La séance est ouverte à 9 heures 30.
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.
Examen, ouvert à la presse, et vote sur trois projets de loi :
Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation mondiale de la santé relatif à l'octroi du statut diplomatique aux fonctionnaires de l'Organisation mondiale de la santé de grade P5 et supérieur du bureau de l'OMS (n° 3707) (M. Hugues Renson, rapporteur)
Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l'examen, ouvert à la presse, de trois projets de loi autorisant l'approbation ou la ratification d'accords internationaux, à caractère technique. Nous les examinerons dans l'ordre de leur dépôt, en commençant par le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation mondiale de la santé relatif à l'octroi du statut diplomatique aux fonctionnaires de l'Organisation mondiale de la santé de grade P5 et supérieur du bureau de l'OMS. Ce texte participe de l'effort de renforcement de l'attractivité du territoire français s'agissant de l'accueil de sièges d'organisations internationales, décrété priorité nationale par le Gouvernement en 2016. Il s'agit donc d'un souci transpartisan.
L'accord conclu avec l'OMS vise à mettre un terme au traitement différencié, au regard de l'accès au statut diplomatique, des fonctionnaires du bureau de l'OMS de Lyon et de ceux du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui dépend également de l'OMS et est également basé à Lyon – nous mettons donc un terme à une discrimination intra- municipale, en quelque sorte. Le projet de loi nous offre l'occasion de débattre du rôle de l'OMS et des actions entreprises par la France pour promouvoir une meilleure coopération internationale dans la lutte contre les pandémies et le traitement des urgences sanitaires internationales. Ainsi, l'entonnoir s'ouvre à la fin : après des considérations techniques, nous porterons notre attention sur des considérations générales.
Notre commission est donc saisie de ce projet de loi que le Sénat a adopté le 16 décembre dernier.
L'accord, qui est avant tout technique, découle d'une requête de l'OMS déjà ancienne. Formulée en 2008, elle visait à mettre un terme à une disparité de régime, en matière de privilèges et d'immunités, entre deux ensembles de fonctionnaires de l'OMS, ceux du bureau de Lyon et ceux du CIRC, agence spécialisée de l'OMS basée à Lyon depuis 1965. Ce déséquilibre de statut a jusqu'à présent eu pour effet de rendre le bureau de l'OMS de Lyon moins attractif pour ses fonctionnaires. La requête de 2008 étant restée lettre morte, l'OMS l'a réitérée en 2017.
Il a récemment semblé au Gouvernement français légitime d'y accéder. En effet, l'OMS a exprimé la volonté de renforcer les activités de son bureau de Lyon. En outre, elle ouvrira prochainement son Académie à Lyon, comme l'ont confirmé ce lundi 24 mai le Président de la République et le directeur général de l'OMS à l'occasion de l'ouverture de la 74e session de l'Assemblée mondiale de la santé (AMS). L'Académie, qui ouvrira ses portes en 2023, a vocation à devenir un centre de formation de référence, au niveau mondial, pour les professionnels de la santé, les responsables publics, les dirigeants d'entreprises et les représentants de la société civile. La concentration du bureau de l'OMS, du CIRC et de l'Académie de l'OMS à Lyon confirmera sa place de pôle de santé d'envergure mondiale.
Ainsi, l'accord qui nous est soumis présente, par-delà son caractère technique, une dimension éminemment politique. Tout d'abord, il s'inscrit dans le cadre de l'accueil sur le territoire national de sièges d'organisations internationales, érigé en priorité par une circulaire du 22 mars 2016 relative à l'attractivité du territoire français pour les organisations internationales et leurs agents. Il est désormais acquis que les bénéfices de leur présence sont très largement supérieurs aux coûts qu'elle induit, notamment en matière fiscale. Ensuite, l'approbation de cet accord nous est soumise dans le contexte sanitaire international que nous connaissons depuis un an et qui justifie, me semble-t-il, de renforcer toujours davantage la coopération en matière de santé. En effet, la pandémie de covid-19 a véhiculé un important cortège d'incertitudes et de désinformation, ce qui nous a permis de constater l'importance de la science, du partage de l'information et du renforcement continu de la robustesse de nos systèmes de soins.
Tout cela doit nous inciter à renforcer les réponses multilatérales. En la matière, le réengagement américain en faveur du multilatéralisme et de l'OMS, consécutif à l'élection du président Biden, offre de nouvelles perspectives. Tout cela doit aussi nous inciter à renforcer l'OMS en tant que telle. Elle doit être solide, agile et transparente. Tel est tout l'enjeu de sa réforme, dont les contours sont débattus cette semaine à l'occasion de la 74e session de l'Assemblée mondiale de la santé.
Tel est le contexte dans lequel s'inscrit l'accord que nous examinons. Il contribuera sans nul doute à faciliter l'installation de fonctionnaires de l'OMS de grade P5 ou supérieur au sein du bureau de Lyon, où ils jouiront désormais, comme ceux du CIRC, du statut diplomatique défini par la Convention de Vienne du 18 avril 1961. Ce dernier offre notamment à ses bénéficiaires l'inviolabilité et l'immunité de juridiction totales pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions, ainsi qu'un privilège fiscal les exemptant de taxes et d'impôts, sous réserve, en l'espèce, qu'ils ne soient pas de nationalité française ou résidents permanents en France. Pour être technique, l'harmonisation prévue par l'accord n'en est pas moins bienvenue.
Cette extension de privilèges et d'immunités inclut les familles des fonctionnaires visés, ce qui permettra d'accroître l'attractivité du bureau de Lyon auprès des fonctionnaires de l'OMS en général. L'accord s'inscrit dans le cadre de la volonté de l'OMS de renforcer les effectifs et les activités du bureau de Lyon, dont le rôle crucial a été révélé par la crise sanitaire mondiale. En effet, il a joué un rôle essentiel dans l'évaluation et l'augmentation des capacités de tests de plusieurs pays en développement, et ce dès les premiers mois de la pandémie. Il a aussi développé des formations et émis des lignes directrices à l'attention des personnels de laboratoire. Rappelons, à titre d'illustration, qu'il a beaucoup travaillé à la préparation des laboratoires aux nouveaux tests antigéniques rapides.
L'accord qui nous est soumis aujourd'hui doit permettre de renforcer l'attractivité du bureau de l'OMS à Lyon. Combiné avec l'installation, dans la même ville, de l'Académie de l'OMS, il contribuera à en faire un pôle d'excellence mondiale en matière de santé, au deuxième rang après Genève. Il en résultera indéniablement des effets positifs pour le rayonnement international de la France et pour l'excellence de la coopération internationale en matière de santé. Je vous invite donc, chers collègues, à voter sans réserve en faveur de son approbation, comme l'ont fait nos collègues sénateurs il y a quelques semaines.
Monsieur le rapporteur, en vous écoutant, je me suis souvenu de ce que m'a dit Michel Jobert à mon arrivée à la Cour des comptes, où il était alors conseiller maître : « Dans cette maison, vous assisterez à des développements impeccables sur les sujets les plus ténus ». Le sujet de votre rapport n'est pas exactement ténu, mais il est limité, et vous l'avez situé dans toutes ses perspectives, notamment le double souci qui est le nôtre : affirmer une image de la France et l'associer au développement des instances multilatérales. L'attractivité du territoire et l'engagement multilatéral sont les deux principes qui sous-tendent votre rapport, ce qui est très bienvenu, d'autant que le rapport d'information de Marielle de Sarnez sur les dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de covid-19 a rappelé le rôle stratégique crucial qui incombe à l'OMS ainsi que son insuffisance pratique dans le traitement de la pandémie. Ainsi, nous avons un peu le sentiment de prolonger, par un biais très particulier, sa réflexion.
En préambule, j'associe notre collègue Valérie Thomas à mes observations ainsi qu'à la question que je poserai, et remercie, comme je l'ai fait la semaine dernière, les administrateurs de notre commission, notamment celui qui a travaillé sur ce texte et dont j'ai eu l'occasion d'apprécier les compétences, la discrétion et le professionnalisme. Je remercie et félicite Hugues Renson, dont le rapport porte sur un sujet non seulement technique mais aussi politique.
