise en œuvre des dispositions adoptées par la communauté internationale, notamment par le Conseil de sécurité ; effort considérable pour l'humanitaire.

J'en viens au Tchad. J'ai assisté aux obsèques du président Idriss Déby. Les circonstances de sa mort sont particulières : c'est deux jours après la proclamation du résultat de la présidentielle – certains questionnent l'élection, mais elle a bien eu lieu, avec 65 % de participation –, que le président élu a été mortellement blessé, à 300 kilomètres au nord de N'Djamena. Il avait pris la tête de son armée pour stopper la progression de groupes rebelles, entrés sur le territoire depuis la Libye et qui fonçaient sur la capitale. La situation est quelque peu exceptionnelle.

Trois principes guident l'action de la France au Tchad. Nous sommes attachés à l'intégrité et à la stabilité territoriale du pays face à la menace de groupes armés en provenance de Libye – cela a été le cas du Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT). Nous soutenons une transition pacifique, d'une durée limitée et qui s'appuie sur un gouvernement civil d'union nationale et sur le dialogue avec l'ensemble des acteurs politiques et de la société civile, en vue d'aboutir à des élections libres et transparentes. Nous soutenons l'initiative de l'Union africaine, prise vendredi dans le cadre du Conseil de paix et de sécurité (CPS), visant à accompagner cette transition.

J'ai rencontré hier le Premier ministre, Albert Pahimi Padacké. Il a constitué un gouvernement de transition qui inclut des membres de l'opposition, en particulier des représentants du parti de Saleh Kebzabo, le principal opposant. M. Padacké était lui-même candidat contre le président Déby lors des dernières élections – il n'avait pas réalisé un score mirobolant. Ce gouvernement a décidé de constituer un Conseil national de transition, qui jouera le rôle d'une assemblée parlementaire – il s'agit en quelque sorte d'une assemblée constituante.

Pour l'instant, tout cela reste au niveau des principes. J'ai rappelé à M. Padacké la nécessité de constituer le Conseil national de transition dans les plus brefs délais, de faire en sorte qu'un dialogue national s'instaure, de respecter les dix-huit mois prévus pour la transition et de s'en tenir au principe selon lequel les personnes en responsabilité ne seraient pas éligibles au terme du processus – en vertu de ce que l'on pourrait appeler la « jurisprudence malienne ». Ces principes sont les mêmes que ceux formulés par le Conseil de paix et de sécurité, et le président de la Commission de l'Union africaine, M. Moussa Faki Mahamat, que j'ai rencontré hier à Paris, a rappelé que son organisation veillerait à ce que les choses se déroulent de la sorte.

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Ce Conseil national suit-il le modèle de l'Assemblée constituante de 1789 ?

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Jean-Yves le Drian, ministre

Non. D'autres expériences du même type ont déjà eu lieu en Afrique : dans une période de crise, on met en place un « conseil de transition ». Tout le problème est de savoir comment celui-ci est composé.

Un comité militaire de transition a donc été mis en place, présidé par l'un des fils d'Idriss Déby, le général Mahamat Déby, avec un gouvernement civil – dans les conditions que je viens d'indiquer. La situation reste très fragile, mais il faut garder la ligne que j'ai indiquée, et que partage l'Union africaine.

Au Mali, un processus électoral a été engagé, dans le cadre des instances de transition. Un nouveau gouvernement est en cours de formation. Sa composition devrait être connue dans les jours à venir, sans que la transition soit remise en cause. Il y a un président de transition, Baw N'Daw – qui était aussi à Paris hier –, un Premier ministre et une junte militaire. Tous s'inscrivent dans un processus qui devrait déboucher sur un retour des civils et un processus électoral démocratique. Les élections devraient avoir lieu aux mois de février et de mars 2022. Le processus se déroule de manière encourageante ; il faut espérer qu'il aboutisse.

L'autre sujet, concernant le Sahel, est évidemment la sécurité. À la fin du mois de juin, une réunion de la conférence de soutien en faveur de la Coalition pour le Sahel se tiendra à Bruxelles. C'est un rendez-vous important, qui rassemble soixante partenaires internationaux – dont les Européens –, y compris des bailleurs, autour de la volonté de développer la sécurité dans la région.

L'un des objectifs est d'organiser un surge civil, dans le cadre du pilier 3 des accords de N'Djamena, dont je vous ai parlé à plusieurs reprises. Il s'agit de faire en sorte que les territoires sensibles repris aux groupes terroristes soient revitalisés, avec la réintroduction d'un service public minimum – dans les domaines de l'éducation, des services sociaux et sanitaires, mais aussi de la sécurité, avec des forces de police. On n'y est pas encore mais les pays les plus sensibles, notamment le Niger – j'ai rencontré hier soir le nouveau président du pays, Mohamed Bazoum – et le Burkina Faso trouvent que les choses progressent. Ainsi, dans la zone de Tillabéri, à la frontière entre le Niger et le Burkina Faso, où des groupes terroristes, entre autres choses, taxaient les populations, et qui vient d'être libérée grâce à une intervention militaire, l'enjeu est de faire en sorte que les écoles rouvrent, que les jeunes trouvent une activité, etc. Nous avons identifié plusieurs zones de ce type sur lesquelles nous essayons de concentrer les efforts.

Il y a parfois des motifs de satisfaction. Ainsi, au Soudan, la transition se déroule bien. En septembre 2019, une révolution a libéré ce pays de la dictature qu'il subissait depuis trente ans. Une architecture de cohabitation entre militaires et civils a été élaborée. Sur l'initiative de la France, une conférence d'appui à la transition s'est ouverte, en présence du chef de l'État soudanais et du Premier ministre, Abdallah Hamdok. La France a consenti un prêt-relais pour aider le pays à rembourser ses arriérés au FMI. Nos partenaires américains et britanniques ont assuré qu'ils contribueraient également. En outre, nous avons décidé d'annuler notre créance envers le Soudan, la plus importante parmi les membres du Club de Paris – elle s'élève à 5 milliards de dollars. Les autres acteurs ont indiqué qu'ils se joindraient à notre initiative.

Le Soudan est un pays extrêmement important. Autrefois à l'origine d'actions terroristes, il est en train de devenir un exemple. Il est possible qu'un pays sorte d'une longue dictature et engage un processus démocratique, et que ce changement soit accompagné par les pays développés. Nous espérons que cela durera, les acteurs semblant déterminés à ce que la transition se poursuive. Il était très important que ces décisions soient prises à Paris et que la France soit à l'initiative.

Le sommet sur le financement des économies africaines s'est tenu hier à Paris. Une mobilisation importante a eu lieu autour des vaccins et du financement de la sortie de crise. Les pays africains, surendettés et sans capacité de création de liquidités, ne peuvent pas mettre en œuvre des plans de relance. Il faut d'abord briser le cycle du surendettement. Des mesures avaient déjà été prises par le G20 en novembre : un moratoire avait été prononcé et la dette de certains pays annulée. La création de droits de tirage spéciaux, à hauteur de 650 milliards de dollars, avait également été annoncée, dont une partie était affectée à l'Afrique – 33 milliards, ce qui était insuffisant. Il a été convenu hier de réallouer ces droits de tirage de manière à atteindre 100 milliards de dollars au bénéfice du continent – pour que la reprise se matérialise en Afrique, les besoins de financement sont estimés à 285 milliards. Ces mesures s'accompagneront d'un dispositif de financement de l'entrepreneuriat africain. L'Afrique reçoit moins de 3 % des investissements directs : il faut mobiliser tous les instruments pour « dérisquer » les activités, en ciblant les phases les plus cruciales, notamment l'amorçage des projets.

