Intervention de Aina Kuric

Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAina Kuric, rapporteure :

Il me revient donc de vous présenter l'amendement au protocole de Göteborg, dont la ratification est demandée par le Gouvernement. Ce texte porte sur un sujet difficile pour les moins scientifique d'entre nous, dont je fais partie. Il s'agit de la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique. Ces dispositions sont très pointues, surtout si l'on se réfère aux annexes. Pourtant il s'agit d'un texte qui nous concerne tous, de la façon la plus intime possible, puisqu'il porte sur la qualité de l'air que nous respirons.

Une précision préalable importante : ce texte ne traite pas des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone ou le méthane, dont les effets sont globaux. En revanche, il concerne ce que l'on appelle les polluants atmosphériques, c'est-à-dire ceux qui ont un impact local en fonction des niveaux de concentration observés dans l'air.

Ces polluants de l'air ont un coût de plus en plus évident pour nos sociétés. Ils ont un coût en matière de santé – l'OMS déplore 1,3 million de décès liés à la pollution de l'air chaque année – et pour les écosystèmes – au travers de phénomènes comme les pluies acides, les algues vertes ou les pics de pollution urbain. Ces polluants ont aussi, et c'est beaucoup moins connu, des conséquences économiques, par la baisse de la productivité au travail.

Le coût de l'inaction est devenu insupportable pour chacun d'entre nous.

En 1979, le premier instrument multilatéral destiné à lutter contre la pollution de l'air a été adopté. La Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (CPATLD), dite de Genève, engageait pour la première fois les États à limiter, à prévenir et à réduire leurs rejets de polluants atmosphériques. Cette démarche collective se fondait sur un constat simple : la pollution de l'air ignore les frontières. Autrement dit, la qualité de l'air ne s'améliore pas dans un pays si ses voisins ne fournissent pas eux aussi des efforts. Aux Pays-Bas, par exemple, la pollution d'origine transfrontalière est même supérieure à celle d'origine locale.

Les progrès scientifiques s'accélérant, la Convention de Genève a été complétée par plusieurs protocoles, dont celui qui nous intéresse aujourd'hui : le protocole de Göteborg de 1999. Il a pour caractéristique de s'attaquer à quatre polluants bien précis : le dioxyde de soufre, les oxydes d'azote, les composés organiques volatils et l'ammoniac. Tous ont des conséquences importantes pour la santé et les écosystèmes. Pour chacun de ces polluants sont prévus, d'une part, des plafonds d'émissions, d'autre part, des moyens de les atteindre par la définition de valeurs limites d'émissions par secteur émetteur.

La troisième et dernière étape est l'amendement au protocole de Göteborg, adopté en 2012, dont nous sommes saisis. Il a pour objet de renforcer les engagements de réduction des émissions de deux manières, d'abord en rehaussant, d'ici à 2020, le niveau fixé pour les quatre polluants que j'ai déjà cités et surtout en intégrant, pour la première fois dans un accord international, un cinquième polluant, les particules primaires fines (PM2,5). Cet amendement est donc, s'agissant du fond, très utile.

Sa ratification, si notre commission l'autorise, n'aura pourtant aucune incidence concrète – vous l'avez bien dit, monsieur le président – tout simplement parce que ces dispositions ont déjà été transposées dans notre droit par une directive européenne datant de 2016. La ratification aura, en revanche, un intérêt d'ordre diplomatique. C'est une question de crédibilité pour la France, au moment où nous tentons de créer une mobilisation internationale à propos des sujets environnements et où, d'une manière plus incidente, doit s'engager une révision du protocole de Göteborg, afin de le rendre plus ambitieux.

Rien ne justifie, chers collègues, qu'il ait fallu près de neuf ans pour que les autorités françaises se décident à engager la ratification de cet amendement. On peut dire, certes, que celle d'autres conventions internationales accuse aussi du retard et que nos voisins ne font pas toujours mieux, mais est-il vraiment satisfaisant de ratifier en 2021 un traité qui fixe des engagements pour 2020 ? Je ne le crois pas. Est-il satisfaisant, par ailleurs, de ratifier un traité alors que sa révision est déjà programmée et que celle-ci exigera assez rapidement une nouvelle ratification ? Je crois que nous devons être plus vigilants, collectivement, quant aux délais de ratification de certaines conventions.

J'évoquerai, pour terminer, la manière dont la France tente de répondre à ses engagements internationaux.

Il est inutile de rappeler que la pollution de l'air est aussi un problème dans notre pays. Les particules fines représentent, chaque année, 40 000 décès prématurés en France. Néanmoins, la tendance est plutôt encourageante : les émissions des principaux polluants atmosphériques sont en baisse. On peut avoir des inquiétudes concernant l'ammoniaque mais, pour l'essentiel, les objectifs sont atteints et on ne saurait dire que rien n'est fait dans ce domaine. Néanmoins, il faut établir une distinction importante : si nous tenons nos engagements sur le plan de la réduction du niveau global des émissions, nous rencontrons toujours de vraies difficultés s'agissant des concentrations locales. Notre pays a déjà été condamné à plusieurs reprises, vous le savez, et par le juge national et par le juge européen pour des niveaux de concentration supérieurs aux seuils réglementaires. C'est pour cette raison, et parce qu'il faut toujours progresser, que des mesures concrètes en faveur de la qualité de l'air sont attendues.

En France, la politique menée dans ce domaine repose sur un document stratégique, le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, en cours de révision, qui est sous le pilotage du ministère de la transition écologique. Or c'est une politique publique fondamentalement interministérielle, qui implique le ministère de la transition écologique mais aussi et tout autant ceux en charge du transport, de l'agriculture, de l'industrie et du logement. Pour être à la hauteur de nos engagements, c'est sans doute à la création d'un pilotage interministériel de la politique de l'air que nous devons désormais nous atteler.

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