La séance est ouverte à 15 heures.
Présidence de Mme Isabelle Rauch, vice-présidente.
Présentation, ouverte à la presse, par M. Frédéric Barbier de l'avis sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens 2020-2022 de l'Agence française de développement.
Mes chers collègues, le Parlement a été saisi le 11 juin dernier du projet d'objectifs et de moyens (COM) 2020-2022 de l'Agence française de développement (AFD). Les commissions permanentes compétentes de chaque assemblée disposent d'un délai de six semaines pour donner, si elles le souhaitent, un avis sur ce document.
Notre rapporteur chargé de suivre le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD a souhaité présenter un avis sur ce nouveau contrat. Celui-ci, passé entre l'État et l'AFD, a la particularité d'avoir été préparé dans une version initiale avant le dépôt du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui a été adopté définitivement aujourd'hui même, après la lecture qu'a faite ce matin le Sénat des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP).
Ce contrat 2020-2022 a toutefois été adapté aux nouvelles ambitions affichées par ce projet de loi. Il préparera non seulement la réalisation de l'objectif qui consiste à consacrer 0,55 % du revenu national brut à l'aide publique au développement, mais également la mise en œuvre des nouvelles priorités de l'aide française, et en particulier les trois cibles prévues par l'article 1er de la future loi, à savoir la priorité donnée à la composante bilatérale de l'aide française (65 % en moyenne sur 2022-2025), la part prépondérante des dons (à hauteur de 70 % en moyenne sur 2022-2025) et l'objectif de 25 % de l'aide pays programmable (APP) concentrés sur les 19 pays prioritaires.
Ce contrat intégrera également les nouvelles priorités sectorielles et géographiques permettant d'assurer l'intégration d'Expertise France dans le groupe AFD. Il devra également s'insérer dans le nouveau cadre de redevabilité prévu par la loi et sur lequel notre assemblée, comme le Sénat, a beaucoup apporté d'éléments nouveaux.
Il m'appartient de vous présenter aujourd'hui le projet de contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence française de développement pour la période 2020-2022, projet sur lequel nous sommes invités à nous prononcer.
Ce contrat d'objectifs et de moyens précise les principales attentes de l'État vis-à-vis à vis de l'opérateur chargé de mettre en œuvre les priorités de la politique française de développement.
Ce COM arrive à un moment clé puisque nous venons d'adopter définitivement le projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales qui, sept ans après la loi de 2014, renouvelle profondément le champ de l'aide au développement. Ce domaine connaît un foisonnement de réflexions et d'initiatives, en particulier depuis l'engagement pris par le président de la République en juillet 2017 de porter l'aide au développement à 0,55 % du revenu national brut en 2022, suivi quelques mois plus tard par la réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018 qui a donné une nouvelle impulsion à cette politique.
Notre commission et ses membres ont d'ailleurs largement pris leur part de ce foisonnement, avec le rapport d'Hervé Berville sur la modernisation de la politique partenariale de développement, le rapport d'information de Bérengère Poletti et de Rodrigue Kokouendo, les avis budgétaires d'Hubert Julien-Laferrière et de Valérie Thomas, mais également le travail préparatoire à la loi effectué par Marielle de Sarnez avec le président Christian Cambon et tout le travail d'amendement effectué sur le texte législatif récemment voté.
C'est dans ce contexte que ce projet de contrat nous est aujourd'hui soumis. Ce COM est issu d'un long processus d'échanges et de co–construction entre l'Agence et ses trois tutelles : le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, le ministère de l'Économie et des Finances et le ministère des Outre-mer.
Il fait suite au COM 2017-2019 et, comme lui, il nous est présenté tardivement puisque la moitié de la période sur laquelle il porte est déjà écoulée. Cela dit, dans le cas d'espèce, il faut bien reconnaître que ce retard s'explique au regard des circonstances. Il était légitime de vouloir attendre l'adoption du projet de loi sur l'aide au développement pour présenter ce COM. Or le dépôt du projet de loi, annoncé puis repoussé, a entraîné le report du COM lui-même. En outre, le déclenchement de la pandémie de Covid–19 au tout début de l'année 2020, avec ses conséquences à la fois sur l'activité de l'Agence et sur la situation sanitaire, économique et sociale des pays partenaires, a conduit à revoir dans une large mesure les indicateurs inscrits dans le contrat d'objectifs et de moyens.
