Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mercredi 19 mai 2021 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre :

Plusieurs d'entre vous sont intervenus sur le Proche-Orient. Je le répète, nous sommes déterminés à agir pour que la procédure que nous avons initiée auprès du Conseil de sécurité des Nations unies aboutisse. Les discussions sont en cours. La France prend ses responsabilités ; personne d'autre ne le fait.

Monsieur Herbillon, la France était favorable aux accords d'Abraham, mais même cette dynamique peut être remise en cause si le conflit perdure. Je suis donc très préoccupé du risque de régionalisation du conflit. C'est une raison supplémentaire pour aboutir à la cessation des hostilités, et la France joue pleinement son rôle dans le processus.

Sans doute les États-Unis se sentent-ils moins directement concernés que par le passé car leurs priorités ont changé – crise iranienne, relations avec la Chine, etc. Mais ils sont membres du Conseil de sécurité, et sont notre allié. Il faut donc également que nous parlions avec eux.

Je le répète également, mais tout le monde l'aura bien compris, le Hamas est pour nous une organisation terroriste, contrairement à l'Autorité palestinienne, organisation responsable – d'ailleurs, monsieur Lecoq, nous tenons aussi le PKK pour une organisation terroriste.

À moyen terme, qu'en est-il de la situation israélo-palestinienne ? La France, comme l'Union européenne, dialogue toujours dans le même cadre depuis dix-huit ans et les instances des Nations unies ont repris ces orientations : deux États ; des frontières sûres et reconnues ; Jérusalem comme capitale ; les frontières de 1967 comme élément de négociations ; la sécurité des deux peuples. Si quelqu'un veut défendre d'autres options – État unique ; statu quo ; pourrissement –, qu'il le dise !

Il faut désormais aboutir à une définition plus concrète des principes susmentionnés. Seuls des gestes de confiance, de part et d'autre, permettront d'enclencher la dynamique, mais l'instabilité politique, tant du côté palestinien qu'israélien, complexifie la situation. Le processus électoral palestinien doit donc être reconnu, respecté et mis en œuvre et la situation politique israélienne clarifiée – la perspective d'une cinquième élection législative en deux ans est bien le symptôme d'une crise politique… C'est d'ailleurs de cette façon que le processus s'était enclenché lors des accords d'Oslo, à la fin de la présidence Clinton.

Pour finir sur ce sujet, nous évoquons bien entendu la nécessité de mesures humanitaires rapides dans le cadre de nos discussions aux Nations unies.

Monsieur El Guerrab, madame Genetet, nous nous préoccupons de la vaccination des Français de l'étranger et souhaitons qu'ils puissent bénéficier des dispositifs de vaccination dans les pays où ils vivent. C'est le cas dans quatre-vingts pays, bien identifiés.

Selon les chiffres qu'on m'a fournis, 200 000 Français sont domiciliés dans des pays où aucun vaccin n'est accessible. Nous allons leur apporter une solution. Pour répondre à une situation d'urgence en Inde, nous avons envoyé près de 5 000 doses du vaccin Moderna à Delhi, Bombay, Pondichéry et Chennaï. Jean-Baptiste Lemoyne s'est rendu à Madagascar pour valider l'envoi de 6 000 doses affectées à la communauté française, et la vaccination a commencé depuis plus d'une semaine. Nous avons également envoyé des doses à Djibouti, aux Philippines, au Tadjikistan et nous allons le faire dans les jours qui viennent en Moldavie, en Éthiopie, au Népal et au Soudan. Nous faisons le nécessaire, en fonction de la situation sanitaire que les postes nous signalent.

Au Brésil, où 11 000 Français résident, la situation est complexe mais nous tentons de la régler : hormis le fait que nos relations avec les autorités brésiliennes ne sont pas des plus chaleureuses – j'en ai fait les frais –, le vaccin Moderna n'y est pas autorisé. Nous tentons d'y envoyer des vaccins Pfizer, mais rencontrons des difficultés logistiques. En outre, nous devons prendre en considération la situation épidémiologique très compliquée, liée au variant brésilien.

Nous sommes particulièrement attentifs à toutes les situations, et aux cas particuliers signalés par nos concitoyens ou par les parlementaires représentant les Français de l'étranger. Enfin, les Français vivant à l'étranger qui viendront cet été en France pourront se faire vacciner.

