Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mercredi 19 mai 2021 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre :

Non. D'autres expériences du même type ont déjà eu lieu en Afrique : dans une période de crise, on met en place un « conseil de transition ». Tout le problème est de savoir comment celui-ci est composé.

Un comité militaire de transition a donc été mis en place, présidé par l'un des fils d'Idriss Déby, le général Mahamat Déby, avec un gouvernement civil – dans les conditions que je viens d'indiquer. La situation reste très fragile, mais il faut garder la ligne que j'ai indiquée, et que partage l'Union africaine.

Au Mali, un processus électoral a été engagé, dans le cadre des instances de transition. Un nouveau gouvernement est en cours de formation. Sa composition devrait être connue dans les jours à venir, sans que la transition soit remise en cause. Il y a un président de transition, Baw N'Daw – qui était aussi à Paris hier –, un Premier ministre et une junte militaire. Tous s'inscrivent dans un processus qui devrait déboucher sur un retour des civils et un processus électoral démocratique. Les élections devraient avoir lieu aux mois de février et de mars 2022. Le processus se déroule de manière encourageante ; il faut espérer qu'il aboutisse.

L'autre sujet, concernant le Sahel, est évidemment la sécurité. À la fin du mois de juin, une réunion de la conférence de soutien en faveur de la Coalition pour le Sahel se tiendra à Bruxelles. C'est un rendez-vous important, qui rassemble soixante partenaires internationaux – dont les Européens –, y compris des bailleurs, autour de la volonté de développer la sécurité dans la région.

L'un des objectifs est d'organiser un surge civil, dans le cadre du pilier 3 des accords de N'Djamena, dont je vous ai parlé à plusieurs reprises. Il s'agit de faire en sorte que les territoires sensibles repris aux groupes terroristes soient revitalisés, avec la réintroduction d'un service public minimum – dans les domaines de l'éducation, des services sociaux et sanitaires, mais aussi de la sécurité, avec des forces de police. On n'y est pas encore mais les pays les plus sensibles, notamment le Niger – j'ai rencontré hier soir le nouveau président du pays, Mohamed Bazoum – et le Burkina Faso trouvent que les choses progressent. Ainsi, dans la zone de Tillabéri, à la frontière entre le Niger et le Burkina Faso, où des groupes terroristes, entre autres choses, taxaient les populations, et qui vient d'être libérée grâce à une intervention militaire, l'enjeu est de faire en sorte que les écoles rouvrent, que les jeunes trouvent une activité, etc. Nous avons identifié plusieurs zones de ce type sur lesquelles nous essayons de concentrer les efforts.

Il y a parfois des motifs de satisfaction. Ainsi, au Soudan, la transition se déroule bien. En septembre 2019, une révolution a libéré ce pays de la dictature qu'il subissait depuis trente ans. Une architecture de cohabitation entre militaires et civils a été élaborée. Sur l'initiative de la France, une conférence d'appui à la transition s'est ouverte, en présence du chef de l'État soudanais et du Premier ministre, Abdallah Hamdok. La France a consenti un prêt-relais pour aider le pays à rembourser ses arriérés au FMI. Nos partenaires américains et britanniques ont assuré qu'ils contribueraient également. En outre, nous avons décidé d'annuler notre créance envers le Soudan, la plus importante parmi les membres du Club de Paris – elle s'élève à 5 milliards de dollars. Les autres acteurs ont indiqué qu'ils se joindraient à notre initiative.

Le Soudan est un pays extrêmement important. Autrefois à l'origine d'actions terroristes, il est en train de devenir un exemple. Il est possible qu'un pays sorte d'une longue dictature et engage un processus démocratique, et que ce changement soit accompagné par les pays développés. Nous espérons que cela durera, les acteurs semblant déterminés à ce que la transition se poursuive. Il était très important que ces décisions soient prises à Paris et que la France soit à l'initiative.

Le sommet sur le financement des économies africaines s'est tenu hier à Paris. Une mobilisation importante a eu lieu autour des vaccins et du financement de la sortie de crise. Les pays africains, surendettés et sans capacité de création de liquidités, ne peuvent pas mettre en œuvre des plans de relance. Il faut d'abord briser le cycle du surendettement. Des mesures avaient déjà été prises par le G20 en novembre : un moratoire avait été prononcé et la dette de certains pays annulée. La création de droits de tirage spéciaux, à hauteur de 650 milliards de dollars, avait également été annoncée, dont une partie était affectée à l'Afrique – 33 milliards, ce qui était insuffisant. Il a été convenu hier de réallouer ces droits de tirage de manière à atteindre 100 milliards de dollars au bénéfice du continent – pour que la reprise se matérialise en Afrique, les besoins de financement sont estimés à 285 milliards. Ces mesures s'accompagneront d'un dispositif de financement de l'entrepreneuriat africain. L'Afrique reçoit moins de 3 % des investissements directs : il faut mobiliser tous les instruments pour « dérisquer » les activités, en ciblant les phases les plus cruciales, notamment l'amorçage des projets.

En ce qui concerne les vaccins, j'ai beaucoup entendu parler de la proposition américaine de lever la protection intellectuelle. Nous sommes d'autant plus favorables à cette idée que nous l'avions déjà formulée il y a plusieurs mois dans le cadre du dispositif Access to COVID-19 Tools Accelerator (ACT-A), lancé à notre initiative. On lit ainsi dans la charte adoptée lors du Forum de Paris sur la paix : « Nous encourageons […] les transferts de technologies et les licences de propriété intellectuelle volontaires ainsi que la mutualisation des brevets ». Je tiens à le rappeler, car certaines des choses que j'entends m'irritent… Cela peut se faire au sein de l'OMC ; nous sommes d'ailleurs en train d'agir en ce sens. Certes, la question doit être traitée, car le vaccin est un bien public mondial, mais les facteurs bloquants se situent à d'autres niveaux.

D'une part, il faut lever les restrictions d'exportation. Les chaînes d'approvisionnement mondiales doivent désormais fonctionner librement. À cet égard, nous attendons des États-Unis qu'ils autorisent l'exportation des produits de base entrant dans la composition des vaccins. J'observe que dans cette affaire l'Union européenne a été très ouverte : nous exportons autant que nous consommons – et nous sommes les seuls à le faire. La question de la formation est également importante. Il faut mobiliser des ressources humaines pour permettre les transferts de technologie, qui prennent généralement plusieurs mois.

C'est une priorité qui a été affichée hier lors du sommet sur le financement des économies africaines. Il faut produire des vaccins à ARN en Afrique. Des projets sont d'ailleurs en cours.

Je me rendrai demain à Dublin avec le secrétaire d'État Clément Beaune. Nous y manifesterons notre volonté de voir les Britanniques respecter intégralement le protocole irlandais. Nous avons déjà dit à ces derniers qu'ils devaient respecter l'ensemble de leurs engagements, aussi bien en ce qui concerne ce protocole que l'accord de commerce et de coopération (ACC). Si tel n'était pas le cas, nous mettrions en œuvre les mesures restrictives et discriminatoires prévues dans les accords.

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