En ce qui concerne les vaccins, j'ai beaucoup entendu parler de la proposition américaine de lever la protection intellectuelle. Nous sommes d'autant plus favorables à cette idée que nous l'avions déjà formulée il y a plusieurs mois dans le cadre du dispositif Access to COVID-19 Tools Accelerator (ACT-A), lancé à notre initiative. On lit ainsi dans la charte adoptée lors du Forum de Paris sur la paix : « Nous encourageons […] les transferts de technologies et les licences de propriété intellectuelle volontaires ainsi que la mutualisation des brevets ». Je tiens à le rappeler, car certaines des choses que j'entends m'irritent… Cela peut se faire au sein de l'OMC ; nous sommes d'ailleurs en train d'agir en ce sens. Certes, la question doit être traitée, car le vaccin est un bien public mondial, mais les facteurs bloquants se situent à d'autres niveaux.

D'une part, il faut lever les restrictions d'exportation. Les chaînes d'approvisionnement mondiales doivent désormais fonctionner librement. À cet égard, nous attendons des États-Unis qu'ils autorisent l'exportation des produits de base entrant dans la composition des vaccins. J'observe que dans cette affaire l'Union européenne a été très ouverte : nous exportons autant que nous consommons – et nous sommes les seuls à le faire. La question de la formation est également importante. Il faut mobiliser des ressources humaines pour permettre les transferts de technologie, qui prennent généralement plusieurs mois.

C'est une priorité qui a été affichée hier lors du sommet sur le financement des économies africaines. Il faut produire des vaccins à ARN en Afrique. Des projets sont d'ailleurs en cours.

Je me rendrai demain à Dublin avec le secrétaire d'État Clément Beaune. Nous y manifesterons notre volonté de voir les Britanniques respecter intégralement le protocole irlandais. Nous avons déjà dit à ces derniers qu'ils devaient respecter l'ensemble de leurs engagements, aussi bien en ce qui concerne ce protocole que l'accord de commerce et de coopération (ACC). Si tel n'était pas le cas, nous mettrions en œuvre les mesures restrictives et discriminatoires prévues dans les accords.

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Je ne crois pas interpréter abusivement l'opinion de mes collègues en disant que, sur cette ligne de fermeté, vous avez le soutien de l'Assemblée nationale !

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Jean-Yves le Drian, ministre

Je voulais aller à Dublin plus tôt, mais les conditions sanitaires ne le permettaient pas. Je serai reçu par le président de la République.

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Vous avez dit que les restrictions apportées à certains transferts de matières premières ou de technologies par les Américains posaient plus de problèmes que les brevets. Votre administration pourrait-elle nous fournir des informations précises sur ce sujet ? Au lieu de nous en tenir à des critiques assez générales sur la mondialisation, nous pourrions ainsi pointer les problèmes.

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Jean-Yves le Drian, ministre

Vous aurez ces éléments. L'initiative du président Biden, dont Antony Blinken nous avait fait part, est intervenue au moment du G7 à Londres. Très bien, faisons en sorte que le vaccin soit un bien commun mondial ! Mais commençons par assurer la liberté d'exportation des composants ! L'objectif est de produire le plus vite possible des vaccins à ARN en Afrique. La question des investissements permettant de construire les unités est en train d'être réglée. Mais lorsque les usines de fabrication de vaccins verront le jour en Afrique du Sud, au Sénégal – sans doute – et en Égypte – peut-être, elles devront disposer des produits de base nécessaires. C'est là l'enjeu principal.

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Nous savons que le maximalisme des intentions proclamées est souvent l'alibi du minimalisme des comportements effectifs !

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Jean-Yves le Drian, ministre

Comme c'est bien dit !

(Sourires.)

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Vos derniers mots nous rappellent, monsieur le ministre, que la sortie de crise passera nécessairement par une vaccination mondiale et que, dans le domaine sanitaire, le nationalisme vaccinal et la préférence nationale sont des non-sens. Je suis pour ma part très fière, et je ne pense pas être la seule, que notre pays ait choisi la stratégie du partage.

Dans le point de situation que vous nous avez fait, on voit bien que, partout dans le monde, la France doit continuer à tenir sa position de puissance d'équilibre, ce qui n'est pas toujours simple. Cette position repose souvent sur sa diaspora – nos 3 millions de compatriotes qui, bien qu'éparpillés aux quatre coins du monde, sont des Français à part entière et n'hésitent jamais à aider notre pays, comme nous l'avons vu récemment au Liban, ou encore l'année dernière en Chine, lorsque nombre d'entre eux nous ont aidés à trouver puis à acheminer des équipements de protection individuelle.

Depuis maintenant quatre ans, notre majorité, le Gouvernement et votre ministère en particulier n'ont jamais manqué d'être à l'écoute de nos compatriotes établis à l'étranger. Ces Français sont aussi bien des serviteurs de l'État, comme les agents de notre consulat à Wuhan – je profite de l'occasion pour saluer M. Olivier Guyonvarch –, que des médecins, comme le docteur Philippe Klein, qui a œuvré en première ligne à Wuhan auprès de la communauté française et européenne, des élus ou entrepreneurs engagés, comme M. Franck Barthelemy en Inde, ou encore des membres de la société civile, comme Mme Élise Léger en Australie, qui n'a pas ménagé sa peine pour aider nos ressortissants sur place. Tous ces Français portent les valeurs de la France. Ils montrent le meilleur de notre pays, et nous pouvons être fiers de les avoir comme ambassadeurs.

Leur priorité, c'est leur sécurité sanitaire et l'accès aux vaccins. Or les nombreux échanges que j'ai eus avec les communautés de ma circonscription ces dernières semaines laissent entrevoir, dans plusieurs pays, une situation préoccupante, voire extrêmement inquiétante, que ce soit en Inde – l'émotion de Jean-Joseph Boillot, spécialiste de ce pays, qui s'exprimait hier sur France culture, en était une illustration particulièrement poignante –, au Cambodge, au Vietnam, en Thaïlande, et même à Taïwan où l'on note une remontée du nombre de cas. Quant à des pays comme la Chine, Singapour, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, les règles d'entrée sur leur territoire en font des forteresses absolument inaccessibles.

Le Gouvernement a déployé des mesures de soutien inégalées pour nos communautés frappées par la crise sanitaire. Au-delà, pouvez-vous rappeler ce qui a été fait depuis quatre ans pour les Français à l'étranger et ce qui sera fait dans les mois à venir pour les soutenir et maintenir la diversité de notre présence à l'étranger, au service d'une France forte à l'international ?

Ma seconde question concerne l'axe indo-pacifique. Un exercice militaire conjoint entre le Japon, les États-Unis et la France, nommé ARC 21, s'est déroulé il y a quelques jours. Pourriez-vous en préciser les objectifs ? Plus largement, pourriez-vous rappeler l'enjeu de la présence française dans cette région du monde ?

Enfin, la situation en Birmanie est dramatique depuis le coup d'État du mois de février, qui a vu la junte militaire confisquer au peuple birman le résultat des élections de novembre 2020. Le mouvement de désobéissance civique semble, hélas, rapprocher le pays du gouffre de la guerre civile. Comment la France peut-elle aider le peuple birman à retrouver le chemin de la démocratie, durement conquise en 2008 et confortée en 2020 ?

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Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez apportées sur la situation au Proche-Orient. Comme nous sommes entre nous, je me permets de vous dire avec sobriété que les réponses du ministre délégué qui vous représentait hier aux questions au Gouvernement étaient d'une grande indigence. Même quand on ne veut pas dire certaines choses – ou qu'on ne peut pas les dire –, il est possible de les présenter autrement.

Quoi qu'il en soit, je voudrais que nous allions un peu plus loin, si toutefois le caractère public de cette audition vous le permet. Vous avez dit très justement qu'il faudrait ensuite engager un véritable processus de paix entre deux États. Vous avez mentionné la déclaration de Venise et le référentiel de 1990 mais, depuis cette époque, les choses ont terriblement changé. La situation n'est plus du tout la même.