La réponse à la crise de la Covid–19 fait ainsi partie intégrante du présent COM à travers plusieurs indicateurs. L'un fixe à 10 % la part des autorisations d'engagement en subventions de l'AFD et de Proparco dans le secteur de la santé et de la protection sociale. L'autre fixe à 10 % en 2020, puis à 3 % en 2021 et 2022, la part des autorisations de financements dans le secteur de la santé et de la protection sociale et en réponse aux crises sanitaires. Le COM précise par ailleurs qu'« une redevabilité spécifique sur la réponse globale du groupe AFD à la crise Covid-19 sera régulièrement faite lors des conseils d'administration de l'AFD ainsi qu'auprès des administrations et du Parlement ». Rappelons également que l'AFD a pris sa part de la lutte contre la pandémie dès avril 2020 en mettant en œuvre son initiative Covid-19 Santé en Commun, destinée à soutenir le dépistage, la prise en charge et la surveillance épidémiologique dans les pays prioritaires.
L'attente de l'adoption du projet de loi a permis d'intégrer les apports de la discussion parlementaire dans la version du COM soumise à notre examen. C'est ainsi que l'objectif en matière de « co-bénéfice genre » a été rehaussé par rapport à la version initiale du projet de contrat, de même que l'objectif de concentration de l'activité en Afrique.
Le présent COM se situe à beaucoup d'égards dans le prolongement du précédent. Comme lui, il se fonde sur les grandes priorités, à la fois sectorielles et géographiques, fixées par la réunion du CICID de février 2018 : santé, climat et biodiversité, égalité entre les femmes et les hommes, éducation, attention particulière à l'Afrique, concentration de l'aide sur les 19 pays prioritaires, etc.
Il insiste moins, même si cette dimension est bien sûr présente, sur l'aspect partenarial, lequel a été fortement développé sous l'empire du précédent COM et constitue l'un des fruits de celui–ci. Il reprend en revanche et insiste encore sur l'effort financier indispensable en direction de l'Afrique. Il fixe ainsi une cible de 15,5 milliards d'euros cumulés sur la durée du COM pour les autorisations de financements dédiées au développement du continent africain (contre 12,5 milliards d'euros prévus dans le COM 2017-2019).
Le présent COM s'attache aussi à remédier à certaines faiblesses du contrat précédent. Les développements purement rédactionnels ont été réduits. La lisibilité est accrue grâce à une hiérarchisation des objectifs, avec deux objectifs généraux, complétés chacun par cinq objectifs spécifiques. Le COM 2017-2019 comportait des cibles fixées seulement en montants, insensibles donc à la variation de l'activité. Dans le nouveau COM, au contraire, de nombreuses cibles sont exprimées en pourcentages. Surtout, le nombre d'indicateurs (qu'il s'agisse d'indicateurs d'activité ou d'indicateurs de résultat) est augmenté de 27 à 47. Ce nombre de 47 me paraît satisfaisant. Avec seulement 27, nous ne pouvions mettre en œuvre un pilotage précis. Au-delà de cinquante, nous risquerions de tomber dans un contrôle excessivement tatillon, source de paralysie, avec une revue de contrat lourde, qui perdrait certainement en dynamisme.
Outre le nombre accru d'indicateurs et leur fixation en pourcentage, plusieurs autres améliorations notables, par rapport au précédent COM, sont à saluer.
