Intervention de Pierre-Henri Dumont

Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont, rapporteur :

Il ne sera pas question de paires de jumelles marines ni de chandeliers, mais d'argent sonnant et trébuchant versé très régulièrement à des hôpitaux ou des associations à but non lucratif.

J'ai une pensée émue pour Olivier Dassault, qui était très attaché aux relations entre la France et Monaco. C'est un honneur pour moi que de lui succéder.

Les relations fiscales franco-monégasques reflètent la spécificité et l'étroitesse des liens entre les deux territoires, sur le plan tant géographique qu'historique, démographique et culturel. La singularité de ces relations tient notamment au fait que la Principauté est un territoire fiscalement très attractif, imbriqué dans le département des Alpes-Maritimes. Cela explique pourquoi les deux conventions fiscales liant la France et Monaco ne visent pas tant à éviter les doubles impositions qu'à lutter contre le transfert de bénéfices à la Principauté et de dissuader les contribuables français d'y établir leur domicile fiscal afin d'échapper à l'impôt sur le revenu en France. Ainsi, les 10 000 Français qui résident à Monaco continuent de payer leurs impôts en France.

Ces conventions fiscales, relativement anciennes, ne couvrent pas, cependant, l'ensemble des questions fiscales auxquelles peuvent être confrontés les deux territoires. En particulier, elles ne règlent pas la question des dons et des legs consentis par les ressortissants d'un territoire aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé situés dans l'autre territoire.

C'est précisément ce vide juridique que cet accord vise à combler. En droit français, comme en droit monégasque, des organismes à but non lucratif et des personnes publiques sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit, à savoir les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière, lorsqu'ils sont bénéficiaires de dons ou de legs. Cet avantage ne peut s'appliquer, en principe, à des organismes étrangers qu'en vertu d'une convention fiscale.

Cependant, l'étroitesse des relations franco-monégasques a laissé une relative latitude aux autorités compétentes des deux États pour régler certains cas par la pratique. Ainsi, les dons et legs transfrontaliers franco-monégasques en faveur d'organismes à but non lucratif sont en pratique exonérés de droit de mutation à titre gratuit depuis 1969, même en l'absence de convention fiscale. Ces exonérations sont accordées sur la base de décisions ministérielles, si tant est que les entités bénéficiaires remplissent les conditions d'éligibilité dans le droit interne de l'autre État. À cet égard, le présent accord ne fera donc qu'encadrer une pratique existante, ce qui explique que les deux parties soient facilement parvenues à un consensus.

Concrètement, les dispositions de l'accord sont similaires à celles figurant dans les dix-sept accords du même type signés par la France, par exemple avec l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Portugal, la Suède ou l'Italie. L'accord définit ainsi trois catégories de bénéficiaires des exonérations de droits de mutation à titre gratuit, à savoir les États parties, leurs collectivités locales ou territoriales et les établissements publics ou d'utilité publique ainsi que les organismes à but désintéressé opérant dans les domaines culturel, cultuel, éducatif, charitable, scientifique, médical, environnemental ou artistique et implanté dans l'un des États parties. Ce champ d'application, relativement large, est censé couvrir l'ensemble des entités éligibles à ces exonérations dans le droit interne de chaque État.

Cependant, il ne suffira pas à une entité de correspondre à ces critères pour bénéficier des dispositions de l'accord, dans la mesure où une condition de stricte réciprocité est posée : un organisme ne sera éligible à une exonération de droit de mutation dans l'autre État que si ce dernier prévoit cette même exonération en faveur des organismes situés dans son territoire.

De surcroît, en matière de legs, l'accord aura une portée rétroactive. Il a en effet été décidé, au début de la négociation, de geler toutes les demandes d'exonération dans l'attente du présent accord.

Compte tenu du faible nombre d'opérations concernées, l'impact fiscal de cette disposition semble limité. En effet, seule une demande d'exonération est en attente d'examen en France, concernant un legs de 1,5 million d'euros en faveur d'un hôpital monégasque. En parallèle, quatre demandes d'exonération auraient été formulées auprès des service fiscaux monégasques pour des dons et des legs en faveur d'organismes français d'un montant total d'environ 25 millions d'euros, correspondant à des droits de mutation de l'ordre de 4 millions.

Qui plus est, même s'il est difficile d'évaluer le caractère incitatif de l'accord relatif aux futurs dons et legs, cet impact fiscal devrait à l'avenir rester circonscrit, puisqu'il ne fait que formaliser une pratique existante.

Surtout, l'accord semble opportun car il renforce la sécurité juridique et la transparence des relations fiscales bilatérales, au service de l'intérêt général.

À la faveur de ces remarques, je vous propose d'adopter ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.