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Jean-Yves le Drian, ministre

Il y a eu aussi les accords de 1993 ! Quand j'ai fait référence à la déclaration de Venise, c'était pour indiquer le moment à partir duquel la position européenne avait été actée.

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La situation, disais-je, n'a plus rien à voir, ni en ce qui concerne les territoires palestiniens, ni en ce qui concerne Israël. Si le Hamas s'oppose à Mahmoud Abbas, c'est aussi parce qu'il n'accepte pas que le processus électoral ait été interrompu, alors qu'il a le sentiment – à tort ou à raison – d'avoir été victorieux. Israël connaît depuis deux ans une grande instabilité politique et institutionnelle. Les colonies se sont développées. Par ailleurs, les accords d'Abraham ont changé la donne.

La solution à deux États, que vous préconisez, fondée sur le référentiel de 1990, est-elle encore envisageable ? N'est-ce pas se bercer d'illusions que de le croire ? Vous connaissez la définition que donnait Lacan du réel : « c'est quand on se cogne ». En l'occurrence, la réalité à laquelle nous nous heurtons est complètement différente.

Il en va de même s'agissant de la position des États-Unis – pays que vous n'avez mentionné qu'à la fin de votre propos, ce qui est assez révélateur. Je me garderai bien de faire de la psychanalyse à deux sous ; il n'en reste pas moins que cet oubli est freudien, car, en vérité, ce conflit n'est plus du tout une priorité pour les États-Unis, au contraire de leur rivalité avec la Chine et la Russie, ou encore du nucléaire iranien. Du reste, cela laisse une chance à la France de jouer un rôle actif, ce que nous souhaitons.

Je voudrais donc que vous nous en disiez un peu plus sur le rôle que peut jouer la France et sur le processus politique que vous appelez de vos vœux. Certes, il faut que le dialogue reprenne, mais il importera ensuite de trouver une solution politique. Si le problème était simple à résoudre, cela se saurait. Il n'en demeure pas moins qu'on ne saurait attendre la prochaine crise, la guerre suivante. Cela ne satisferait ni les parties prenantes, ni les autorités françaises, ni le Parlement.

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Le Proche-Orient revient une nouvelle fois, de façon dramatique, au cœur des préoccupations internationales, alors que, pour beaucoup, le conflit semblait relever de l'histoire ancienne, quelque peu oubliée – trop facilement oubliée. Pourquoi cette recrudescence de violence ? Tout simplement parce que la question palestinienne n'est toujours pas réglée.

Il est plus urgent que jamais de réunir les parties et d'établir un dialogue, ce qui constitue la seule issue pacifique possible. Mais, pour l'heure, il faut répondre à la situation dramatique à Gaza. Les combats en cours – les uns répondant par des bombardements aux tirs de roquettes des autres – ont déjà fait de très nombreuses victimes, dont beaucoup d'enfants. À Gaza, après dix jours, on compte plus de 47 000 déplacés. Dans un territoire aussi restreint, chacun comprend bien que ce terme n'a pas de sens : il n'est pas possible d'échapper au conflit dans la bande de Gaza. Par la voix de son haut représentant, Josep Borrell, l'Union européenne a appelé à un cessez-le-feu immédiat face au risque d'une détérioration grave de la situation humanitaire. Je sais les efforts et le rôle qui sont les vôtres pour aller dans ce sens – vous avez parlé, à juste titre, des multiples contacts que la France a noués ces derniers jours.

Alors que Gaza est soumis à un blocus par Israël depuis quinze ans, il est indispensable d'ouvrir des passages humanitaires. Le point de passage de Kerem Shalom, après avoir été ouvert hier, semble avoir été refermé. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est ? Ne faut-il pas pousser pour ouvrir également le passage d'Erez, comme le demandent également les représentants de MSF, plus inquiets que jamais ? Comment la France coordonne-t-elle ses efforts avec ses partenaires, notamment européens, pour parvenir rapidement à une trêve ? Quelles initiatives pourrions-nous prendre pour relancer une feuille de route en vue d'un processus de réconciliation et de paix ?

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Je souhaite aborder deux sujets brûlants et complexes.

En tant que président du groupe d'amitié de l'Assemblée nationale entre la France et la Birmanie, j'évoquerai d'abord la situation dans ce pays. Les choses ne se sont pas arrangées : la junte poursuit ses exactions. Les personnalités détenues n'ont toujours pas été relâchées. Les manifestations populaires sont réprimées avec de plus en plus de violence. Les députés et personnalités birmanes ayant réussi à échapper aux arrestations ont constitué un gouvernement d'union nationale en exil, le NUG, incluant pour la première fois des représentants de toutes les ethnies du pays. Face au blocage systématique des initiatives des Nations unies, du fait du veto des Russes et des Chinois, quelles actions complémentaires notre diplomatie et celle de l'Europe envisagent-elles ? Surtout, la reconnaissance du NUG est-elle à l'ordre du jour ? Les diplomaties américaine et britannique l'envisageraient.

Au Tchad, à la suite du décès d'Idriss Déby, un gouvernement de transition a été constitué autour de la junte militaire dirigée par l'un des fils de l'ancien président. Celui-ci, général de corps d'armée à seulement 37 ans, ce qui est remarquable, déclare avoir le soutien de la France. Vous-même, vous vous êtes interrogé en ces termes : « Est-ce que le Conseil militaire de transition va assurer la stabilité, l'intégrité du Tchad ? » Quant à la capacité de ce conseil à mettre en œuvre le processus démocratique, vous avez émis également un certain nombre de réserves.

Outre celle que représentent les rebelles, la principale menace pour le nouveau régime pourrait venir de l'intérieur, car la prise de pouvoir par ce jeune général en chef est soudaine et risque d'attiser certaines convoitises au sein même du clan du défunt chef de l'État, où des rivalités se font jour. Ce clan est d'ailleurs accusé par les ONG d'avoir accaparé depuis trente ans les principaux postes au sein de l'armée et du pouvoir civil, mais aussi l'essentiel des ressources de l'État, ce qui n'est pas très bien vu dans le pays.

Le chef de l'État et vous-même vous êtes rendus aux obsèques du président Déby. Le président Macron a également assuré de son soutien le chef du gouvernement de transition. Ne va-t-on pas, une fois encore, au-devant des critiques, notamment celles qui consistent à dénoncer la Françafrique ? Certes, il faut continuer à lutter contre le terrorisme et les djihadistes qui agissent dans la région, mais ce régime est loin d'être démocratique.

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Une fois de plus, monsieur le ministre, vous nous avez proposé un exposé brillant qui montre à quel point la France s'active au niveau international, plus particulièrement dans les points chauds : là où il est attendu, notre pays est présent à travers votre action et celle du Président de la République.

Je me préparais à vous parler de la Palestine le cœur un peu lourd, car il me semblait que la France n'était pas suffisamment aux avant-postes de la paix ; vous m'avez pleinement rassuré, en démontrant que la France était bien au rendez-vous. Nous espérons que les combats cesseront rapidement et que les deux pays, la Palestine et Israël, pourront vivre côte à côte en paix et en sécurité. Lors de la précédente législature, l'Assemblée nationale avait appelé de ses vœux, à travers une proposition de résolution, la création d'un État palestinien. Ne pensez-vous pas que, plus les années passent – et même les décennies –, plus cette perspective s'éloigne ?

Je vous remercie de nous avoir annoncé en avant-première que l'Afrique allait fabriquer le vaccin à ARN. Toutefois, comme le soulignait Anne Genetet, nos compatriotes résidant à l'étranger se demandent quand ils pourront être vaccinés. Nous sommes très heureux d'avoir vu notre secrétaire d'État chargé des Français de l'étranger, M. Jean-Baptiste Lemoyne, apporter des doses de vaccin à Madagascar le week-end dernier, mais nos compatriotes à l'étranger s'inquiètent beaucoup.