Le COM 2020-2022 acte ainsi le passage progressif d'un pilotage par les engagements à un pilotage par les signatures et les versements. Comme le dit le texte du contrat lui-même, il y a là un véritable changement de paradigme. Ce qui compte en effet, ce ne sont pas d'abord les projets qui reçoivent l'aval du conseil d'administration, lesquels restent encore au stade des potentialités, mais bien les signatures et surtout les déboursements, qui concrétisent les engagements pris. Le COM invite ainsi à stabiliser les octrois et à redoubler d'efforts en matière de versements. À ce sujet, il faut saluer les efforts déjà effectués en pratique par l'Agence pour raccourcir les délais entre les engagements et les signatures.
Autre amélioration notable, le COM 2020-2022 adopte, plus que celui qui l'a précédé, une approche fondée sur le groupe AFD. Comme le dit son préambule, ce COM « traite l'AFD, Proparco et Expertise France, comme une entité stratégiquement, opérationnellement et fonctionnellement intégrée ». De nombreux indicateurs prévus s'appliquent non seulement à l'AFD, mais aussi à Proparco, sa filiale dédiée au soutien au secteur privé, et à Expertise France, dont on sait que la loi récemment adoptée fait une société par actions simplifiée, entièrement détenue par l'Agence française de développement.
Le COM 2020-2022 tend par ailleurs à renforcer l'évaluation et la transparence des projets de développement financés par l'AFD. Outre des indicateurs d'impact, qui contribuent par nature à la redevabilité, deux indicateurs spécifiques sont prévus par le COM. D'une part, 50 % des projets financés achevés seront évalués chaque année. D'autre part, le groupe AFD construira et publiera en 2021 une politique d'évaluation à l'échelle du groupe. Le COM demande aussi qu'au moins 80 % des financements du groupe AFD soient publiés sur le site opendata.afd.fr. Ces éléments apparaissent essentiels alors que la commission d'évaluation de l'aide publique au développement prévue par la loi récemment adoptée verra bientôt le jour. Cette commission qui sera chargée de conduire des évaluations portant sur l'efficience, l'efficacité et l'impact des stratégies, des projets et des programmes d'aide publique au développement financés ou co‑financés par la France.
Le présent COM se caractérise enfin par une meilleure prise en compte des enjeux climatiques et par un renforcement du pilotage des dons, avec de nombreuses cibles sectorielles dédiées.
Tous ces points, aussi bien sur le fond que sur la forme, font de ce contrat un document de qualité, lisible et opérationnel. Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne suscite aucun point de vigilance ou d'attention. L'activité de l'Agence a beaucoup augmenté au cours des années passées. Le COM 2017-2019 a été un COM de croissance. Le COM 2020-2022 doit être pour l'Agence un COM de maîtrise de ses charges et de transformation.
L'État attend de l'AFD, comme le rappelle le contrat, « la maîtrise de ses charges de fonctionnement, en particulier de personnel » et « l'amélioration de son coefficient d'exploitation à terme », de manière à consolider son modèle économique.
Ensuite, le groupe AFD doit relever le défi de l'évaluation, faire aboutir le processus engagé de déconcentration des décisions dans le réseau et concrétiser les synergies au sein du groupe. Le groupe doit aussi réussir l'intégration d'Expertise France tout en garantissant l'autonomie opérationnelle de celle-ci. Le COM prévoit d'ailleurs des objectifs de convergence entre les trois entités du groupe, avec une méthodologie d'analyse du développement durable commune et une liste d'exclusion actualisée et harmonisée.
L'AFD doit enfin mener à bien une réforme du statut du personnel pour l'Agence et pour Proparco. Le statut actuel apparaît en effet daté. Un certain nombre d'outils de gestion des ressources humaines, plus incitatifs et plus dynamiques, font aujourd'hui défaut. L'AFD a connu au cours des 25 dernières années une évolution significative de ses missions, de ses moyens, de ses effectifs et de ses modalités d'intervention, évolution que ne reflète pas le statut en vigueur.