Dans l'Indo-Pacifique, madame Genetet, nous souhaitons à la fois promouvoir nos propres intérêts, mais aussi garantir la stabilité et la paix, préserver le multilatéralisme et renforcer nos partenariats stratégiques. Le Président de la République a développé cette stratégie lors du discours de Garden Island et nous partageons cette logique avec nos amis australiens et indiens. Pour la première fois, nous avons institué, à New Delhi, un dialogue ministériel trilatéral que nous avons poursuivi à Londres, le 4 mai. Il s'agit de développer des actions très concrètes : lutte contre la pollution plastique dans l'océan Indien, projets solaires ou liés à l'hydrogène décarboné, sécurité maritime et lutte contre la pêche illégale, protection de la biodiversité, etc. Le triptyque fonctionne et il est particulièrement novateur. En outre, le France est membre de la Commission de l'océan Indien (COI), qu'elle présidera à partir de demain, mais aussi partenaire et membre de plein droit de l'Association des États riverains de l'océan Indien (IORA).

Si, avec les Australiens et les Indiens, nous ne prenons pas cette place, d'autres la prendront. C'est pourquoi nous avons souhaité que l'Union européenne se dote d'une stratégie indo-pacifique. Ce sera un objectif de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022.

Je ne dresserai pas la liste des actions, mais sachez que le plan de soutien pour les Français vivant à l'étranger s'élève à 220 millions d'euros et comprend trois volets : médical, scolaire et social. Il a reçu un accueil très favorable de nos compatriotes. Nous avons donc été au rendez-vous de la solidarité pendant la crise.

Concernant la Birmanie, nous sommes particulièrement vigilants et actifs, tout comme l'Union européenne. Nous avons contribué à la mise en œuvre de sanctions au niveau européen, dont un premier train en mars contre les onze individus responsables du coup d'État et le commandant en chef des forces de sécurité, et un second, ciblant non seulement des individus mais également, pour la première fois, des conglomérats militaires. Que signifient ces sanctions ? Les avoirs de ces entreprises et citoyens birmans sont gelés dans toute l'Union européenne ; ils ont interdiction de se déplacer ; nous avons suspendu tout soutien budgétaire aux programmes gouvernementaux désormais aux mains des militaires. Nous souhaitons sanctionner les responsables du coup d'État, tout en épargnant la population civile et les plus vulnérables. C'est une ligne de crête.

Nous avons poursuivi nos efforts aux Nations unies, et apporté notre soutien le 9 avril à une consultation publique sur la situation en Birmanie en présence de l'opposition institutionnelle, le Comité représentant l'Assemblée de l'Union (CRPH), que nous continuons de soutenir . La France ne reconnaît pas les régimes, elle reconnaît les États. Cela signifie que la Birmanie existe pour la France, même si elle est dirigée par une junte. Nous nous appuyons également sur l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) pour faire pression sur les différents acteurs afin que ce coup d'État aboutisse à une solution pacifique. Je me suis entretenu à plusieurs reprises avec mes homologues indonésien, malaisien, singapourien, thaïlandais.

Monsieur David, lorsque l'Union africaine soutient l'action de la France au Tchad, est-ce la Françafrique ? Les trois principes que j'ai évoqués dans mon propos liminaire sont aussi respectés par l'Union africaine. Il faut donc que le processus démocratique se mette en place et nous appuyons ceux qui le mettent en place et préservent l'intégrité du Tchad. Ne pas préserver cette intégrité, c'est nous mettre en danger car le pays est au carrefour de toutes les menaces : celle venue de Libye, celle de Boko Haram – les territoires autour du lac Tchad étant régulièrement l'objet d'actes terroristes – et la menace du Sahel. Les pays voisins du Tchad sont d'ailleurs très préoccupés. La situation est toujours volatile mais il faut que le processus aille à son terme selon les modalités prévues : dix-huit mois de transition, un Conseil de transition, un dialogue national inclusif. Si ces engagements ne devaient pas être respectés, la France s'opposerait au processus.

Monsieur Lecoq, je ne suis pas d'accord avec vous concernant le Liban – cela arrive ! Essayez donc de tenir les mêmes propos devant la communauté libanaise. La population libanaise est extrêmement attachée à la France, du fait de notre histoire, notre culture et notre langue communes. Elle attend même trop de la France. Lorsque je rencontre la population civile, ou les responsables, je les enjoins de se prendre en main. S'ils souhaitent le soutien de la communauté internationale, il faut qu'ils fassent des réformes et s'engagent dans la lutte contre la corruption. Il faut appeler un chat un chat. C'est désormais aux autorités libanaises et aux responsables politiques de se doter de l'outil politique adéquat pour aboutir. La population libanaise, elle, est extrêmement favorable à notre action et aux réformes.

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