J'aimerais ouvrir une parenthèse. Je n'ai aucun problème s'il s'agit d'améliorer la vie des gens, en l'occurrence celle de certains fonctionnaires de l'OMS de grade P5 et supérieur et celle de leurs familles. J'ai un problème, en revanche, avec l'expression « privilège fiscal », qui désigne un avantage attaché au statut diplomatique. Hier, Le Monde a publié une tribune anonyme dans laquelle des fonctionnaires du ministère de l'Europe et des affaires étrangères affirment en substance avoir des conditions de vie pas très sympathiques. Je ne partage pas du tout cette approche. Lorsque l'on travaille dans ces instances, que l'on côtoie de près la mort et la pauvreté, on doit faire preuve de décence au sujet de ses propres conditions de vie.
L'accord que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans le cadre de la politique visant à renforcer l'attractivité de notre pays pour les organisations internationales. Il s'agit de faire venir les meilleurs chez nous. Pour ce faire, l'argent ne suffit pas ; les conditions de vie ont une importance égale. Il ressortit également à la volonté de la France de renforcer le multilatéralisme en matière de santé publique, ce qui est essentiel. Le groupe La République en Marche est largement favorable à son approbation.
Monsieur le rapporteur, j'aimerais vous poser une question sur la 74e session de l'Assemblée mondiale de la santé, qui se tient cette semaine à Genève. Quels enseignements l'OMS a-t-elle tirés de la crise du covid-19 ? Quels sont ses axes de travail pour gagner en agilité et en rapidité, afin que les choses ne se passent pas à l'avenir comme elles se sont passées ? Les grandes organisations bougent quand elles sont confrontées à de grands problèmes. L'OMS prévoit-elle de modifier autre chose que les privilèges auquel nous nous apprêtons à donner notre approbation ?
Je remercie notre collègue Hugues Renson de sa présentation très claire. Sur les aspects techniques, nous sommes d'accord, et nous voterons son approbation.
M. le rapporteur a eu raison d'élargir le propos à plusieurs questions importantes soulevées par cet accord : le retour du multilatéralisme en matière de santé, consécutif au retour des États-Unis au sein de l'OMS, que leur absence, décidée par le président Trump, pénalisait grandement ; la volonté d'accueillir des organisations internationales sur notre sol, dont nous ne pouvons que nous réjouir ; la consécration de Lyon en tant que pôle d'excellence en matière de santé publique réunissant un bureau de l'OMS, le CIRC et l'Académie de l'OMS. Il n'y a là que des bonnes nouvelles.
J'aimerais à mon tour élargir le propos, comme nous y invite M. le président, en soulevant deux questions.
Tandis que se réunit l'Assemblée mondiale de la santé, nous déplorons que Taïwan ne soit pas invité à y siéger en tant qu'observateur. Je rappelle que le Sénat a récemment adopté à l'unanimité une proposition de résolution en faveur de l'association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales. Les membres du groupe d'études à vocation internationale sur les questions liées à l'expansion de l'économie taïwanaise, présidé par François de Rugy après l'avoir été par notre regretté collègue Jean-François Cesarini, viennent de transmettre une proposition de résolution à ce sujet. Mes chers collègues, si vous êtes favorables – cette commission l'a été à maintes reprises, et les propos de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ont toujours été très clairs – à l'association de Taïwan aux travaux de l'OMS en tant qu'observateur, d'autant plus justifiée que Taïwan a géré la pandémie de façon exemplaire, je vous invite à vous y associer, en tenant compte du délai assez court fixé par François de Rugy. Il serait dommage que nous restions en retrait du Sénat.
Par ailleurs, j'aimerais connaître l'avis de M. le rapporteur sur l'enquête menée par l'OMS en Chine sur l'origine du covid-19, dont on ne peut pas dire que l'OMS sort grandie. Tout au long de leur travail, les enquêteurs ont été sous la tutelle des Chinois. Monsieur le rapporteur, vous appelez de vos vœux une OMS solide, agile et transparente ; il y a des progrès à faire. Dès le début de la pandémie, nous avons mené, sous l'égide de notre chère et regrettée Marielle de Sarnez, un travail de fond sur les voies et les moyens de réformer l'OMS, qui a abouti à des propositions très solides.
Cher collègue, je tiens à vous dire que j'ai signé, à titre personnel, la proposition de résolution que vous évoquez.
. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de la clarté de vos propos. Vous avez rendu intelligible un accord éminemment technique, qui a aussi une résonance politique et territoriale pour notre belle région lyonnaise.
Le bureau de Lyon de l'OMS est investi d'une mission de coordination du Règlement sanitaire international. Il constitue sans conteste un élément central de la politique sanitaire de l'OMS.
Le présent accord témoigne de la volonté conjointe de la France et de l'OMS d'installer dans la durée leur partenariat, dont le contexte sanitaire dramatique a accentué la nécessité. Il vise à octroyer le statut diplomatique aux fonctionnaires de grade P5 et supérieur de ce bureau, sous réserve qu'ils ne soient pas de nationalité française ou résidents permanents en France. Il vise aussi à renforcer l'attractivité du bureau de Lyon de l'OMS, en mettant un terme aux inégalités que vous avez rappelées, et à pallier son déficit d'attractivité, notamment par rapport au bureau de Genève, en accordant à ses fonctionnaires des droits et privilèges spéciaux. Il s'inscrit dans une démarche de recentrage stratégique bénéfique pour ce bureau et pour la France.
Le problème d'attractivité du bureau de Lyon inquiétait l'OMS, qui souhaitait y remédier. Le présent accord, conclu à l'issue d'une longue démarche conjuguée au projet d'installation de l'Académie de l'OMS à Lyon, participe au développement de la région. Il fera de Lyon le deuxième pôle international en santé mondiale, derrière Genève. Les fonctionnaires de grade P5 et supérieur qui en bénéficient sont des administrateurs recrutés à l'échelle internationale, disposant d'un niveau d'expertise élevé. Même si aucun des fonctionnaires en poste au bureau de Lyon n'en bénéficiera, il devrait faciliter les recrutements à venir. Plus généralement, quel rôle la France peut-elle jouer dans le renforcement du rôle de l'OMS au niveau mondial ?
Nous considérons que cet accord est un atout pour le rayonnement de la France dans les organisations multilatérales comme pour l'attractivité de la région lyonnaise. Le groupe du Mouvement démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés votera le projet de loi.
. Le présent projet de loi, adopté en première lecture par nos collègues sénateurs en décembre dernier, n'offre pas matière à controverse. Il fournit l'occasion d'évoquer l'OMS, qui a malheureusement été au cœur de l'actualité dans cette année de pandémie, et qui a de surcroît fait l'objet de plusieurs débats passionnés, ouverts par les accusations du précédent président des États-Unis visant sa supposée mansuétude vis-à-vis de la Chine, débats qui se sont poursuivis lors du désengagement financier et diplomatique des États-Unis, heureusement temporaire, et récemment renouvelés au sujet de l'opportunité de la levée des brevets sur les vaccins contre la covid-19.
Pour ma part, j'évoquerai l'admission de Taïwan à l'OMS en qualité d'observateur. Les autorités taïwanaises ont eu une gestion exemplaire de la pandémie. Elles souhaitent vivement partager leur expérience dans le cadre de l'OMS et demandent donc à être associées à ses travaux, en tant que simple observateur, ce qui leur est pour l'heure refusé. Notre commission devrait se pencher sur ce sujet lors d'une prochaine réunion. J'ai cru comprendre que l'assentiment y est quasi général.
Je remercie notre rapporteur de sa présentation. Les membres du groupe Agir ensemble encouragent la conclusion de tels accords, dont les conséquences pour notre pays sont d'ordre économique, financier et administratif. Leur ratification devrait être facilitée par le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Tel était du moins l'objet de l'un de ses articles, considéré par certains comme un cavalier législatif.
J'ai eu une expérience un peu amère lorsque je siégeais à l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée (AP-UpM), dont le siège n'a pas été implanté à Marseille, notamment en raison de considérations du même ordre que celles visées par le présent accord. Les conséquences économiques de ce dernier devraient être positives, grâce aux retombées directes et indirectes du renforcement des activités du bureau de Lyon de l'OMS. La future augmentation de ses effectifs devrait avoir des conséquences économiques positives, notamment en raison du paiement des impôts dont les privilèges et les immunités accordés ne prévoient pas l'exonération. En outre, les membres des familles des fonctionnaires concernés ne bénéficieront pas de l'exonération de leurs revenus s'ils exercent une activité professionnelle propre en France.