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Je passe la parole à M. Meyer Habib ; nous l'écouterons avec une attention particulière puisque le théâtre de la crise atroce qui se déroule au Moyen-Orient constitue une partie de sa circonscription électorale.

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Monsieur le ministre, depuis dix jours, la moitié de la population israélienne, et 120 000 Français, sont bombardés jour et nuit par une pluie de missiles du Hamas. Hier, lors des questions au Gouvernement, le Premier ministre a passé sous silence la nature terroriste de ces attaques islamistes ; il n'a pas prononcé une fois le nom du Hamas et il n'a pas eu un mot de solidarité envers Israël, qui a pourtant reçu 3 800 roquettes. Trois minutes de discours à charge contre l'État juif et un simple soutien de circonstance à la fin de son propos… Jean Castex s'est seulement inquiété du sort des populations civiles à Gaza. C'est pour cela que j'ai quitté l'hémicycle.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, vos propos sont beaucoup plus équilibrés, et mesurés. Oui, le malheur palestinien est réel et près de quatre-vingts civils sont morts en dix jours. Mais la raison de ce malheur a un nom : le Hamas, et le Jihad islamique. Le Hamas est une organisation terroriste, reconnue comme telle par l'Union européenne, qui appelle à détruire l'« impérialisme sioniste et occidental ». Il y a quinze ans, pour tenter de faire la paix, Israël est sorti du paradis sur terre, le Goush Katif, et a évacué jusqu'au dernier centimètre carré de la bande de Gaza. Désormais, 20 000 jihadistes utilisent 2 millions de Gazaouis comme boucliers humains. Or chaque roquette aurait permis de vacciner 5 000 Palestiniens.

Lorsqu'une démocratie, en outre notre alliée, est agressée, l'équidistance n'est pas possible. Que se passerait-il, monsieur le ministre, si Israël ne disposait pas de son extraordinaire dôme de fer ? Elle compterait ses victimes par milliers, au lieu de dénombrer douze morts et trente blessés.

En réalité, le Hamas et le Jihad islamique ne veulent pas d'un État à côté, mais d'un État à la place d'Israël. En affrontant le symbole de l'islamisme à Gaza, Israël contribue à la défaite d'un totalitarisme islamique qui a défiguré notre pays, la France : 270 Français ont perdu la vie dans des attentats terroristes islamistes depuis 2012 ; des familles sont blessées, d'autres brisées. Réveillons-nous ! Il y va de l'honneur de la France !

Nous devons soutenir Israël. Aujourd'hui, mes pensées vont à Claude Goasguen, dont la parole me manque énormément : des policiers, des militaires, des journalistes, des prêtres, des femmes, des enfants et des Juifs – parce que juifs – sont morts des mains de cet ennemi commun. Samuel Paty a été égorgé car il se battait pour nos valeurs et incarnait le professeur dont rêvait Jaurès dans sa lettre aux instituteurs. Pourquoi refuser de comprendre que c'est le même ennemi djihadiste qui frappe Paris, Nice, Rambouillet, Ashdod, Ashkelon ou Tel-Aviv ?

Alors que l'Autriche, la Serbie, l'Allemagne, l'Italie, la Tchéquie, le Japon, le Brésil, le Canada, et d'autres, ont hissé le drapeau d'Israël et lui ont apporté un soutien sans réserve, certains, chez nous, tiennent un discours tiède : « politique de colonisation », « domination israélienne », « droit international », « apartheid », etc., ils renvoient dos à dos agressés et agresseurs.

Pourtant, cinq pays arabes – et pas les moindres – ont signé des accords de paix avec Israël : ils ont compris que le salut du peuple palestinien passe par l'éradication du Hamas et le changement de leadership au sein de l'Autorité palestinienne, corrompue, qui verse chaque mois des pensions aux familles des terroristes, dont celle de celui qui a massacré et défiguré notre compatriote Esther Horgen en Judée-Samarie.

Je ne suis pas inquiet pour Israël ; je suis surtout inquiet pour la France. Où est l'extrême gauche qu'on a entendue hier, obsédée par Israël, lorsqu'il s'agit de soutenir les centaines de milliers de Syriens déplacés, les Ouïgours décapités, les chrétiens d'Orient persécutés, le Liban défiguré, les Yézidis violées ?

Lorsque la basilique de Nice a été attaquée en octobre dernier, Tel-Aviv et Netanya ont pris les couleurs de la France. Je n'en demande pas tant ; à défaut d'empathie, je souhaiterais que mon pays fasse preuve de lucidité, de justice, qu'il témoigne de l'amitié à un allié et ne le condamne pas. Golda Meïr disait qu'elle préférait les condamnations aux condoléances et qu'elle pouvait pardonner aux Arabes de tuer les enfants d'Israël, mais ne leur pardonnerait jamais d'être obligée de tuer les leurs.

La France peut aider à aboutir à un cessez-le-feu, en demandant au Hamas de restituer les dépouilles des deux soldats israéliens et de libérer les deux jeunes otages israéliens, dont les familles craignent la mort, car Israël sanctifie la vie.

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Nous comprenons parfaitement votre émotion, même si nous ne partageons pas tous votre analyse.

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Il faut avoir de l'empathie pour toutes les victimes. Le regain actuel de violence en Israël et en Palestine nous rappelle combien la communauté internationale peine à dessiner le chemin qui mène à la paix. Ce chemin passe nécessairement par le dialogue entre ennemis. Malheureusement, il fait souvent défaut, en Israël et Palestine, en République démocratique du Congo (RDC), en Colombie ou au Yémen. Pourtant, la communauté internationale, comme la France, n'est pas dépourvue de leviers d'action pour tendre vers la paix.

Concernant le conflit israélo-palestinien, le traité sur le commerce des armes, signé et ratifié par la France, stipule qu'il est interdit de livrer des armes à un pays qui pourrait les utiliser contre des populations civiles. En France, la politique d'autorisation d'exportation des armements dépend de la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), rattachée du Premier ministre, et au sein de laquelle votre ministère dispose d'une voix décisive à côté de celle de la ministre de la défense.

Monsieur le ministre, veillerez-vous à ce que ce traité soit respecté par la France ? Demanderez-vous en conséquence la suspension des exportations de matériels de guerre à destination d'Israël, qui pourraient servir contre les populations civiles palestiniennes, mais également à destination du Liban, d'où des tirs de mortiers ont touché Israël ?

Fournir des armes aux belligérants d'un conflit, tout en condamnant l'escalade de la violence, ternit l'image de la France et annihile tout message de paix.

Faire la paix exige également la justice pour les populations victimes de crimes de guerre ou, au minimum, la reconnaissance des crimes commis et des atrocités subies. C'est précisément le but du rapport du projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, et le sens du combat mené par le docteur Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix, qui était auditionné la semaine dernière. Que dit ce rapport ? Que le Front patriotique rwandais de Paul Kagamé a commis d'immenses crimes en République démocratique du Congo et que la paix et la stabilité ne seront possibles en RDC qu'à la condition que ces crimes soient reconnus et les innombrables charniers expertisés. Alors, enfin, le travail de deuil et de mémoire pourra avoir lieu.

Le génocide tutsi ne saurait minimiser les crimes commis par le Front patriotique rwandais et les récentes déclarations du président Kagamé à la presse française constituent une atteinte à l'espoir de paix en RDC. La France doit le clamer : vous ne le direz pas, monsieur le ministre, mais vous pouvez demander au Président de la République, qui doit bientôt aller au Rwanda, de porter ce message.