Sur tous ces points, l'État, mais aussi le Parlement, avec au premier chef notre commission des affaires étrangères, doivent se montrer vigilants. Nous le serons en effet grâce à nos collègues qui siègent au conseil d'administration, grâce aussi à nos rapporteurs budgétaires, à travers également nos auditions, notamment celle du ministre des Affaires étrangères, et enfin bien sûr au moment où il s'agira de dresser le bilan du présent COM. Dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique, nous veillerons en particulier à ce que l'AFD, dans les différentes instances de contrôle ou d'information, apporte à ses interlocuteurs tous les éléments nécessaires qui permettraient de déceler dès que possible un retard pris dans l'atteinte de ses objectifs.
Dernier point de vigilance, la crise sanitaire n'ayant plus le caractère de surprise qu'elle avait au printemps 2020, et la loi de programmation relative au développement solidaire devant être prochainement promulguée, il ne devrait pas y avoir de raison pour que le prochain COM soit soumis à notre commission plus tard qu'à l'automne 2022.
Ces points d'attention ayant été rappelés, je vous invite à émettre un avis favorable à la signature du présent contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et le groupe AFD.
Je vous remercie pour cette présentation du nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD. Ce document constitue une feuille de route qui doit permettre de réaliser les objectifs ambitieux de la France et d'atteindre le seul de 0,55 % du revenu national brut consacré à l'aide au développement en 2022. Il donne les moyens à l'AFD de toucher plus efficacement les pays et publics prioritaires que la loi nous a permis de mieux cibler. Je me réjouis en particulier que des objectifs spécifiques, en particulier financiers, aient été fixés en faveur du continent africain, de l'éducation des filles, de la santé mondiale et du climat.
Ce COM porte par ailleurs sur les activités du groupe AFD dans son ensemble. J'en suis heureuse, car je suis également attentive aux objectifs fixés à la filiale Proparco, pour ce qui est notamment de l'appui au secteur privé en Afrique.
Je salue enfin et surtout le changement de paradigme que vous évoquez, à savoir le passage à un pilotage moins axé sur les octrois et les engagements que sur les signatures et les versements. La question des décaissements et des délais de ceux-ci m'a toujours semblé primordiale en tant que membre du conseil d'administration de l'AFD. J'ai évoqué ce sujet à plusieurs reprises dans le cadre des travaux de notre commission, mais également avec les autorités des pays africains de ma circonscription, à l'occasion de mes déplacements. En effet, notre contribution à l'aide au développement d'un pays ne peut être effective que lorsque les crédits sont bel et bien décaissés.
Ce COM prévoit pour la période 2020-2022 un montant de versements cumulés du groupe AFD de 24 milliards d'euros en prêts et subventions. Je note avec satisfaction que les versements en 2020 se sont montés à 8,8 milliards d'euros, soit 37 % des objectifs du COM. Ce bon résultat s'explique notamment par l'exécution d'engagements pris en 2019 et la mise en place de projets de décaissement rapides. En ce sens, je félicite l'AFD pour sa réactivité face à la crise de la Covid-19.
Monsieur le rapporteur, vous semble-t-il que ce COM permettra à l'AFD d'atteindre ses objectifs en matière de versement sur la période 2020-2022 et de réaliser ce changement de paradigme ?
Je partage la totalité des remarques du rapporteur.
La France souhaite revenir aux premiers rangs en matière d'aide publique au développement. Le texte de loi a été attendu, et son retard provoque d'autres retards, dont celui de l'examen du COM 2020-2022. Le précédent contrat d'objectifs et de moyens n'avait pu être examiné qu'avec un retard plus grand encore, ce qui avait du reste suscité vos protestations, monsieur le rapporteur. La crise sanitaire a des conséquences sanitaires mais également économiques et sociales dans les pays pauvres, ce qui obligera l'AFD à s'adapter et se transformer.
Etant donné que le COM nous est systématiquement présenté en retard, sa durée n'est peut-être pas appropriée. Il pourrait durer quatre ans plutôt que trois, et nous pourrions prévoir un bilan à la moitié de la période, bilan qui serait débattu par le Parlement.