Monsieur le rapporteur, disposons-nous d'une estimation fiable des sommes que de tels accords rapportent à la France, qui nourrit l'ambition de devenir une nouvelle place forte en matière d'accueil des organisations internationales ? Nous voterons le texte avec joie.
L'accord qui nous est soumis vise à modifier le statut de certains fonctionnaires internationaux en l'alignant sur des normes supérieures. Notre groupe, qui n'y voit pas d'inconvénient, votera le texte.
Toutefois, cette amélioration du sort de personnes sur lesquelles je n'ai pas d'avis particulier ne doit pas nous faire oublier qu'une organisation mondiale de la santé est censée s'occuper de tous, surtout des plus fragiles, et de tous les pays, sans exclusive, comme l'a démontré la pandémie. Je ne sais pas d'où est parti le virus, mais je sais où il s'est propagé.
Ce que nous faisons ce matin est bien peu à l'aune de ce qu'il faudrait faire. Notre responsabilité morale, par-delà la proposition de résolution précitée, à laquelle je m'associe, devrait nous amener à poser le problème des organisations internationales au bon niveau. L'OMS n'est pas une organisation de plus. À mes yeux, elle doit être placée au même rang que l'ONU. Il y va de l'avenir de l'humanité. Il y a suffisamment de morts dans ce monde pour que nous prenions conscience de la situation. En sus d'une proposition de résolution favorable à l'admission de Taïwan à l'OMS, adoptons-en une visant à élever son rôle ! Tel est l'acte politique que nous devons faire.
Cher collègue, je vous remercie de cette réflexion, qui place le débat à un niveau très élevé. Je doute que notre rapporteur nourrisse l'ambition de résoudre à lui seul les problèmes de l'OMS, ce qui semble excessif.
Je remercie M. le rapporteur de son travail. Ma question porte sur la notion complexe d'immunité, laquelle fait partie des avantages et des privilèges attachés au statut diplomatique. Certes, pour la France, ce n'est pas un sujet essentiel. En revanche, s'agissant de missions comme celle menée en Chine par l'OMS pour déterminer l'origine du covid-19, la question se pose. L'immunité des cadres de l'OMS est la garantie de leur liberté d'investigation, de réflexion et de parole. Le bureau de Lyon de l'OMS rayonne à l'échelle de la planète, notamment dans des pays en situation de crise. Le rapport n'évoque pas les conséquences de l'octroi du statut diplomatique à ses fonctionnaires s'agissant de leurs activités en France. Aura-t-il des conséquences sur la reconnaissance, la liberté et la capacité d'action des fonctionnaires de l'OMS concernés ?
Taïwan est un petit pays de 25 millions d'habitants. Certes, ce n'est pas beaucoup à l'échelle du monde mais tous les pays ne comptent pas 25 millions d'habitants. Le statut de Taïwan a beau être controversé, la Chine continentale n'exerce aucune prérogative en matière de santé dans ce pays. Il n'y a donc pas de raison pour que ce pays, qui mène une politique de santé autonome, ne soit pas représenté au sein de l'OMS, même si les Nations unies n'ont pas reconnu officiellement son statut. Bien évidemment, je soutiendrai toutes les initiatives destinées à accorder à Taïwan le statut d'observateur.
Par ailleurs, l'explosion des flux au niveau mondial a transformé les maladies en véritables bombes à retardement, ce qui rend d'autant plus nécessaire l'existence d'un organisme très performant et susceptible, à l'image du Conseil de sécurité des Nations unies, d'intervenir rapidement à l'échelle mondiale. Au regard des derniers événements, on peut se demander s'il ne serait pas temps de dépoussiérer et de moderniser le fonctionnement de l'OMS. Si cet organisme s'est montré très utile, il a mis trop de temps à réagir.
La proposition de résolution déposée par François de Rugy en application de l'article 34-1 de la Constitution et signée par beaucoup d'entre nous, devrait être examinée en séance publique suite à une décision de la conférence des présidents. A priori, elle ne devrait pas nous être transmise. Cela étant, dans la mesure où ce sujet nous intéresse directement et met en cause les relations avec la Chine, ce qui n'est pas un sujet mineur par les temps qui courent, il serait bon demander à François de Rugy d'intervenir de manière informelle, devant notre commission, afin que nous puissions en débattre, même si nous ne votons pas. Ce serait une manière de nous insérer dans ce processus sans prétendre nous élever au-dessus de notre condition.
Chers collègues, je tiens tout d'abord à vous remercier pour avoir pris la mesure des enjeux. Le bureau de Lyon ne compte que vingt-trois personnes, sept dans les services généraux et seize administrateurs. Les trois fonctionnaires qui détiennent le grade P5 et supérieur sont de nationalité française. Concrètement, cet accord ne concernerait personne aujourd'hui mais nous voulons renforcer l'attractivité du bureau de Lyon en portant le nombre de fonctionnaires à trente. Les conséquences économiques seraient très limitées pour le budget de l'État mais le rayonnement qui en résulterait serait incommensurable. L'Académie de l'OMS serait installée, avec le bureau et le Centre international de recherche sur le cancer, dans les bâtiments de Lyon-Gerland.
Les immunités et privilèges diplomatiques seraient ceux prévus par la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, signée en 1961 : inviolabilité personnelle, immunité de juridiction, exemptions fiscales, exonération de la taxe d'habitation, etc. Il s'agirait d'aligner leur traitement sur celui des membres des missions diplomatiques, destiné à garantir l'indépendance de leur action.
J'en viens au sujet de Taïwan qui est essentiel. L'OMS compte 194 États membres dont les délégués se réunissent chaque année au sein de l'AMS. L'OMS avait déjà accordé à Taïwan le statut d'observateur à l'AMS entre 2009 et 2016. La France est favorable à sa réintégration ; à titre personnel, je le suis également.
L'OMS est une organisation essentielle qui joue un rôle fondamental dans l'élaboration de normes et la coordination de la recherche. Son budget est important mais elle est tout de même confrontée à de nombreuses difficultés. La première tient au multilatéralisme, qui a montré ses faiblesses et qui se trouve mis en cause. Les critiques de Donald Trump, portées en pleine pandémie, n'ont fait qu'accentuer la crise. La seconde est d'ordre financier, même si le budget programme, qui s'élève à 5,365 milliards d'euros, soit 5,84 milliards de dollars américains, pour 2020-2021, n'a cessé d'augmenter puisqu'il était d'un peu plus d'un milliard en 1990-1991. Les interventions d'urgence, qu'imposait la crise sanitaire, ont mis en évidence de graves difficultés, sans parler des problèmes structurels. Le budget programme est financé par des contributions obligatoires, versées par les États membres, et des contributions volontaires, versées par les États mais aussi par des organisations internationales, des acteurs privés, des organismes philanthropiques. Alors que les contributions volontaires étaient minoritaires au départ, elles représentent aujourd'hui plus de 80 % du budget de l'OMS. Or, ces contributions sont fléchées vers un programme ou une action spécifiques et ne sont pas pérennes. Leur caractère aléatoire aggrave les difficultés financières de l'OMS.
Enfin, la troisième difficulté se rapporte à la concurrence dans le domaine de la santé mondiale et à la multiplicité des acteurs. Il faut mieux incarner la volonté politique, en repensant la gouvernance de la santé mondiale et en articulant les actions menées par l'OMS avec les autres programmes des Nations Unies, comme ONUSIDA, les acteurs multilatéraux tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Gavi l'Alliance du vaccin, Unitaid qui œuvre pour favoriser un égal accès aux traitements, mais aussi de grands acteurs philanthropiques comme la Fondation Bill-et-Melinda-Gates. Nous devons nous interroger sur les dépenses, l'action, la capacité à lever de nouvelles ressources.
L'OMS a été critiquée pour ses atermoiements face à la crise sanitaire. Donald Trump l'a accusée d'indulgence à l'endroit de la Chine. Or, l'OMS dispose des outils adaptés pour faire face à ce type de crise. Son programme des urgences aurait permis d'apporter des réponses efficaces et rapides mais, le budget n'étant pas suffisant, l'OMS a dû lancer plusieurs appels de fonds. Le fonds de réserve pour les situations d'urgence, destiné à débloquer des fonds dans un délai de vingt-quatre heures, a été sollicité mais, là encore, faute d'un budget suffisant, il n'a pas permis de faire face à une crise d'une telle ampleur. Le règlement sanitaire international, qui est un instrument juridique international contraignant pour les États membres, n'a pas toujours été rigoureusement respecté. Nous devons renforcer les obligations à l'endroit des États qui se sont engagés, en 1951, lors de sa création, à l'appliquer.
