Intervention de Frédéric Barbier

Réunion du mercredi 21 juillet 2021 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Barbier, rapporteur :

Il m'appartient de vous présenter aujourd'hui le projet de contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence française de développement pour la période 2020-2022, projet sur lequel nous sommes invités à nous prononcer.

Ce contrat d'objectifs et de moyens précise les principales attentes de l'État vis-à-vis à vis de l'opérateur chargé de mettre en œuvre les priorités de la politique française de développement.

Ce COM arrive à un moment clé puisque nous venons d'adopter définitivement le projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales qui, sept ans après la loi de 2014, renouvelle profondément le champ de l'aide au développement. Ce domaine connaît un foisonnement de réflexions et d'initiatives, en particulier depuis l'engagement pris par le président de la République en juillet 2017 de porter l'aide au développement à 0,55 % du revenu national brut en 2022, suivi quelques mois plus tard par la réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018 qui a donné une nouvelle impulsion à cette politique.

Notre commission et ses membres ont d'ailleurs largement pris leur part de ce foisonnement, avec le rapport d'Hervé Berville sur la modernisation de la politique partenariale de développement, le rapport d'information de Bérengère Poletti et de Rodrigue Kokouendo, les avis budgétaires d'Hubert Julien-Laferrière et de Valérie Thomas, mais également le travail préparatoire à la loi effectué par Marielle de Sarnez avec le président Christian Cambon et tout le travail d'amendement effectué sur le texte législatif récemment voté.

C'est dans ce contexte que ce projet de contrat nous est aujourd'hui soumis. Ce COM est issu d'un long processus d'échanges et de co–construction entre l'Agence et ses trois tutelles : le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, le ministère de l'Économie et des Finances et le ministère des Outre-mer.

Il fait suite au COM 2017-2019 et, comme lui, il nous est présenté tardivement puisque la moitié de la période sur laquelle il porte est déjà écoulée. Cela dit, dans le cas d'espèce, il faut bien reconnaître que ce retard s'explique au regard des circonstances. Il était légitime de vouloir attendre l'adoption du projet de loi sur l'aide au développement pour présenter ce COM. Or le dépôt du projet de loi, annoncé puis repoussé, a entraîné le report du COM lui-même. En outre, le déclenchement de la pandémie de Covid–19 au tout début de l'année 2020, avec ses conséquences à la fois sur l'activité de l'Agence et sur la situation sanitaire, économique et sociale des pays partenaires, a conduit à revoir dans une large mesure les indicateurs inscrits dans le contrat d'objectifs et de moyens.

La réponse à la crise de la Covid–19 fait ainsi partie intégrante du présent COM à travers plusieurs indicateurs. L'un fixe à 10 % la part des autorisations d'engagement en subventions de l'AFD et de Proparco dans le secteur de la santé et de la protection sociale. L'autre fixe à 10 % en 2020, puis à 3 % en 2021 et 2022, la part des autorisations de financements dans le secteur de la santé et de la protection sociale et en réponse aux crises sanitaires. Le COM précise par ailleurs qu'« une redevabilité spécifique sur la réponse globale du groupe AFD à la crise Covid-19 sera régulièrement faite lors des conseils d'administration de l'AFD ainsi qu'auprès des administrations et du Parlement ». Rappelons également que l'AFD a pris sa part de la lutte contre la pandémie dès avril 2020 en mettant en œuvre son initiative Covid-19 Santé en Commun, destinée à soutenir le dépistage, la prise en charge et la surveillance épidémiologique dans les pays prioritaires.

L'attente de l'adoption du projet de loi a permis d'intégrer les apports de la discussion parlementaire dans la version du COM soumise à notre examen. C'est ainsi que l'objectif en matière de « co-bénéfice genre » a été rehaussé par rapport à la version initiale du projet de contrat, de même que l'objectif de concentration de l'activité en Afrique.

Le présent COM se situe à beaucoup d'égards dans le prolongement du précédent. Comme lui, il se fonde sur les grandes priorités, à la fois sectorielles et géographiques, fixées par la réunion du CICID de février 2018 : santé, climat et biodiversité, égalité entre les femmes et les hommes, éducation, attention particulière à l'Afrique, concentration de l'aide sur les 19 pays prioritaires, etc.

Il insiste moins, même si cette dimension est bien sûr présente, sur l'aspect partenarial, lequel a été fortement développé sous l'empire du précédent COM et constitue l'un des fruits de celui–ci. Il reprend en revanche et insiste encore sur l'effort financier indispensable en direction de l'Afrique. Il fixe ainsi une cible de 15,5 milliards d'euros cumulés sur la durée du COM pour les autorisations de financements dédiées au développement du continent africain (contre 12,5 milliards d'euros prévus dans le COM 2017-2019).

Le présent COM s'attache aussi à remédier à certaines faiblesses du contrat précédent. Les développements purement rédactionnels ont été réduits. La lisibilité est accrue grâce à une hiérarchisation des objectifs, avec deux objectifs généraux, complétés chacun par cinq objectifs spécifiques. Le COM 2017-2019 comportait des cibles fixées seulement en montants, insensibles donc à la variation de l'activité. Dans le nouveau COM, au contraire, de nombreuses cibles sont exprimées en pourcentages. Surtout, le nombre d'indicateurs (qu'il s'agisse d'indicateurs d'activité ou d'indicateurs de résultat) est augmenté de 27 à 47. Ce nombre de 47 me paraît satisfaisant. Avec seulement 27, nous ne pouvions mettre en œuvre un pilotage précis. Au-delà de cinquante, nous risquerions de tomber dans un contrôle excessivement tatillon, source de paralysie, avec une revue de contrat lourde, qui perdrait certainement en dynamisme.