80 % des objectifs du COM précédent ont été atteints. Ils n'appellent pas de commentaire particulier. En revanche, nous devons nous interroger sur les 20 % restants, qui s'expliquent par des problèmes de décaissement des projets, notamment en Afrique. J'ai eu l'occasion de me rendre au Niger avec notre collègue Rodrigue Kokouendo, et à l'époque, au Sahel, plusieurs milliards d'euros étaient en attente de décaissement. Les circuits financiers ne sont pas toujours respectés, et le personnel administratif n'est pas toujours à la hauteur des projets, qui sont souvent de grande ampleur. Le fait de réintégrer Expertise France dans le groupe AFD permettra de mettre en place un outil supplémentaire pour soutenir les pays.
S'agissant de la maîtrise des coûts, le projet immobilier de l'AFD avoisine le milliard d'euros, ce qui est conséquent. Il pourrait s'avérer surdimensionné par rapport aux besoins, même s'il vise à rassembler cinq ou six sites différents en un même lieu et intègre Expertise France et Proparco. Nous devrions interroger l'AFD sur le sujet.
(Dem). Le fait que la présentation du COM intervienne tardivement s'explique par le contexte particulier que nous connaissons. Si les premiers échanges ont débuté dès 2019, le dépôt du document a été retardé par l'émergence de la crise sanitaire. La présentation du rapport a également été reportée en raison du projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Etant donné que ce texte apporte des moyens renforcés à la politique française de développement, il était primordial que le contrat présenté aujourd'hui tienne compte de ces apports.
80 % des objectifs fixés dans le COM 2017-2019 ont été réalisés. Je tiens à saluer les progrès accomplis en matière de développement des partenariats, sachant que l'une des ambitions du précédent contrat d'objectifs et de moyens était de développer une approche multi-acteurs, afin de créer un nouvel écosystème du développement.
L'AFD a ainsi su répondre aux objectifs qui lui étaient fixés en variant ses partenariats, aussi bien avec les banques de développement, les institutions européennes et les bailleurs internationaux qu'avec les organisations de la société civile et les collectivités territoriales.
Toutefois, l'Afrique (un espace où la France est particulièrement investie et pour laquelle les objectifs du COM précédent n'ont pas été atteints) constitue un point de vigilance. Les situations particulièrement fragiles auxquelles font face de nombreux pays africains exigent que la France exerce une politique de développement active, avec des moyens renforcés, sans quoi notre soutien ne pourra atteindre sa pleine efficacité.
C'est pourquoi notre groupe se réjouit de voir que l'Afrique demeure une priorité au sein du présent COM, tout comme les objectifs en matière de climat, de biodiversité, d'éducation et d'égalité entre femmes et hommes.
Par ailleurs, alors que notre assemblée a récemment adopté le projet de la loi climat et résilience, les pistes envisagées pour une meilleure prise en compte des enjeux climatiques apparaissent intéressantes. La création d'un indicateur portant sur la réalisation d'un bilan carbone des activités de l'AFD et la mise en place d'un bilan climat annuel constituent des avancées en ce sens.
Notre groupe apporte tout son soutien aux ambitions fixées par le COM et votera en faveur de son adoption.
La présentation du COM 2020-2022 est tardive, et je souscris à votre volonté, monsieur le rapporteur, que le prochain contrat d'objectifs et de moyens 2023-2025 soit présenté à l'automne 2022, après les élections présidentielles et législatives, et concomitamment à la présentation du projet de loi de finances pour 2023.
Nous avions porté lors de l'examen du projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales une question sur la composition du conseil d'administration de l'AFD. En effet, depuis plus d'un an, M. Dominique Potier, qui y participait régulièrement en tant que suppléant, n'y est plus invité. Nous avions adopté un amendement pour remédier à cette situation qui perdure à l'heure actuelle. L'adoption définitive de la loi doit aboutir rapidement à un retour de la représentation des groupes d'opposition au sein du conseil d'administration de l'AFD.
Par ailleurs, nos collègues sénateurs doivent adopter aujourd'hui les conclusions de la CMP sur le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Je me réjouis que le ministre des Affaires étrangères ait confirmé que les fonds rendus dans le cadre de la restitution des biens mal acquis ne se confondraient pas avec le budget de l'AFD, mais viendraient abonder les moyens de celle-ci.