L'OMS a mené des actions pour tenter de comprendre les origines de la pandémie. Elle a ainsi envoyé en Chine une mission scientifique internationale qui a établi quatre scénarios possibles. Le premier, jugé le plus probable, serait celui de la transmission du virus de l'animal à l'homme par un hôte intermédiaire. Un deuxième établit l'hypothèse d'une transmission directe de l'animal à l'homme. Selon un troisième, moins probable, le virus aurait pu être transmis par les aliments. Enfin, la piste d'une fuite d'un laboratoire n'est pas exclue, même si elle est jugée peu probable. Quoi qu'il en soit, l'OMS a rappelé la nécessité de poursuivre les investigations.
Par ailleurs, en juillet dernier, le directeur général de l'OMS a annoncé la création du groupe indépendant sur la préparation et la riposte à la pandémie (GIPR), chargé d'évaluer l'action engagée au niveau mondial face à la pandémie. Ce groupe a remis un rapport le 12 mai dernier. Il met en évidence, dans une première partie, les actions urgentes qu'il faut continuer à mener, notamment pour financer l'initiative ACT-A ou accélérer la production et la distribution du vaccin. Il analyse par ailleurs la gestion de la crise, depuis la période antérieure à la pandémie jusqu'aux premières campagnes vaccinales. Il émet enfin des recommandations pour l'avenir afin de renforcer la mobilisation politique, augmenter les financements et en améliorer la prévisibilité, favoriser l'anticipation. Ces travaux sont à l'ordre du jour de la soixante-quatorzième assemblée mondiale de la santé qui aura lieu cette semaine, à Genève. Elle se penchera également sur le rapport rendu par le GIPR et les moyens d'adapter le RSI aux nouveaux défis.
Merci, monsieur le rapporteur, pour ces éclairages et ces éclaircissements, si j'ose m'exprimer ainsi, dont chacun fera le meilleur usage pour un sujet essentiel. Comme dans une œuvre de Proust, nous sommes entrés par la petite porte et nous avons vu s'ouvrir le jardin des Swann et des Guermantes, dans leur magnificence.
Hélas, elle nous a quittés mais elle nous aura légué le souci du rôle emblématique de l'OMS qui est, aujourd'hui, bien en deçà de ce qu'il devrait être.
La discussion général est close et je mets aux voix l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et l'OMS.
La commission adopte l'article unique du projet de loi sans modification.
Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé (n° 3835) (M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur).
Nous passons à l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé, sur le rapport de Pierre-Henri Dumont. Il aura ainsi à assumer ce que l'un de nos plus grands poètes, Corneille, aurait appelé un triste et grand honneur, celui de prendre la relève de notre ami Olivier Dassault, qui aurait dû être rapporteur de ce texte s'il ne nous avait quittés dans des circonstances tragiques.
Les familiers de l'œuvre de Courteline savent que le service des dons et legs est la quintessence de l'action bureaucratique. Son roman, Messieurs les ronds-de-cuir, se déroule dans le ministère des dons et legs créé à cet effet par Courteline et il n'y est question que du sort réservé au don, fait par un particulier, de deux chandeliers et d'une paire de jumelles marines. Les dons et legs sont sacrés dans la République !
Plus sérieusement, cet accord reprend le modèle des conventions fiscales conclues par la France avec de nombreux États qui nous sont proches afin d'exonérer de droits de mutation à titre gratuit les dons et legs faits à des organismes à but non lucratif.
La particularité de cet accord tient à ce qu'il s'applique à un État avec lequel nous étions convenus d'une telle exonération depuis 1969 sur la base d'un accord tacite, selon une pratique informelle courante pour de nombreux échanges que nous entretenons avec cet État ami enclavé dans le département des Alpes-Maritimes. L'accord signé en 2019 vise ainsi à formaliser le mécanisme d'exonération existant mais aussi à le clarifier et le sécuriser ainsi qu'à en étendre le champ aux domaines médical et environnemental qui donnent lieu à d'importants dons et legs entre nos deux pays.
Il ne sera pas question de paires de jumelles marines ni de chandeliers, mais d'argent sonnant et trébuchant versé très régulièrement à des hôpitaux ou des associations à but non lucratif.
J'ai une pensée émue pour Olivier Dassault, qui était très attaché aux relations entre la France et Monaco. C'est un honneur pour moi que de lui succéder.
Les relations fiscales franco-monégasques reflètent la spécificité et l'étroitesse des liens entre les deux territoires, sur le plan tant géographique qu'historique, démographique et culturel. La singularité de ces relations tient notamment au fait que la Principauté est un territoire fiscalement très attractif, imbriqué dans le département des Alpes-Maritimes. Cela explique pourquoi les deux conventions fiscales liant la France et Monaco ne visent pas tant à éviter les doubles impositions qu'à lutter contre le transfert de bénéfices à la Principauté et de dissuader les contribuables français d'y établir leur domicile fiscal afin d'échapper à l'impôt sur le revenu en France. Ainsi, les 10 000 Français qui résident à Monaco continuent de payer leurs impôts en France.
Ces conventions fiscales, relativement anciennes, ne couvrent pas, cependant, l'ensemble des questions fiscales auxquelles peuvent être confrontés les deux territoires. En particulier, elles ne règlent pas la question des dons et des legs consentis par les ressortissants d'un territoire aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé situés dans l'autre territoire.
C'est précisément ce vide juridique que cet accord vise à combler. En droit français, comme en droit monégasque, des organismes à but non lucratif et des personnes publiques sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit, à savoir les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière, lorsqu'ils sont bénéficiaires de dons ou de legs. Cet avantage ne peut s'appliquer, en principe, à des organismes étrangers qu'en vertu d'une convention fiscale.
Cependant, l'étroitesse des relations franco-monégasques a laissé une relative latitude aux autorités compétentes des deux États pour régler certains cas par la pratique. Ainsi, les dons et legs transfrontaliers franco-monégasques en faveur d'organismes à but non lucratif sont en pratique exonérés de droit de mutation à titre gratuit depuis 1969, même en l'absence de convention fiscale. Ces exonérations sont accordées sur la base de décisions ministérielles, si tant est que les entités bénéficiaires remplissent les conditions d'éligibilité dans le droit interne de l'autre État. À cet égard, le présent accord ne fera donc qu'encadrer une pratique existante, ce qui explique que les deux parties soient facilement parvenues à un consensus.
Concrètement, les dispositions de l'accord sont similaires à celles figurant dans les dix-sept accords du même type signés par la France, par exemple avec l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Portugal, la Suède ou l'Italie. L'accord définit ainsi trois catégories de bénéficiaires des exonérations de droits de mutation à titre gratuit, à savoir les États parties, leurs collectivités locales ou territoriales et les établissements publics ou d'utilité publique ainsi que les organismes à but désintéressé opérant dans les domaines culturel, cultuel, éducatif, charitable, scientifique, médical, environnemental ou artistique et implanté dans l'un des États parties. Ce champ d'application, relativement large, est censé couvrir l'ensemble des entités éligibles à ces exonérations dans le droit interne de chaque État.
Cependant, il ne suffira pas à une entité de correspondre à ces critères pour bénéficier des dispositions de l'accord, dans la mesure où une condition de stricte réciprocité est posée : un organisme ne sera éligible à une exonération de droit de mutation dans l'autre État que si ce dernier prévoit cette même exonération en faveur des organismes situés dans son territoire.
De surcroît, en matière de legs, l'accord aura une portée rétroactive. Il a en effet été décidé, au début de la négociation, de geler toutes les demandes d'exonération dans l'attente du présent accord.
Compte tenu du faible nombre d'opérations concernées, l'impact fiscal de cette disposition semble limité. En effet, seule une demande d'exonération est en attente d'examen en France, concernant un legs de 1,5 million d'euros en faveur d'un hôpital monégasque. En parallèle, quatre demandes d'exonération auraient été formulées auprès des service fiscaux monégasques pour des dons et des legs en faveur d'organismes français d'un montant total d'environ 25 millions d'euros, correspondant à des droits de mutation de l'ordre de 4 millions.