Pour faire face au coup d'État de la junte en Birmanie, un gouvernement d'union nationale parallèle – le NUG – a été constitué avec d'anciens parlementaires, des élus et des représentants d'ethnies. Ce gouvernement de l'espoir démocratique attend des signaux de la part des démocraties occidentales. Avec d'autres parlementaires, nous échangeons avec certains de ses membres. Avez-vous eu des contacts avec le NUG ? La France se positionnera-t-elle dans le camp de la démocratie en Birmanie ?

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Je suis étonné qu'au nom de la stabilité, la France considère comme chez elle le Liban, le Tchad ou le Mali parce qu'ils n'ont pas de gouvernement stable. Heureusement que nous n'avons pas réagi de la même façon quand la Belgique est restée quatre cents jours sans gouvernement – cela aurait surpris l'Union européenne ! Le Liban est en train de devenir le cent deuxième département français ! Vous en avez appelé au respect du droit international : qu'en est-il du multilatéralisme ?

Concernant la question israélo-palestinienne, les hostilités doivent rapidement cesser afin de renouer le dialogue. Vous expliquez que plus personne ne se soucie de la situation au Moyen-Orient : vous ne pouvez pas dire que la commission des affaires étrangères ou les députés ne vous ont pas alerté par le passé : nous vous avons interpellé concernant la libération de Salah Hamouri, les événements à la frontière de Gaza, le boycott, etc. Nous n'avons cessé de nous inquiéter de l'état des lieux, et nous continuerons à le faire, d'autant qu'on ne peut plus critiquer ou combattre la politique actuelle d'Israël sans être accusé d'antisémitisme. On ne peut plus être solidaires du peuple palestinien et manifester sans être étiqueté comme antisémite. On a même interdit à Stéphane Hessel d'intervenir dans une grande école de Paris pour ce motif ! Il faut en sortir : tous les démocrates du monde doivent pouvoir critiquer tous les pays et leur politique. Un État ne peut être soumis à une règle spéciale. L'exécutif français doit se positionner clairement car les journalistes nous demandent pourquoi personne ne parle.

Qu'en est-il des sanctions alors que les colonies continuent à se développer ? Nous vous avons interpellé sur ce sujet à plusieurs reprises, sans succès. Vous brandissez le droit international, mais qu'en est-il de la solution à deux États ? Il y a une différence entre les déclarations et l'application du droit international. Qu'est-ce qui est mis en œuvre pour le respecter ? Les exemples sont nombreux de résolutions de l'Organisation des Nations unies (ONU) qui ne sont ni appliquées, ni respectées, notamment par la France. Il est urgent que notre pays reconnaisse l'État palestinien – le deuxième État –, afin d'enclencher le processus de paix entre les deux États. La discussion sera alors bien plus équilibrée, et juste.

Monsieur le ministre, j'aimerais également vous interroger sur la situation du Parti démocratique des peuples (HDP), troisième force politique turque, que le gouvernement d'Erdogan veut faire interdire – envisagez-vous d'ailleurs, comme d'autres pays l'ont fait, de sortir le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de la liste des organisations terroristes ? Serez-vous solidaire des élus du HD, qui, au terme du procès dit de Kobané, risquent d'être condamnés à la prison à vie parce qu'ils ont joué leur rôle politique ? En tant qu'élus de l'Assemblée nationale, nous leur devons cette solidarité car ils ont été élus démocratiquement. Je m'arrêterai là, même si j'aurais aimé vous parler du comité de La République en Marche à Dakhla, au Sahara occidental, mais le sujet est lié à celui, précédemment évoqué, de la bonne application des résolutions de l'ONU…

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Vous en avez parlé, vous en reparlerez, aucun doute !

Je reviendrai sur les propos, justes mais frustrants, de M. Herbillon. La solution à deux États, éternellement évoquée, n'ayant pas abouti, il s'interroge sur son obsolescence. J'aurais tendance à aborder le problème différemment. Il n'y a que trois perspectives : de profondes inégalités entre populations juive et arabe dans l'ensemble palestinien – c'est un peu la situation actuelle ; une communauté multiethnique, redoutée par Israël car la population juive pourrait devenir minoritaire ; deux États. Bien sûr, les conditions ne sont pas réunies, mais peut-on choisir une autre option que la troisième ?

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Jean-Yves le Drian, ministre

Plusieurs d'entre vous sont intervenus sur le Proche-Orient. Je le répète, nous sommes déterminés à agir pour que la procédure que nous avons initiée auprès du Conseil de sécurité des Nations unies aboutisse. Les discussions sont en cours. La France prend ses responsabilités ; personne d'autre ne le fait.

Monsieur Herbillon, la France était favorable aux accords d'Abraham, mais même cette dynamique peut être remise en cause si le conflit perdure. Je suis donc très préoccupé du risque de régionalisation du conflit. C'est une raison supplémentaire pour aboutir à la cessation des hostilités, et la France joue pleinement son rôle dans le processus.

Sans doute les États-Unis se sentent-ils moins directement concernés que par le passé car leurs priorités ont changé – crise iranienne, relations avec la Chine, etc. Mais ils sont membres du Conseil de sécurité, et sont notre allié. Il faut donc également que nous parlions avec eux.

Je le répète également, mais tout le monde l'aura bien compris, le Hamas est pour nous une organisation terroriste, contrairement à l'Autorité palestinienne, organisation responsable – d'ailleurs, monsieur Lecoq, nous tenons aussi le PKK pour une organisation terroriste.

À moyen terme, qu'en est-il de la situation israélo-palestinienne ? La France, comme l'Union européenne, dialogue toujours dans le même cadre depuis dix-huit ans et les instances des Nations unies ont repris ces orientations : deux États ; des frontières sûres et reconnues ; Jérusalem comme capitale ; les frontières de 1967 comme élément de négociations ; la sécurité des deux peuples. Si quelqu'un veut défendre d'autres options – État unique ; statu quo ; pourrissement –, qu'il le dise !

Il faut désormais aboutir à une définition plus concrète des principes susmentionnés. Seuls des gestes de confiance, de part et d'autre, permettront d'enclencher la dynamique, mais l'instabilité politique, tant du côté palestinien qu'israélien, complexifie la situation. Le processus électoral palestinien doit donc être reconnu, respecté et mis en œuvre et la situation politique israélienne clarifiée – la perspective d'une cinquième élection législative en deux ans est bien le symptôme d'une crise politique… C'est d'ailleurs de cette façon que le processus s'était enclenché lors des accords d'Oslo, à la fin de la présidence Clinton.

Pour finir sur ce sujet, nous évoquons bien entendu la nécessité de mesures humanitaires rapides dans le cadre de nos discussions aux Nations unies.

Monsieur El Guerrab, madame Genetet, nous nous préoccupons de la vaccination des Français de l'étranger et souhaitons qu'ils puissent bénéficier des dispositifs de vaccination dans les pays où ils vivent. C'est le cas dans quatre-vingts pays, bien identifiés.

Selon les chiffres qu'on m'a fournis, 200 000 Français sont domiciliés dans des pays où aucun vaccin n'est accessible. Nous allons leur apporter une solution. Pour répondre à une situation d'urgence en Inde, nous avons envoyé près de 5 000 doses du vaccin Moderna à Delhi, Bombay, Pondichéry et Chennaï. Jean-Baptiste Lemoyne s'est rendu à Madagascar pour valider l'envoi de 6 000 doses affectées à la communauté française, et la vaccination a commencé depuis plus d'une semaine. Nous avons également envoyé des doses à Djibouti, aux Philippines, au Tadjikistan et nous allons le faire dans les jours qui viennent en Moldavie, en Éthiopie, au Népal et au Soudan. Nous faisons le nécessaire, en fonction de la situation sanitaire que les postes nous signalent.

