Chers collègues, je tiens tout d'abord à vous remercier pour avoir pris la mesure des enjeux. Le bureau de Lyon ne compte que vingt-trois personnes, sept dans les services généraux et seize administrateurs. Les trois fonctionnaires qui détiennent le grade P5 et supérieur sont de nationalité française. Concrètement, cet accord ne concernerait personne aujourd'hui mais nous voulons renforcer l'attractivité du bureau de Lyon en portant le nombre de fonctionnaires à trente. Les conséquences économiques seraient très limitées pour le budget de l'État mais le rayonnement qui en résulterait serait incommensurable. L'Académie de l'OMS serait installée, avec le bureau et le Centre international de recherche sur le cancer, dans les bâtiments de Lyon-Gerland.
Les immunités et privilèges diplomatiques seraient ceux prévus par la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, signée en 1961 : inviolabilité personnelle, immunité de juridiction, exemptions fiscales, exonération de la taxe d'habitation, etc. Il s'agirait d'aligner leur traitement sur celui des membres des missions diplomatiques, destiné à garantir l'indépendance de leur action.
J'en viens au sujet de Taïwan qui est essentiel. L'OMS compte 194 États membres dont les délégués se réunissent chaque année au sein de l'AMS. L'OMS avait déjà accordé à Taïwan le statut d'observateur à l'AMS entre 2009 et 2016. La France est favorable à sa réintégration ; à titre personnel, je le suis également.
L'OMS est une organisation essentielle qui joue un rôle fondamental dans l'élaboration de normes et la coordination de la recherche. Son budget est important mais elle est tout de même confrontée à de nombreuses difficultés. La première tient au multilatéralisme, qui a montré ses faiblesses et qui se trouve mis en cause. Les critiques de Donald Trump, portées en pleine pandémie, n'ont fait qu'accentuer la crise. La seconde est d'ordre financier, même si le budget programme, qui s'élève à 5,365 milliards d'euros, soit 5,84 milliards de dollars américains, pour 2020-2021, n'a cessé d'augmenter puisqu'il était d'un peu plus d'un milliard en 1990-1991. Les interventions d'urgence, qu'imposait la crise sanitaire, ont mis en évidence de graves difficultés, sans parler des problèmes structurels. Le budget programme est financé par des contributions obligatoires, versées par les États membres, et des contributions volontaires, versées par les États mais aussi par des organisations internationales, des acteurs privés, des organismes philanthropiques. Alors que les contributions volontaires étaient minoritaires au départ, elles représentent aujourd'hui plus de 80 % du budget de l'OMS. Or, ces contributions sont fléchées vers un programme ou une action spécifiques et ne sont pas pérennes. Leur caractère aléatoire aggrave les difficultés financières de l'OMS.
Enfin, la troisième difficulté se rapporte à la concurrence dans le domaine de la santé mondiale et à la multiplicité des acteurs. Il faut mieux incarner la volonté politique, en repensant la gouvernance de la santé mondiale et en articulant les actions menées par l'OMS avec les autres programmes des Nations Unies, comme ONUSIDA, les acteurs multilatéraux tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Gavi l'Alliance du vaccin, Unitaid qui œuvre pour favoriser un égal accès aux traitements, mais aussi de grands acteurs philanthropiques comme la Fondation Bill-et-Melinda-Gates. Nous devons nous interroger sur les dépenses, l'action, la capacité à lever de nouvelles ressources.
L'OMS a été critiquée pour ses atermoiements face à la crise sanitaire. Donald Trump l'a accusée d'indulgence à l'endroit de la Chine. Or, l'OMS dispose des outils adaptés pour faire face à ce type de crise. Son programme des urgences aurait permis d'apporter des réponses efficaces et rapides mais, le budget n'étant pas suffisant, l'OMS a dû lancer plusieurs appels de fonds. Le fonds de réserve pour les situations d'urgence, destiné à débloquer des fonds dans un délai de vingt-quatre heures, a été sollicité mais, là encore, faute d'un budget suffisant, il n'a pas permis de faire face à une crise d'une telle ampleur. Le règlement sanitaire international, qui est un instrument juridique international contraignant pour les États membres, n'a pas toujours été rigoureusement respecté. Nous devons renforcer les obligations à l'endroit des États qui se sont engagés, en 1951, lors de sa création, à l'appliquer.
L'OMS a mené des actions pour tenter de comprendre les origines de la pandémie. Elle a ainsi envoyé en Chine une mission scientifique internationale qui a établi quatre scénarios possibles. Le premier, jugé le plus probable, serait celui de la transmission du virus de l'animal à l'homme par un hôte intermédiaire. Un deuxième établit l'hypothèse d'une transmission directe de l'animal à l'homme. Selon un troisième, moins probable, le virus aurait pu être transmis par les aliments. Enfin, la piste d'une fuite d'un laboratoire n'est pas exclue, même si elle est jugée peu probable. Quoi qu'il en soit, l'OMS a rappelé la nécessité de poursuivre les investigations.
Par ailleurs, en juillet dernier, le directeur général de l'OMS a annoncé la création du groupe indépendant sur la préparation et la riposte à la pandémie (GIPR), chargé d'évaluer l'action engagée au niveau mondial face à la pandémie. Ce groupe a remis un rapport le 12 mai dernier. Il met en évidence, dans une première partie, les actions urgentes qu'il faut continuer à mener, notamment pour financer l'initiative ACT-A ou accélérer la production et la distribution du vaccin. Il analyse par ailleurs la gestion de la crise, depuis la période antérieure à la pandémie jusqu'aux premières campagnes vaccinales. Il émet enfin des recommandations pour l'avenir afin de renforcer la mobilisation politique, augmenter les financements et en améliorer la prévisibilité, favoriser l'anticipation. Ces travaux sont à l'ordre du jour de la soixante-quatorzième assemblée mondiale de la santé qui aura lieu cette semaine, à Genève. Elle se penchera également sur le rapport rendu par le GIPR et les moyens d'adapter le RSI aux nouveaux défis.