Qui plus est, même s'il est difficile d'évaluer le caractère incitatif de l'accord relatif aux futurs dons et legs, cet impact fiscal devrait à l'avenir rester circonscrit, puisqu'il ne fait que formaliser une pratique existante.
Surtout, l'accord semble opportun car il renforce la sécurité juridique et la transparence des relations fiscales bilatérales, au service de l'intérêt général.
À la faveur de ces remarques, je vous propose d'adopter ce projet de loi.
Les montants que vous avez cités sont faibles, monsieur le rapporteur, mais comment faire, justement, pour que ces dispositions n'entraînent pas une explosion des demandes ?
Je ne peux que féliciter la Principauté de Monaco qui a durci sa législation pour mieux lutter contre le blanchiment d'argent.
Notre groupe votera pour ce projet de loi qui ne bouleversera pas les relations fiscales entre la France et Monaco mais renforcera, au contraire, la transparence des opérations et sécurisera la pratique. Nous prendrons garde, cependant, à ce que ces dispositions ne se traduisent pas par un appel d'air même si, pour l'heure, elles bénéficient surtout à des organismes français. Rappelons que les États parties en bénéficient, tout comme les collectivités territoriales et locales ainsi que les établissements publics français qui remplissent des missions d'intérêt général.
Vous comprendrez que je veuille à mon tour rendre hommage à mon ami Olivier Dassault, qui devait rapporter ce projet de loi et qui était président du groupe d'amitié France-Monaco. J'avais eu l'occasion de l'accompagner lors du déplacement d'une délégation dans la Principauté et je veux souligner la compétence, l'ardeur et l'enthousiasme qu'il avait mis dans son engagement en faveur des relations entre nos deux pays. Je veux aussi témoigner de la chaleur de la réception du prince Albert de Monaco. Je pense à Olivier à cet instant, et il nous manque.
Le rapporteur a indiqué très clairement que cet accord visait à conforter la sécurité juridique d'une pratique qui existe depuis 1969. Renforcer cette sécurité juridique est une bonne chose et cet accord témoigne des relations extrêmement étroites qui existent entre la France et la Principauté. Les entités susceptibles d'être exonérées sont nombreuses, car le champ d'application est assez large et comprend notamment le domaine hospitalier. Je souligne la compétence de la Principauté en matière de santé publique : elle constitue véritablement un pôle d'excellence et les liens sont extrêmement étroits entre son système hospitalier et celui des Alpes-Maritimes. Les échanges d'informations dans le cadre de ce partenariat ont été particulièrement nourris lors de la pandémie.
Depuis 1969, la France et Monaco exonèrent mutuellement des droits de mutation les dons et legs à des organismes à but non lucratif installés dans l'autre État. Cette pratique, qui demeure exceptionnelle, s'effectue néanmoins en l'absence de convention fiscale, ce qui est source d'insécurité juridique. De plus, le caractère laconique du droit monégasque en matière d'exonération fiscale peut légitimement inquiéter. Les travaux du rapporteur montrent que, dans la durée, les organismes français sortaient gagnant de ces exonérations et que celles-ci sont restées extrêmement ponctuelles.
Les négociations entre les deux États pour la conclusion de cet accord ont été relativement rapides et consensuelles. L'accord conclu ne diffère pas significativement des précédents accords du même type liant la France à d'autres États. Il ne fait que graver dans le marbre une pratique déjà bien installée entre la France et Monaco. Il en permet l'extension à de nouveaux domaines, ce dont on peut se réjouir, et participe à la stabilité et à la sécurité juridique de nos relations fiscales. La clarification de l'ensemble des procédures et des entités éligibles aux exonérations est bienvenue pour les contribuables et les différents acteurs économiques ; elle constitue un levier pour accompagner la nécessaire lutte contre l'évasion fiscale. Le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés votera en faveur de ce projet de loi.
Ce projet de loi adopté en première lecture par nos collègues sénateurs en février dernier est encore moins sujet à caution que celui que nous venons d'examiner sur les fonctionnaires de l'OMS. Comme l'a signalé à juste titre le rapporteur, il formalise une pratique existant depuis 1969 et ne concerne qu'un très petit nombre de dons et de legs.
Nous sommes souvent sourcilleux lorsque nous examinons des conventions fiscales avec des États comme Monaco, le Luxembourg, la Suisse ou d'autres. Mais cette fois il n'y a pas lieu de faire part de la nécessaire vigilance vis-à-vis de pays à la fiscalité avantageuse, et même parfois déloyale, qui participent à l'optimisation, à l'évasion, voire à la fraude fiscales.
Le groupe Socialistes et apparentés votera donc pour ce projet de loi.
Lorsqu'il s'agit de dons ou de legs bénéficiant à des associations ou structures installées en France, on peut s'assurer de l'existence réelle de celles-ci et confirmer leur nature. Cela me semble beaucoup plus compliqué en sens inverse. Le rapporteur peut-il nous indiquer comment il est possible de vérifier que le bénéficiaire monégasque d'un don a bien une existence légale ?
Le groupe Agir ensemble encourage la signature de ce type d'accords. Celui-ci permettra de donner un cadre juridique à une pratique constante depuis 1969, renforcera la sécurité juridique et la transparence des relations fiscales franco-monégasques, et favorisera des organismes menant des missions d'intérêt général.
Ses conséquences fiscales semblent limitées pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que l'accord se contente de formaliser une pratique constante ancienne. Ensuite, il est difficile de mesurer l'effet incitatif sur le nombre de dons et de legs transfrontaliers qui seront consentis après l'entrée en vigueur du texte. Le caractère ponctuel de ces actes et la réciprocité de l'exonération en limitent l'impact fiscal. Quatre demande d'exonération seulement seraient en attente d'instruction à Monaco pour des dons et des legs en faveur d'organismes français, pour un montant total d'environ 25 millions d'euros ; le caractère rétroactif de l'accord est donc limité. De son côté, la France n'aurait à se prononcer que sur la demande d'exonération du don en faveur du centre hospitalier Princesse-Grace, qui lui a été transmise en 2016.
Ces éléments laissent penser que les organismes non lucratifs français seront les principaux bénéficiaires de cet accord, que le groupe Agir ensemble votera car il favorise les relations de bon voisinage.
Quand on parle de fiscalité et de Monaco, je pense : « sauternes et foie gras ». C'est l'association qui convient.
Par-delà cette approche métaphorique, nous parlons de fiscalité et de dons, dont on ne m'empêchera pas de penser qu'ils ne sont pas uniquement animés de bonnes intentions. Si ce don entraîne une exonération fiscale, celle-ci conduira forcément à un impôt supplémentaire pour ceux qui n'en bénéficient pas. D'une certaine manière, nous participons donc tous indirectement par l'impôt à cette œuvre de générosité. Cette philosophie m'a toujours un peu étonné. C'est ainsi : pour obtenir des dons, il faut des incitations fiscales. Cherchons la moralité… Elle est certainement un peu éloignée de l'acte généreux que pourrait constituer un don. De surcroît, quand on est monégasque et qu'on ne paye ni impôt sur le revenu, ni impôt sur les sociétés, l'élan de cette générosité m'effraie un peu.
Il s'agit là de quelques réflexions personnelles ; je ne vois pas d'inconvénient à ce que cet accord soit adopté et mon groupe suivra les conclusions du rapporteur.
Ma question porte sur l'article 2 de l'accord, qui précise quels sont les établissements et organismes concernés par les exonérations de droits de mutation. Parmi eux figurent les organismes exerçant leur activité dans le domaine cultuel.
Si les parties garantissent toutes deux la liberté de culte, leurs systèmes politiques sont différents : monarchique pour l'une, républicain et laïc pour l'autre. Quelles sont les conditions d'application de l'accord lorsqu'il touche au domaine cultuel ? Un cadre de contrôle a-t-il été prévu pour garantir la neutralité religieuse ?
Alain David a évoqué un point que je souhaite développer à mon tour. Il n'y a pas lieu de s'interroger quand le don bénéficie à une collectivité territoriale ou à un établissement public hospitalier. Mais qu'en est-il dès lors qu'on aborde les associations cultuelles ?