Au Brésil, où 11 000 Français résident, la situation est complexe mais nous tentons de la régler : hormis le fait que nos relations avec les autorités brésiliennes ne sont pas des plus chaleureuses – j'en ai fait les frais –, le vaccin Moderna n'y est pas autorisé. Nous tentons d'y envoyer des vaccins Pfizer, mais rencontrons des difficultés logistiques. En outre, nous devons prendre en considération la situation épidémiologique très compliquée, liée au variant brésilien.

Nous sommes particulièrement attentifs à toutes les situations, et aux cas particuliers signalés par nos concitoyens ou par les parlementaires représentant les Français de l'étranger. Enfin, les Français vivant à l'étranger qui viendront cet été en France pourront se faire vacciner.

Dans l'Indo-Pacifique, madame Genetet, nous souhaitons à la fois promouvoir nos propres intérêts, mais aussi garantir la stabilité et la paix, préserver le multilatéralisme et renforcer nos partenariats stratégiques. Le Président de la République a développé cette stratégie lors du discours de Garden Island et nous partageons cette logique avec nos amis australiens et indiens. Pour la première fois, nous avons institué, à New Delhi, un dialogue ministériel trilatéral que nous avons poursuivi à Londres, le 4 mai. Il s'agit de développer des actions très concrètes : lutte contre la pollution plastique dans l'océan Indien, projets solaires ou liés à l'hydrogène décarboné, sécurité maritime et lutte contre la pêche illégale, protection de la biodiversité, etc. Le triptyque fonctionne et il est particulièrement novateur. En outre, le France est membre de la Commission de l'océan Indien (COI), qu'elle présidera à partir de demain, mais aussi partenaire et membre de plein droit de l'Association des États riverains de l'océan Indien (IORA).

Si, avec les Australiens et les Indiens, nous ne prenons pas cette place, d'autres la prendront. C'est pourquoi nous avons souhaité que l'Union européenne se dote d'une stratégie indo-pacifique. Ce sera un objectif de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022.

Je ne dresserai pas la liste des actions, mais sachez que le plan de soutien pour les Français vivant à l'étranger s'élève à 220 millions d'euros et comprend trois volets : médical, scolaire et social. Il a reçu un accueil très favorable de nos compatriotes. Nous avons donc été au rendez-vous de la solidarité pendant la crise.

Concernant la Birmanie, nous sommes particulièrement vigilants et actifs, tout comme l'Union européenne. Nous avons contribué à la mise en œuvre de sanctions au niveau européen, dont un premier train en mars contre les onze individus responsables du coup d'État et le commandant en chef des forces de sécurité, et un second, ciblant non seulement des individus mais également, pour la première fois, des conglomérats militaires. Que signifient ces sanctions ? Les avoirs de ces entreprises et citoyens birmans sont gelés dans toute l'Union européenne ; ils ont interdiction de se déplacer ; nous avons suspendu tout soutien budgétaire aux programmes gouvernementaux désormais aux mains des militaires. Nous souhaitons sanctionner les responsables du coup d'État, tout en épargnant la population civile et les plus vulnérables. C'est une ligne de crête.

Nous avons poursuivi nos efforts aux Nations unies, et apporté notre soutien le 9 avril à une consultation publique sur la situation en Birmanie en présence de l'opposition institutionnelle, le Comité représentant l'Assemblée de l'Union (CRPH), que nous continuons de soutenir . La France ne reconnaît pas les régimes, elle reconnaît les États. Cela signifie que la Birmanie existe pour la France, même si elle est dirigée par une junte. Nous nous appuyons également sur l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) pour faire pression sur les différents acteurs afin que ce coup d'État aboutisse à une solution pacifique. Je me suis entretenu à plusieurs reprises avec mes homologues indonésien, malaisien, singapourien, thaïlandais.

Monsieur David, lorsque l'Union africaine soutient l'action de la France au Tchad, est-ce la Françafrique ? Les trois principes que j'ai évoqués dans mon propos liminaire sont aussi respectés par l'Union africaine. Il faut donc que le processus démocratique se mette en place et nous appuyons ceux qui le mettent en place et préservent l'intégrité du Tchad. Ne pas préserver cette intégrité, c'est nous mettre en danger car le pays est au carrefour de toutes les menaces : celle venue de Libye, celle de Boko Haram – les territoires autour du lac Tchad étant régulièrement l'objet d'actes terroristes – et la menace du Sahel. Les pays voisins du Tchad sont d'ailleurs très préoccupés. La situation est toujours volatile mais il faut que le processus aille à son terme selon les modalités prévues : dix-huit mois de transition, un Conseil de transition, un dialogue national inclusif. Si ces engagements ne devaient pas être respectés, la France s'opposerait au processus.

Monsieur Lecoq, je ne suis pas d'accord avec vous concernant le Liban – cela arrive ! Essayez donc de tenir les mêmes propos devant la communauté libanaise. La population libanaise est extrêmement attachée à la France, du fait de notre histoire, notre culture et notre langue communes. Elle attend même trop de la France. Lorsque je rencontre la population civile, ou les responsables, je les enjoins de se prendre en main. S'ils souhaitent le soutien de la communauté internationale, il faut qu'ils fassent des réformes et s'engagent dans la lutte contre la corruption. Il faut appeler un chat un chat. C'est désormais aux autorités libanaises et aux responsables politiques de se doter de l'outil politique adéquat pour aboutir. La population libanaise, elle, est extrêmement favorable à notre action et aux réformes.

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Le sommet sur le financement des économies africaines, qui s'est tenu hier à l'initiative de la France et du président Macron, s'est conclu par un effort international sans précédent.

Cet événement fait suite à un certain nombre d'initiatives qui marquent toutes une rupture avec la Françafrique : restitution d'œuvres au Bénin et au Sénégal, ouverture des archives sur Thomas Sankara, rapport Duclert sur le Rwanda, fin du franc CFA. Autant de décisions qui témoignent de la volonté d'ouvrir un nouveau chapitre de la relation avec les pays africains.

Mais d'autres événements et prises de position montrent que la mue, si elle est bien engagée, n'est en rien achevée. Les déclarations sur le processus électoral en Guinée ou en Côte d'Ivoire ont provoqué l'incompréhension et même la colère de la part d'une partie des populations concernées et des diasporas, venant ainsi renforcer le sentiment anti-français. Au Mali et au Tchad, la France a assisté impuissante à deux coups d'État. Et pourtant, la corruption au Mali ou le changement intempestif de Constitution au Tchad constituent autant de pratiques contraires à nos valeurs démocratiques, qui auraient pu nous amener à prendre davantage de distance avec ces États.

S'agissant du Tchad, j'ai noté un début de rupture, source d'espoir. Lors d'une conférence de presse, le Président de la République a déclaré qu'il était opposé à tout plan de succession – en clair, de succession du père par le fils. Cette déclaration est-elle circonstancielle et ne s'applique-t-elle qu'au Tchad ? Ou s'agit-il d'une nouvelle jurisprudence diplomatique, un pas de plus vers une rupture définitive avec la Françafrique ?

Si tel est le cas, cette jurisprudence pourrait s'appliquer à d'autres pays, comme la Guinée et le Gabon, où la situation est de plus en plus fragile. Tout laisse à croire que le fils d'Ali Bongo, Noureddin, se prépare à succéder à son père, comme l'avait déjà fait le sien.

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La persistance des affrontements au Proche-Orient suscite l'inquiétude chez beaucoup d'entre nous. Y a-t-il des risques de guerre civile dans cette région ? Va-t-on vers une extension du conflit, et quels en seraient les risques ? Est-il encore pertinent de renvoyer dos-à-dos Israël et la Palestine ? Quelle réponse sommes-nous en mesure d'apporter pour apaiser les tensions, au vu du poids tout relatif de la voix de la France – et malgré les liens forts qu'elle entretient avec Israël ?

En ce qui concerne le Liban, le Gouvernement entend-il aller plus loin dans les sanctions, notamment sur les avoirs de certains dignitaires libanais ?