Outre le nombre accru d'indicateurs et leur fixation en pourcentage, plusieurs autres améliorations notables, par rapport au précédent COM, sont à saluer.

Le COM 2020-2022 acte ainsi le passage progressif d'un pilotage par les engagements à un pilotage par les signatures et les versements. Comme le dit le texte du contrat lui-même, il y a là un véritable changement de paradigme. Ce qui compte en effet, ce ne sont pas d'abord les projets qui reçoivent l'aval du conseil d'administration, lesquels restent encore au stade des potentialités, mais bien les signatures et surtout les déboursements, qui concrétisent les engagements pris. Le COM invite ainsi à stabiliser les octrois et à redoubler d'efforts en matière de versements. À ce sujet, il faut saluer les efforts déjà effectués en pratique par l'Agence pour raccourcir les délais entre les engagements et les signatures.

Autre amélioration notable, le COM 2020-2022 adopte, plus que celui qui l'a précédé, une approche fondée sur le groupe AFD. Comme le dit son préambule, ce COM « traite l'AFD, Proparco et Expertise France, comme une entité stratégiquement, opérationnellement et fonctionnellement intégrée ». De nombreux indicateurs prévus s'appliquent non seulement à l'AFD, mais aussi à Proparco, sa filiale dédiée au soutien au secteur privé, et à Expertise France, dont on sait que la loi récemment adoptée fait une société par actions simplifiée, entièrement détenue par l'Agence française de développement.

Le COM 2020-2022 tend par ailleurs à renforcer l'évaluation et la transparence des projets de développement financés par l'AFD. Outre des indicateurs d'impact, qui contribuent par nature à la redevabilité, deux indicateurs spécifiques sont prévus par le COM. D'une part, 50 % des projets financés achevés seront évalués chaque année. D'autre part, le groupe AFD construira et publiera en 2021 une politique d'évaluation à l'échelle du groupe. Le COM demande aussi qu'au moins 80 % des financements du groupe AFD soient publiés sur le site opendata.afd.fr. Ces éléments apparaissent essentiels alors que la commission d'évaluation de l'aide publique au développement prévue par la loi récemment adoptée verra bientôt le jour. Cette commission qui sera chargée de conduire des évaluations portant sur l'efficience, l'efficacité et l'impact des stratégies, des projets et des programmes d'aide publique au développement financés ou co‑financés par la France.

Le présent COM se caractérise enfin par une meilleure prise en compte des enjeux climatiques et par un renforcement du pilotage des dons, avec de nombreuses cibles sectorielles dédiées.

Tous ces points, aussi bien sur le fond que sur la forme, font de ce contrat un document de qualité, lisible et opérationnel. Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne suscite aucun point de vigilance ou d'attention. L'activité de l'Agence a beaucoup augmenté au cours des années passées. Le COM 2017-2019 a été un COM de croissance. Le COM 2020-2022 doit être pour l'Agence un COM de maîtrise de ses charges et de transformation.

L'État attend de l'AFD, comme le rappelle le contrat, « la maîtrise de ses charges de fonctionnement, en particulier de personnel » et « l'amélioration de son coefficient d'exploitation à terme », de manière à consolider son modèle économique.

Ensuite, le groupe AFD doit relever le défi de l'évaluation, faire aboutir le processus engagé de déconcentration des décisions dans le réseau et concrétiser les synergies au sein du groupe. Le groupe doit aussi réussir l'intégration d'Expertise France tout en garantissant l'autonomie opérationnelle de celle-ci. Le COM prévoit d'ailleurs des objectifs de convergence entre les trois entités du groupe, avec une méthodologie d'analyse du développement durable commune et une liste d'exclusion actualisée et harmonisée.

L'AFD doit enfin mener à bien une réforme du statut du personnel pour l'Agence et pour Proparco. Le statut actuel apparaît en effet daté. Un certain nombre d'outils de gestion des ressources humaines, plus incitatifs et plus dynamiques, font aujourd'hui défaut. L'AFD a connu au cours des 25 dernières années une évolution significative de ses missions, de ses moyens, de ses effectifs et de ses modalités d'intervention, évolution que ne reflète pas le statut en vigueur.

Sur tous ces points, l'État, mais aussi le Parlement, avec au premier chef notre commission des affaires étrangères, doivent se montrer vigilants. Nous le serons en effet grâce à nos collègues qui siègent au conseil d'administration, grâce aussi à nos rapporteurs budgétaires, à travers également nos auditions, notamment celle du ministre des Affaires étrangères, et enfin bien sûr au moment où il s'agira de dresser le bilan du présent COM. Dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique, nous veillerons en particulier à ce que l'AFD, dans les différentes instances de contrôle ou d'information, apporte à ses interlocuteurs tous les éléments nécessaires qui permettraient de déceler dès que possible un retard pris dans l'atteinte de ses objectifs.

Dernier point de vigilance, la crise sanitaire n'ayant plus le caractère de surprise qu'elle avait au printemps 2020, et la loi de programmation relative au développement solidaire devant être prochainement promulguée, il ne devrait pas y avoir de raison pour que le prochain COM soit soumis à notre commission plus tard qu'à l'automne 2022.

Ces points d'attention ayant été rappelés, je vous invite à émettre un avis favorable à la signature du présent contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et le groupe AFD.

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