Je ne sais pas si l'Église de scientologie ou d'autres associations sont reconnues par Monaco comme cultuelles, alors qu'elles ne le sont pas en France. En étendant un peu le propos, quel contrôle effectif pouvons-nous avoir sur la réalité de celui exercé par les autorités monégasques sur l'activité des associations ? En France, la question ne se pose pas car les services fiscaux connaissent bien les associations exonérées de droits de succession sur les dons et legs. Pour ce qui est de Monaco, qui va exercer ce contrôle ? On peut certes se reposer sur la confiance mutuelle ; mais cela n'apporte pas une réponse s'agissant de certaines associations que j'ai évoquées. Je ne suis pas défavorable au principe retenu par cet accord, mais à condition de mieux connaître les modalités de vérification de l'activité des bénéficiaires.
Votre sagacité m'impressionne, mes chers collègues. Ne prenez pas pour argent comptant la désinvolture avec laquelle j'ai évoqué la question il y a un instant. Vous posez un problème extrêmement sérieux. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question de confiance dans les autorités monégasques, mais plutôt d'une question de proximité des critères.
Michel Herbillon a souligné l'excellence hospitalière de Monaco, ce qui nous ramène à l'un des objets de l'accord, puisqu'un legs d'un million et demi d'euros consenti en 2012 au profit du centre hospitalier Princesse-Grace est dans l'attente du vote du projet de loi. Les dossiers des différents legs en cours ont en effet été gelés, le temps de la négociation de l'accord puis de son examen et de sa ratification par le Parlement. On sait que les liens entre hôpitaux français et monégasques sont extrêmement forts ; on l'a encore vu il y a quelques mois au moment de la tempête Alex, avec un fort soutien des autorités monégasques aux sinistrés de la vallée de la Roya.
Mme Krimi a évoqué un possible appel d'air. Même si on ne peut en écarter le risque, l'expérience montre qu'un tel phénomène n'a pas été observé à la suite de la signature de conventions du même type avec d'autres États. Certains d'entre eux sont pourtant significativement plus grands que Monaco, avec un nombre de donateurs et de bénéficiaires potentiels bien plus important. Quatre dossiers ont été mis en attente non pas depuis l'examen du projet de loi par le Sénat, mais bien depuis le début des négociations en 2012, ce qui représente un nombre très limité de cas sur une période de près de dix ans. L'accord vise avant tout à accroître la sécurité juridique de ces dons et legs, pour éviter que les exonérations reposent sur une décision discrétionnaire du ministre.
Ce qu'il faut retenir de l'accord, M. David, c'est la condition de stricte réciprocité : les organismes bénéficiaires doivent être strictement les mêmes en France et à Monaco. Si la France décide de ne pas octroyer d'exonération à tel organisme, cela ne sera pas non plus possible à Monaco. C'est donc un moyen de contrôle, même si bien entendu Monaco n'est pas un État voyou, loin s'en faut. Des efforts ont été effectués par la Principauté, cela a été relevé par Mme Krimi, pour aller vers plus de transparence et améliorer la collaboration entre les services fiscaux. On peut estimer qu'il y a toujours moyen de faire davantage et on sait bien que l'association des mots « fiscalité » et « Monaco » peut faire clignoter quelques alarmes. Mais des efforts sont faits et ce principe de stricte réciprocité autorise une forme de contrôle.
Le catholicisme est en effet religion d'État à Monaco, Mme Cazebonne, différant en cela de notre République laïque. Mais, une fois encore, le principe de réciprocité fait que si un organisme ne peut bénéficier d'une exonération en France, ce ne sera pas possible non plus à Monaco, et inversement. Cela permet un contrôle effectif des associations bénéficiaires. M. Lambert a fait référence à la scientologie. Des échanges d'informations ont lieu entre les services fiscaux. Nos relations reposent aussi sur la confiance, laquelle est à la base des économies modernes et du fonctionnement des relations internationales. Les relations entre nos deux pays ne sont pas évanescentes.
Tous ces éléments nous permettent d'approuver cet accord, dont l'objet premier est d'assurer la sécurité juridique de dons et legs bénéficiant à des organismes désintéressés.
La question posée par nos collègues David, Cazebonne et Lambert est très légitime. Mais il me semble que les pratiques sont assez solidement établies entre la Principauté et la République française, notamment à travers le filtre exercé par le Tribunal suprême de Monaco. Comparable au Conseil d'État, il s'appuie souvent sur la jurisprudence de ce dernier. Il l'a notamment fait à l'occasion d'une décision sur la liberté de culte, en faveur des Témoins de Jéhovah. Un très grand souci de convergence se manifeste donc depuis les accords passés entre la Principauté de Monaco et la République française du temps du général de Gaulle.
La commission adopte l'article unique du projet de loi, sans modification.
Projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Göteborg du 1er décembre 1999, relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique (n° 3930) (Mme Aina Kuric, rapporteure).
Nous abordons l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Göteborg du 1er décembre 1999 relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique – ce n'est pas du Salvador Dalí – sur le rapport de notre collègue Aina Kuric.
Cet amendement, adopté en 2012 et entré en vigueur en 2019, renforce la lutte internationale contre les émissions de polluants atmosphériques en ajoutant les particules primaires fines aux quatre composés chimiques définis dans le protocole de Göteborg de 1999 et en abaissant les plafonds d'émission de polluants. Comme le souligne le rapport qui vous a été transmis, ces valeurs limites d'émission de polluants atmosphériques ont déjà été intégrées dans le droit européen par une directive de 2016. C'est dire que pour la France, l'approbation de l'amendement ne changera rien, le plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques arrêté par un décret de 2017 étant conforme aux termes de l'accord international.
Ne croyez pas pour autant que notre collègue rapporteure fait un travail inutile. L'enjeu de l'approbation est en fait diplomatique, dans le contexte d'une prochaine renégociation du protocole de Göteborg où la France entend porter une voix forte pour lutter contre la pollution atmosphérique.
En votant ce projet de loi, vous direz : « Faites comme moi et suivez-moi. »
Il me revient donc de vous présenter l'amendement au protocole de Göteborg, dont la ratification est demandée par le Gouvernement. Ce texte porte sur un sujet difficile pour les moins scientifique d'entre nous, dont je fais partie. Il s'agit de la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique. Ces dispositions sont très pointues, surtout si l'on se réfère aux annexes. Pourtant il s'agit d'un texte qui nous concerne tous, de la façon la plus intime possible, puisqu'il porte sur la qualité de l'air que nous respirons.
Une précision préalable importante : ce texte ne traite pas des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone ou le méthane, dont les effets sont globaux. En revanche, il concerne ce que l'on appelle les polluants atmosphériques, c'est-à-dire ceux qui ont un impact local en fonction des niveaux de concentration observés dans l'air.
Ces polluants de l'air ont un coût de plus en plus évident pour nos sociétés. Ils ont un coût en matière de santé – l'OMS déplore 1,3 million de décès liés à la pollution de l'air chaque année – et pour les écosystèmes – au travers de phénomènes comme les pluies acides, les algues vertes ou les pics de pollution urbain. Ces polluants ont aussi, et c'est beaucoup moins connu, des conséquences économiques, par la baisse de la productivité au travail.
Le coût de l'inaction est devenu insupportable pour chacun d'entre nous.
En 1979, le premier instrument multilatéral destiné à lutter contre la pollution de l'air a été adopté. La Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (CPATLD), dite de Genève, engageait pour la première fois les États à limiter, à prévenir et à réduire leurs rejets de polluants atmosphériques. Cette démarche collective se fondait sur un constat simple : la pollution de l'air ignore les frontières. Autrement dit, la qualité de l'air ne s'améliore pas dans un pays si ses voisins ne fournissent pas eux aussi des efforts. Aux Pays-Bas, par exemple, la pollution d'origine transfrontalière est même supérieure à celle d'origine locale.
Les progrès scientifiques s'accélérant, la Convention de Genève a été complétée par plusieurs protocoles, dont celui qui nous intéresse aujourd'hui : le protocole de Göteborg de 1999. Il a pour caractéristique de s'attaquer à quatre polluants bien précis : le dioxyde de soufre, les oxydes d'azote, les composés organiques volatils et l'ammoniac. Tous ont des conséquences importantes pour la santé et les écosystèmes. Pour chacun de ces polluants sont prévus, d'une part, des plafonds d'émissions, d'autre part, des moyens de les atteindre par la définition de valeurs limites d'émissions par secteur émetteur.
La troisième et dernière étape est l'amendement au protocole de Göteborg, adopté en 2012, dont nous sommes saisis. Il a pour objet de renforcer les engagements de réduction des émissions de deux manières, d'abord en rehaussant, d'ici à 2020, le niveau fixé pour les quatre polluants que j'ai déjà cités et surtout en intégrant, pour la première fois dans un accord international, un cinquième polluant, les particules primaires fines (PM2,5). Cet amendement est donc, s'agissant du fond, très utile.
