Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mardi 14 septembre 2021 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chers collègues, je suis heureux de vous accueillir pour cette réunion de rentrée qui se déroule, de surcroît, en présentiel. J'espère que vous avez pris suffisamment de forces cet été pour aborder les prochaines étapes.

Vous aurez pu observer que la vieille tradition, qui veut que les étés soient souvent meurtriers et voient surgir les crises internationales les plus aiguës, ne s'est pas démentie. C'est une lutte permanente entre la fonction publique qui veut prendre ses vacances en été et la vie internationale qui s'y oppose résolument. Cette fois, l'actualité est même impressionnante. Bien évidemment, l'Afghanistan y occupe la première place, mais pas la seule. Partout, des équilibres se sont brisés, des dérives se sont amorcées, des contradictions se sont nouées, des impuissances se sont manifestées.

Nous recevons aujourd'hui M. Jean-Yves Le Drian. Demain, nous accueillerons, à la demande de certains collègues, deux grands témoins de l'action internationale de la France durant ces vingt-cinq dernières années, Alain Juppé et Hubert Védrine. Issus de camps différents mais réunis dans une approche souvent convergente des événements, ils nous feront part de leurs réflexions sur le système international. Dans l'après-midi, nous recevrons, avec nos collègues de la commission de la défense, notre vaillant ambassadeur à Kaboul, David Martinon, qui a rempli son rôle avec dignité, courage et efficacité. Il a fait preuve d'un dévouement au bien public auquel nous devons rendre hommage. Il nous permettra, et c'est précieux, de comprendre la crise afghane de l'intérieur.

Cette semaine de rentrée pour notre commission est assez équilibrée. Aujourd'hui, nous nous penchons sur l'action internationale de la France telle qu'elle est menée actuellement. Demain matin, la réflexion sera plus prospective et dans l'après-midi, nous reviendrons sur la situation concrète en Afghanistan. Nous sortirons de ces réunions plus savants que nous ne le sommes aujourd'hui – même si les parlementaires sont, par définition, omniscients !

Cher Jean-Yves Le Drian, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Depuis le 15 août, nous sommes en contact régulier. Vous avez même devancé la demande des présidents des commissions parlementaires concernées, Christian Cambon, Françoise Dumas et moi-même, pour réunir en visioconférence leurs bureaux et faire le point sur la situation au cœur de la crise.

Grâce à votre longue expérience de parlementaire, vous avez toujours eu à cœur de respecter le Parlement, en particulier son droit à l'information. Vous n'avez pas failli à cette responsabilité durant les dernières semaines très éprouvantes que vous avez vécues. Nous les avons vécues, nous aussi, par procuration. Notre collègue Mme Lakrafi et moi avons d'ailleurs pu accompagner le voyage que vous avez fait avec le Président de la République à Bagdad. J'ai ainsi été témoin de l'émotion avec laquelle vous avez été accueilli à Erbil, dans ces terres kurdes irakiennes, par des personnalités kurdes qui avaient combattu Daech. Vous étiez ministre des armées, à l'époque, et la France s'était mobilisée avec une grande efficacité, plantant très profondément des graines dans ces terres. Il est heureux que le Président de la République ait manifesté la volonté de la France de rester impliquée dans cette région du monde, au moment où notre grand allié quittait l'Afghanistan dans des conditions désastreuses.

Vous l'imaginez aisément, nous avons beaucoup de questions à vous poser, monsieur le ministre. Concernant le passé, comment une erreur stratégique aussi monumentale a-t-elle pu être commise pendant si longtemps, conduisant la première puissance militaire du monde dans cette situation absurde ? Que penser, par ailleurs, du fonctionnement de l'Alliance ? C'était une opération de l'OTAN et la coordination a été désespérément nulle. S'agissant du présent, quel comportement devons-nous adopter à l'endroit des « nouvelles autorités » afghanes ? Ceux qui me connaissent savent que je suis d'un naturel sceptique : l'idée d'un gouvernement inclusif et respectueux des femmes, des tribus et des différences ne m'a jamais convaincu. Que faut-il faire face à ce pouvoir très déplaisant qui plonge la population dans la peine ? Nous ne sommes pas là pour financer des dictatures, mais comment utiliser les leviers dont nous disposons pour aider ceux qui n'ont pas pu partir à temps compte tenu des conditions effroyables dans lesquelles les Américains se sont retirés d'Afghanistan ? Comment gérer l'aide humanitaire ou l'argent ? Que pouvons-nous demander en contrepartie ? Nous avons envoyé une lettre au Père Noël aux talibans, mais il est bien évident que ces derniers n'y croient pas, au Père Noël.

Nous nous interrogeons par ailleurs quant à l'avenir de la zone. C'est un tout. Les crises dans le monde musulman sont nombreuses : la situation est délicate en Tunisie, un coup d'État a eu lieu au Sahel, le Burkina Faso est en proie à de graves difficultés, le Tchad s'en sort à moitié, les relations entre l'Algérie et le Maroc sont au plus bas. Quant à l'Europe, on se demande si elle est capable de réagir. La plupart des partis politiques français ont une idée de ce que devrait faire une Europe consciente de ses responsabilités politiques mais nous ne sommes pas du tout certains que cette idée soit partagée par nos amis, y compris les plus proches, qui gèrent la situation très honnêtement mais avec d'autres préoccupations que les nôtres, beaucoup moins politiques, surtout depuis le départ des Britanniques.

Je vous laisse le choix, monsieur le ministre, parmi toutes ces questions. De toute manière, nous nous reverrons !

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