Nous pouvons regretter que l'exercice du COM examiné soit largement entamé, même si nous en comprenons les raisons. Plus largement, la situation pose la question de la durée et du calendrier d'examen des contrats d'objectifs de moyens d'un certain nombre d'opérateurs.
Nous nous réjouissons de la trajectoire orientée à la hausse des moyens engagés par l'AFD, dans un contexte sanitaire et sécuritaire complexe dans un certain nombre de pays. Je salue en ce sens le travail réalisé par les équipes de l'AFD, tant à Paris que dans les agences sur le terrain, pour atteindre les objectifs visés, qui traduisent les ambitions de la France en vue d'un développement renforcé dans le monde. La dernière loi que nous avons votée sur le sujet en est une autre preuve.
Néanmoins, l'intégration d'Expertise France au groupe AFD est entourée d'un certain flou, notamment au regard du nouveau statut du personnel, qui doit être adopté en 2021. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? Le statut des nouveaux agents recrutés sera-t-il calqué sur celui des agents de l'AFD ?
Le COM ne présente que peu de précisions sur les ambitions de l'AFD en matière de relations avec les ONG et la société civile. Toutefois, le groupe Agir ensemble salue l'ambition des objectifs annoncés, en particulier vis-à-vis des délais de décaissement ou de l'engagement renforcé à l'égard de l'Afrique.
Trop souvent, le Parlement arrive après la bataille, et c'est encore le cas aujourd'hui. Notre commission a pourtant un rôle important, et mériterait d'être mieux considérée.
En outre, nous faisons face à des difficultés, en particulier en Afrique. 85 % du budget du COM est destiné à ce continent. Pourtant, l'armée française se retire progressivement dans le cadre de l'opération Barkhane. Je me demande alors comment le COM pourrait adoucir, si ce n'est pas compenser, le désengagement militaire de la France.
Par ailleurs, passer de 27 à 47 indicateurs risque de compliquer le travail de « reporting ». Nous risquons de passer beaucoup de temps à mesurer ce que nous faisons plutôt qu'à faire. Les indicateurs doivent servir à évaluer la qualité du travail des acteurs qui gèrent les fonds que nous mettons à leur disposition. Il nous faut vérifier comment ces fonds sont utilisés sur le terrain et donnent des résultats concrets, plutôt que de contrôler simplement que le travail a été réalisé selon les directions données.
Enfin, le fait d'intégrer le climat, la santé ou encore l'égalité entre femmes et hommes dans les objectifs me paraît contribuer à la qualité d'un contrat d'objectifs et de moyens et répondre aux enjeux actuels. Notre groupe votera donc en faveur de votre rapport sans difficultés.
Au cours des auditions que nous avons menées avec M. Alain David dans le cadre de notre mission d'information sur les géants du numérique, l'AFD a évoqué des financements destinés à la création d'entreprises innovantes en Afrique, où les créateurs d'entreprises numériques peinent à mobiliser des fonds pour prouver que leurs innovations répondent à des besoins réels et à trouver leurs premiers clients.
Parmi les objectifs spécifiques mentionnés dans le COM 2020-2022, nous retrouvons la contribution à la mise en œuvre des objectifs mentionnés dans le discours du président de la République à Ouagadougou en novembre 2017, et notamment le numérique en tant qu'axe de partenariat clé avec l'Afrique. Le programme digital africain identifie les start–ups prometteuses, et est censé les soutenir et accompagner le développement de l'entrepreneuriat innovant à travers le continent.
Pourtant, alors même que le plan d'orientation stratégique du groupe AFD mentionne la transition numérique (avec l'engagement de mettre la création d'entreprises innovantes au service du développement), celle–ci apparaît bien peu dans le texte que, monsieur le rapporteur, vous nous avez présenté aujourd'hui.