Sa ratification, si notre commission l'autorise, n'aura pourtant aucune incidence concrète – vous l'avez bien dit, monsieur le président – tout simplement parce que ces dispositions ont déjà été transposées dans notre droit par une directive européenne datant de 2016. La ratification aura, en revanche, un intérêt d'ordre diplomatique. C'est une question de crédibilité pour la France, au moment où nous tentons de créer une mobilisation internationale à propos des sujets environnements et où, d'une manière plus incidente, doit s'engager une révision du protocole de Göteborg, afin de le rendre plus ambitieux.
Rien ne justifie, chers collègues, qu'il ait fallu près de neuf ans pour que les autorités françaises se décident à engager la ratification de cet amendement. On peut dire, certes, que celle d'autres conventions internationales accuse aussi du retard et que nos voisins ne font pas toujours mieux, mais est-il vraiment satisfaisant de ratifier en 2021 un traité qui fixe des engagements pour 2020 ? Je ne le crois pas. Est-il satisfaisant, par ailleurs, de ratifier un traité alors que sa révision est déjà programmée et que celle-ci exigera assez rapidement une nouvelle ratification ? Je crois que nous devons être plus vigilants, collectivement, quant aux délais de ratification de certaines conventions.
J'évoquerai, pour terminer, la manière dont la France tente de répondre à ses engagements internationaux.
Il est inutile de rappeler que la pollution de l'air est aussi un problème dans notre pays. Les particules fines représentent, chaque année, 40 000 décès prématurés en France. Néanmoins, la tendance est plutôt encourageante : les émissions des principaux polluants atmosphériques sont en baisse. On peut avoir des inquiétudes concernant l'ammoniaque mais, pour l'essentiel, les objectifs sont atteints et on ne saurait dire que rien n'est fait dans ce domaine. Néanmoins, il faut établir une distinction importante : si nous tenons nos engagements sur le plan de la réduction du niveau global des émissions, nous rencontrons toujours de vraies difficultés s'agissant des concentrations locales. Notre pays a déjà été condamné à plusieurs reprises, vous le savez, et par le juge national et par le juge européen pour des niveaux de concentration supérieurs aux seuils réglementaires. C'est pour cette raison, et parce qu'il faut toujours progresser, que des mesures concrètes en faveur de la qualité de l'air sont attendues.
En France, la politique menée dans ce domaine repose sur un document stratégique, le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, en cours de révision, qui est sous le pilotage du ministère de la transition écologique. Or c'est une politique publique fondamentalement interministérielle, qui implique le ministère de la transition écologique mais aussi et tout autant ceux en charge du transport, de l'agriculture, de l'industrie et du logement. Pour être à la hauteur de nos engagements, c'est sans doute à la création d'un pilotage interministériel de la politique de l'air que nous devons désormais nous atteler.
Merci, madame la rapporteure. Je crois que c'est effectivement très important.
La différence entre les deux types de polluants, c'est que dans un cas on se dit que ce n'est pas la peine de faire quelque chose si les Chinois et les Américains ne font rien alors que, dans l'autre, nous subissons directement et immédiatement les conséquences de ce que nous ne faisons pas chez nous et pour nous. Les hommes – et les femmes – étant ce qu'ils sont, on est alors un peu plus motivé.
Vous avez souligné à juste titre que nous jonglons avec les délais d'une façon extravagante : c'est beaucoup trop long. Lorsque nous avons adopté la loi, excellente par ailleurs, relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, j'ai constaté que nous inventions à cette occasion un concept extraordinaire : celui de la programmation financière rétrospective. Nous avons des habitudes qui ne me paraissent pas bonnes, et vous avez raison de nous appeler à la vigilance.
Je vous remercie, madame la rapporteure, pour la qualité de votre travail sur ce sujet très intéressant et très important – ce n'est pas du tout anecdotique.
La question de l'acceptabilité sociale est essentielle : on ne peut pas, après avoir passé les Trente Glorieuses à polluer énormément en Europe, conclure des protocoles entre pays démocratiques et dire aux autres qu'ils devraient absolument se fixer des objectifs en la matière.
Je fais partie des 150 000 citoyens français qui ont été sensibilisés par l'association La fresque du climat, dont je vous invite à suivre les formations. Il n'y a pas de petits gestes : cela concerne aussi les moments où on se déplace, où on mange, où on se livre à ses activités quotidiennes. Bizarrement, tout ce qui fait du bien à la planète nous fait aussi du bien. On ne pollue pas quand on fait du sport, quand on est avec ses amis, quand on partage des moments sympathiques, quand on interrompt toutes les activités hystériques qui sont liées à notre mode de vie.
Je vous rejoins, madame la rapporteure, au sujet des délais de ratification des conventions internationales : on a attendu neuf ans avant de lancer le processus… Nous devons absolument nous pencher sur cette question. C'est la crédibilité de toute la commission et de toute la représentation nationale qui est en jeu.
Je partage également ce que vous avez dit à propos de la pollution atmosphérique. La situation exceptionnelle que nous vivons depuis un an, avec cette succession de confinements, doit être une opportunité. Beaucoup de gens me disent qu'ils veulent revenir à leur vie d'avant. Or il ne faut surtout pas revenir à notre vie antérieure de pollueurs et de consommateurs : nous devons revoir tous nos modes de travail, de déplacement et tout simplement de vie.
Pour toutes ces raisons, mon groupe est favorable au projet de loi.
Le groupe Les Républicains votera également en faveur de ce texte.
Il est tout à fait regrettable qu'il soit sans effet sur le plan juridique, pour les raisons indiquées par la rapporteure, et il est incroyable que les délais soient aussi longs – neuf ans. Nous devrions conjuguer nos efforts pour les raccourcir. Le projet de loi a, en revanche, un intérêt diplomatique qui n'est pas du tout négligeable compte tenu du rôle que joue la France dans ce domaine – je pense notamment à la COP21.
Nos concitoyens sont désormais beaucoup plus sensibles à ces questions, qui n'étaient pas perçues avec une telle acuité il y a quelques années. Il est heureux qu'elles soient désormais connues d'un beaucoup plus grand nombre et qu'on parle presque quotidiennement de la pollution de l'air, du développement durable et de la lutte contre les gaz à effet de serre dans la presse et le débat public. Vous avez rappelé qu'il y a 40 000 morts chaque année à cause de la pollution causée par les particules fines. Quand on vit en Île-de-France, comme moi, on y est particulièrement sensible.
Vous avez indiqué qu'il y aurait une révision du protocole de Göteborg, dont j'espère qu'elle aura lieu dans des délais plus brefs. Savez-vous, dans les grandes lignes, ce qui est envisagé ?
La convention de Genève de 1979 fut le premier instrument juridique multilatéral visant à régler le problème de la pollution de l'air sur une base régionale. Le protocole de Göteborg, adopté en 1999, a fixé des plafonds nationaux pour les émissions de polluants. En 2012, après de longs travaux préparatoires, une version amendée de ce protocole a défini de nouveaux plafonds et engagements de réduction à partir de 2020, qui ont été repris sans modification par la directive du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques.
La lutte contre le réchauffement climatique est assumée, défendue et mise en avant à tous les niveaux de l'action publique. Les accords visant à établir des plafonds et des obligations de réduction pour les polluants sont des éléments essentiels de la politique écologique.
L'amendement au protocole de Göteborg est plus ambitieux en matière de réduction des polluants. Il fait, par ailleurs, du protocole le premier accord multilatéral contraignant qui comporte des engagements de réduction des émissions de particules primaires fines.
La France a choisi d'occuper une place de premier plan en ce qui concerne la protection de l'environnement et la lutte contre le réchauffement climatique. L'approbation de cet amendement est une étape nécessaire pour continuer sur ce chemin. Le groupe MODEM votera, bien sûr, le projet de loi.
Je remercie la rapporteure : son brillant exposé nous a permis de mieux comprendre ce texte qui, malgré son nom un peu barbare, est un acte juridique et politique important.
L'amendement au protocole de Göteborg fixe de nouveaux engagements, plus rigoureux, de réduction des émissions à l'horizon 2020 par rapport à 2005, qui est l'année de référence, pour les quatre polluants déjà visés. Nous saluons les évolutions concernant les valeurs limites d'émissions qui sont fixées par les diverses annexes du texte en lien avec les meilleures techniques possibles.