Je suis très heureux d'entendre qu'une réflexion est en cours sur la production de vaccins en Afrique. Quel serait le modèle économique retenu ? Quelle forme de partenariat cela pourrait-il prendre ? L'Agence française de développement (AFD) serait-elle partie prenante ? Pourrait-on envisager d'installer une unité de production au Sénégal, comme l'a fait l'Institut Pasteur pour le vaccin contre la fièvre jaune ?

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Le Président de la République a reçu hier à Paris une quinzaine de dirigeants africains à l'occasion du sommet sur le financement des économies africaines. Ce sommet répondait à la nécessité de relancer un continent fragilisé par la crise et d'accélérer le retour à la croissance dès 2022.

Dans un contexte de forte croissance de l'endettement des pays africains – il a augmenté de 300 milliards d'euros en l'espace de trois ans –, plusieurs pistes de financement ont été évoquées. S'il est nécessaire de donner aux pays africains les moyens de leur développement, notamment pour renforcer le partenariat existant avec l'Europe, on sait que la Chine est déjà très présente. Pourriez-vous faire part de votre analyse de la montée en puissance de la Chine sur le continent africain ? En conclusion de ce sommet, trois annonces ont été faites sur les facilités de paiement, la restructuration de la dette et l'Alliance Afrique-Europe. En quoi cette stratégie française et européenne se distingue-t-elle de la stratégie chinoise ?

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En plus de ses terribles conséquences sanitaires, la pandémie de covid-19 s'accompagne malheureusement d'irrémédiables dégâts sociaux, plus particulièrement dans le champ éducatif. Comme dans toutes les crises, les filles sont davantage touchées : 20 millions d'entre elles ne retourneront jamais sur le chemin de l'école. Leurs chances d'émancipation sociale, culturelle et économique seront durablement affectées si rien n'est fait.

Heureusement, des actions peuvent être entreprises. À la fin juillet se tiendra la cinquième conférence de reconstitution des ressources du Partenariat mondial pour l'éducation, l'un des plus grands fonds consacrés à l'éducation au monde et dont la conférence de 2018 avait été coprésidée par la France. L'objectif est de rassembler 100 milliards de dollars afin de garantir l'apprentissage de 175 millions d'enfants et de scolariser 88 millions d'enfants supplémentaires, dont 46 millions de filles. Le Partenariat mondial pour l'éducation redouble donc d'efforts face aux enjeux de cette année de tous les dangers.

La France doit faire partie de ce mouvement. Cela correspondrait parfaitement aux priorités françaises pour l'aide au développement que nous avons élaborées ici même il y a quelques semaines. Le Gouvernement est-il prêt à soutenir le Partenariat mondial pour l'éducation à hauteur de 500 millions d'euros pour les cinq prochaines années et à contribuer ainsi à ce que des millions d'enfants, en particulier de filles, puissent continuer d'aller à l'école ?

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Au cours des derniers mois, des tensions diplomatiques sont apparues entre le royaume du Maroc et deux pays européens, l'Allemagne d'abord, puis l'Espagne. Après avoir appelé ses ministres à cesser d'entretenir des liens diplomatiques avec l'Allemagne en mars, c'est avec l'Espagne que le royaume du Maroc semble en désaccord – et c'est un euphémisme.

En témoigne notamment l'entrée de plus de 8 000 migrants en deux jours dans l'enclave espagnole de Ceuta, un record sans précédent en termes de flux migratoires pour cette région du monde. Cette crise a conduit le président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez à annuler sa participation au sommet sur le financement des économies africaines afin de se rendre d'urgence à Ceuta, où l'armée espagnole a dû intervenir. Cet événement survient après l'accueil, le 18 avril, du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, Brahim Ghali, pour y être soigné du covid, alors qu'il fait l'objet de plaintes pour torture, viol et enlèvement en Espagne.

C'est un sérieux coup de froid dans la relation entre l'Espagne et le Maroc, alors que ce dernier est un partenaire clé pour la France et l'Union européenne en matière de coopération au Sahel, de lutte contre le terrorisme et contre l'immigration irrégulière. Le statu quo au Sahara occidental, aggravé par la rupture du cessez-le-feu en 2020, demeure un point de friction crucial qui pourrait mettre à mal les relations entre l'Union européenne et le royaume chérifien.

Compte tenu du contexte extrêmement tendu dans l'ensemble des pays du Maghreb, comment l'Union européenne peut-elle appréhender ces événements très inquiétants ? Ces situations dégradées ont leurs racines en Afrique, mais leurs branches s'étendent en Europe.

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De retour d'un déplacement à Djibouti avec le secrétaire d'État Jean-Baptiste Lemoyne, je souhaite revenir sur l'intérêt stratégique de ce petit pays de près d'un million d'habitants. Situé sur la route maritime qui passe par le canal de Suez, il est d'une importance majeure pour le commerce international et la lutte contre la piraterie internationale.

La présence économique française y est très en deçà de son potentiel, alors que c'est le seul pays francophone de la Corne de l'Afrique et qu'il possède des atouts incontestables. Son port est la porte d'entrée maritime de l'Éthiopie, avec ses 100 millions d'habitants. Djibouti est par ailleurs situé à proximité immédiate de l'Arabie Saoudite et des pays du Golfe, et pourrait devenir un hub pour les entreprises françaises désireuses de se développer sur ces marchés. Les Djiboutiens souhaitent d'ailleurs créer un « Dubaï de l'Afrique de l'Est ».

Malheureusement, notre présence économique et politique diminue dans ce pays. Les Chinois y sont très implantés et ont accru leurs investissements ; ils y ont installé une base militaire en 2017.

Le Président de la République de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, a été reçu à l'Élysée lors de sa visite officielle en février. À cette occasion, vous avez signé différents accords de coopération avec votre homologue djiboutien. Au-delà des aspects militaires, quelle est la place accordée à Djibouti dans notre politique dans la Corne de l'Afrique ?

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La situation au Proche-Orient est particulièrement inquiétante. Je voudrais saluer la proposition de résolution demandant un cessez-le-feu déposée hier devant le Conseil de sécurité des Nations unies, à l'initiative de la France, de l'Égypte et de la Jordanie. C'est un pas en avant, après dix jours de blocage à l'ONU.

Quelles sont les chances que cette résolution soit approuvée par les États-Unis et adoptée, alors que les précédentes propositions n'ont pas réussi à faire l'unanimité ?

Je salue également les résultats obtenus lors du sommet sur le financement des économies africaines, qui s'est tenu hier à Paris, à l'initiative du Président de la République. Il s'agissait de trouver de nouveaux moyens financiers pour accompagner ce continent qui a connu une récession pour la première fois en un quart de siècle, avec un recul de 2 % de son PIB. Le rôle que peuvent jouer les diasporas dans cette relance de l'économie africaine n'a pas été abordé durant ce sommet. D'autres initiatives seront-elles prises sur ce point ?

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Le 6 mai, le général de corps aérien Luc de Rancourt et le contre-amiral Jean-Matthieu Rey ont présenté un bilan d'étape de la stratégie de défense française en Indo-Pacifique, deux ans après son lancement.

Cinq objectifs ont été mis en exergue : défendre l'intégrité de notre souveraineté et assurer la protection de nos ressortissants, territoires et de la zone économique exclusive (ZEE) qui leur est rattachée ; contribuer à la stabilité stratégique et à la sécurité régionale au travers des coopérations de défense et de sécurité ; préserver un accès libre et ouvert aux espaces communs et assurer la sécurité des voies de communication maritimes ; contribuer au maintien de la stabilité stratégique par une action globale fondée sur le multilatéralisme ; enfin, anticiper et s'adapter aux risques sécuritaires induits par le changement climatique.