Par ailleurs, des questions ressortent régulièrement des échanges avec les acteurs institutionnels (par exemple l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique) : travaillez-vous avec l'AFD ? Comment se coordonner avec l'AFD ? Si, sur le papier, beaucoup de projets prévoient un travail en commun, je me demande si l'AFD souhaite réellement jouer en équipe sur le terrain du numérique, voire au-delà.
Enfin, à l'ère du télétravail, l'ampleur du projet immobilier de l'AFD peut apparaître disproportionnée.
Lors du précédent COM, nous avions des raisons d'être quelque peu fâchés, car il nous avait été présenté presque à la fin de sa période d'application. En outre, sa construction ne donnait pas satisfaction. À l'époque, nous venions d'être élus, et le travail sur le COM avait été limité.
A l'inverse, le travail démocratique de suivi de la préparation du présent COM a été organisé au travers d'un certain nombre d'instances, dont le conseil d'administration de l'Agence française de développement et la commission des affaires étrangères (qui a auditionné à plusieurs reprises le directeur général de l'AFD, M. Rémy Rioux). Nous ne pouvons prétendre que nous ne connaissions pas le projet de contrat d'objectifs et de moyens, les modifications qui ont pu y être intégrées après la crise de la Covid-19, ou encore le projet de loi sur lequel nous avons travaillé au cours des derniers mois.
Par conséquent, je vous propose d'adopter le COM, même si nous l'avons reçu tardivement, et je souhaite que nous recevions le prochain contrat plus tôt.
S'agissant des versements, ils ont progressé de 6,5 milliards d'euros en 2019 à 8,8 milliards d'euros en 2020 (soit une hausse de 35 %). Le changement de paradigme que j'évoquais, et le passage d'objectifs liés à des propositions de contrats à des objectifs de signatures et de versements, incitent l'AFD à accélérer les projets et à améliorer la transparence sur leur déploiement.
Madame Poletti, vous avez évoqué plusieurs sujets. Le COM est pluriannuel. Je reste méfiant vis-à-vis d'un éventuel allongement de sa durée, car donner plus du temps pourrait provoquer des dérives. Je préfère conserver une durée de trois ans, tout en nous montrant exigeants sur le fait qu'il doit nous être présenté à son début. En outre, le présent contrat d'objectifs et de moyen est un COM de stabilisation, après un COM 2017-2019 de croissance. Les temps politiques sont à la fois longs et courts. Un contrat court donne du dynamisme et de la réactivité, mais également la possibilité aux parlementaires d'en modifier les orientations.
En ce qui concerne l'immobilier, des règles s'appliquent aux surfaces à allouer aux salariés et aux agents. Toutefois, comme vous l'avez indiqué, madame Lenne, à l'ère du télétravail, la question de la pertinence du projet immobilier de l'AFD se pose. Elle sera étudiée par son conseil d'administration, au sein duquel siègent des parlementaires. Ce sera un point de vigilance pour eux et je transmettrai vos remarques au directeur de l'AFD.
S'agissant du taux d'atteinte de 85 % des objectifs du précédent COM, j'aime à dire que « tout ce qui est sous contrôle s'améliore ». Des revues de l'ensemble des objectifs sont réalisées. Si des dérives ou un risque de non–atteinte des objectifs sont constatés, il est important que la représentation nationale en soit informée, en particulier la commission des affaires étrangères, afin qu'elle puisse s'enquérir des actions correctives qui sont mises en œuvre pour atteindre un taux de réalisation des objectifs de 100 %.
Monsieur Fanget, vous avez raison de saluer les partenariats, car ils ne sont pas toujours aisés à mettre en œuvre, étant donné qu'ils ne concernent pas uniquement des structures françaises. Des jeux politiques peuvent parfois être engagés dans d'autres pays, sur la base d'intérêts différents de ceux de la France. Cependant, l'AFD se montre particulièrement performante en la matière. En outre, le COM rappelle la volonté de développer l'activité de l'AFD en Afrique.