La ratification de cet amendement est une question de crédibilité et d'exemplarité pour la France mais aussi de cohérence avec nos engagements internationaux sur les questions environnementales. Il y aurait, en effet, une incohérence si on ignorait l'amendement au protocole tout en défendant le climat et la biodiversité dans des enceintes internationales, comme nous le faisons depuis des années.
La France aura l'occasion de rappeler l'ensemble de ses engagements lors des grands sommets internationaux qui auront lieu en 2021, notamment le Congrès mondial de la nature, organisé par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), à Marseille, la COP26, à Glasgow ou encore la COP15 sur la biodiversité, à Kunming.
Le groupe Agir ensemble votera avec enthousiasme cet amendement tout en regrettant comme vous, madame la rapporteure, qu'il ait fallu attendre neuf ans pour que le processus de ratification soit engagé par la France. Cela nuit un peu à l'exemplarité que nous cherchons à afficher au niveau mondial en ce qui concerne l'environnement.
Comme vous l'avez souligné, madame la rapporteure, la ratification de ce texte n'aura pas d'incidence opérationnelle puisque ses dispositions ont déjà été reprises en droit interne à la suite d'une directive européenne de 2016. Il peut même sembler baroque de ratifier en 2021 un texte dont les engagements s'arrêtent en 2020. Cependant, je suis extrêmement sensible à l'argument touchant à l'exemplarité en matière de diplomatie environnementale.
Une partie de notre soft power et certains bons classements de la France dans ce domaine découlent de la réussite de la COP21, organisée à Paris en 2015. Il me semble extrêmement important de conserver un leadership et un volontarisme sur le plan de la diplomatie environnementale. Je pense d'ailleurs que notre commission devrait consacrer prochainement une audition à ce sujet.
Nous voterons, bien sûr, en faveur du texte.
C'est effectivement un sujet très important. En 2018, un décès sur cinq dans le monde aurait été lié à la pollution de l'air par des énergies fossiles. La même année, 97 242 décès auraient été dus à la même cause en France. Il faut rapprocher ces chiffres de ceux de la pandémie actuelle. On parle beaucoup moins de cet autre mal insidieux qui se diffuse par des particules imperceptibles. Nous ne pouvons pas rester inactifs.
Nos amis franciliens, qui subissent un dépassement plus important des valeurs recommandées par l'OMS, sont encore beaucoup plus sensibles à cette question. Moi qui suis un provincial et un rural, je mesure toute la différence entre respirer dans ma campagne et respirer dans la rue de l'Université.
Les chiffres que j'ai cités conduisent à questionner l'efficacité des mesures adoptées ces dernières années et ils imposent d'être plus vigilant. Au-delà des effets particulièrement nocifs pour la santé, il faut aussi prendre en considération les conséquences en matière de réchauffement climatique – cela va de pair.
Cet amendement faisant du protocole de Göteborg le premier accord multilatéral contraignant en la matière, nous ne pouvons qu'être favorables à son approbation et mon groupe votera le projet de loi.
Avant de vous répondre, je tiens à remercier l'administrateur qui m'a accompagnée pendant mes travaux. Il m'a notamment permis d'organiser, à la dernière minute, quelques auditions. Nous sommes tous d'accord, à peu près, en ce qui concerne les enjeux de la pollution de l'air, mais c'est un sujet particulièrement technique.
Vous avez évoqué, comme moi, les délais de ratification. Il faudra que nous soyons vraiment capables de traiter cette problématique.
Il y a effectivement eu, madame Krimi, une prise de conscience de la pollution atmosphérique. Le confinement a peut-être poussé chacun à remettre en question ses pratiques, mais la lutte contre la pollution de l'air à l'occasion d'un confinement correspond à ce qu'on pourrait appeler une écologie de la décroissance : ce n'est pas ce que je souhaite, pour ma part, en matière de transition écologique.
Selon Santé publique France, 2 300 décès causés par les particules fines et 1 200 dus au dioxyde d'azote ont été évités lors du premier confinement, principalement en lien avec la baisse du trafic routier. La qualité de l'air, la suractivité et la surconsommation de la population sont de vraies questions.
La ratification de l'amendement n'aura pas d'effets juridiques directs, monsieur Herbillon, mais il y a aussi ce que la France défend sur le plan diplomatique. Si on travaille sur la pollution atmosphérique de manière multilatérale, dans un cadre régional, c'est parce que nous en sommes tous victimes mais aussi tous responsables des deux côtés d'une frontière. Que la France garde le leadership sur cette thématique au sein de notre continent est particulièrement important.
Le protocole devrait être révisé dans un sens plus contraignant à l'horizon 2023-2024, mais je n'ai pas d'indications concrètes à vous donner, par exemple sur telle ou telle particule.
Un outil multilatéral contraignant est effectivement une nécessité, monsieur Fanget.
Il est vrai que les délais ne sont pas acceptables, comme l'ont souligné MM. David et El Guerrab, mais la ratification du texte est nécessaire. Il faudra continuer le travail, et la révision prochaine du protocole nous permettra de nous positionner d'une manière forte.
Vous êtes revenu, monsieur Clément, sur le nombre de décès prématurés dus à la pollution de l'air. Sans minimiser les effets de la pandémie actuelle, je pense que nous devons prendre position d'une manière tout aussi forte sur des sujets tels que la qualité de l'air, qui fait partie de notre quotidien et qui aura, à l'avenir, de fortes incidences en matière économique et de santé publique – on voit d'ailleurs que les effets sont déjà là. Nous devons tous être très engagés sur ce sujet. Je suis heureuse que la commission des affaires étrangères puisse se saisir de cette question, car elle ne concerne pas uniquement les Français mais aussi toute notre région et même le monde entier.
La pollution de l'air est un sujet de santé publique dont vous avez rappelé l'importance, madame la rapporteure. La France et l'Europe se sont déjà fortement engagées à réduire cette pollution, et de nombreux acteurs se sont impliqués en la matière, notamment le Centre national de la recherche scientifique, qui a fait installer dans une commune du Finistère des capteurs de substances polluantes dans l'atmosphère. Nous avons bon espoir que ces nouvelles mesures indépendantes permettront d'améliorer la prévention.
Vous avez évoqué l'importance d'une coordination interministérielle pour l'application du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques ainsi que les difficultés rencontrées par le ministère de la transition écologique pour mobiliser les acteurs concernés. Je trouve, moi aussi, qu'il est très regrettable que les autorités françaises aient mis neuf ans pour ratifier cet amendement. Quelles sont, concrètement, les mesures que nous devrions prendre, ou que nous devrions inciter le Gouvernement à prendre, pour améliorer cette coordination qui a visiblement fait défaut et pour que les délais de ratification des accords internationaux en rapport avec la protection de l'environnement soient beaucoup plus courts à l'avenir ?
Nous avons pu auditionner le président du Conseil national de l'air, notre collègue Jean-Luc Fugit, qui a souligné l'importance de la précision des capteurs. Si on veut réviser, demain, le protocole, pour être plus exigeant et plus sévère en matière de sanctions, il faut aussi être capable de mesurer plus précisément la qualité de l'air. Toute initiative permettant d'avancer sur le plan des contrôles est bienvenue.
Ce qui est important, s'agissant de la dimension interministérielle, c'est que la problématique de la qualité de l'air soit prise en compte dans les différents ministères, c'est-à-dire, au-delà du délai de ratification, que tous l'aient en tête lorsqu'on travaille, par exemple, sur les transports ou le logement. Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de volet interministériel en matière de qualité de l'air.
J'ai également auditionné des représentants des ministères de la transition écologique et des affaires étrangères. Je les ai interpellés sur les délais, mais je n'ai pas obtenu de réponse satisfaisante sur la manière dont nous pourrions améliorer la situation. Nous devons rappeler en tant que parlementaires, lorsque nous travaillons sur des questions de ratification, la nécessité de la réactivité, afin que les textes puissent entrer en vigueur dans les meilleures conditions.
La commission adopte l'article unique du projet de loi, sans modification.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
- Mme Nicole Le Peih, et M. Bernard Deflesselles, co-rapporteurs de la mission d'information sur les négociations internationales relatives au changement climatique.
La séance est levée à onze heures quarante.