Grâce à ses outre-mer, la France est une puissance régionale souveraine de la région indo-pacifique. À ce titre, ils doivent être pleinement associés à la stratégie qui y est menée. Dans l'océan Indien, La Réunion, Mayotte et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) constituent des points d'appui essentiels pour la marine nationale.

Cette zone subit de plein fouet les conséquences des conflits régionaux en matière socio-économique et sécuritaire. Pouvez-vous nous éclairer sur les mesures prévues pour renforcer la protection de nos territoires, notamment dans l'océan Indien ?

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. Concernant le Partenariat mondial pour l'éducation, que pensez-vous de la piste d'un financement par le biais de la taxe sur les transactions financières (TTF) ? L'augmentation des recettes qui en sont tirées ne profite qu'au budget général et pas à ce pourquoi elle a été créée : le financement du développement. Il serait nécessaire de creuser les pistes d'une augmentation et d'une meilleure répartition des ressources de la TTF afin qu'elle permette, entre autres, de financer le Partenariat mondial pour l'éducation, à hauteur de 500 millions d'euros.

Je suis évidemment d'accord avec tout ce que vous avez dit sur le Proche-Orient et je félicite le Gouvernement pour cette proposition de résolution. Mais, au-delà des vœux pieux, que pouvons-nous faire de plus ? Pendant toutes ces années au cours desquelles la communauté internationale a prôné la solution à deux États, Israël n'a cessé de coloniser et de morceler le territoire palestinien, la rendant de plus en plus impraticable.

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Jean-Yves le Drian, ministre

Certains propos m'épatent, monsieur Fuchs ! J'ai rappelé les conditions exceptionnelles du décès du président Déby, au pouvoir depuis trente ans. La Constitution tchadienne prévoit qu'en cas d'empêchement du président de la République, c'est le président de l'Assemblée nationale qui assure la transition. Dans la mesure où celui-ci renonce, parce que le pays fait face à une invasion extérieure et qu'il est en état de guerre, que pouvons-nous faire ? Je serais heureux de connaître votre réponse. Et lorsque les Tchadiens désignent un général pour essayer de sauver la situation militaire, devons-nous valider cette nomination ? N'est-ce pas cela, la Françafrique ? En revanche, il convient d'être extrêmement vigilant sur les engagements pris pour la transition, que l'Union africaine appuie, et sur lesquels tout le monde est d'accord. Ça, ce n'est pas la Françafrique, c'est le respect du pays.

Je sais que votre avis est différent, mais j'aimerais que vous me disiez comment nous devons procéder, ou comment les Tchadiens doivent-ils faire, pour ne pas tomber sous le coup de l'accusation de rétablissement de la Françafrique ! Il n'y a pas davantage de « jurisprudence » sur la filiation. Je ne sais pas où vous êtes allé inventer cela ! Nous sommes attachés au respect de la démocratie – c'est autre chose.

Madame Ali, la France succédera aux Comores à la présidence de la Commission de l'océan Indien à partir de demain. Il s'agira de décliner un agenda de coopération de proximité avec nos partenaires, et les conclusions que vous avez évoquées seront évidemment intégrées dans le partenariat du sud-ouest de l'océan Indien. Ce partenariat spécifique qui nous associe aux pays voisins est un outil essentiel dans cette zone sensible.

Madame Lazaar, nous sommes engagés dans un processus de négociation de la proposition de résolution avec les membres du Conseil de sécurité des Nations unies, en particulier les États-Unis. Nous espérons aboutir à un résultat, mais les discussions ont débuté seulement aujourd'hui.

Le rôle des diasporas n'a pas été oublié lors des discussions au sommet de financement des économies africaines. Plusieurs membres de diasporas y sont intervenus et le Président de la République a souligné son importance à plusieurs reprises. La question sera à nouveau abordée lors du sommet Afrique-France, reporté en raison de la situation sanitaire au mois d'octobre, à Montpellier.

Monsieur Mbaye, le risque d'extension régionale du conflit au Proche-Orient est le principal sujet d'inquiétude. On commence à voir des départs de roquettes depuis le sud du Liban et des déstabilisations potentielles à partir de la Syrie : c'est très préoccupant. J'espère que le bon sens et la responsabilité vont revenir au centre du jeu, sans quoi la situation pourrait devenir dramatique. Il y a eu d'autres situations conflictuelles ces dernières années, mais jamais les risques n'ont été aussi grands.

C'est vrai, madame Lakrafi, il est nécessaire d'entretenir une relation spécifique avec Djibouti. La France y est vraiment présente, à la hauteur de l'importance que lui accorde le président Ismaïl Omar Guelleh. Il est exact qu'il y a de la concurrence avec les Chinois, mais aussi avec les Japonais et les Américains. Étant donné la situation géographique de ce pays, il peut attirer les investissements, voire les convoitises. Mais nous sommes bien placés pour en faire un hub de la présence française dans l'ensemble de la région.

Madame Dumont, la France a multiplié par cinq sa contribution au Partenariat mondial pour l'éducation pour la période 2018-2020. Cela montre la force de notre engagement, en particulier sur la place de l'éducation des filles. Ce sujet sera d'ailleurs abordé lors du Forum Génération Égalité qui se tiendra très prochainement ; nous souhaitons aussi en faire un sujet majeur lors du sommet du G7 de juin prochain. Je ne peux pas encore préciser les montants que nous mobiliserons en faveur du Partenariat mondial pour l'éducation, mais nous sommes décidés à être de nouveau au rendez-vous pour la période 2021-2025 et nous marquerons notre présence lors de la conférence de reconstitution de ses ressources.

Le sujet de la TTF, monsieur Julien-Laferrière, a été abordé lors du débat sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Je suis très attentif au respect des engagements pris lors de la création de cette taxe, mais d'autres contraintes s'imposent aussi à nous. Je demeure très ouvert à la discussion sur ce point.

Monsieur Laabid, nous suivons avec beaucoup d'attention la situation à Ceuta, qui rappelle l'actualité de la question migratoire, et nous sommes évidemment favorables à un retour rapide à la normale. Le Maroc est un partenaire crucial de la France et de l'Union européenne, notamment face au défi migratoire. La coopération qui existe en la matière entre le Maroc et l'Espagne permettra, je l'espère, d'endiguer les flux irréguliers en Méditerranée occidentale et de prévenir les drames humains qui y sont souvent associés. En tout état de cause, l'Union européenne et les États membres ont mobilisé des fonds importants pour soutenir les efforts du Maroc dans ce domaine. Je suis convaincu que le partenariat entre le Maroc et l'Espagne pourra reprendre sereinement après cette période un peu compliquée.

Madame Le Peih, pour les économies africaines, l'enjeu est bien que les règles d'endettement soient les mêmes pour tous. Il est aussi d'atteindre le niveau de mobilisation financière nécessaire pour mettre en œuvre des plans de relance. Les droits de tirage spéciaux y contribueront. Il faut éviter que ne reprenne le cycle de surendettement, qui conduit à limiter la souveraineté des États africains. La Chine a beaucoup prêté pour financer des infrastructures en Afrique, mais bien des États se rendent compte que lorsqu'ils ont des difficultés à rembourser, ces infrastructures sont en quelque sorte prises en otage. Le cadre commun de traitement des dettes africaines par le G20 et les initiatives annoncées hier devraient permette d'aboutir à un New Deal de la relation économique et financière avec les pays africains.

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Je trouve contestable la maxime « là où il y a une volonté, il y a un chemin », car la volonté ne tient pas lieu de réalité. Je vous propose d'en inverser les termes pour l'appliquer à la solution des deux États : c'est bien parce qu'il existe un seul chemin, même semé d'embûches, qu'il faut une volonté. C'est d'ailleurs cette vraie maxime qui a inspiré de Gaulle en 1940 : comme il existait un chemin vers la victoire, il fallait que la France libre y participe.

La séance est levée à 19 h 35.