Monsieur David, vous avez évoqué le retour des groupes d'opposition au sein du conseil d'administration de l'AFD et la restitution des biens mal acquis. Les moyens associés à celle-ci doivent venir abonder le budget général de l'AFD, ce qui est indiqué dans le COM. Je suis également en faveur d'une représentation démocratique la plus large possible dans les instances, car elle apporte toujours de la richesse et du débat.
Madame Kuric, je me réjouis également de la trajectoire à la hausse du COM et du travail de lisibilité demandé dans le COM à l'AFD. En ce qui concerne le statut des salariés, l'objectif n'est pas de faire correspondre le statut d'Expertise France à ceux de Proparco ou de l'AFD, mais de construire un véritable groupe, auquel nous confions de nouvelles missions et de nouveaux moyens, et de mettre en place des dispositifs incitatifs pour les agents. J'émets seulement un doute sur la possibilité d'appliquer ces nouveaux statuts dès fin 2021, sachant que nous sommes déjà en juillet. Nos collègues présents au conseil d'administration devront prêter attention à une éventuelle dérive dans cette modification des statuts, mais ceux-ci pourraient ne s'appliquer qu'en 2022.
En outre, Expertise France dispose de son propre contrat d'objectifs et de moyens. Cette distinction est préférable pour le moment, mais nous devrons nous demander s'il ne serait pas judicieux de mettre en place à terme un COM commun à l'AFD, à Expertise France et à Proparco, afin de favoriser les synergies au sein du groupe, même si les actifs des entités peuvent être différents. Un COM unique permettrait de présenter à la fois l'activité d'Expertise France et celle de l'AFD à la commission des affaires étrangères.
Par ailleurs, l'indicateur n° 44 porte sur les organisations de la société civile (OSC), et prévoit qu'un certain nombre de fonds puissent être utilisés par celles-ci.
Monsieur Clément, vous avez alimenté le débat sur le nombre d'indicateurs. Néanmoins, le groupe AFD n'est pas de petite taille. Il compte 3 000 salariés qui interviennent dans 115 pays. Le fait de disposer d'objectifs à la fois sur le fonctionnement du groupe AFD (et sa capacité à se construire) et sur l'activité dans les pays amène à augmenter le nombre d'indicateurs. Les indicateurs portant sur l'activité en propre du groupe n'en représentent que la moitié. Le fait que le groupe soit encore en cours de construction nécessite de prévoir des indicateurs supplémentaires sur les statuts, le fonctionnement interne, le regroupement, les synergies, etc. Dépasser 50 indicateurs rendrait les revues de portefeuilles difficiles à réaliser, mais une fois le groupe AFD stabilisé, le nombre d'indicateurs pourra être réduit.
S'agissant de la vérification et du reporting, une certaine transparence se met en place. Le COM reprend des engagements en matière d'évaluation de l'action de l'AFD. En outre, une commission d'évaluation est prévue. La question de faire réaliser cette évaluation par un bureau d'études ou des structures privées, ou bien par une commission impliquant des experts, s'est posée. Je pense que le projet de loi a défini une composition adaptée pour cette commission d'évaluation.
Enfin, madame Lenne, je transmettrai à l'AFD vos remarques sur le manque de dynamisme en matière de développement du numérique.
La commission émet, à l'unanimité, un avis favorable au projet de contrat d'objectifs et de moyens 2020-2022 de l'Agence française de développement.
Puis, elle autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information portant avis sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens 2020-2022 de l'Agence française de développement.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
- Mme Ramlati Ali, rapporteure sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains (n° 4338) ;
- M. Frédéric Petit, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à l'emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre (n° 4364) ;
- M. Michel Herbillon, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du Protocole d'amendement à la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (n° 4365).
La séance est levée à 15 heures 55.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Frédéric Barbier, M. Jean-Michel Clément, M. Alain David, M. Michel Fanget, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Aina Kuric, Mme Marion Lenne, Mme Bérengère Poletti, Mme Isabelle Rauch.
Excusés. - Mme Sandra Boëlle, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Frédérique Dumas, Mme Sonia Krimi, M. Jean-Paul Lecoq, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Liliana Tanguy.